
dossier
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 / janvier/février 2017 / n°467
ou trait d’union ») nous rappellent tout 
d’abord et chacun avec leurs mots les 
difficultés de définir, cerner, restreindre 
cet espace sahélien dans lequel l’homme 
trouve ses origines et sa généalogie (ce 
qu’a notamment confirmé la découverte 
en 1995 par Michel Brunet au Tchad de 
la mâchoire d’australopithèque d’Abel, 
premier pré-humain de 3,5 millions 
d’années connu à l’ouest de la Rift 
Valley). Ils nous parlent aussi des rapports 
particuliers que la France a toujours 
entretenus avec le Sahel entre fascination 
et recherche d’un supplément d’âme…
Un premier cœur du dossier est consacré 
à l’évolution de la situation au Mali depuis 
2012. Jacques Gautier, vice-président de 
la Commission aux Affaires étrangères, 
de la Défense et des Forces armées 
du Sénat revient sur le bilan de l’inter-
vention militaire française qu’il qualifie  
« d’exemplaire », tout en relevant ses 
forces et ses faiblesses et en préconisant 
pour gagner la paix « une approche globale 
coordonnée ». Hervé Ladsous, secrétaire 
général adjoint pour les Opérations de 
maintien de la paix de l’Onu, reprend 
quant à lui l’historique de l’intervention 
de la Minusma en soulignant toutes les 
difficultés rencontrées par l’opération, 
son souci constant d’adaptation et les 
risques d’enlisement du processus de 
paix. Dans son papier au titre allusif  
« Le Mali est-il un nouvel Afghanistan ? », 
Lola Cecchinel, directrice d’ATR Mali, 
dresse le parallèle de la situation entre 
ces deux pays et marque toutes les limites 
militaires, mais aussi politiques d’une 
intervention extérieure. Ses observations 
sur « le fantasme de la démocratie et 
des élections » et « l’illusion de l’aide 
publique au développement » ne peuvent 
que susciter la réflexion et le débat, à 
l’instar des interpellations encore plus 
crues qu’avaient posé le chroniqueur 
du Monde Afrique, Laurent Bigot8. À 
travers une perspective historique, Charles 
Grémont, chercheur de l’IRD, dresse un 
tableau des « Origines et perspectives 
des conflits menés par des Touaregs 
au Mali ». Il relève notamment que la  
« question touarègue » est beaucoup plus 
complexe que celle parfois décrite : « une 
fois encore les mouvements rebelles sont 
loin d’emporter l’adhésion de l’ensemble 
des populations touarègues (et maures), 
mais la répression et le discrédit s’abattent 
sur cet ensemble », nuance-t-il. Enfin, 
l’ancien ministre des Affaires étrangères 
du Mali et président du Parti d’opposition 
pour la renaissance nationale, Tiébilé 
Dramé pose avec franchise les questions 
de gouvernance et de corruption qui se 
posent à son pays. Sa conclusion est sans 
appel : « Quatre ans après Serval, pour 
éviter une rechute, il est urgent que les 
Maliens et leurs amis comprennent que 
la solution aux crises maliennes ne réside 
ni à Paris, ni à Bruxelles, ni à Moscou, ni 
à New York, mais au Mali ».
