Le Soir - Azimut

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Le Soir Lundi 10 octobre 2016
L'ENTREPRENEURIAT 13
Des outils pour
entreprendre à plusieurs
CO-CRÉATION
L’entreprise est de plus en plus vécue comme une aventure collective
Un CoLab pour
prévenir les conflits
4T, entreprise wallonne en co-création réunissant une douzaine de consultants indépendants d'horizons divers et de profils complémentaires. © O.F.
Les initiatives
se multiplient,
que ce soit
dans les start-up
ou chez les
indépendants.
Un premier cas wallon
de co-création
entre pairs vient
d’ailleurs de voir le jour.
’aventure entrepreneuriale ne doit pas être solitaire. Nombre de grandes
réussites se sont construites sur
la base d’un binôme, voire plus.
De tout temps, les hommes et les
femmes se sont associés pour
faire du business, offrant au passage depuis des décennies pas
mal de travail aux avocats et aux
notaires. Rien de neuf sous le soleil donc ?
Non, si ce n’est tout de même
que la création d’entreprise tend
à se conjuguer de plus en plus au
pluriel. Singulièrement parmi les
moins de 35 ans, on rencontre de
moins en moins de « starters »
qui veulent se lancer seul. Dans
les start-up, la tendance est clairement aux cofondateurs plutôt
qu’au fondateur. Selon l’European Startup Monitor de 2015,
une enquête menée auprès de
plus de 2.000 jeunes entreprises
prometteuses, chaque société
compte en moyenne 2,7 fondateurs… Parmi ceux qui nourrissent en tout cas des ambitions
de croissance et donc d’embauches, l’entrepreneuriat est de
plus envisagé comme une aventure collective. Généralement,
L
les futurs partenaires en affaires
se connaissent déjà, le plus souvent des bancs d’école ou d’une
première expérience professionnelle. Mais pas toujours. D’où le
succès, chez nous, des soirées
« How I met my cofounders » ou
du salon Mind&Market, sortes
de clubs de rencontres pour futurs associés.
Deuxièmement, un certain
nombre d’indépendants, plutôt
que de s’évertuer à développer
leur business dans leur coin,
cherchent à s’inscrire dans une
démarche collective de mutualisation des talents. L’approche
« soft » consiste par exemple en
une (ré)organisation du temps
de travail qui donne davantage
de place au coworking. La formule, conviviale en plus d’être
accessible, a démontré qu’elle débouche aussi souvent sur du business, à travers des partenariats
souples entre professionnels
complémentaires. Nous insistons bien sur le complémentaire
– ou multidisciplinaire – car le
regroupement en société d’indépendants d’un même métier
(journalistes, graphistes, informaticiens, etc.) ne date pas
d’hier.
« L’association est
un résultat, pas un point
de départ » OLIVIER BOUCHE,
COACH EN CRÉATION D’ENTREPRISE
Des approches plus radicales
de « co-création » entre entrepreneurs
individuels
commencent également à voir le jour.
Olivier Bouche, formateur et
coach en création d’entreprise,
lançait, il y un an Wikilabs, « activateur privé de co-création ».
Partant d’un constat : « C’est la
crise. Les consommateurs comme
les entreprises dépensent beaucoup moins facilement qu’avant.
Pour leur faire mettre la main au
portefeuille, il faut un produit ou
un concept réellement bluffant.
Et souvent, une idée “wow” ne
peut pas être mise en œuvre par
une seule personne. Malheureusement, la plupart des gens
n’aiment pas s’associer. » D’où
l’idée avec Wikilabs de faciliter
les rapprochements entre entrepreneurs désireux de travailler
en équipe.
En collaboration avec le réseau
d’aide à l’autocréation d’entreprise Azimut, Wikilabs vient de
mettre sur les rails 4T, une « cocréation entre pairs » qui associe
12 consultants expérimentés
(plus de 20 ans d’expérience chacun) et complémentaires (communication, management, logistique, informatique, droit…). Ils
ne se connaissaient pas au départ
et viennent d’un peu partout en
Wallonie et à Bruxelles. L’équipe
a été formée en quelques semaines. « L’idée initiale était de
créer une plateforme online de
présentation des talents, basée
sur une combinaison unique de
compétences et d’expériences
complémentaires. Mais assez
vite, animés par un même esprit,
nous en sommes arrivés à l’idée
de co-créer un nouveau type d’entreprise de conseil aux entreprises, surtout les PME, qui partirait de la définition de leurs besoins réels, petits ou grands, plutôt
que
de
solutions
préformatées », expliquent Gisèle Marechal, Sylvie Cappaert et
Christian Derauw, 3 des 12 cocréateurs. Tous pointent, non
sans humour, l’avantage d’une
démarche collective où il y a toujours un collègue plus compétent
que vous sur telle ou telle matière. Pas besoin, comme c’est le
travers de tant de consultants, de
prétendre avoir la science infuse.
