Les Acteurs de l’Immobilier Les Acteurs de l’Immobilier Les marathons de l’architecture par Patrick Blaser Athènes: retour aux sources en 490 av. J.-C. Pour les passionnés de marathons et d’histoire antique, le marathon d’Athènes est incontournable. Organisé début novembre de chaque année, il part du site historique de Marathon, au bord de la mer Egée, pour rejoindre 42 kilomètres plus loin le centre antique d’Athènes. S on tracé, où l’histoire le dispute au mythe, suit, presque fidèlement, le trajet parcouru il y a plus de 2500 ans par le soldat grec Philippidès, chargé d’annoncer à Athènes la victoire des Grecs à Marathon sur leurs ennemis perses. Philippidès en est mort; mais le premier marathon de l’histoire était né. Il a fallu ensuite attendre les premiers jeux olympiques de 1896 (à Athènes!) pour que soit organisé un nouveau marathon, cette fois exclusivement sportif. Le Marathon: 2500 ans d’âge Le premier marathon remonte à la nuit des temps. Plus précisément en 490 avant J.-C. Nous sommes au village de Marathon, qui se situe au bord de la mer Egée sur la côte est de l’Attique à 40 km d’Athènes, en pleine guerre médique. Celleci oppose les Perses de Darius 1er, dans le rôle de l’oppresseur, et les Grecs, dont plusieurs cités s’étaient soulevées contre le joug perse. Les Perses avaient pris la résolution de mater la révolte grecque à sa racine, en l’occurrence à Athènes. 82 N U M É R O 2 0 C’est pour cette raison que les Perses débarquèrent en nombre dans le golfe de Marathon, avec l’intention d’attaquer Athènes par la voie terrestre. Et là, surprise! L’armée grecque s’était en effet déplacée d’Athènes jusqu’à Marathon pour y combattre les Perses. Commandés par Miltiade, et malgré leur infériorité numérique flagrante, les hoplites grecs taillèrent en pièces une bonne partie de l’armée perse, laquelle (ou ce qu’il en restait) s’empressa de regagner ses vaisseaux et… le large. Soucieux d’informer la population d’Athènes, que l’on imagine inquiète (on le serait à moins), Miltiade dépêcha sur le champ (au propre comme au figuré) son plus rapide coursier, qui devait rejoindre Athènes, à 40 km de là, afin d’annoncer aux Athéniens (et Athéniennes pour faire moderne) la victoire des Grecs sur les Perses. Le bon soldat s’exécuta jusqu’à en perdre haleine. A tel point d’ailleurs qu’il rendit l’âme juste après avoir pu annoncer la victoire («Niké» en grec; ça vous rappelle quelque chose?). Sur les marches de l’Acropole, Philippidès, c’est le nom du valeureux héros retenu par l’histoire, signa ainsi, sans le savoir, le premier marathon de l’histoire. 1896: premier marathon olympique Il a fallu attendre 1896, soit 2386 ans, pour qu’ait enfin lieu le deuxième marathon de l’histoire. On doit cette renaissance au baron de Coubertin, qui réinventa les Jeux olympiques et à l’helléniste Michel Bréal, qui l’enjoignit d’y intégrer une course de 40 km, baptisée … marathon, en souvenir de l’exploit «sportif» de Philippidès. Juste retour de l’histoire: c’est un Grec, nommé Spiridon, qui remporta les lauriers de ce premier marathon olympique accompli en moins de trois heures (soit 2 heures et 58 minutes pour être précis). Ce premier marathon olympique s’est achevé dans le stade panathénaïque d’Athènes, qui avait été reconstruit pour l’occasion et qui subsiste toujours de nos jours. C’est d’ailleurs dans ce stade que se termine l’actuel marathon d’Athènes. D É C E M B R E 20 0 9 - F É V R I E R 2010 83 Les Acteurs de l’Immobilier Les Acteurs de l’Immobilier Le nouveau Musée de l’Acropole. Signalons, pour la petite histoire, que le baron de Coubertin avait manifesté quelques réticences à intégrer dans «ses» Jeux olympiques un marathon, jugeant inhumaine la distance historique de 40 km à parcourir au pas de course (aucun marathonien ne le contredira …). Mais puisque Philippidès l’avait fait avec ses armes (mais sans bagages), cela devait pouvoir être envisageable à l’aube du XXe siècle, à l’heure des «baskets». 