DÉPARTEMENT D’HISTOIRE Faculté des lettres et sciences humaines Université de Neuchâtel ANALYSE DE SOURCES ICONOGRAPHIQUES par MARILYNE BLAIS Recherche documentée présentée dans le cadre de la rédaction de « Petit mémoire » MADAME SOPHIE DELBARRE-BÄRTSCHI Neuchâtel Janvier 2011 Table des matières 1. Introduction ........................................................................................................................3 2. Rappel historique ................................................................................................................4 3. Description du guerrier hoplite ...........................................................................................6 4. Description des croyances mythologiques envers les dieux .................................................7 5. Sacrifices et divers rituels ...................................................................................................9 6. Étapes des rituels pour le combat ...................................................................................... 11 7. Remise en question des croyances religieuses par rapport aux penseurs ............................ 12 8. Art grec ............................................................................................................................ 14 8.1. Formes des vases ....................................................................................................... 15 8.2. Évolution de la peinture sur les vases grecs ................................................................ 16 8.3. Style attique à figures noires (600-480 av. J.-C., environ) .......................................... 17 8.4. Style attique à figures rouges (530-520 av. J.-C., environ) .......................................... 17 8. 5. Les peintres ............................................................................................................... 18 9. Remise en contexte des sources iconographiques .............................................................. 20 10. Conclusion...................................................................................................................... 28 11. Annexe ........................................................................................................................... 30 1. Introduction Salamine Les trois historiens principaux nous informant sur la période classique sont Hérodote, Thucydide et Xénophon. Le thème principal qu’ils abordent est celui de la guerre. Ce n’est pas sans raison, puisque pendant près de deux siècles, Athènes est entrée en guerre deux années sur trois. Pour comprendre le monde grec, il est donc intéressant de regarder de plus près certaines facettes de la guerre. Elle est perçue comme étant naturelle et faisant partie intégrante de la culture des Grecs. L’éducation des jeunes citoyens masculins allait de pair avec l’éducation militaire. En effet, l’esprit de compétition et d’affrontements entre les individus était présent dans les procès, les débats de l’assemblée, les jeux sportifs et bien d’autres. Au niveau religieux, des concours étaient parfois organisés en l’honneur des divinités. Les rituels, les croyances, les offrandes, les représentations iconographiques et l’ensemble des pratiques religieuses sont omniprésents en temps de guerre1. Comment l’historien peut-il en apprendre davantage sur cette société en temps de guerre à partir des représentations iconographiques retrouvées ? Son travail consiste non seulement à analyser les œuvres au premier plan, c’est-à-dire de les détailler, mais aussi de faire des liens entre les sources afin de les replacer dans leur contexte historique et d’en tirer des conclusions. C’est ainsi que le dossier suivant a pour but d’analyser le thème de la guerre, fortement présente dans l’ensemble des représentations iconographiques grecques, à partir de l’analyse de trois peintures sur vase. D’abord, un portrait historique des événements qui sont survenus à l’époque des peintures analysées sera dressé, dans le but de comprendre l’ensemble du sujet. Aucun lien ne sera fait à ce niveau par rapport aux représentations iconographiques. Ensuite, les trois figures seront présentées et détaillées. C’est par la suite que les informations historiques trouvées précédemment serviront à tenter de replacer dans leur contexte les trois figures, tout en dressant des hypothèses quant à leur signification. On peut remarquer quelques répétitions quant aux informations mentionnées auparavant, mais cela fait partie de la démarche de remise en contexte des œuvres. Finalement, des liens entre les images seront faits. Le dossier aurait pu être organisé de sorte que les figures soient présentées dès le début, mais l’ordre choisi permet de comprendre le déroulement de la démarche et la méthode utilisée pour la compréhension des peintures et l’évolution du dossier. 1 Orrieux, Claude et Pauline Schmitt Pantel, Histoire grecque, Paris : PUF, 2008, pp. 175-177. 2. Rappel historique Afin de remettre ces sources iconographiques dans leur contexte historique, les événements sous la période de 500 à 479 av. J.-C. en Grèce classique seront brièvement décrits. Il sera possible de vérifier si les dates des représentations iconographiques concordent avec les événements. Vers 500 av. J.-C., les cités de l’Ionie et de l’Empire perse prennent de l’expansion (voir carte 1 en annexe). Les Perses, provenant de Mésopotamie et d’Iran, demandent un tribut aux territoires conquis, ce qui leur permet d’avoir une armée puissante. Leur armée est constituée de guerriers au sol, détenant une lance et une épée, d’archers, ainsi que de cavaliers pour la noblesse. Quant aux Grecs, ils possèdent seulement une armée au sol, formée d’hoplites. Les cités de l’Ionie sont conquises et deviennent des provinces perses. En 499 av. J.-C., celles-ci sont influencées par le système isonomique de Clisthène et se révoltent contre l’Empire perse afin d’obtenir plus d’autonomie. Les Ioniens connaissent la défaite en 498 av. J.-C., lorsqu’Éphèse est rasée. En 497 av. J.-C., les Perses prennent possession de l’Hellespont et du Propontide. Entre 520 et 490 av. J.-C., ils se constituent une flotte navale. En 490 av. J.-C., ils soumettent également Naxos, les Cyclades et l’Érétrie, territoire proche d’Athènes, qui va se décider à combattre l’ennemi2. Le conflit se solde par la bataille de Marathon en 490 av. J.-C., opposant l’armée athénienne sous Miltiade à l’armée perse sous Darius 1er (voir carte 2 en annexe). Cette bataille se termine par la victoire des Athéniens, engendrant de lourdes conséquences pour les événements à venir. Du côté des Grecs, cette bataille est l’une des causes du grand prestige attribué à Athènes qui, par la suite, exercera une hégémonie sur le monde grec en se proclamant vainqueur, sans avoir eu besoin de l’aide des autres cités. Puisque le combat au sol fut efficace, le guerrier hoplite devient un héros à l’image des Grecs. Cette victoire permettra à Athènes d’affirmer sa supériorité contre sa rivale, Sparte. Quant aux Perses, ceux-ci possèdent encore une armée puissante, en plus de leur flotte navale. Darius a tout de même réussi à prendre possession de l’ensemble des îles de la mer Égée. Le roi meurt en 486 av. J.C. et cède le trône à son fils Xerxès, qui veut prendre sa revanche contre les cités grecques3. À partir de 485 av. J.-C., les Perses entament une préparation de quatre ans pour une éventuelle revanche contre les Athéniens. Xerxès soumet d’abord la rébellion des Égyptiens qui avait débutée sous Darius en 487 av. J-.C.. Il fait ensuite alliance avec la puissante cité de 2 Valobe, Philippe, La Grèce classique au Ve avant J.-C., ou l'apprentissage de la démocratie, Paris : Ed. De Vecchi, 2004, pp. 40-43. 3 Ibid., pp. 43-44. Carthage et mobilise toutes les ressources possibles afin de renforcer son armée et pour ravitailler sa flotte. Une grande armée apporte des risques de famine ou d’épidémies. Xerxès fait creuser un canal sur le mont Athos pour assurer une position stratégique à ses troupes. Cette action encourage plusieurs cités, dont Thèbes, à se rallier à l’Empire perse. Étant conscients de la menace imminente des Perses, les Grecs décident de mettre de côté leurs différents et de se réunir pour former un mouvement de résistance, mené par Athènes et Sparte. Le premier conflit armé est celui de la Bataille de Thermopyles à l’été 480 av. J.