4T est pour l’instant une association de fait, qui vient de décrocher sa première mission, pour
l’UCL en l’occurrence. Chaque
consultant facture donc sous son
numéro d’entreprise personnel
et conserve par ailleurs son activité sur le côté, « ce qui n’empêche
pas une loyauté à la marque
4T », nous disent fièrement ses
représentants, qui nous tendent
une carte de visite au logo de leur
nouvelle bannière. La réflexion
est en cours quant au statut que
devrait prendre cette co-création, dans une optique de partage
des revenus. « La question du
statut ne doit pas miner les principes de simplicité et de confiance
qui nous animent jusqu’ici. » Il
n’est pas certain que l’entreprise
opte pour le statut de coopérative, relativement lourd. Y aurat-il un patron ? « C’est une bonne
question… Ce qui est certain, c’est
qu’il faudra des critères pour préserver la complémentarité des talents. » Pour l’instant, la co-création se limite à 12 personnes, histoire de se poser et faire ses
preuves. Par la suite, on peut difficilement imaginer qu’elle reste
figée.
Chacun doit avoir quelque
chose à y gagner, mais chacun
doit aussi d’abord y mettre un
peu de sa poche. Dans le cas de
4T, chacun a « investi » autour
de 1.500 euros pour lancer le
projet.
« Il est également essentiel
dans une telle démarche collective de préciser les conditions de
retrait pour le co-créateur qui
souhaiterait faire ses valises,
afin que la co-création reste dans
une dynamique positive et ne devienne pas un poids pour tout le
monde »,
souligne
Olivier
Bouche. Wikilabs accompagne
cinq autres projets de co-création en Wallonie, dans les services aux personnes ou dans le
commerce (projet de revitalisation commerciale du centre-ville
de Gembloux). Tous n’iront pas
nécessairement jusqu’à une association comme dans le cas de 4T.
« L’association est un résultat,
pas un point de départ. »
Car la formule, au-delà du fait
qu’il y a plus dans dix têtes que
dans une, permet à chaque entrepreneur de tester son degré de
compatibilité avec de futurs associés. Non sans une certaine humilité. ■
Si tant d’entrepreneurs
préfèrent entreprendre seul
plutôt qu’en association,
c’est tout simplement
parce qu’ils sont bien informés : il est clair que la
dispute entre associés
constitue l’un des plus
fréquents facteurs d’échec
chez les jeunes entreprises.
Créée début de cette année dans le giron d’Azimut
à Monceau-sur-Sambre
(merci les fonds Feder),
CoLab est une cellule d’accompagnement unique en
Wallonie qui se concentre
sur l’entrepreneuriat à
plusieurs. Une trentaine de
projets d’association ont
ainsi été guidés, pour affiner le business plan mais
aussi et surtout régler des
questions juridiques essentielles comme le pacte
d’actionnaires et les accords de collaboration. Ou
les dispositions financières
lorsqu’un des associés veut
quitter l’entreprise. Beaucoup de ses projets n’aboutiront jamais mais un
constat s’impose déjà : « Il
faut toujours s’attendre à ce
que l’association soit plus
compliquée que prévu. Dans
la fougue de leur jeunesse,
beaucoup ont tendance à
minimiser les risques de
conflits : “le plus important
pour nous, c’est l’amitié…”
Mais on tombe très vite dans
des enfantillages, » observent Christophe Yernaux, coordinateur chez
Azimut et Anne Dubois,
l’une des trois personnes
dédiées à CoLab.
Pour prévenir un conflit
souvent fatal, il convient en
effet de crever les abcès le
plus tôt possible. « On
constate vite des problèmes
d’alignement sur des choses
anodines, style la couleur du
logo, mais aussi parfois sur
le business model, la vision
de l’entreprise. » Un pointclé consiste à définir les
responsabilités, à organiser
le fonctionnement ultérieur. Qui sera le CEO ? Qui
aura le dernier mot ?
« Dans le cas d’un duo, il est
difficile de convaincre qu’une
association 50/50 n’est pas
toujours une bonne idée ».
CoLab va ouvrir tout prochainement une antenne
dans le Coworking Namur.
OLIVIER FABES
Entrepreneur
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