42 km 195: pour un caprice de reine La discipline du marathon, sur 40 km, fut reprise lors des Jeux olympiques de Paris (1900), puis de Saint-Louis (1904) aux USA. Par contre, lors des Jeux olympiques de Londres (en 1908), la distance du marathon fut portée à 42 km et 195 m. Ce prolongement de la distance a d’ailleurs été fatal à son «vainqueur». En effet le marathonien italien Pietri, alors en tête, s’est effondré juste avant la ligne d’arrivée (décidément les mythes ont l’histoire tenace!). Tout ça par la faute de la reine d’Angleterre de l’époque, qui fit un petit caprice royal, lequel a dû être exaucé. En effet, sa Majesté avait désiré que le départ du marathon soit donné dans la cour même du Château de Windsor, afin que sa royale descendance puisse voir le départ sans 84 N U M É R O avoir à se déplacer. Or, même par le chemin le plus court, la distance entre le château de Windsor et le stade olympique de White City était supérieure à 40 km. Très exactement 42 km et 195 m. Depuis, c’est cette dernière distance qui est, pour on ne sait quelle raison, devenue la distance officielle du marathon. Les 22 marathons olympiques qui ont suivi n’ont d’ailleurs jamais dérogé à cette règle. Pas plus que les centaines de marathons organisés chaque année en tous les points du globe. Départ à … Marathon! Fidèle à la tradition, le marathon moderne d’Athènes part de… Marathon. A proximité d’ailleurs de l’imposant tumulus (de 9 m de haut) dont on dit qu’il recouvre les corps des soldats morts lors de la bataille de 490 avant J.-C. C’est d’ailleurs une attraction touristique (d’un intérêt visuel très discutable). Le départ donné, les coureurs s’élancent sur une route assez plate, sur une bonne moitié du parcours, qui longe la côte toute proche de la mer Egée, puis traverse la campagne où, entre des cultures variées, les oliviers succèdent aux chênes sur fond de paysage légèrement montagneux. C’est d’ailleurs dans ce cadre que, subitement, le parcours bifurque, 2 0 sans motif apparent, sur une route de traverse, obligeant les marathoniens à faire un aller-retour sur 2 km. L’explication? C’est à cet endroit que les organisateurs du parcours ont tout simplement songé à rajouter aux 40 km qui séparent Marathon d’Athènes les 2 km manquants pour respecter la distance officielle du marathon. Après ce parcours bucolique et une longue côte de près de 12 km, les marathoniens atteignent les premiers faubourgs d’Athènes, qui est, ce n’est un secret pour personne, une ville particulièrement tentaculaire. Le sommet de la côte enfin dépassé, le marathon plonge en pente douce sur 12 km, jusqu’au cœur de la cité antique d’Athènes. Le Stade olympique d’Athènes L’arrivée du marathon se situe au Stade olympique, théâtre des premiers Jeux olympiques de 1896, lequel est noir d’un monde qui ne ménage pas ses applaudissements, du premier au dernier marathonien. C’est l’exubérance toute méditerranéenne! Le Stade olympique est magnifique. Il est constitué d’un ensemble de gradins de marbre blanc, qui s’allonge entre deux collines boisées. Son site n’est pas dû au hasard. C’est en effet à cet endroit précis qu’avait été construit au 4e siècle avant J.-C. un premier stade antique bâti sous Lycurgue. Depuis 1896, ce stade n’a d’ailleurs pris aucune «ride». Et la ferveur populaire à l’arrivée des marathoniens est la même, certainement, qu’à l’époque de la Grèce antique (dont les jeux, à Olympie, ne connaissaient toutefois pas, faut-il le préciser, la discipline du marathon!). L’arrivée dans le Stade olympique est d’autant plus chargée d’émotion que l’on a en outre une vue «plongeante» sur le phare d’Athènes, l’Acropole. L’Acropole L’Acropole réunit sur son esplanade et ses flancs tout ce qui se faisait de mieux en termes d’architecture antique, notamment, et surtout, à l’âge d’or d’Athènes, soit au temps de Périclès (Ve siècle avant J.