Plusieurs articles reviennent ensuite de 
façon plus transversale sur différents 
aspects des dangers et menaces, 
mais aussi des opportunités, qui se 
présentent aujourd’hui au Sahel. L’ancien 
ambassadeur au Mali, Congo et Sénégal, 
Nicolas Normand nous explique les facteurs 
structurels d’apparition du terrorisme 
islamiste au Sahel en mettant en évidence 
les premières origines américaine et 
saoudienne et l’existence d’un « incubateur 
afghan ». Reprenant les thèses d’une 
récente publication de la Ferdi9, Sylviane 
Guillaumont Jeanneney, Camille Laville 
et Jaime de Melo développent pour leur 
part un vigoureux plaidoyer en faveur 
d’une action internationale renforcée pour 
ce bien public qu’est la paix au Sahel, 
en mettant l’accent sur l’enseignement 
primaire et l’agriculture. Serge Michailof 
s’interroge sur les vertus que pourrait 
avoir un plan Marshall pour le Sahel et 
les écueils qu’il conviendrait d’éviter pour 
sa mise en œuvre. Il insiste notamment 
sur l’idée qu’« un plan Marshall pour 
le Sahel ne consiste pas à y déverser 
des ressources massives dans la plus 
grande incohérence ». Gwénola Rageau se 
penche sur le dynamisme de la jeunesse 
sahélienne dont elle marque la profonde 
hétérogénéité et les difficultés d’accès 
au marché de l’emploi. Elle relève la 
nécessité présente au Sahel, ce qui n’est 
pas sans rappeler la situation de nos pays 
occidentaux, de « réinventer des relations 
intergénérationnelles » afin d’éviter que 
toute une jeunesse ne bascule dans la 
contestation et la violence. À rebours 
de nombreuses idées reçues, Gilles 
Holder nous présente les ferments d’un 
réformisme islamique francophone au 
Sahel, le français y jouant le rôle « langue 
de travail » : « la stratégie francophone et 
la promotion de la culture de l’excellence 
sont requises pour la conquête de la 
bureaucratie d’État ». Le directeur 
d’Investisseurs et Partenaires et ancien 
directeur général de l’Agence française 
de Développement (AFD), Jean-Michel 
Severino, s’écarte lui-aussi des clichés 
habituels sur le monde sahélien pour nous 
faire part de la révolution technologique 
en cours au Sahel et l’émergence dans 
cet environnement particulièrement 
déshérité d’un entrepreneuriat qualifié 
et dynamique. Dans une démonstration 
particulièrement convaincante, que j’ai 
déjà mentionnée, Irina Bokova insiste 
sur l’idée que « l’histoire du Sahel, zone 
frontière, témoigne (…) d’un dynamisme 
et d’une diversité culturelle exceptionnelle, 
qui on irrigué toute l’Afrique ».
Trois articles viennent enfin compléter 
ce dossier suivant des perspectives 
géographiques différentes. Marc-Antoine 
Pérouse de Montclos, directeur de 
recherches à l’IRD, s’interroge sur la 
nature et l’avenir de « Boko Haram : entre 
fragmentation et internationalisation ? ». 
Reprenant des travaux initiés par la revue 
Passages et popularisés en 2015 par la 
publication d’un Atlas du Lac Tchad10, 
Roland Pourtier revient sur les enjeux 
du « Lac Tchad entre crise écologique et 
menaces géopolitiques ». Je présente enfin 
les enjeux structurels de co-construction 
d’une plateforme commune de partage 
de connaissances entre l’Europe, la 
Méditerranée et le Sahel. C’est en effet 
une des conclusions qui s’imposent à la 
lecture et l’analyse de tous les articles 
de ce dossier. Nous ne pourrons faire 
face aux défis qui attendent le Sahel, 
sans davantage mobiliser nos savoirs et 
nos connaissances dans une démarche 
résolument équitable et partenariale.  ■
4 - Le Monde, 17 janvier 2017.
5 - Benoît Ferry (direction), « L’Afrique face à ses défis démographiques : un 
avenir incertain »), AFD – CEPED – Karthala, Paris, 2007.
6 -http://www.iris-france.org/71383-le-sahel-victime-du-rechauffement-
climatique-cette-region-a-besoin-dun-plan-marshall/
7 - Le nombre de morts violentes au Nigeria a presque triplé entre 2012 et 2014, 
passant de 7908 victimes en 2012 à 22544. Boko Haram reste la première 
cause de morts violentes au Nigeria (http://www.nigeriawatch.org/media/html/
NGA-Watch-Report15Final.pdf.)
8 - Laurent Bigot, « Un sommet Afrique-France ? Pourquoi pas, mais, de grâce, 
pas au Mali ! », Le Monde Afrique, 11 janvier 2017
9 - Fondation pour les études et recherches sur le développement international 
(Ferdi), « Allier sécurité et développement – Plaidoyer pour le Sahel », 
Clermont-Ferrand, 2016.
10- Géraud Magrin, Jacques Lemoalle, Roland Pourtier (dir. Scient.), « Atlas 
du lac Tchad », Passages (diffusion IRD), 2015.