-C., qui met en œuvre le roi de Sparte Léonidas contre Xerxès. Les Thermopyles représentent le point stratégique d’entrée en Grèce du Sud. C’est pour cette raison que Léonidas et ses hommes décident d’aller à l’encontre du roi perse, en pensant avoir une chance de vaincre. Toutefois, les Perses empruntent un chemin inconnu et attaquent les Lacédémoniens à revers. Léonidas, constatant sa défaite à coup sûr, renvoie une partie de ses hommes afin de prévenir les cités voisines. Il garde avec lui trois cents soldats ; ce sacrifice fut réalisé au nom de la gloire de Sparte et pour la liberté de la Grèce4. Vers la fin de l’année 480 av. J.-C., les Perses ravagent tout sur leur passage. Les citoyens d’Athènes vont se réfugier à l’intérieur du rempart protecteur en bois de l’Acropole. Ce ne fut pas suffisant pour freiner les Perses, qui incendièrent l’emplacement. Pendant ce temps, le général spartiate Eurybiade et le stratège athénien Thémistocle débutent un combat sur mer, la Bataille de Salamine (voir carte 3 en annexe). Les Grecs prennent conscience qu’ils ne pourront pas vaincre par affrontement au sol, entre autres à cause du nombre de guerriers grecs inférieur à celui des Perses. La force des Grecs réside dans sa puissante flotte navale. Toutefois, le nombre de trières grecques est évalué à environ trois-cent-cinquante, alors que Xerxès en possède quatre fois plus. Malgré cela, Thémistocle apporte une idée qui fait pencher la balance de son côté. Sa tactique consiste à coincer les Perses dans le détroit de Salamine, qui oblige les trières ennemies à s’aligner les unes derrière les autres. Thémistocle fait croire à sa défaite définitive et fait porter le message de sa fuite. Ne doutant pas de la véracité des dires de Thémistocle, le roi perse lance ses navires dans le détroit. Ne pouvant plus rebrousser chemin et déployer leurs forces, les Grecs remportent. Malgré cette victoire, les Perses possèdent encore une armée de terre nombreuse ainsi qu’un bon nombre de trières5. 4 5 Valobe, Philippe, op. cit., pp. 45-47. Ibid., pp. 49-54. 3. Description du guerrier hoplite Comme il a été mentionné auparavant, la guerre est l’une des facettes importantes de la vie des Grecs. Puisque les images iconographiques représentent des figures guerrières, il est pertinent de bien comprendre ce que représente le guerrier hoplite. D’après plusieurs éléments tels que l’armure, il sera possible de valider s’il s’agit bien de représentations hoplitiques ou non. Avant la formation hoplitique, la chasse est une facette importante de l’éducation des jeunes guerriers. Le chasseur se nomme le crypte (kruptos), qui signifie caché. Selon l’historien P. Vidal-Naquet6, le chasseur, rusé et agile, représente le contraire de l’hoplite, armé lourdement. Selon lui, cela serait logique selon la loi de l’inversion symétrique que l’adolescent soit le contraire de ce qu’il devient à l’âge adulte. La chasse n’aurait alors aucune utilité lors des combats hoplitiques et représenterait plutôt une préparation à la vie militaire. Selon Xénophon, la chasse serait utile aux hoplites afin de leur apprendre plusieurs atouts, tels que le lancer du javelot, la ruse, la bienveillance lors de la nuit et la persévérance7. Les hoplites grecs ont pour équipement de base des cuirasses de cuir renforcées par des plaques de métal, un casque à cimier avec protection nasale, des jambières en bronze, une courte épée à double tranchant, une lance mesurant plus de deux mètres de long et un bouclier de forme circulaire. Le bouclier, habituellement fabriqué en bronze et en cuir, fait quatrevingt-dix centimètres de large et pèse environ huit kilogrammes. À l’intérieur, une double poignée permet de bien le tenir. Puisque les hoplites se tiennent les uns à côté des autres, la grande surface du bouclier permet de se protéger, ainsi que celui se tenant à côté dans le rang. Les guerriers spartiates sont considérés comme étant parmi les meilleurs, grâce à leur éducation militaire très rude, dès leur jeune âge. On les distingue au combat par leurs longs cheveux, qu’ils ont par habitude de peigner, même avant les combats. De plus, ils portent des tuniques rouges afin que le sang ne paraisse pas8. Il est intéressant d’analyser l’évolution du guerrier hoplitique afin de tenter de situer les images iconographiques le représentant dans le temps. Durant la période des Guerres Médiques, le but des batailles est de préserver le territoire et de repousser les envahisseurs, ce 6 Lonis, Raoul, Guerre et religion en Grèce à l'époque classique : recherches sur les rites, les dieux, l'idéologie de la victoire, Paris : Les Belles lettres, 1979, p. 31. 7 Ibid., pp. 31-32. 8 Valobe, Philippe, op. cit., p. 36. qui correspond bien à la tactique employée par les hoplites. Périclès9 amène une stratégie de protection urbaine et de renforcement des villes. Plusieurs enceintes urbaines seront prolongées. Quant à la cavalerie, il faut appartenir à une classe sociale assez élevée afin de posséder un cheval. La classe aristocratique est en baisse avant la guerre du Péloponnèse, pour ensuite émerger de nouveau. Les cavaliers sont alors présents dans tous les combats. Il en est de même pour les mercenaires, qui deviennent nombreux au IVe siècle10. Concernant la bataille de Marathon, il ne semble pas y avoir eu de cavaliers ni d’infanterie légère, ce qui laisse supposer qu’il s’agissait bien de combats hoplitiques. La tactique des hoplites consistait à former plusieurs rangs les uns derrière les autres afin d’avancer tous en même temps au son de la flûte vers l’ennemi, qui était forcé de reculer11. À partir de la guerre du Péloponnèse, les combats se modifient à certains niveaux. L’hoplite avait remplacé l’infanterie légère, qui refait surface. Un nouveau type de guerrier fait son apparition, le peltaste. C’est son armement qui le différencie de l’hoplite. Il porte un bouclier thrace, c’est-à-dire qui est fabriqué avec une armature en bois ou en osier, recouvert d’une peau de mouton ou de chèvre. Il est plus léger que celui de l’hoplite. Toutefois, c’est le modèle du guerrier hoplite qui est encore préconisé12. Moins lourdement armés et plus mobiles, ces nouveaux combattants sont de plus en plus nombreux. Son apparition est surtout due à une nouvelle technique qui se développe : la poliorcétique13. Raoul Lonis est d’avis que l’utilisation des hoplites n’a pas été affectée avant l’arrivée de Philippe de Macédoine, c’est-àdire vers 380 av. J.-C.. Vers 341 av. J.-C., Démosthène14 fait mention de la fin du combat hoplitique15. 4. Description des croyances mythologiques envers les dieux Beaucoup de représentations iconographiques reliées à la guerre ont des liens avec les dieux. La présence des dieux semble être omniprésente, en particulier Athéna, représentée elle-même sous forme d’une guerrière. Quelques informations sur la religion grecque et sur cette déesse permettent de faire des liens explicatifs pour comprendre les images. Les Grecs se vouent à une religion polythéiste, donc à plusieurs divinités. Les dieux se nourrissent de 9 Périclès (495-429 av. J.-C.) : stratège, orateur et homme d’État de la cité. Lonis, Raoul, op. cit., p. 16-17. 11 Ibid., pp. 15-16. 12 Orrieux, Claude et Pauline Schmitt Pantel, op. cit., pp. 177-178. 13 Poliorcétique : art de mener un siège, assiéger une ville. 14 Démosthène (384-322 av. J-C.) : homme d’État Athénien et grand orateur. 15 Lonis, Raoul, op. cit., p. 21. 