TOPIC
mars 2006
La vélocité des
firmes étrangères
à s’implanter en
Chine est scrutée
avec attention par
Pékin.
OMC ou pas, la
priorité est de
préserver les
secteurs jugés
stratégiques de
l’appétit des
investisseurs
étrangers,…
… et de faire
émerger des
Etrangers en Chine : le retour du pendule ?
La stratégie chinoise d’ouverture économique à tous crins lancée en
1992 marque le pas. L’intégration à l’économie mondiale reste le mot d’ordre
mais pas à n’importe quel prix. Sans doute la perspective de l’ouverture du
secteur financier, prévue dans maintenant neuf mois, rend-elle Pékin nerveux
et explique en partie ce changement d’état d’esprit. La volonté de s’émanciper
désormais des entreprises à capitaux étrangers y est aussi pour beaucoup.
Des voix commencent à s’élever de-ci de-là contre la prédominance des
firmes étrangères dans l’économie du pays. Le débat a même agité les couloirs
de l’Assemblée Nationale Populaire qui a occupé les dirigeants du pays au
mois de mars. Car en lieu et place d’ascension spécifiquement chinoise, dans
la réalité, c’est bien de montée en puissance des multinationales étrangères en
Chine qu’il s’agit. Deng Xiaoping leur avait ouvert grand ses portes à coup
d’avantages fiscaux et autres incitations. Vingt ans plus tard pourtant, certains
membres du Parti, sans pour autant rejeter en bloc les capitaux étrangers, se
mettent à douter et réfléchissent tout haut à d’autres alternatives pour la
croissance chinoise de demain.
Ne doit-on pas voir dans la directive sur l’acier du 20 juillet dernier un
signal fort en ce sens ? La « China Steel Industry Development Policy » a
coupé court à toutes les velléités des groupes étrangers en lice pour prendre
des participations supérieures à 50% dans le capital des entreprises chinoises
du secteur. Et ce n’est qu’un exemple parmi beaucoup d’autres. Comme si le
PCC souhaitait mettre le holà à l’appétit glouton des investisseurs étrangers
dans certaines activités… ce qui lui vaut de s’attirer les foudres des pays
membres de l’OMC. Mais 2006 n’est pas 2001. Les priorités des dirigeants ont
changé et ils ne semblent pas faire grands cas des protestations de leurs
partenaires. Plus récemment, les va-et-vient de Citigroup et de la Société
Générale pour acquérir une partie du capital de la Guangdong Development
Bank ont reflété l’indécision des autorités à laisser les institutions financières
étrangères avancer leurs pions comme elles l’entendent dans le secteur le plus
sensible du moment.
La politique en cours qui vise à faire émerger des champions nationaux,
susceptibles de concurrencer les grands groupes mondiaux à l’international,
champions
nationaux sur la
scène mondiale.
La pérennité des
bas coûts,…
… l’entrée à
l’OMC, les 400
millions de
consommateurs
potentiels,…
…, et les
multiples
incitations fiscales
attisent les
convoitises des
firmes étrangères.
Mais le Parti
souhaite fixer de
nouvelles
orientations pour
l’économie
nationale et
encadrer
davantage les IDE
« L’usine du
monde » se voit
« laboratoire du
monde »
Au programme :
… montée en
constitue un autre signal évident de la détermination au plus haut niveau du
PCC de s’affranchir des multinationales étrangères, aussi bien dans les
exportations qu’en matière de R&D.
Il va sans dire que les autorités actuelles reconnaissent le bien-fondé de
la politique d’ouverture et du recours aux capitaux étrangers. Toutefois, jouer
à plein la carte de la main d’œuvre bon marché et des bas coûts, comme elles
l’ont fait depuis 20 ans, ne leur paraît plus aussi judicieux qu’auparavant. Elle
a pourtant très bien fonctionné. L’Empire du Milieu a magnifiquement su
trouver sa place dans le mouvement de la globalisation qu’il a d’ailleurs
contribué à accélérer, en s’appuyant sur cet avantage comparatif. Le cas du
Guangdong est à ce titre révélateur. Cette province concentre un quart du stock
national d’IDE et les firmes à capitaux étrangers constituent 60% des
exportations et de la production industrielle. Alors que l’industrie
manufacturière - à forte intensité en travail - représentait 39,5% du PIB en
1990, elle avoisinait les 54% en 2004. « L’usine » du Guangdong est le pôle
emblématique de « l’usine du monde » avec 40 millions d’ouvriers
- notamment dans le Delta de la Rivière des Perles - dont 15 millions
d’immigrés des provinces intérieures de la Chine.
