Les constructions à attribut de l`objet et le marquage de la relation

Universiteit Gent
Academiejaar 2004-2005
Les constructions à attribut de l'objet et
le marquage de la relation prédicative seconde
Proefschrift voorgelegd aan de
Faculteit Letteren en Wijs-
begeerte tot het behalen van de
graad van doctor in de Taal- en
Letterkunde: Romaanse Talen
door
Els Tobback
Promotor: Prof. Dr. D. Willems
Remerciements
Nous tenons à exprimer notre reconnaissance envers toutes les personnes qui nous ont
aidée, sur le plan scientifique et moral, à réaliser cette thèse de doctorat :
- le Professeur D. Willems, notre directrice de thèse, pour nous avoir donné la possibilité
d'entamer cette recherche à l'université de Gand, pour notre agréable collaboration au
travail, pour ses conseils judicieux, pour les commentaires critiques fournis sur
l'ensemble du travail, pour sa patience et ses multiples encouragements ;
- le Professeur M. Van Peteghem et B. Defrancq, qui ont été membres de notre commission
d'accompagnement ;
- le Professeur M. Riegel, pour les quelques contacts enrichissants que nous avons pu avoir
avec lui ;
- les collègues les plus proches, A. Demol, pour sa gentillesse et pour s'être chargée (en fin
de parcours) de certaines de nos tâches, et B. Defrancq, pour toutes les discussions
(linguistiques et autres) drôles, intéressantes et bouleversantes que nous avons pu avoir,
pour son soutien et ses conseils précieux ;
- F. Lamsens, pour l'assistance prêtée sur le plan informatique ;
- L. Dewilde, pour son aide pratique ;
- les collègues et anciens collègues de la section des Romanes, ainsi que les amis et amies,
pour leur soutien moral ;
- S. Kestemont et M. Rousseau, pour les jugements de grammaticalité procurés et
S. Kestemont pour la correction de certaines parties du manuscrit ;
- enfin, nos parents et notre soeur, sans qui nous n'aurions pas été en mesure de mener à
terme cette recherche.
Nous aimerions remercier également les Professeurs L. Melis, M. Riegel et
M. Van Peteghem, pour avoir accepté de faire partie du jury de cette thèse.
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Introduction générale
Les constructions qui feront l'objet de la présente étude se laissent illustrer par les
exemples suivants1 :
(1) On croyait la société française engourdie.
(2) Le studio avait été acheté trop cher.
(3) Ils ont vécu les licenciements comme une trahison.
(4) Ils ont élu comme "sauveur" l'homme qui incarnait le mieux la réussite en
période trouble.
Elles seront représentées par la formule suivante :
(5) SN1-V-SN2-X
Ces structures, que nous désignerons par le terme traditionnel de constructions à attribut de
l'objet (CAO), ont pour caractéristique principale commune qu'entre l'élément SN2, ayant
au moins les apparences d'un objet, et l'élément X s’établit un rapport prédicatif analogue
au rapport existant entre le sujet et le prédicat d'une phrase (copulative) simple.
L'élément prédicatif X peut être de nature nominale ou adjectivale, comme dans les
exemples (1) à (4), mais il peut également prendre la forme d'un syntagme adverbial,
pronominal ou prépositionnel ou appartenir à des catégories verbales voire phrastiques
(infinitifs, participes, relatives) (cf. e.a. Riegel 1991, Willems & Defrancq 2000) :
(6) On la croit ici, elle est ailleurs.
(7) Les Américains considèrent le monde entier comme un de leurs parcs
d'attractions.
(8) Le petit Francis écoute sa soeur chanter Schumann et Debussy.
(9) Les pays de l'ex-Europe de l'Est seront désormais désignés comme appartenant
à l'Europe centrale.
(10) On voit parfois les portes qui se ferment, les gens qui fuient la caméra.
Sans négliger entièrement les formes verbales (en particulier les participes passé et
présent), notre étude sera essentiellement axée sur les formes non verbales du prédicat X.
De plus, elle sera limitée à l'examen des constructions à prédicat X non introduit (cf. (1) et
(2)), d'une part, et à celles où X est introduit par comme (cf. (3) et (4)), d'autre part. Elle ne
prendra donc pas en considération les structures avec prédicat introduit par les éléments en,
de ou pour :
1 Les exemples (1) à (9) sont construits à partir d'exemples contenus dans notre corpus (cf. infra) ; les
exemples (10) à (13) sont repris à Willems & Defrancq (2000) ; les exemples (14) à (19) proviennent
directement de notre corpus.
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(11) On le tient pour unique.
(12) On l'a traité d'imbécile.
(13) Je te vois en vainqueur.
Jusqu'ici, les efforts de description ont, à quelques exceptions près (e.a. Olsson 1976),
avant tout porté sur les aspects syntaxiques des CAO. En effet, les auteurs se sont, pour la
plupart, attachés à trouver la meilleure façon de rendre compte sur le plan syntaxique du
fait que les énoncés SN1-V-SN2-X semblent adopter la forme d'une phrase simple tout en
comportant, sur le plan sémantique, deux prédications, celle existant entre le sujet et le
prédicat (i.e. le SV) de la proposition principale, d'une part, et celle établie entre les termes
SN2 et X, d'autre part. De plus, la recherche s'est généralement concentrée sur les
constructions à prédicat non introduit. Les (rares) auteurs qui ont consacré une réflexion
aux CAO avec comme se sont avant tout évertués à chercher des parallélismes structuraux
entre les structures avec et sans comme (cf. Aarts 1992, Guimier 1999) et à étudier le statut
syntaxique de l'élément comme (e.a. Guimier 1999, Noël 1996). Les différences entre les
deux types de CAO (avec et sans comme) ont bénéficié jusqu'ici de très peu d'attention
(voir toutefois Defrancq 1996a, 1996b ; Willems & Defrancq 2000).