10 nectar, d’ambroisie16, mais également de la fumée qui se dégage des sacrifices accomplis par les humains, ce qui explique leurs très grands nombres. Chacune des cités a un panthéon, c’est-à-dire un regroupement de divinités. Donc dépendamment des cités, la liste des dieux vénérés change. Les douze dieux olympiens résidant sur le mont Olympe sont Zeus, Héra, Poséidon, Déméter, Apollon, Artémis, Arès, Aphrodite, Hermès, Athéna, Héphaïstos et Hestia17. La religion grecque s’est développée comme plusieurs autres, à partir de l’angoisse et des peurs humaines par rapport à leur destin. La mort est également l’un des sujets principaux qui ont amené les hommes à constituer des croyances religieuses pour apaiser leurs craintes. Les dieux grecs ont été formés à l’image des hommes et de la morale à suivre. Ils sont anthropomorphes18, c’est-à-dire qu’ils se définissent par des caractéristiques humaines, tant au niveau des représentations matérielles que des passions humaines. Puisqu’ils possèdent la gamme des émotions humaines, ils peuvent intervenir pour guider les actions humaines. Immortels, les dieux habitent dans l’Olymphe et festoient autour de banquets. Plusieurs héros, des demi-dieux, vont émerger dans la littérature grecque à partir des représentations divines19. La religion grecque possède la particularité de ne pas posséder de catégories de prêtres, séparées du reste de la population. Les prêtres sont constitués des magistrats des cités, rattachés à une divinité précise et ne peuvent pas garder ce statut plus d’une année. Le prêtre recevait une partie des animaux sacrifiés, constituant une part de son salaire. Contrairement à plusieurs autres religions, les prêtres n’ont donc pas de statut supérieur leur permettant d’être influents au niveau politique20. Tâches administratives et religieuses vont de pairs entres elles. Par exemple, l’archonte-roi, ainsi que l’archonte éponyme et le polémarque accomplissent leurs tâches civiques, mais doivent également préparer les cérémonies et les sacrifices. De plus, des citoyens, appelés les épimélètes, sont élus chaque année afin de s’occuper des affaires religieuses. La seule tâche qui est confiée à des femmes est celle de l’entretien des sanctuaires. De plus, elles servent souvent d’assistantes lors des sacrifices21. 16 Ambroisie : substance mangeable appartenant aux dieux. Orrieux, Claude et Pauline Schmitt Pantel, op. cit., pp. 272-273. 18 Anthropomorphes : ce dit d’objets ou de formes de vie qui ne sont pas humaines, mais qui adoptent le comportement ou la morphologie humain. 19 Valobe, Philippe, op. cit., pp. 97-98, 102-103. 20 Ibid., pp. 97-98, 102-103. 21 Orrieux, Claude et Pauline Schmitt Pantel, op. cit., 2008, p. 281. 17 La déesse Athéna est grandement représentée, tant sur la monnaie, les vases, la peinture, les bas-reliefs et les statues. Elle est de toute évidence rattachée à la guerre, ellemême souvent représentée en tant que guerrière. Protectrice de la cité d’Athènes, elle veille sur les soldats. Son bouclier est l’un des démonstrateurs de sa fonction défensive, tandis que sa lance démontre sa fonction offensive. Elle joue un rôle dans l’éducation des jeunes garçons et filles, leur donnant les atouts pour triompher contre les futurs obstacles. Déesse principale de l’Académie22, elle protège aussi sur les adolescents lors de leur apprentissage de la chasse. Un bas-relief a été retrouvé, démontrant Athéna qui couronne un guerrier. Les chercheurs ne possèdent pas assez de renseignements pour attester de façon précise à qui renvoie la représentation du guerrier. Puisqu’il s’agit d’un couronnement symbolique, il est probable que ce soit un hoplite, récompensé pour sa bravoure. Ceci aurait également un lien entre la fonction protectrice d’Athéna envers les guerriers23. 5. Sacrifices et divers rituels Sur les représentations iconographiques, un rituel semble être accompli par un soldat. Est-ce possible qu’on sacrifie un animal en plein combat ou avant la bataille ? Quelques renseignements sur le culte religieux grec permettront de tirer quelques hypothèses. Le culte religieux s’organise la plupart du temps en prières, en sacrifices ou en purifications, afin de recevoir des faveurs en retour. En guise d’offrande, on donne de la nourriture ou on verse du vin et d’autres liquides sur l’autel. Ceux qui accomplissent le rituel sont purifiés par l’eau et portent habituellement du blanc. Quant aux fidèles, ils se purifient en priant24.La prière doit être dite à voix haute et debout afin de s’adresser aux dieux pour leurs demandes. Les combattants promettent des choses en retour, comme l’édification d’une statue en l’honneur du dieu. La libation représente l’acte de verser un liquide sur un autel ou sur le sol, souvent du vin, du lait ou de l’eau mélangée à du miel ou du vin. Le liquide est d’abord mis dans un vase pour ensuite le verser dans une coupe pour le vider au sol. On retrouve d’ailleurs des peintures sur vases démontrant l’acte. Les libations sont effectuées avant chaque sacrifice et à maintes reprises lors des banquets25. Le respect des rites religieux a pour fonction d’assurer la cohésion des membres de la communauté. La présence d’un prêtre est obligatoire quant aux rites se déroulant dans les 22 L’Académie est l’un des plus anciens gymnases d’Athènes, dans lequel s’entraînait les athlètes pour les concours sportifs. 23 Lonis, Raoul, op. cit. pp. 203-206. 24 Valobe, Philippe, op. cit., p. 106. 25 Orrieux, Claude et Pauline Schmitt Pantel, op. cit., p. 278. sanctuaires. Malgré cela, elle n’est pas nécessaire pour les sacrifices ou les libations accomplis à l’extérieur des édifices religieux26. Pouvait-on sacrifier à l’extérieur des édifices religieux ? Chez les Grecs, tout espace peut devenir un hieron, c’est-à-dire un endroit sacré. Il suffit de le clôturer ou sinon, de choisir un endroit comme une plaine où l’on sent la présence des dieux, comme avant un combat27. Bien que plusieurs personnes peuvent accomplirent le sacrifice, il est obligatoire qu’elle soit de sexe masculin, d’âge adulte et citoyen grec. Il y a deux sortes de sacrifices : les sacrifices sanglants et les non sanglants. Les sacrifices sanglants consistent à faire brûler en entier l’animal ou à l’égorger pour ensuite manger la viande et offrir la fumée aux dieux. Brûler la totalité de la victime est davantage employé pour les héros ou les morts. Quant à l’égorgement de l’animal, les os et la graisse sont brûlés pour les dieux, tandis que le reste est mangé par les hommes28. Plusieurs signaux sont analysés lors du sacrifice. On verse de l’eau sur l’animal, souvent un mouton, afin de regarder son attitude. Si l’animal baisse la tête et frissonne, c’est signe que les dieux acceptent l’offrande. Ensuite, l’un des soldats regarde les entrailles de la bête, en particulier le foie. Les rituels sont habituellement accomplis par un prêtre ou un devin. Toutefois, le chef de l’armée est en mesure d’effectuer un sacrifice et d’évaluer si les présages sont bons ou mauvais. Le résultat n’est pas à négliger, car il a un impact très grand sur les troupes. Les décisions militaires peuvent changer et le moral des hoplites est grandement influencé29. Les dieux envoient divers signaux aux hommes afin de les prévenir d’une tragédie imminente ou de leur mécontentement. Parmi les présages célestes, on retrouve les éclipses solaires ou lunaires, la foudre, les comètes et les météorites. Les tremblements de terre, le feu, les épidémies et les éboulis sont de mauvais présages. Le comportement animal est également observé. Si un aigle attrape une colombe ou que des abeilles piquent les soldats, cela peut suffire pour rebrousser chemin. Les devins analysent les rêves quand on les juge nécessaires ; il peut s’agir de rêves prémonitoires. Ces exemples ne sont qu’une infime partie de tout ce qui était jugé interprétable au niveau religieux par les Grecs. Une multitude de petits détails, tel un éternuement, pouvaient être pris en considération30. 26 Orrieux, Claude et Pauline Schmitt Pantel, op. cit.,pp. 277-278. Ibid., p. 281. 28 Ibid., pp. 278-279. 29 Ducrey, Pierre, Guerre et guerriers dans la Grèce antique, Fribourg : Office du livre, 1985, pp. 268-269. 30 Lonis, Raoul, op. cit., pp. 43-45. 