de prétexte ou de terrain (terreau) à la réflexion et aux analyses des différents
auteurs.
Parcours rapide et arrêt subjectif sur quelques extraits. Dans “Action
rationnelle et réflexivité diffuse”, Alain Bourdin montre comment cette
réflexivité diffuse –“soit la capacité qu’ont les acteurs de prendre distance
par rapport aux situations, aux codes et aux croyances” (p. 7) et qui se
caractérise notamment par l’humour, “par la référence à d’autres situations,
par l’utilisation de plusieurs définitions de la situation, c’est-à-dire l’art de
changer de registre et par la capacité d’inventer, de reconstituer les
informations manquantes ou de s’en passer, ainsi que par une intuition du
possible et du vraisemblable– est présente au cœur même de l’action
rationnelle et stratégique. Dans “Le corps automate”, Henri-Pierre Jeudy
insiste sur les écarts constants qui s’installent entre les automatismes
corporels et les interprétations que nous en construisons. Réfléchissant sur la
découverte par le même de l’altérité, l’auteur montre très clairement que
“quand le même et l’autre coïncident absolument, il n’y pour ainsi dire plus
de culture” (p. 29). Dans “Éléments pour une sociologie du grognement”,
Claude Javeau s’intéresse à ce qu’il appelle ces ténues occurrences de notre
«être au monde», c’est-à-dire de notre “être-avec-les-autres”. Traitant de ce
que les ethnométhodologues nomment les règles de surface et de
l’indexicalisation, il appelle grognement “toute manifestation visible ou
autrement décelable de l’irritation d’un actant, quelles qu’en soient
l’amplitude et la destination” (p. 32). Si on accepte, en suivant l’auteur, de
situer le grognement comme un élément rituel qui permet de faire l’économie
d’une véritable agression, ne peut-on soutenir pour le grognement ce que
Norbert Elias disait du rire –dans un livre présenté dans cette même
rubrique–: “L’une des dispositions biologiques les plus élémentaires et
universelles est la propension humaine au rire. Comme le sourire, le rire est
essentiellement une forme préverbale de communication non apprise qui, en
termes d’évolution, est vraisemblablement ancienne. Le rire est assez
malléable, c’est-à-dire modifiable à travers l’expérience, quoique sans
commune mesure avec la constitution biologique qui est la base naturelle de
la communication verbale. En tant que constitution biologique, le rire, bien
que certainement issu d’antécédents préhumains, est symptomatique du
caractère unique des êtres humains. Il indique de manière concrète comment
les constitutions biologiques servent à équilibrer les pressions et les tensions
causées par le contrôle des impulsions”1?
Dans “Le fond de l’air est frais. De quelques usages (discrets) du temps
qu’il fait”, Martin de la Soudière montre comment ce temps qu’il fait
intervient dans nos communications ordinaires, dans nos constructions
imaginaires, dans l’expression de nos humeurs et comment nous arrivons,
souvent à notre insu, à “jouer avec la météo”. La météo participe à la fois du
1 N. ELIAS, E. DUNNING, Sport et civilisation. La violence maîtrisée, Paris, Fayard,
1994, p. 80-81.