Les deux premiers chapitres de notre étude seront consacrés à l'examen des diverses
analyses syntaxiques qui ont été proposées pour les CAO sans comme (ou constructions à
AO direct, désormais CAO-D, cf. chapitre 1) et pour les CAO avec comme (désormais
CAO-C, cf. chapitre 2), ainsi qu'à celui des critères logico-sémantiques et structuraux
supposés les appuyer. Nous y démontrerons qu'il est au bout du compte très difficile de
saisir le fonctionnement des CAO à un niveau purement syntaxique.
Au vu des difficultés auxquelles se voient confrontées les analyses syntaxiques des CAO, il
semblait impératif d'opter pour une approche différente. Celle que nous avons choisie se
distingue sur trois points de celle suivie dans les études antérieures : primo, nous avons
abandonné l'analyse syntaxique au profit d'une étude sémantico-pragmatique des CAO ;
secundo, nous avons privilégié une étude comparative des deux types de CAO basée sur
des exemples de corpus ; tertio, nous avons choisi un angle d'attaque différent. Au lieu
d'examiner immédiatement (comme cela a généralement été le cas) la façon dont la relation
prédicative établie entre les éléments SN2 et X se rapporte à la relation prédicative
première de la phrase, et plus spécifiquement au verbe, nous nous sommes d'abord
intéressée à la nature de la relation prédicative seconde elle-même. Notre objectif est, en
effet, de démontrer que la nature sémantico-pragmatique de la prédication seconde
[SN2-X] est différente selon que cette prédication comporte comme ou pas, cet élément
pouvant être interprété comme une forme de marquage de la relation prédicative.
Cela dit, nous ne négligerons pas la question concernant les rapports qu'il peut y avoir
entre la prédication seconde et la prédication première établie au sein de la phrase. Nous
aborderons cette question, tout comme celle de la prédication seconde, d'un point de vue
sémantique, en admettant, en conformité avec l'hypothèse générale défendue par Achard
(1998) en rapport avec la 'complémentation', que la relation prédicative seconde doit, du
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moins dans certains cas (qui sont à préciser, cf. infra), être compatible avec le sémantisme
du verbe principal.
Sans entrer dans les détails de l'analyse, il semble possible d'avancer un élément qui puisse
soutenir cette hypothèse. Il s'avère, en effet, que la distribution des deux types de CAO
(avec et sans comme) sur le lexique verbal n'est pas identique. L'on observe notamment
que des verbes tels que croire, savoir ou présumer ne paraissent compatibles qu'avec
l'AO-D, tandis que des verbes comme définir, identifier ou saluer ne semblent admettre
que des AO-C :
(14) Il ne faut jamais croire le géant (*comme) endormi. (LM 12/02/1994, p.30)
(15) On savait les Anglo-Saxons (*comme) friands de révélations concernant la vie
privée de leurs élus. (LM 07/02/1994, p.S06)
(16) Disons, pour faire plaisir à Bertolino, que l'on pouvait les présumer (*comme)
disgraciés. (LM 02/12/1994, p.25)
(17) Le témoin identifiera "formellement" Pericolo *(comme) le pilote de la moto.
(LM 07/03/1994, p.8)
(18) L'article 211-1 du nouveau code pénal définit le génocide *(comme)
l'exécution d'"un plan concerté", tendant "à la destruction totale ou partielle
d'un groupe national, ethnique, racial ou religieux". (LM 25/04/1994, p.8)
(19) L'initiative de M. Neuwirth a été saluée *(comme) "historique" par de
nombreux sénateurs de la majorité. (LM 19/11/1994, p.11)
Or, s'il est vrai que la nature de la relation prédicative seconde varie en fonction de la
présence ou de l'absence de l'élément comme, et que tous les verbes qui admettent l'AO-D
n'admettent pas l'AO-C et vice-versa, il n'est pas déraisonnable de croire que ce qui est en
jeu, c'est une sélection sémantique opérée par le verbe sur la prédication seconde.
L'étude de la relation prédicative seconde et des rapports sémantiques qu'elle entretient
avec la relation prédicative principale fera l'objet du chapitre 4 de notre travail. Au
préalable (chapitre 3), nous proposerons un modèle qui servira à la description sémantico-
pragmatique des CAO. Ce modèle est fondé sur trois sources principales : les études
proposant des typologies sémantico-pragmatiques des phrases copulatives (e.a. Higgins
1976, Declerck 1988, Van Peteghem 1991) ; l'étude de Lambrecht (1994) consacrée à la
structure informationnelle de la phrase ; l'étude de Croft (1991) portant sur les catégories
grammaticales de base. Notre modèle établit un lien entre la catégorie grammaticale de
l'attribut, la fonction sémantico-pragmatique de la phrase copulative et la structure
informationnelle de celle-ci. Notre hypothèse sera la suivante : les catégories
grammaticales non prototypiquement associées avec la fonction prédicative ont tendance à
donner lieu à des prédications dont la fonction sémantico-pragmatique et la structure
informationnelle se démarquent de celles des prédications que l'on pourra étiqueter de
prototypiques ou non marquées.
Notre but étant d'examiner les structures à AO d'un point de vue sémantico-pragmatique et
informationnel, nous avons décidé de fonder la description sur l'étude d'exemples réels
situés en contexte. Ces exemples ont été recueillis dans les éditions électroniques des
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