27 6. Étapes des rituels pour le combat Afin de comprendre dans quel contexte se faisaient les offrandes sacrificielles, l’analyse des étapes du rituel sera abordée. Divers sacrifices se déroulent avant le départ au combat, durant le trajet et avant l’affrontement. Au niveau des sources historiques, Xénophon nous informe davantage sur les rituels entrepris par les Lacédémoniens, ce qui explique que l’on se concentre sur eux pour donner des exemples. Il en est de même pour les batailles navales, mais puisque les sources analysées nous démontrent un guerrier au sol, nous nous concentrerons sur le combat terrestre31. Chaque campagne militaire est accompagnée de plusieurs rites religieux. La consultation de l’oracle est obligatoire et l’on ne part pas en guerre sans avoir eu l’approbation des dieux à la suite de plusieurs rituels. Des trêves sacrées sont parfois entreprises, comme pour les spartiates lors de la bataille de Marathon : on ne peut engager de combat avant la pleine lune. Plusieurs sacrifices sont au préalable effectués avant le lancement du combat32. Chez les spartiates, un sacrifice à Zeus Agetor et aux dieux qui sont proches de lui est fait avant que les troupes quittent la ville. Si le sacrifice est de bon augure, les troupes marchent derrière le porteur du feu recueilli des sacrifices qui viennent d’être accomplis, jusqu’aux frontières du pays, pour ensuite refaire un autre sacrifice, dédié à Zeus et Athéna cette fois-ci. C’est seulement lorsque les deux divinités donnent leurs présages qu’ils vont quitter officiellement le pays33. Le premier sacrifice a pour but de s’assurer les faveurs des dieux quant à la décision d’entrer en guerre. Le deuxième sacrifice relève des rites de passage et confirme le début des hostilités. D’après l’analyse tes textes de Thucydide, il semblerait que du côté des Athéniens, des rituels de purifications et de prières étaient effectués, mais pas de sacrifices sanglants. Le rituel n’est peut-être pas obligatoire dans tous les cas34. Durant la marche vers l’ennemi, il faut garder en tête que tous les signes précédemment nommés, comme le vol des oiseaux, sont également considérés. Si les troupes font une pause, change de direction ou lors de toute autre prise de décision, un sacrifice est accompli afin d’avoir la permission ou l’opinion des dieux. Les obstacles naturels comme les montagnes et les cours d’eau engendrent également des sacrifices. Si les dieux sont défavorables, le chef de l’armée emprunte un chemin différent. Lorsque vient le temps 31 Lonis, Raoul, op. cit., p. 95. Valobe, Philippe, op. cit., p. 55. 33 Ducrey, Pierre, op. cit., pp. 264-266. 34 Lonis, Raoul, op. cit., pp. 95-96. 32 d’attaquer, un dernier sacrifice est effectué, permettant de prédire le succès de l’entreprise. Le général de l’armée immole la victime, généralement une chèvre, et si les présages sont favorables, le signal d’attaque est donné. Les phalanges hoplitiques sont déjà formées lors de l’accomplissement du rituel35. 7. Remise en question des croyances religieuses par rapport aux penseurs Nous venons de voir que les troupes effectuent des sacrifices en plusieurs étapes, allant même jusqu’au dernier moment de l’affrontement. Les auteurs anciens nous en apprennent davantage quant aux sacrifices effectués avant le début du combat. D’après Xénophon lors de la bataille de Némée en 394 av. J.-C., les deux armées étaient rendues très près l’une de l’autre lorsque le signal d’attaque fut enfin donné. L’adversaire quant à lui, débutait les premières attaques. Les Grecs tentaient de rester neutres jusqu’à la fin du sacrifice en se protégeant ou en ripostant légèrement. Les pertes lors de l’attente des présages ne sont pas jugées comme étant prioritaires. Thucydide explique les événements lors de la bataille de l’Olympieion en 415 av. J.-C.. Puisque le rituel s’avérait négatif à maintes reprises, la bataille était déjà amorcée, alors que les hoplites avaient l’ordre de ne pas attaquer. Les archers, les lanceurs de pierres et les premières lignes tentaient de se défendre au mieux jusqu’à ce que les sacrifices annoncent de bons présages. Les pertes peuvent donc s’avérer assez nombreuses avant l’engagement officiel du combat36. Puisque l’ennemi ne respectait pas le délai d’attente par rapport aux sacrifices, est-ce que ces croyances étaient parfois remises en cause étant donné les dégâts engendrés ? L’auteur R. Lonis est d’avis que les rites n’étaient pas remis en question par les Grecs, malgré les pertes parfois assez nombreuses avant les combats. Selon lui, les généraux des armées n’auraient pas autant persévéré afin d’obtenir des présages favorables s’ils avaient douté de la véracité de ces croyances. Parfois, les sacrifices ont prédis de bons présages, alors que les Grecs ont perdu. Ont-ils alors remis en doute leurs croyances ? Il semble que non, car les différentes interprétations qui s’en suivent permettent toujours de justifier le rituel. Voici un exemple qui le prouve : vers 424-401 av. J.-C., les soldats grecs mercenaires, appelés les DixMille, veulent détrôner le roi Perse Artaxerxès II. Avant le combat, Xénophon nous raconte qu’il accomplit lui-même un sacrifice, qui s’avéra favorable. Toutefois, ils durent battre en retraite. Le lendemain, une seconde attaque est lancée, qui cette fois, se solde par la réussite des Grecs. Xénophon n’a pas accompli ce second sacrifice avant la deuxième bataille. 35 36 Lonis, Raoul, op. cit., pp. 97-98. Ibid., pp. 98-99. Étonnamment, on ne remit pas les rites en question. Xénophon en conclut que les présages du premier sacrifice ont été réalisés, mais pas le jour même. Cet exemple en est un parmi tant d’autres, ce qui démontre la forte idéologie religieuse des Grecs37. Après avoir vu l’importance des rituels religieux, surtout en période de guerre, il est intéressant de se demander si ces croyances ont été remises en doute suite à l’évolution de la pensée des philosophes et historiens. Puisqu’en temps de guerre, les Grecs attachent une importance encore plus grande aux divers rites religieux, l’influence des philosophes est beaucoup moins perceptible. Puisque les citoyens sont en période de stress continue, leur ouverture d’esprit se rétrécit, voir même jusqu’à parler d’intolérance par rapport aux idées nouvelles. Au IVe siècle, Platon connaît une grande influence, mais durant la deuxième moitié du Ve siècle, les idées philosophiques en générales se vouent à l’échec. Si l’on prend le cas des phénomènes célestes, les physiciens ioniens ont apporté plusieurs théories découlant de causes naturelles plutôt que religieuses. Toutefois, les théories pythagoriciennes amènent l’idée d’un mouvement des astres en lien avec les âmes, formé de la même substance. Ceci explique la présence des dieux étant immortels, puisque les âmes et les astres sont aussi immortels. C’est ainsi que les croyances religieuses durant la deuxième moitié du Ve siècle, restèrent vivement actives au détriment des théories scientifiques38. Malgré l’influence des connaissances scientifiques qui se développèrent au fil des années, les croyances chez les Grecs au Ve siècle ainsi qu’à la période hellénistique restent bien ancrées. Toutefois, certains ont-ils agi au contraire de ces idées ? Le stratège Nicias aurait quant à lui décidé de suspendre le mouvement de retraite qui s’était déjà amorcé, puisque les sacrifices étaient de mauvais présages. Thucydide aurait émis sont jugement concernant cette décision, en caractérisant la décision de Nicias de naïve étant donné les circonstances. Certains doutes quant à la véracité de ces rituels sont perceptibles, surtout chez les hommes d’écritures de l’époque. Concernant la bataille de Platées en 479 av. J.-C., les nombreux sacrifices n’annonçaient rien de bon. Pausanias adressa alors une prière vers le sanctuaire d’Héra. Ensuite, les sacrifices devinrent favorables. Pausanias aurait-il agi de la sorte afin d’influencer ses compatriotes quant à l’analyse des sacrifices à venir ? C’est une hypothèse qui reste plausible. Avant la bataille de Salamine au IIe siècle, Plutarque aurait directement conseillé à Thémistocle d’interpréter à sa façon les dires prophétiques concernant 37 38 Lonis, Raoul, op. cit., pp. 100-103. Ibid., pp. 55-57. la muraille de bois. Malgré l’importance accordée au culte, certains auraient agi afin d’éclaircir de façon logique les événements, laissant de côté la fidélité envers les dieux39. La religion est au service des succès de la cité et des campagnes militaires. Les fêtes et cérémonies religieuses étaient très respectées et nombreuses, surtout à Athènes. Thucydide, autant que Périclès, n’étaient pas de grands croyants. Ils respectaient toutefois tous deux les rituels et y assistaient. Remettre en cause les croyances religieuses et les dieux est un acte allant en contradiction avec le pacte social. Socrate en est un bel exemple : il a été condamné à mort parce qu’il propageait chez la jeunesse des idées allant à l’encontre