Introduction
L'idée que l'instauration d'une taxation des activités polluantes pourrait
réconcilier protection de l'environnement et activité économique a été
popularisée par D. Pearce (1991) sous le terme de « double dividende » : un
premier dividende découlerait d'une rationalisation des politiques
environnementales via un signal prix ; un second proviendrait de l'allégement
des prélèvements sur le travail et le capital permis par l'émergence d'une
nouvelle base fiscale. La perspective d'un tel glissement des assiettes fiscales
apparaît déjà dans le livre blanc Croissance, Compétitivité, Emploi de l'Union
Européenne en 1994 ; elle est réactivée par les lignes directrices du conseil
européen extraordinaire de Luxembourg de novembre 1997, qui visent à
renverser la tendance à l'alourdissement des prélèvements obligatoires sur le
travail1 ; elle sous-tend enfin la récente introduction d'une Taxe Générale sur
les Activités Polluantes en France.
Cet article résume tout d'abord l'évolution des débats sur le double dividende,
en s'attachant à en souligner les lieux de consensus et les points de
controverse. Puis, à partir d'un modèle d'équilibre général statique appliqué
aux réductions des émissions de CO2, il étudie comment l'ampleur du
deuxième dividende évolue en fonction de paramètres clefs bien identifiés :
comportements de consommation énergétique, effets de substitution dans
l'appareil productif, effets d'éviction entre investissements de réduction des
émissions et autres investissements, qualité du recyclage du revenu de la taxe
nouvelle et rigidité du marché du travail. Enfin, une application numérique à la
France délimite par analyse de sensibilité le domaine d'existence d'un effet net
positif sur l'emploi et la consommation.
1 Pour fixer les ordres de grandeur, rappelons qu'en France, de 1984 à 1994, pour une
augmentation de 7% du salaire net médian à francs constants, les taxes sur le supercarburant
n'ont augmenté que de 12%, celles sur le diesel reculé de 8%, tandis que l'écart entre salaires
bruts et salaires nets croissait de 26%.
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