Interview du Docteur Bruno Sesboüé, MCU

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Interview du Docteur Bruno Sesboüé, MCU-PH, responsable du secteur de médecine du sport au
CHU de Caen, membre du bureau de la SFMES. Il insiste sur l'importance de l'activité physique
sur la prévention des cancers...
Pourquoi l’activité physique est essentielle dans la prévention de certains types de cancer ?
Différentes études ont prouvé que le sport peut diminuer le risque de certains cancers (colon, sein et
utérus). La pratique régulière d’une activité physique peut prévenir la survenue des cancers
hormonaux (sein, utérus, prostate) intervenant sur l’équilibre hormonal de l’organisme.
Comment l'expliquer ?
Agissant sur le système musculaire, l’exercice physique produit une sécrétion de cytokines dont
certaines sont anti-inflammatoires et jouent une fonction protectrice sur l’ensemble de l’organisme.
En même temps, pour ce qui est du cancer du sein, le sport exerce un rôle protecteur diminuant la
production d’œstrogènes, un des principaux facteurs de risque pour ce type de tumeur.
Pour ce qui est du cancer colorectal, le sport a surtout un effet positif lié à l’augmentation de la
motilité intestinale qui réduit le temps de transit et ne permettrait pas aux substances cancérogènes
de rester en contact avec l’intestin.
Quels types d’activité physique choisir ? Avec quelle fréquence et intensité faut-il les pratiquer
pour avoir des résultats préventifs contre le cancer ?
Tous les types de sport sont recommandés, puisque l’activité physique en général a un effet positif
sur le bien-être de l’organisme et pour la prévention des cancers. Cela dit, il faudrait privilégier un
sport d’endurance, une activité d’intensité modérée à pratiquer pour un temps suffisamment
prolongé (course à pied, cyclisme, natation, randonnée, etc.).
L’idéal serait de faire du sport tous les jours, mais on sait très bien que souvent cela n’est pas
possible. Il faudrait donc pratiquer une activité physique au minimum deux-trois fois par semaine,
pour au moins 30 minutes d’activité continue.
Quels que soient le niveau et les objectifs, il est toujours important de pratiquer un sport qu’on aime
bien, pour profiter à fond des bénéfices que la pratique sportive peut avoir sur le corps et sur
l’esprit.
On sait très bien qu’il faudrait s’habituer à la pratique régulière de l’activité physique dès
l’enfance. Pour avoir un effet préventif contre le cancer, est-il quand même utile de s’y mettre
à l’âge adulte ?
Bien sûr. Quel que soit l’âge, les effets de la pratique d’une activité physique sont toujours positifs.
Il n’est donc jamais trop tard pour se mettre au sport. C’est prouvé que la pratique d’une activité
physique d’endurance à l’âge adulte aide à améliorer l’état général de l’organisme, à prévenir
certains types de cancers et même à prolonger l’espérance de vie.
En particulier, des études ont prouvé l’efficacité préventive de l’exercice physique contre le cancer
du sein chez les femmes en post-ménopause.
Bien sûr, une personne ayant pratiqué de façon régulière une activité physique dès l’enfance aura
donné à son corps les moyens pour lutter contre toute une série de pathologies (cancers, maladies
cardiovasculaires, diabète, hypertension) dès le plus jeune âge.
L’activité physique est-t-elle aussi conseillée pendant et après les traitements contre le
cancer ?
Il faut dire que les traitements contre le cancer peuvent être très invalidants. Souvent ils affaiblissent
le corps des patients, ce qui rend la pratique d’un sport difficile. C’est donc une fois les traitements
finis, quand le patient commence à récupérer ses forces qu’il pourra lentement augmenter son
activité physique. Il s’agira alors de remettre progressivement en marche son propre organisme
affaibli par la maladie et les soins.
L’intensité des séances d'activité physique augmentera de manière progressive, et il sera conseillé
de se faire suivre par un coach sportif compétent qui aide à adapter ses entraînements à sa condition
physique.
Si la pratique régulière d’une activité physique améliore la qualité de vie des personnes ayant lutté
contre un cancer, elle est aussi conseillée pour ses effets bénéfiques sur la prévention des récidives.
Croyez-vous que l’on fasse assez pour promouvoir l’activité physique en France ?
Dans les dernières années, on a mis en place des campagnes d’information très efficaces. J’ai
l’impression que tout le monde se rend désormais compte de la grande importance que la pratique
régulière d’une activité physique a pour la santé. Toutefois, on pourrait toujours faire mieux pour
s’engager dans la lutte contre la sédentarité.
Des études ont montré que la pratique d’une activité physique régulière peut réduire le risque de
cancer du sein, chez les femmes en post-ménopause, et de cancer de l’endomètre (la muqueuse
qui tapisse l’utérus). Selon l’Institut National du Cancer, en France, 21% des cancers du sein et 26%
des cancers de l’endomètre sont attribuables à une activité physique insuffisante.