de la religion40. Des codes d’honneur sont à respecter et connus de tous, autant en Grèce que par les ennemis. Ces droits et coutumes se transmettaient uniquement par l’oralité. Les principales conventions lors des guerres sont : […] le respect de la parole donnée et celui des traités, des trêves sacrées et des périodes de fêtes religieuses, le droit garanti au vaincu de relever ses morts et de leur assurer une sépulture, l’intangibilité du trophée, symbole de la victoire sur le terrain, l’inviolabilité des lieux de culte, des pèlerins et des personnes revêtues d’une fonction religieuse (prêtres, théores, ambassadeurs) ou se plaçant sous la protection des dieux (suppliants) 41. Bien qu’ils ne fussent pas toujours respectés à la lettre, cela démontre l’importance des croyances religieuses, même en cas de conflits42. L’historien Raoul Lonis en conclut que les représentations religieuses des Grecs au IVe et Ve siècle relèvent davantage d’une pensée mettant en scène le caractère magique des événements plutôt que le côté rationnel. Quant à J. Bayet, il différencie deux sortes de présages : ceux qui sont figuratifs, relevant de la pensée magique et ceux qui sont d’origine divine. Les divers signes pouvant être rattachés aux croyances des Grecs ne relèvent pas seulement des dieux. En effet, J. Bayet et R. Lonis sont même d’avis que les présages relevant d’une pensée magique sont plus nombreux que ceux relevant directement des dieux43. Ceci démontre la complexité de l’analyse mythologique des Grecs. 8. Art grec Afin de remettre un vase grec dans son contexte historique, il faut analyser les données matérielles et ensuite le contenu iconographique. L’identification du vase débute par l’étude 39 Ducrey, Pierre, op. cit., pp. 270-271. Valobe, Philippe, op. cit., p. 103. 41 Ducrey, Pierre, op. cit., p. 282. 42 Ibid., p. 280-282. 43 Lonis, Raoul, op. cit., pp. 57-60. 40 de l’argile qui le compose, de son vernis, de sa forme et enfin de sa peinture. On a séparé la provenance des vases d’après l’argile en quatre groupes distincts : la Grèce orientale (Rhodes, Cyclades, Ionie), la Grèce centrale (Athènes, Béotie, Laconie, Crète, Corinthe), la Grèce d’Occident et l’Étrurie. Quant à Corinthe, grande productrice de céramique, la cité pourrait à elle seule composer un groupe. Pour le vernis, l’épaisseur et la transparence de la couche sont les éléments premiers qui les distinguent. Moins précise que pour l’argile, l’étude du vernis amène tout de même quelques informations supplémentaires pour dater l’objet. La forme du vase permet de nous renseigner sur l’origine de la fabrication du vase. Les reproductions, souvent réalisées avec moins de minutie, se distinguent des grands artistes d’ateliers. Mais surtout, la forme permet de replacer l’œuvre dans son contexte historique de façon chronologique, avec l’étude de l’évolution des styles (voir tableau 1 en annexe). On comptait plusieurs écoles et ateliers en Grèce, ayant chacun leur propre façon de dessiner. La décomposition stylistique permet donc de les reconnaître, apportant encore des indices chronologiques44 8.1. Formes des vases (voir figure 1 en annexe) Les vases antiques sont catégorisés d’après leur forme. On retrouve des vases servant à contenir des liquides, à boire, à effectuer des rituels religieux et d’objet personnel. Par mis les vases servant à entreposer un liquide, on retrouve l’amphore, qui est possède deux anses verticales. Ce vase contient le vin lors des cérémonies religieuses et était souvent offert en guide de trophée aux gagnants des jeux athlétiques. Athéna se retrouve la plupart du temps sur l’une des faces et l’athlète sur l’autre. Pour l’amphore, il y a plusieurs variétés de formes tout dépendamment de la grosseur de la panse. L’hydrie, aussi appelé kalpis, est un autre type de vase servant à contenir l’eau pour les femmes à la fontaine. Il comprend trois anses : deux verticales et une horizontale qui dépasse l’embouchure. L’oenochoé possède une anse très élevée et une embouchure étirée vers le haut, parfois fermé par un couvercle. Le cratère sert à mélanger l’eau et le vin. Quant aux vases servant à boire, on retrouve le canthare dont ses anses forment son originalité. Le rhyton est orné d’une tête d’animal et sert de verre pour boire aisément. Deux autres vases ayant la même utilité se nomment skyphoset kylix. Pour les rituels religieux, le phiale, de forme arrondie et plat, était utilisé lors des sacrifices. Pour usages personnels, le pyxis sert à mettre des bijoux, l’Aryballe et l’Alabastre servent 44 Villard, François, Les vases grecs, Paris : Presses universitaires de France, 1956, pp. 28-29, 32, 37. d’accessoire lorsque l’on va au gymnase et le Lécythe sert aux femmes pour leur toilette et dans les rituels funèbres45. 8.2. Évolution de la peinture sur les vases grecs Afin de situer les images iconographiques dans leur contexte historique, voici un bref portrait de l’évolution de la peinture sur les vases grecs. Durant la période allant de 1200 à 800 av. J.-C., que l’on appelle aussi le moyen âge hellénique, on abandonne progressivement le style géométrique pour faire place au style attique à figures noires. C’est probablement sous l’influence des potiers de Corinthe que cette technique est apparue, qui a d’ailleurs été retrouvée à Corinthe et en Ionie. Athènes n’en tiendra pas le monopole. Le peintre Kitias est l’un des plus connus, ayant fait une dizaine de peintures sur vase. On y retrouve près de 250 personnages ou animaux ainsi que 125 inscriptions qui les désignaient. Les principaux thèmes abordés sont la chasse, les jeux athlétiques, les combats de centaures et les représentations divines46. Les ateliers de Nicosthènes et d’Andokidès démontrent la nouvelle technique qui apparaît à Athènes au Ve siècle. Cette technique consiste à peindre des figures de couleur rouge qui se détache d’un fond noir. Les proportions et l’harmonie de la peinture sont percevables avec l’apparition des vases à figures rouges. Cette nouvelle technique assure la suprématie d’Athènes en Grèce, voir même son monopole de l’industrie de l’art du Ve au IVe siècle. La puissante flotte navale d’Athènes est un autre facteur qui favorise le commerce de l’art. Cette phase de la peinture est séparée en trois périodes : la période du style archaïque, aussi appelé style sévère (dernier quart du VIe jusqu’environ 460 av. J.-C.), la période du beau style (environ 460 à 420 av. J.-C.) et la période du style libre et fleuri (environ 420 à 330 av. J.-C.)47. Avec les débuts de la guerre du Péloponnèse, l’activité artistique semble être moins active. Peu d’œuvres signées ont été retrouvées. Le tracé des personnages est moins précis que pour les années précédentes. Athènes perd une bonne partie de son commerce artistique avec l’Étrurie et la Grande Grèce. Un nouveau type de vase se développe, appelé Kertch, employant surtout la lékanis, la péliké et l’aryballe. La femme devient le thème principal : danseuses, femmes se toilettant ou scènes nuptiales. La baisse de la production engendre une 45 Nicole, Georges, La peinture des vases grecs, Paris ; Bruxelles : G. Van Oest, 1926, pp. 7-9. Nicole, Georges, op. cit.,pp. 18-19. 47 Ibid., pp. 22-23. 46 grande concurrence en Russie méridionale, en Cyrénaïque et à Rodhes. Une partie des artistes et ouvriers migrent vers la Grande Grèce pour effectuer des travaux à l’échelle locale48. On peut donc dire qu’en temps de guerre, l’activité artistique est moins active, amenant des changements quant au mode de production. 8.3. Style attique à figures noires (600-480 av. J.-C., environ) De 570 à 560 av. J.-C., les vêtements des personnages sont représentés avec plus de rigidité, parfois avec un seul pli du drapé étalé sur le bras. Après 550 av. J.-C., les draperies sont plus souples et les différents plis sont bien dessinés. Après 520 av. J.-C., le bas des vêtements et les plis verticaux sont plus visibles, ce qui est l’une des caractéristiques propres des périodes des figures noires récentes et tardives. Le vêtement retombe sur le personnage, en traçant des lignes ondulées à la verticale. La céramique rouge fait son apparition vers 530 av. J.-C. et apporte de la concurrence à la céramique à figures noires. Avant 500 av. J.