-C.). Il suffit de monter les marches qui mènent à l’Acropole pour, en quelques minutes, changer fondamentalement de monde. Tous les grands chefs-d’œuvres de l’architecture de la Grèce antique sont réunis en ces lieux. C’est d’abord l’impressionnant Parthénon, temple dorique périptère, qui repose sur un stylobate de marbre et comprend un péristyle de 46 colonnes cannelées hautes de plus de 10 mètres. L’œil est immanquablement, entre autres, attiré par la frise ionique, la frise des «Panathénées», qui faisait à l’origine 160 mètres de longueur, soit le tour de tout l’édifice. C’est ensuite le temple de l’Erechthéion, tout en finesse, qui comprend sur le plan architectural une combinaison d’ordre dorique et ionique. Son baldaquin aux six caryatides est d’une élégance peu commune. C’est également le gracieux temple d’Athéna Niké, d’ordre ionique, duquel se jeta Egée lorsqu’il cru, à tort, que son fils Thésée était mort dans son combat en Crète contre le Minotaure. C’est encore le Théâtre de Dionysos, en contrebas du Parthénon, qui ne semble pas avoir vieilli depuis sa construction par Lycurgue au IVe siècle avant J.-C. (magistrat auquel on doit déjà la construction du premier stade antique, à l’emplacement de l’actuel Stade olympique). C’est enfin l’Odéon d’Hérode Atticus, romain de son état (celui-là même qui avait reconstruit en 144 après J.-C. le stade antique initialement construit par Lycurgue), dont la façade d’origine est très bien conservée. Le nouveau Musée de l’Acropole Par ailleurs il est impensable d’aller à Athènes sans y visiter le nouveau musée moderne de l’Acropole, qui a ouvert ses portes cette année, et dont on doit la conception à l’architecte suisse Bernard Tschumi. Ce musée se situe en contrebas de l’Acropole. Un sol vitré permet de voir, au sous-sol, les vestiges d’un quartier antique d’Athènes. D’un volume impressionnant sur plusieurs niveaux, ce musée permet de mettre en valeur différentes collections de sculptures témoins de l’art grec des époques archaïque et classique. C’est à son dernier étage que l’on peut admirer une petite partie des frises originales des Panathénées qui ornaient le Parthénon, la plus grande partie encore conservée se trouvant au British Museum, suite à un «accident» de l’histoire. La magnifique baie vitrée, qui donne sur l’Acropole, est d’ailleurs suffisamment vaste pour pouvoir accueillir l’intégralité des frises originales exposées depuis bientôt deux siècles au British Museum. Deux siècles d’usurpation britannique d’un côté et un musée moderne de l’autre devraient incontestablement faire pencher aujourd’hui la balance en faveur du rapatriement des frises des Panathénées de Londres à Athènes. Ce serait un juste retour de l’histoire. Mais ce marathon là risque d’être encore long … trop long! n Patrick Blaser [email protected] Marathons de l’Architecture déjà parus: Zanzibar: la perle verte de l’océan Indien, Prestige Immobilier N° 19 Zermatt, Davos, Jungfrau: l’appel des montagnes, Prestige Immobilier N° 18 Rome: au cœur de l’antiquité, Prestige Immobilier N° 17 Marrakech, entre orangers et palmiers, le charme mauresque, Prestige Immobilier N° 16 Pékin, de la cité interdite à la cité olympique, Prestige Immobilier N° 15 Berlin, la capitale européenne de l’architecture d’avant-garde, Prestige Immobilier N° 14 Boston, le charme britannique d’une ville américaine, Prestige Immobilier N° 13 Barcelone, au milieu des folies architecturales de Gaudi, Prestige Immobilier N° 12 Chicago, la ville de tous les contrastes architecturaux, Prestige Immobilier N° 11 New York, une ville et un marathon mythiques, Prestige Immobilier N° 10 D É C E M B R E 20 0 9 - F É V R I E R 2010 85