Depuis 2001, c’est son accession à l’OMC comme preuve de sa bonne
volonté que la Chine a choisi de mettre en avant. Le potentiel du marché
chinois, et en particulier de ses 400 millions de citadins, a fait le reste. Les IDE
cumulés se montaient fin 2005 à près de 600 mds $ (dans l’industrie
manufacturière exportatrice essentiellement).
Certains dirigeants aimeraient cependant bien tempérer les ardeurs des
investisseurs étrangers ou tout du moins, mieux les encadrer. D’abord pour
répondre aux protestations régulières des firmes chinoises qui se plaignent des
avantages accordés à leurs consœurs étrangères. Ces dernières sont encore
exemptées des droits de douanes sur les importations des biens intermédiaires
par exemple, ce qui désavantage considérablement leurs concurrents locaux
dont l’accès aux biens d’équipements étrangers est rendu plus coûteux par
exemple.
D’autre part, elles ont aux yeux de Pékin pris un trop grand ascendant
dans certains secteurs, ceux en particulier dans lesquels domine la demande
externe. On le mentionne rarement, mais l’ouverture se paye au prix fort pour
les Chinois. Les firmes étrangères détiennent une part croissante dans les
exportations (passée de 49% en 1998, à 59% en 2005) et occupent des
positions majeures dans de très nombreux secteurs. Les exportations, principal
moteur de l’économie chinoise, sont - faut-il le rappeler - passées de
436 mds $ en 2003 à 762 en 2005, et sans doute 900 en 2006.
Surtout, « l’usine du monde » se plaît à se rêver maintenant
« laboratoire du monde ». Et les Chinois comptent bien mettre à contribution
les groupes étrangers en les poussant, en particulier à investir dans des secteurs
innovants.
Pour le moment, le contenu en importation des productions destinées
aux exportations continue d’être très important et représente un coût trop élevé
gamme de
la production,…
… innovation,
R&D et hautes
technologies.
Des capitaux
étrangers, oui
mais… créateurs
de valeur ajoutée.
au goût de l’Etat central malgré le tassement relatif des importations en 2005
- la balance commerciale a été excédentaire de plus de 100 mds $. La relative
inertie de la structure des échanges en témoigne. La Chine continue d’importer
pour une large part des produits intensifs en technologie tandis qu’elle exporte
des biens de consommation à faible intensité en capital.
Par ailleurs, les IDE n’ont pas été facteurs d’innovation pour le pays
pensent certains dirigeants chinois. L’objectif numéro 1 de Pékin est le
renforcement des transferts de technologies, quitte à engager un bras de fer
permanent avec des investisseurs réticents à céder brevets et autres secrets de
fabrication. Le ticket d’entrée sur le marché chinois risque donc bien de
s’élever. Les récentes tribulations d’Areva sur le marché des centrales
nucléaires de troisième génération en témoignent, tout comme notre TGV qui
ne verra sans doute jamais le jour. Les dirigeants l’affirment : la spécialisation
de l’économie sur le bas et moyen de gamme risque de fragiliser la pérennité
de la croissance à venir. Si les étrangers ne veulent pas les aider, ils se
débrouilleront seuls. Les nouvelles centrales nucléaires qui devraient sortir de
terre grâce à la technologie achetée à l’Américain Westinghouse et la ligne
Shanghai-Pékin qui se fera sous la férule de la technologie chinoise illustrent
bien cet état d’esprit.
Chaque année, 700 000 ingénieurs sortent des bancs de ses universités.
Des centres de R&D flambant neufs poussent comme des champignons chez
ses fleurons des télécoms TCL ou Huawei ou dans les parcs de haute
technologie tel que celui de Zhongguancun, à Pékin. L’Etat mobilise aussi
d’énormes moyens afin de financer ses efforts technologiques et d’imposer ses
propres standards technologiques dans la téléphonie ou le DVD. Pour
accompagner cette stratégie, il a besoin de la manne financière des firmes
étrangères.
Le débat en cours ne témoigne aucunement d’une quelconque volonté
de bouter hors de Chine les groupes étrangers. Il s’inscrit plutôt dans une
stratégie de long terme qui vise à donner à la Chine une relative indépendance
technologique.
Les nouveaux capitalistes chinois, pour certains membres éminents du
Parti, ne sont peut-être pas étrangers à cette réflexion. L’essor des
entrepreneurs privés chinois non plus. Les entreprises étrangères en Chine ont-
elles mangé leur pain blanc ? L.B
La balance commerciale en très grande forme
0
100
200
300
400
500
600
700
800
900
200020012002200320042005
0
20
40
60
80
100
120
exportations importations excédent commercial
Les investissements directs étrangers ont-ils atteint leur plafond ?
45,3 45,5
40,3 40,8
46,8
52,7 53,5
60,6 60,3
30
35
40
45
50
55
60
65
1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005
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