-C., la céramique à figure rouge reste à petite échelle et la production se fait rare. Durant la période des figures noires récentes (515-500 av. J.-C.), les traits sont dessinés avec moins de précisions : proportions, mains et pieds allongés ou disproportionnés. Durant la période des figures noires tardives (500-480 av. J.-C.), la production est dirigée vers des petits vases comme les lécythes, les oenochoés et les olpès. Les traits des personnages sont de moins en moins perceptibles et les visages sans expressions. Il y a donc une évolution, ou plutôt une période de transition quant à la production de céramique dans ce style49. 8.4. Style attique à figures rouges (530-520 av. J.-C., environ) Le style attique à figures rouges évolue en fonction des peintres. Le profil des visages reste similaire à la période précédente ; les personnages ont un nez pointu qui semble se prolonger à partir du front. Jusqu’en 500 av. J.-C., le contour des cheveux était formé d’une incision, rendant la couleur plus pâle, afin de la distinguer convenablement sur le fond noir du vase. Pour les vases à figures rouges, les artistes n’utilisent plus les incisions. Pour les vêtements, les peintres vont s’inspirer du chiton de lin, tunique au plissé fin, comprenant une multitude de plis50. Il semble plus compréhensible de donner quelques caractéristiques de la peinture sur vase en fonction des peintres. 48 Ibid., pp. 33-35. Villard, François, op. cit., pp. 62-65. 50 Ibid., pp. 72-73. 49 8. 5. Les peintres Le peintre Kléophradès, à qui l’on attribue la période allant de 500 à 480 av. J.-C. environ, apporte des tendances nouvelles. L’aspect naturel et la souplesse ressortent de ses œuvres. Les oeuvres du peintre Panaitios ont moins de souplesse et l’on retrouve des traits de la période précédente, comme les mains allongées. Toutefois, ses personnages sont souvent en mouvements et dégagent de l’énergie51. À Athènes, les artisans qui travaillent la céramique œuvrent dans un quartier de la cité situé entre l’agora et la porte du Dipylon. C’est grâce au style des peintures qu’il est possible d’identifier de quel atelier proviennent les vases, car la plupart ne sont pas signés. Malgré cela, les vases sont parfois signés par le potier, ainsi que par le peintre. Le Ve siècle représente l’apogée de l’art grec, ce qui explique la grande production ainsi que le commerce actif. Toutefois, en temps de guerres ou de troubles quelconques, la production diminue52. Concernant la période du style archaïque, le premier peintre qui semble s’être démarqué durant le développement du style à figures rouges se nomme Epictétos. Il a signé une trentaine de vases et de coupes. On peut percevoir un certain mélange entre l’ancienne technique à figures noires et la nouvelle à figures rouges. Le peintre représente le plus souvent des archers et des cavaliers, qui sont des thèmes reliés à la guerre. Certains éléments concernant les rituels sont également perceptibles, tel que le joueur de flûte qui donne la cadence aux hoplites ou encore les banquets religieux. Le style à figures rouges évolue grandement au cours des années, surtout grâce aux peintres Euxithéos et Euphronios. Ce deuxième est considéré comme le peintre et le potier le plus marquant du Ve siècle, vu la quantité de vases qu’il a signé. C’est à Euphronios que l’on doit la fameuse représentation de Thésée chez Amphitrite en présence d’Athéna, datée du VIe siècle (se référer à la figure 3 de la page 25)53. La période du beau style, aussi appelée style sévère, se caractérise par l’influence de Polygnote, qui semble avoir habité à Athènes à partir de 470 av. J.-C. environ. Ce peintre possède la capacité de rendre les sentiments de ses personnages percevables. Les vases à figures rouges que l’on appelle polygnotéens constituent la première phase de la période du beau style. Il a entre autres représenté avec des traits bien précis des scènes mettant en œuvre des combattants ou des dieux. Polygnote s’est inspiré de Phidias pour la fabrication de ses 51 Villard, François, op. cit., pp. 70-72. Orrieux, Claude et Pauline Schmitt Pantel, op. cit., pp. 266-267. 53 Nicole, Georges, op. cit., pp. 23-26. 52 céramiques. Bien que l’on ait retrouvé moins de signatures pour cette période, la production à Athènes reste abondante et le style se perfectionne jusqu’à la guerre du Péloponnèse. Les artistes Zeuxis et Parrhasios raffinent la technique des vases à figures rouges en voulant davantage représenter la gracieuseté des personnages plutôt que leur caractère moral. Ceci donne naissance au style livre ou fleurit : des draperies transparentes, des visages en perspectives, les étoffes étoilées souvent dorées, le nu et la délicatesse des mains sont les caractéristiques se démarquant le plus54. 54 Nicole, Georges, op. cit., pp. 29-32. 9. Remise en contexte des sources iconographiques 9.1. Figure 1 Selon Ducrey, cette première figure représente un hoplite qui, avant de quitter sa demeure, examine un foie qui est présenté par un esclave. Ce vase de type amphore attique, peint par Kléophradès entre 490 et 480 av. J.-C., représente une scène d’offrande aux dieux. À gauche se tient un guerrier tenant une hache et portant un costume scythe, qui observe le déroulement du rituel. À droite, une femme tient dans ses mains une coupe de libations55. Entre la femme et l’hoplite se tient un chien. Le vase appartient à la période des figures noires tardives (500-480 av. J.-C.), durant laquelle le vase à figures rouges commence à lui faire concurrence. Les traits des personnages sont considérés comme étant moins précis que pour 55 Ducrey, Pierre, op. cit., pp. 268-269. les années précédentes. Toutefois, le peintre Kléophradès, à qui l’on attribue la période allant de 500 à 480 av. J.-C. environ, apporte des tendances nouvelles. L’aspect naturel et la souplesse ressortent de ses œuvres. Chacun de ses personnages sera repris afin de valider leur identité ou d’en tirer des hypothèses par rapport aux informations trouvées précédemment au cours de la recherche. Tout d’abord, quels sont les éléments qui laissent croire que l’homme qui regarde un foie est un hoplite ? Nous avons vu que l’équipement de base du guerrier hoplite était constitué de cuirasses de cuir renforcées par des plaques de métal, d’un casque à cimier avec protection nasale, de jambières en bronze, d’une courte épée à double tranchant, d’une lance mesurant plus de deux mètres de long et d’un bouclier de forme circulaire. Le personnage central du vase semble en effet porter l’ensemble des éléments, sauf le bouclier qui est absent. Les jambières ne sont pas très visibles, mais on en perçoit tout de même la présence au-dessus de son genou droit. Après avoir analysé les différentes étapes du déroulement des rituels, on a pu constater que des sacrifices étaient effectués avant chaque étape menant au combat. Il semble donc plausible qu’un guerrier hoplite effectue un sacrifice avant de quitter sa demeure familiale. Les éléments laissant croire qu’il s’agit d’une maison familiale sont la présence de la femme, du chien et de l’esclave. Concernant le guerrier qui observe la scène, son habillement et son armement sont très différents du guerrier hoplite. Il porte un habillement formé d’un duvet d’animaux, une hache en guise d’arme et un chapeau rond qui semble être en tissu. S’agirait-il du guerrier peltaste ? Ce qui distingue ce type de guerrier de l’hoplite, qui a fait son apparition vers les débuts de la guerre du Péloponnèse, c’est son bouclier thrace fabriqué avec une armature en bois ou en osier, recouvert d’une peau de mouton ou de chèvre. Le peltaste est plus mobile et moins lourdement armé. Comme pour l’hoplite, le bouclier est absent sur l’image. Il n’est donc pas possible de tirer des conclusions par rapport à cet élément qui aurait apporté plusieurs précisions. Toutefois, le personnage semble véritablement représenter un guerrier. Le cuir d’animaux assez épais pouvait servir de protection et est très malléable. Puisque le vase est daté d’environ 490-480 av. J.-C., il ne s’agirait pas de la période de la guerre du Péloponnèse (431-404 av. J.-C.), bien que peu d’années les séparent. Sans que ce soit véritablement un guerrier peltaste, peut-être qu’il s’agit d’un guerrier ayant les mêmes atouts, c’est-à-dire d’être plus flexible que l’hoplite. À quels événements historiques peut-on rattacher cette scène? Puisque le vase est daté entre 490-480 av. J.