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éditions successives de son traité d’ontologie. De cette évolution, qui est liée à l’adhésion de
Clauberg au cartésianisme, je ne vais pas examiner la nature et les implications dans la
production du philosophe dans son ensemble – la monographie récente de Massimiliano
Savini, Johannes Clauberg, methodus cartesiana et ontologie, Paris, Vrin, 2011, répond déjà à
cette exigence –, car j’entends plutôt en présenter le point d’arrivée, c’est à dire comment
Clauberg livre au débat postérieur sa version définitive de l’ontologie. La Metaphysica de
ente de 1664 est en effet l’édition qui paraît dans les Opera omnia de 1691 et celle qu’ont
prise en compte dans la plupart des cas les philosophes après la mort de Clauberg (1665).
Dans ce but, il est cependant nécessaire d’examiner le contenu de la première édition, les
Elementa Philosophiae sive Ontosophia de 1647, pour en souligner les aspects
problématiques, qui concernent notamment la primauté de l’ontologie et son rapport avec la
logique. La comparaison entre les différentes éditions permettra de mettre en lumière le
tournant dans la conception claubergienne de l’ontologie, car l’auteur renverse complètement
son système métaphysique, tout en conservant dans sa forme originaire le contenu de la
doctrine de l’étant. Car dans la Metaphysica de ente l’on peut entrevoir aussi bien l’effort de
légitimer l’ontologie « horizontalement » comme science autonome et dotée d’un objet
formellement cohérent que la tentative de légitimer « verticalement » la structure
métaphysique du point de vue de l’incipit même de la philosophie, qui trouve son fondement
dans le cogito cartésien. En relation avec la question de la légitimation de l’ontologie on
rencontre celle du premier principe, dont dépend la possibilité de faire de l’ontologie la
science première ou, pour le dire mieux, la prima philosophia.
II) Le deuxième chapitre de mon travail, Ontologia reale e ontologia noetica (1670-1690),
se propose d’examiner l’histoire de l’ontologie à l’époque post-claubergienne dans sa
continuité et dans sa rupture avec la tradition précédente. Même si, selon Wundt, les années
1670-1690 représentent pour la Schulmetaphysik une période de « décadence » et d’involution
pour ce qui est de la production de manuels de métaphysique, cette hypothèse ne paraît pas
confirmée en ce qui concerne les traités d’ontologie. L’emploi du terme « ontologie » (ou
ontosophia) devient commun ; il indique la science universelle de l’étant en tant qu’étant,
compris comme ce qui est commune et indifferens, puisqu’il est abstrait de toutes les
déterminations, de ce qui est spirituel et corporel, de Dieu, des créatures, des intelligences
séparées et de toutes choses.
La réflexion sur la nature de la métaphysique comme science trans et/ou post-physique
caractérise l’histoire postérieure de la métaphysique et de l’ontologie. L’un des éléments de
cette histoire est l’identité entre ontologie et prima philosophia, qui se pose comme la source
des critiques principales et du rappel à une refondation théologique de la métaphysique. Jacob
Thomasius, qui s’oppose au projet ontologique d’une science générale de l’étant pris comme
natura communis, publie la Historia variae fortunae quam disciplina metaphysica experta est,
en annexe aux Erotemata Metaphysica pro incipientibus. Il exhorte à un retour à la
métaphysique comprise comme théologie, en formulant une critique radicale de sa