Imagerie des atteintes axiales des spondylarthropathies P. Koch¹, O. Silbermann-Hoffman¹, A. Chevrot², E. Schouman-Claeys¹, A.Feydy². Services de Radiologie ¹CHU Bichat, AP-HP, Université PARIS VII ²CHU Cochin, AP-HP, Université PARIS V PLAN Introduction Rappel sur les spondylarthropathies Epidémiologie, Physiopathologie, Imagerie diagnostique et surveillance Lésions rachidiennes Aspects RX, scanner et IRM Lésions des sacro-iliaques Aspects RX, scanner et IRM Conclusion Introduction On regroupe sous le terme de spondylarthropathies séronégatives un groupe hétérogène d’affections rhumatismales, sans facteur rhumatoide et sans nodule rhumatoide On isole 5 sous groupes: La spondylarhtrite ankylosante, qui en est l’archétype Le rhumatisme psoriasique Les arthrites réactionnelles Les arthrites associées aux entérocolopathies chroniques Les spondylarthopathies indifférenciées Introduction L’atteinte axiale des spondylarthropathies comprend les atteintes cervico-dorso-lombaires et les articulations sacro-iliaques Les traitements par anti TNFα qui ont pour cible les lésions inflammatoires,ont révolutionné la prise en charge des spondylarthropathies. Il en a découlé une recherche précoce de ces lésions au niveau du rachis et des articulations sacro-iliaques, notamment grâce à l’IRM Il est donc nécessaire pour le radiologue de bien connaître les signes précoces et plus évolués des atteintes axiales des spondylarthropathies, sur les Rx, scanner et IRM, afin d’orienter efficacement le rhumatologue Physiopathologie Les lésions caractérisant ces affections sont de deux ordres: -L’inflammation, touchant la synoviale, les articulations cartilagineuses et les enthèses -Les réactions osseuses de type hyperostose accompagnant les érosions Chaque groupe de spondylarthropathie possède des caractéristiques propres, mais le diagnostic précis n’est pas toujours évident précocément Epidémiologie La prévalence des spondylarthropathies est estimée entre 0,5% et 1,9% de la population générale Les spondylarthropathies sont fréquemment associées à l’antigène d’histocompatibilité HLA B27: 90% des malades sont porteurs du gène, alors qu’il n’est présent que dans moins de 10% de la population normale. L’âge de début de la maladie se situe entre 15 et 35 ans. Imagerie Diagnostic et surveillance 1. Diagnostic Bilan d’imagerie initial diagnostic: -Rx rachis dorso-lombaire face + profil en charge -Rx bassin face en charge ou cliché de De Sèze -Rx mains face et pieds profil Un scanner des sacro-iliaques peut être utile en cas de doute sur la Rx standard Bilan de dépistage de lésions inflammatoires: -c’est l’IRM l’examen de référence Pas de consensus actuellement sur le protocole d’exploration en IRM Imagerie Diagnostic et surveillance En pratique: → IRM Rachis dorso-lombaire - séquences T1 et STIR ou T2 fatsat - dans un plan sagittal est suffisant - une séquence T1 fatsat avec injection de gadolinium peut être réalisée en complément, néanmoins il n’existe pas de consensus actuel sur son utilité par rapport au STIR ou T2 fatsat → IRM Sacro-iliaques - séquence T1 et STIR ou T2 fatsat (+/- T1 gado fatsat) - dans un plan axial et coronal oblique (axe du sacrum) Des séquences complémentaires sur le rachis dans les plans axial et coronal peuvent être utiles pour détecter des atteintes inflammatoires des articulations zygapophysaires postérieures, costo-vertébrales et costotransversaires Imagerie Diagnostic et surveillance En cas de suspicion de sacro-iliite: Rx bassin face + Rx sacro-iliaques centrée Anormale stop normale IRM (œdème) douteux scanner (érosions) Imagerie Diagnostic et surveillance 2. Surveillance Recommandations EULAR¹ et ASAS² 2005 pour la surveillance -Rx rachis lombaire et cervical de profil -selon les patients, on peut réaliser en complément des Rx du rachis lombaire de face, du rachis dorsal de profil, des sacro-iliaques de face et des hanches de face -Périodicité: habituellement tous les 2 ans, au minimum tous les 6 mois, pour suivre la croissance des syndesmophytes 1:European League against Rhumatism 2:Assessment in Ankylosing Spondylitis Imagerie Diagnostic et surveillance Un suivi Rx et IRM des lésions rachidiennes et des sacro-iliaques est utile pour les rhumatologues afin de vérifier l’efficacité des traitements anti TNFα, notamment sur la composante inflammatoire au début de la maladie 2 Scores utilisés par les rhumatologues: BASRI¹ ou SASSS² BASRI est surtout utile en clinique SASSS est surtout utilisé en protocoles pour évaluer l’évolution des lésions rachidiennes sous anti TNFα Mais ces scores n’évaluent pas les lésions thoraciques Un nouveau Score a été proposé pour évaluer les lésions rachidiennes inflammatoires en IRM: ASspiMRI, en cours