-C., il s’agirait soit de la bataille de Marathon de 490 ou des batailles de Thermopyles et de Salamine en 480 av. J.-C.. Puisque ce n’est pas une scène de combat, il n’est pas possible de la dater de façon précise. C’est probablement pour cela que la datation du vase englobe toutes les années de ces batailles. Que représente précisément cette scène de rituel ? D’abord, seulement les hommes d’âge adulte et citoyen grec pouvaient accomplir des rituels religieux. Le personnage du vase semble remplir ces critères. Tout endroit peut devenir un lieu sacré, un hieron, à condition de le purifier ou de bien le délimiter. La femme porte une coupe de libations, servant à répandre un liquide destiné à une divinité. Ceux qui accomplissent le rituel sont purifiés par l’eau et portent habituellement du blanc. La femme porte une tunique blanche et avait probablement pour rôle de purifier l’hoplite. On versait également de l’eau sur l’animal et le sol. La prière était également une façon de se purifier. Le guerrier qui observe la scène et la femme devaient donc prier eux aussi. Les libations sont effectuées avant chaque sacrifice et à maintes reprises lors des banquets ou autres, ce qui explique la présence de la coupe de libation. Quant à l’interprétation du sacrifice, il a été mentionné auparavant que les entrailles et d’autres parties telles que le foie étaient analysées afin de vérifier les intentions des dieux. Le guerrier hoplite accomplit bien un sacrifice et la lecture d’une des parties d’un animal, entouré par la femme, l’esclave et le guerrier qui l’assistent. L’historien François Lissarrague analyse plusieurs images qui appuient et apportent des hypothèses nouvelles à celles que nous analysons. Voici une image semblable qui démontre que ce type de représentation du guerrier hoplite, entouré de femmes, est assez courant. Le bouclier de l’hoplite est bien percevable cette fois-ci. Lors de sa préparation au combat, le guerrier est placé au centre, entouré de personnages familiaux, souvent sa femme. François Lissarrague amène une autre hypothèse, comparant les femmes qui accompagnent le guerrier dans ce type de scène à Athéna. Voici des images sur lesquelles il s’appuie pour émettre son hypothèse. On peut voir sur la figure 16 que la femme porte un casque qui ressemble beaucoup à celui d’Athéna, en plus d’une lance. Est-ce une allusion à la déesse Athéna ? Puisque plusieurs images de la femme similaire à la déesse ont été retrouvées, l’hypothèse a peut-être du sens. Il s’agirait de représenter l’hoplite comme un héros, armé par Athéna, déesse protectrice56. Toutefois, nous avons vu que les seules tâches confiées à des femmes étaient l’entretien des sanctuaires ainsi qu’assistante lors des sacrifices. Dans la représentation de la figure 1, la femme ne porte pas de casque. Il s’agirait donc d’une assistante pour le sacrifice ou de la femme du guerrier. L’hoplite qui s’équipe de son armure n’est pas une scène de rituel. Il s’agirait peut-être véritablement d’une intention de démontrer la présence bienveillante d’Athéna et des dieux sur les guerriers. 56 Lissarrague, François, L’autre guerrier : archers, peltastes, cavaliers dans l’imagerie attique, Paris : Ed. La Découverte ; Rome : Ecole française de Rome, 1990, pp. 43-45. 9.2. Figure 2 Ce fragment de coupe attique est daté d’environ 490-480 av. J.-C., et représente selon Ducrey un guerrier hoplite qui sacrifie un bélier dans le cadre du rite sphagia. Concernant les sacrifices, il y a ceux que l’on appelle hiera 57 et ceux que l’on appelle sphagia, qui sont 57 Le sacrifice nommé hiera est un repas communautaire qui permet la communion entre les dieux et les mortels. propitiatoires58. Habituellement, c’est une chèvre et non un bélier qui est sacrifiée. Cette action avait pour but de s’assurer les faveurs et la bienveillance des dieux, juste avant le combat59. Le vase appartient à la période des figures noires tardives (500-480 av. J.-C.). Puisque c’est un fragment, il n’est pas identifié. Il n’est pas non plus possible de relier cette représentation à un événement précis. Après avoir trouvé plus amples informations, l’hypothèse de l’hoplite et du sacrifice me semble faussée ou fiable en guise d’hypothèse seulement. Si on la compare à la figure précédente qui est datée des mêmes années, l’habillement et l’armure du personnage comprennent plusieurs changements. Le casque n’a pas de protection nasale et ses habits ressemblent davantage à une tunique plutôt qu’une armure. Il y a absence de toutes autres armes que la courte épée dans la scène. Est-ce possible d’effectuer un sacrifice dans les champs ? Il semble que oui puisque tout endroit peu devenir sacré, même en plaine. Parmi les différents sacrifices, il y a le sacrifice sanglant qui consiste à égorger l’animal pour ensuite le manger, tandis que les os et les graisses étaient brûlés pour les dieux. Ceci concorderait avec l’action du personnage. Qui serait cet individu s’il ne représentait pas un hoplite et que ferait-il ? Nous avons vu que la chasse est une facette importante de l’éducation des jeunes guerriers. Contrairement à l’hoplite lourdement armé, le chasseur est rusé, agile et pour cela, il possède peu d’armes. Le personnage, bien qu’il porte un casque, possède aucun ride et semble assez jeune. Ceci est peut-être dû à la tendance de cette époque au niveau artistique, qui laissait de côté la précision des traits. Toutefois, l’hypothèse d’un chasseur en apprentissage plutôt que d’un hoplite me semble plausible. D’ailleurs, nous avons vu que durant le déplacement des troupes vers l’ennemi, c’était le chef de l’armée qui effectuait les sacrifices et à qui revenait la décision de continuer ou pas. Le personnage représenté n’est pas armé et ne semble pas être un général des armées. Le décor ne permet pas de savoir dans quel lieu se déroule la scène. Le personnage est entouré par un cercle qui ferme la scène. Lors de représentations de rituels religieux, il y a habituellement plusieurs personnages qui jouent un rôle. Le cercle fermé voudrait dire qu’il est seul en train d’accomplir l’action. Pour ces raisons, la signification exacte de cette figure reste inconnue, bien que d’après l’analyse et les renseignements évoqués précédemment, il semble plus plausible que ce soit un chasseur plutôt qu’un guerrier hoplite. 58 Propitiatoire : Qui a la vertu de rendre favorable, c‘est-à-dire d’attirer les faveurs ou la clémence de la divinité, de la puissance ou de l’autorité morale qu’on veut honorer ou dont on veut commémorer le souvenir, la force ou l’importance. Ducrey, Pierre, op. cit., pp. 264-266. 59 Ibid., pp. 264-266. 9. 3. Figure 3 Cette coupe attique à figures rouges est signée sur son médaillon par le potier Euphronios, tandis qu’on attribue la peinture à Onesimos après l’avoir comparée à une autre œuvre portant sa signature (figure G105, Musée du Louvre). La façon dont la céramique est travaillée pour cette œuvre est bien démonstrative du talent d’Euphronios. La coupe fait quarante-trois centimètres de diamètre intérieur, ce qui demande un travail précis pour le contour. Il l’a par la suite signé, ce qui valide l’identité du peintre. Elle date d’environ 500-490 av. J.-C. et été aqui par le Musée du Louvre en 1871. La scène représente Thésée, qui, après avoir surmonté des épreuves initiatiques, est considéré comme un héros. Il reçoit ensuite ses liens avec les divinités. Athéna, représentée sous forme guerrière avec un casque et une lance, assiste au déroulement du rite. Amphitrite remet les présents au héros, qui prouveront son affiliation avec les dieux. Le récit mythologique raconte qu’Amphitrite donne une couronne à Thésée afin qu’il plonge au fond des eaux pour rapporter l’anneau d’or de Minos. La couronne lumineuse lui permettra de se retrouver. La présence d’Athéna démontre son parrainage durant l’éducation des jeunes guerriers60. Thésée, personnage se trouvant à gauche d’Athéna, est soutenu par un Triton. Des dauphins nagent autour de lui, ce qui démontre que la scène se déroule dans la mer. L’adolescent porte une épée en baudrier et est nu sous des vêtements en chiton. Quant à Amphitrite, placée à la droite d’Athéna, elle est assise sur un trône et porte aussi du chiton, un voile sur la tête et des sandales peintes en rouge. Athéna est debout au centre en direction d’Amphitrite et porte des vêtements finement plissés, un casque et une lance. La chouette qu’elle tient est le symbole d’Athènes. Pour ce vase, la scène est bien identifiée, du fait qu’elle relève de la mythologie. Les personnages sont facilement reconnaissables, puisque les représentations divines abondaient dans l’art grec. Puisque le vase est daté d’environ 500-490 av. J.