L’action bénéfique de l'exercice physique sur ces types de tumeurs serait liée à son effet protecteur
contre l’obésité et le stockage des graisses, et à son effet régulateur hormonal, deux facteurs de
risque dans cette affection. L’exercice physique, préférablement de type aérobique, ne doit pas
forcement être intensif : il est suffisant de le pratiquer durant 30 minutes (marche, natation, vélo,
etc.) par jour, au moins cinq fois par semaine, pour bénéficier de ses bénéfices contre le cancer.
Le sport aurait aussi un effet bénéfique chez des femmes préalablement traitées pour ces cancers,
diminuant le risque de récidive.
C’est pour cela que les soignants proposent de plus en plus aux patientes ayant terminé des
traitements contre leur cancer, des programmes d’exercice physique adaptés.
Pour aider les patientes à faire du sport
Un exemple réussi est le programme Activ : une initiative pilote, mené par l’Institut Curie en
collaboration avec l’association Siel Bleu, destinée à encourager les femmes ayant été soignées d’un
cancer du sein, à reprendre une activité physique, pour diminuer le risque de rechute de leur cancer.
A distance des soins, on propose aux patientes d’avoir un bilan physique individuel fait par un
professeur d’éducation physique spécialisé dans les problèmes de santé.
Depuis 2 000, la Fédération Nationale CAMI Sport et Cancer agit également pour le développement
d’une pratique physique et sportive pour les personnes malades ou ayant été atteintes d’un cancer.
Cette association organise des cours de sport, d’arts martiaux et de danse dans des différents
établissements et hôpitaux partout en France, pour mieux accompagner les patients pendant les
soins, pour améliorer leur qualité de vie et faciliter la réinsertion sociale après la guérison.
Le cancer du côlon est celui sur lequel le sport a un effet préventif le plus convaincant.
43 sur 51 études sur le cancer du côlon ont en effet démontré une baisse considérable
du risque de développer la maladie chez les personnes ayant une activité physique
intense, avec une réduction moyenne de 40 à 50 %.*
Par "activité physique intense", on entend un minimum de 30 minutes d'exercice par
jour.
L’effet positif du sport dans la prévention des cancers coliques est premièrement lié aux
effets de l’activité physique sur le poids et sur l’adiposité abdominale (des facteurs de risque
à la prolifération tumorale).
Grand bénéfice du sport
De plus, l’activité physique aurait un effet protecteur face au développement de ce type de
cancer puisqu’elle cause une accélération du transit intestinal : la réduction du temps de
transit gastro-intestinal ne permettrait pas aux substances cancérogènes de rester trop
longtemps en contact avec l’intestin.
Mais l’efficacité de l’exercice physique sur le cancer du côlon ne se limite pas à la
prévention primaire, elle est aussi préconisée après les traitements, parce qu’elle a une
grande influence sur l’amélioration de la qualité de vie des patients.
Faire du sport aide les malades à lutter contre la fatigue et à trouver une source d’énergie
pour lutter contre le cancer.
Par "activité physique", on entend « tout mouvement corporel produit par la
contraction des muscles squelettiques, et dont le résultat est une augmentation
substantielle de la dépense énergétique par rapport à la dépense de repos ».
On pratique, on parle d'activité physique, non pas seulement quand on fait du sport,
mais aussi quand on met en marche notre corps pour effectuer les activités de notre vie
quotidienne et professionnelle (marcher, faire le ménage, monter les escaliers, danser,
jouer avec les enfants, etc.).
Pourtant, on sait aussi que l’attrait de la sédentarité peut être très fort : d'après l’OMS
(Organisation mondiale de la Santé) elle est le quatrième facteur de risque de mortalité
à l’échelle mondiale (juste après l’hypertension, le tabagisme et un taux élevé de
glucose dans le sang).
En France, la pratique d’activités physiques est encore insuffisante
50% des adolescents et 43%** des adultes pratiquent régulièrement une activité
physique de niveau élevé (avec une prévalence des hommes sur les femmes), c'est-à-dire
une activité « entraînant des bénéfices pour la santé », selon les recommandations de
l'IPAQ (International Physical Activity Questionnaire).
L’évolution des modes de vie, qui tend vers une certaine sédentarité, rend indispensable le
développement de stratégies pour une plus large diffusion de l’activité physique. Cet
important objectif de la santé publique nécessite la mise en place de politiques sanitaires
internationales et nationales ciblées.
Si, en 2010, l’OMS a publié les Recommandations mondiales en matière d'activité physique
pour la santé, en France, sa promotion est un des axes principaux de l’action du PNNS (Plan
National Nutrition et Santé).
Depuis 2001, l’INPES (Institut national de prévention et éducation pour la santé) a organisé
des campagnes de sensibilisation et de promotion à la pratique du sport, à travers des
journées « Sport – Santé - Bien-être » et des dépliants d’information (La santé vient en
bougeant, Bouger c’est la santé, Bouger chaque jour c’est bon pour la santé). Mais il faut
bien le reconnaître : malgré ces campagnes de communication, la pratique d'activités
physiques restent encore insuffisantes...
_________________
* Recommandations mondiales sur l’activité physique pour la santé, Organisation mondiale
de la Santé 2010
** Baromètre santé nutrition 2008.
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