EXITÉ DES ÉNONCÉS DE PROBLÈMES
141
clôturer sa propriété carrée de plus de 4,5 hectares, d’un périmètre de
850 mètres. Il passe sa matinée à planter les 170 poteaux espacés de 5 mè-
tres sur lesquels il fixera le grillage dans l’après-midi. Intrigué, son voisin,
Monsieur Paul, cultivateur qui possède un champ de plus de 10 hectares,
d’un périmètre de 1 273 mètres (justement !) vient le voir le midi : il veut
aussi clôturer son champ. L’affaire est vite conclue. En effet, Monsieur Lu-
cien vend à Monsieur Paul les 1 273 mètres de grillage, à 10 F le mètre, et
s’empresse d’aller acheter 850 mètres de grillage neuf à 12 F le mètre, en
début d’après-midi. Il s’est ainsi débarrassé de 423 mètres inutiles et en-
combrants. De plus, il a gagné :
1 273 x 10 – 850 x 12 = 2 530 F.
Monsieur Paul a aussi fait une bonne affaire car s’il avait dû acheter
du grillage neuf, il aurait payé : 1 273 x (12 – 10) = 2 546 F en plus.
Dans ce scénario, la réponse 427 m est possible (il vend 850 m le mi-
di). De même pour la réponse 423 m (vente ou vol de 846 m). Seuls les for-
mateurs ont tort, car il ne peut pas dépasser 850 m. L’absence de réponse est
également valable, s’il n’y a pas eu de vente ou de vol à midi par exemple.
D’OÙ VIENT LE QUIPROQUO ?
Bien évidemment, les étudiants qui ont appliqué un principe soustrac-
tif (423 mètres ou 427 mètres) ont commis une erreur de raisonnement, puis-
que leur réponse n’était justifiée par aucun enchaînement de faits. Les com-
mentaires de Duval (1995)7 sont tout à fait pertinents. Ils illustrent deux
principes très fréquents en mathématiques :
- le principe d’économie, lequel consiste à vouloir résoudre le pro-
blème avant de le comprendre, et à faire l’économie du raisonnement. L’in-
dication « il y en a 423 mètres de moins que le matin » (1) les incitait forte-
ment à écrire : 850 – 423 = 427. Il aurait suffi d’écrire : « il y en avait 423 m
de plus le matin » (2), ce qui est la même chose, pour qu’avec un bel ensem-
ble tous répondissent : 850 + 423 = 1273, ce qui aurait été tout aussi faux,
puisque cela ne reposait sur aucun scénario... , sauf celui des formateurs que
les étudiants ne pouvaient pas deviner8.
- le principe de cohérence, lequel implique que les étudiants, dans un
deuxième temps, ont perçu l’une ou l’autre des deux incohérences. Ils ont dû
choisir de transformer l’énoncé pour supprimer l’incohérence de quantité de
grillage en faisant abstraction de celle de temps (30 %), soit l’inverse
7 Cf. p. 124.
8 Il serait d’ailleurs intéressant de proposer les deux versions du problème à deux groupes différents
et de comparer les pourcentages de réponses. Je suis prêt à parier que la réponse 1273 sera majoritaire
dans le deuxième cas.