-C., il se situe dans la période de la céramique attique à figures rouges (530 à 320 av. J.-C., environ), lorsque ce type de figures commence à prendre de l’ampleur par rapport aux figures noires. Ces années sont marquées par les débuts des guerres Médiques et l’avancement territorial des Perses. Nous avons vu qu’après la bataille de Marathon, le thème du héros, surtout pour le guerrier hoplitique, est très représenté. Thésée est récompensé en tant qu’héros. Nous avons vu que d’autres images iconographiques représentaient des guerriers hoplites se faisant couronner de façon symbolique par Athéna. Puisque les dieux ont été créés à l’image des hommes afin de leur montrer le chemin à suivre, il s’agit peut-être d’un parallèle fait entre les actes héroïques des dieux et ceux des hommes sur terre. Il est normal qu’Athéna se retrouve souvent sur les œuvres iconographiques en temps de guerre, puisqu’elle protège les guerriers. 60 Lonis, Raoul, op. cit., pp. 204-205. Site officiel du Musée du Louvre, «Antiquités grecques, étrusques et romaines : Art grec archaïque (du VIIe au VIe siècle av. J.-C.) », http://www.louvre.fr/llv/oeuvres/detail_notice.jsp?CONTEN T%3C%3Ecnt_id=10134198673225599&CURRENT_LLV_NOTICE%3C%3Ecnt_id=10134198673225599&F OLDER%3C%3Efolder_id=9852723696500782&baseIndex=51, (accessed on 23.12.10). 10. Conclusion Comme il a été dit auparavant, la guerre est l’une des facettes importantes de la vie des Grecs. Chaque figure guerrière représente l’une des facettes de la guerre ou à sa préparation. Après avoir vu chacune des images iconographiques en détail, on peut constater que l’analyse de l’art sous une période permet de voir l’évolution des guerriers et de comprendre plusieurs événements. Par exemple, le guerrier peltaste fait son apparition dans les débuts de la guerre du Péloponnèse. Ceci démontre également que la vie militaire était priorisée en période de guerre et de conflits. Il est donc intéressant de faire ressortir les ressemblances des sources, surtout puisqu’elles sont toutes datées de la même période historique : les guerres Médiques. La figure 1 représente une scène se déroulant en temps de guerre, la figure 2 est une facette de la préparation à la vie militaire (en considérant l’hypothèse du chasseur) tandis que la figure 3, représente Athéna, déesse de la guerre, protectrice de la cité d’Athènes et des guerriers. Puisqu’Athènes est menacée par les Perses durant tout le déroulement des guerres Médiques, il est logique qu’Athéna soit grandement représentée. Nous avons vu que la présence des dieux était très importante pour le moral de la population et des guerriers. C’est l’une des raisons qui expliquent la présence mythologique fortement ancrée dans les mentalités, en même temps que les représentations guerrières. Nous avons vu que ces croyances n’étaient pas remises en cause par les penseurs, encore moins en temps de guerre. Puisque la religion grecque a été créée en réaction à plusieurs peurs telles que la mort, il est logique qu’elle soit mise de l’avant lors des affrontements militaires. Il y a donc un lien entre le guerrier hoplitique qui effectue un sacrifice afin de s’adresser aux dieux ; le chasseur qui se prépare à la vie militaire (dans l’hypothèse que la scène représente un chasseur) ; et Athéna, déesse de la guerre. Toutefois, cette méthode comprend des difficultés. En effet, si l’on se concentre sur une période historique trop précise, il est possible que de s’intéresser aux peintures sur vases soit inapproprié, si par exemple peu de vases étaient fabriqués lors de cet événement. L’industrie de l’art n’était pas toujours prospère, surtout en temps de guerre. Il est donc difficile de se baser que sur cela pour comprendre les événements. D’un autre côté, l’absence de source est en elle-même une explication et une réponse. C’est pour cela qu’il est intéressant de faire des liens avec le cadre spatio-temporel, les circonstances sociales, culturelles, politiques, économiques et idéologiques qui existaient au moment de la production de l’œuvre. François Lissarrague apporte son point de vue par rapport à cette démarche. Les représentations iconographiques permettent de dresser un portrait des caractéristiques de ce guerrier. L’une des démarches possibles pour un chercheur qui aurait pour but de faire un ouvrage complet sur les représentations hoplitiques, serait de recenser toutes les images et de les comparer. On pourrait alors faire ressortir plusieurs éléments tels que l’armement, les scènes de départ et bien d’autres, qui reviennent souvent. Toutefois, l’historien François Lissarrague est d’avis que cette démarche néglige les représentations qui ne sont pas reliées à l’hoplite sous la même période, mais qui apportent aussi des renseignements sur le guerrier. Il a donc comparé les figures non hoplitiques avec celles des hoplites afin de faire ressortir des aspects différents. En étudiant ce que l’hoplite n’est pas, il est ensuite possible de bien différencier les types de guerriers grecs61. Ceci démontre donc que plusieurs recherches sur le même sujet peuvent être entreprises et que dépendamment de la démarche de l’auteur, des éléments nouveaux peuvent être trouvés. 61 Lissarrague, François, op. cit., pp. 16-18. 11. Annexe Tableau 1 : chronologie de la fabrication des vases grecs Céramique géométrique 1000 à 520 av. J.-C., environ Céramique orientalisante 700 à 530 av. J.-C., environ Céramique attique à figures noires 600 à 480 av. J.-C., environ Céramique attique à figures rouges 530 à 320 av. J.-C., environ Céramique à figures rouges en Italie 440 à 290 av. J.-C., environ Vases hellénistiques IIIe à Ier siècle environ Villard, François, op. cit., table des matières. Carte 1 : l’Empire perse avant les guerres Médiques Chamoux, François, La civilisation grecque à l’époque archaïque et classique, Paris : Arthaud, 1963, p. 95. Carte 2 : la bataille de Marathon Chamoux, François, La civilisation grecque à l’époque archaïque et classique, Paris : Arthaud, 1963, p. 99. Carte 3 : la bataille de Salamine Chamoux, François, La civilisation grecque à l’époque archaïque et classique, Paris : Arthaud, 1963, p. 103. Figure 1 : Greffiths Pedley, John, Art et archéologie de la Grèce, Londres : Könemann, 1999, p. 185. Bibliographie Livres : Arias, P.E. et M. Hirmer, Le vase grec, Paris : Flammarion, 1962. Chamoux, François, La civilisation grecque à l’époque archaïque et classique, Paris : Arthaud, 1963. Ducrey, Pierre, Guerre et guerriers dans la Grèce antique, Fribourg : Office du livre, 1985. Greffiths Pedley, John, Art et archéologie de la Grèce, Londres : Könemann, 1999. Lissarrague, François, L’autre guerrier : archers, peltastes, cavaliers dans l’imagerie attique, Paris : Ed. La Découverte ; Rome : Ecole française de Rome, 1990. Lonis, Raoul, Guerre et religion en Grèce à l'époque classique : recherches sur les rites, les dieux, l'idéologie de la victoire, Paris : Les Belles lettres, 1979. Nicole, Georges, La peinture des vases grecs, Paris ; Bruxelles : G. Van Oest, 1926. Orrieux, Claude et Pauline Schmitt Pantel, Histoire grecque, Paris : PUF, 2008. Valobe, Philippe, La Grèce classique au Ve avant J.-C., ou l'apprentissage de la démocratie, Paris : Ed. De Vecchi, 2004. Villard, François, Les vases grecs, Paris : Presses universitaires de France, 1956. Site Internet : Site officiel du Musée du Louvre, «Antiquités grecques, étrusques et romaines : Art grec archaïque (du VIIe au VIe siècle av. J.-C.) », http://www.louvre.fr/llv/oeuvres/detail_notice.jsp? CONTENT%3C%3Ecnt_id=10134198673225599&CURRENT_LLV_NOTICE%3C%3Ecnt _id=10134198673225599&FOLDER%3C%3Efolder_id=9852723696500782&baseIndex=51 , (accessed on 23.12.10).