d’évaluation 1. BASRI:Bath Ankylosing Spondylitis Radiology Index 2. SASSS: Stoke Ankylosing Spondylitis Spine Score Lésions rachidiennes Il existe 6 types de lésions à rechercher sur un examen d’imagerie. Toutes sont à priori détectables avec l’IRM, ce qui n’est pas le cas en Rx standard ou au scanner 1.La spondylite antérieure ou postérieure (lésion de Romanus) 2.La discite floride (lésion d’Andersson) 3.Les arthrites des articulations zygapophysaires postérieures et costo-vertébrales 4.Les enthésites des ligaments inter-épineux 5.Les syndesmophytes 6.L’ankylose Lésions rachidiennes 1.La spondylite antérieure ou postérieure -est précoce et caractéristique, mais non spécifique - résulte d’une enthésopathie inflammatoire au niveau de l’insertion périphérique de l’anneau fibreux discal au corps vertébral, touchant les fibres de Sharpey. - puis se produit une érosion du coin vertébral, qui devient rectiligne - entraine une « mise au carré » des vertèbres, donnant des vertèbres de « Romanus » - à rechercher à la charnière dorso-lombaire - s’accompagne d’une hyperostose de l’os spongieux avoisinant Lésions rachidiennes Stade précoce: - Rx standard et scanner: . érosion des coins vertébraux - IRM: . l’inflammation des coins antéro-supérieur, antéro-inférieur, postérosupérieur et postéro-inférieur des vertèbres, apparait en hyposignal T1 et hypersignal T2 ou STIR, correspondant à un œdème osseux Stade plus évolué: - Rx standard et scanner: . mise au carré des vertèbres - IRM: . l’inflammation cède la place à une dégénérescence graisseuse visible en hypersignal T1 La spondylite antérieure ou postérieure RX rachis lombaire Mise au carré de la vertèbre L4 Scanner rachis lombaire Reconstruction 2D coupe sagittale Erosion du coin antéo-supérieur de L5 et ébauche de syndesmophyte Spondylite antérieure en L3 et postérieure en L5 IRM, coupes sagittales, séquences STIR et T1 Spondylite antérieure IRM coupe sagittale centrée , séquence STIR Lésions rachidiennes 2.La discite floride -ou lésion « d’Andersson », correspond à une inflammation du disque inter-vertébral - stade précoce: . pas de traduction en Rx ou au scanner . En IRM: hyposignal T1, hypersignal T2 ou STIR (plus important que les disques sains adjacents) , et réhaussement après injection de Gadolinium - stade plus évolué: . on individualise des irrégularités et des érosions des plateaux vertébraux, visibles en radiographie standard, au scanner et en IRM Spondylodiscite rhumatismale pluri-étagée stade évolué Rx Rachis lombaire profil Atteinte évoluée d’une SPA 2 1:ankylose des articulaires postérieures 3 2:lésions d’Andersson: spondylodiscite 3: Lésion de Romanus: érosion du coin antéro-supérieur de L3 4:Début d’ankylose disco-vertébrale 1 4 Discite floride en D12-L1 et L1-L2, avec érosions des plateaux 1 Scanner Reconstructions 2D Coupes sagittale et frontale 1:érosions de discite floride 1 Discite floride en D12-L1 et L1-L2, avec érosions des plateaux IRM, coupes sagittales, séquences STIR et T1 Spondylodiscite à un stade évolué IRM Rachis dorsal Coupes sagittales 1: discite 2: dégénérescence graisseuse des coins vertébraux 3: irrégularité des plateaux vertébraux 2 2 3 2 3 2 1 Lésions rachidiennes 3.Les arthrites des articulations zygapophysaires et costo-vertébrales -l’atteinte est comparable aux arthrites périphériques, avec un épanchement, une synovite, des érosions et un œdème osseux -à un stade évolué il peut y avoir une ankylose, bien visible surtout au niveau du rachis cervical et lombaire, l’analyse du rachis thoracique est gênée par la superposition des côtes -ces atteintes peuvent passées inaperçues en IRM s’il n’est réalisé que des séquences dans un plan sagittal, il est donc recommandé de réaliser des séquences complémentaires centrées dans un plan axial -En radiographie standard, les arthrites sont caractérisées par un flou des berges articulaires, alors que dans l’ankylose les articulations ne sont plus individualisées Arthrite zygapophysaire postérieure IRM, Coupes sagittales, séquence T2 et T1 Arthrite zygapophysaire postérieure IRM, coupes sagittales, séquence T1 GADO FATSAT Arthrite zygapophysaire postérieure droite IRM Coupes axiales T1 GADOFATSAT Scanner Coupes axiales Arthrite costo-vertébrale et costo-transverse IRM, coupes axiales, séquence T1 GADO FATSAT Lésions rachidiennes 4.Les enthésites -Le rachis est stabilisé par de nombreux ligaments, lesquels peuvent être impliqués dans le processus inflammatoire des spondylarthropathies -Ce sont surtout les ligaments inter-épineux et supra-épineux qui sont affectés -Cette atteinte se caractérise en IRM par un hyposignal T1, hypersignal STIR ou T2 fatsat, se réhaussant après injection de Gadolinium. Les ligaments apparaissent « épais » sur les séquences T1. Il peut s’y associer une ostéite de l’os spongieux du processus épineux adjacent -La radiographie standard montre des érosions et irrégularités des processus épineux, mais ceci échappe fréquemment à la détection Enthésite des ligaments inter-épineux et supra-épineux IRM Rachis lombaire coupe sagittale séquence STIR 1 1:Enthésite des ligaments inter et supra-épineux 2: ostéite de l’arc postérieur 1 2 Enthésite du ligament inter-épineux Scanner et IRM en T1 sans et après injection de Gadolinium Noter l’érosion du bord supérieur de l’épineuse de L4, détectée au scanner, et l’enthésite inter-épineuse L3-L4 sur la séquence injectée. Lésions rachidiennes 5.Les syndesmophytes -Ils apparaissent comme des « excroissances osseuses » naissant des bords des plateaux vertébraux, à la différence des ostéophytes qui naissent quelques millimètres sous les plateaux -Ils ont une direction verticale, contrairement aux ostéophytes qui ont une direction horizontale -Ils sont généralement fins alors que les ostéophytes sont plutôt épais -Ils peuvent se rejoindre d’une vertèbre à une autre et former des « ponts » -Ils sont plus facilement mis en évidence sur des radiographies standards qu’en IRM, du fait de la résolution spatiale faible en IRM -Ils apparaissent en hyposignal T1 et STIR Les syndesmophytes 1 1 1 2 Rx Rachis lombaire 1 Face et profil Atteinte évoluée de SPA 1 1 2 1:syndesmophytes en pont 2:ankylose des articulaires postérieures Les syndesmophytes Scanner rachis lombaire 2 reconstructions 2D coupes sagittale et coronale 3 1 1:syndesmophyte 2:sydesmophytes en pont 3:vertèbre de Romanus 2 2 2 1 Lésions rachidiennes 6.L’ankylose -elle atteint les articulations zygapophysaires postérieures, costovertébrales, costo-transversaires et les disques -elle survient secondairement aux poussées inflammatoires de type spondylite antérieure et postérieure -En IRM, elle apparaît comme de l’os normal, en isosignal T1 et hyposignal STIR ou T2 fatsat -La radiographie standard est tout aussi démonstrative Ankylose Ankylose majeure des articulations zygapophysaires postérieures Ankylose RX d’un rachis cervical face et profil et scanner correspondant avec reconstructions 2D dans un plan sagittal et coronal Noter que l’étage C4-C5 n’est pas ankylosé, et qu’il existe une arthropathie dégénartive des articulations zygapophysaires postérieures. Lésions des sacro-iliaques Habituellement bilatérales et symétriques, pour les formes évoluées Parfois unilatérales et asymétriques dans les formes précoces (10% des cas) Prédominent sur les berges iliaques, le cartilage recouvrant les berges iliaques étant plus mince que sur les berges sacrées cela explique pourquoi l’atteinte y est plus précoce et prédominante Peuvent atteindre n’importe quel site des articulations sacro-iliaques Une atteinte de la portion postérieure ou inférieure des articulations est suggestive d’une atteinte rhumatismale Une atteinte dégénérative survient plutôt en zone d’hyperpression, c’est dans la portion antérieure du 1/3 moyen des articulations Lésions des sacro-iliaques Deux types de lésions: 1 - érosions inflammatoires: entrainent une disparition plus ou moins étendue de la lame sous chondrale, d’aspect flou, et un élargissement segmentaire de l’interligne 2 - l’hyperostose réactionnelle: entraine une densification flou de l’os spongieux, puis une ankylose Lésions des sacro-iliaques Les érosions, la condensation osseuse sous chondrale sont bien mises en évidence sur les radiographies standards et le scanner, mais également en IRM sur des séquences T1 L’atteinte inflammatoire précoce est facilement détectée par l’IRM, retrouvant une ostéite des berges iliaques et/ou sacrées, apparaissant en hyposignal T1, hypersignal STIR et se réhaussant après injection de Gadolinium Un protocole d’exploration en IRM avec des séquences pondérées en T1, STIR ou T2 FATSAT dans un plan coronal oblique et axial est recommandé. Des séquences complémentaires en T1 avec injection de Gadolinium peuvent être réalisées en complément, allongeant le temps d’examen pour un apport discuté par rapport au STIR Sacro-iliite rhumatismale 1 3 2 Sacro-iliite droite rhumatismale chez un homme de 30 ans 1:flou des berges 2: condensation osseuse sous chondrale 3: érosions Sacro-iliite rhumatismale Sacro-ilite rhumatismale Importante condensation des berges Sacro-ilite rhumatismale Erosions et condensation des berges Sacro-iliite rhumatismale 5 Scanner des 1 Sacro-iliaques reconstruction 2D 2 coupe frontale oblique 3 2 3 4 Aspect typique d’une sacro-ilite bilatérale rhumatismale 1: aspect flou des berges 2: condensation osseuse sous chondrale 3: érosions 4: début d’ankylose 5: syndesmophyte Sacro-iliite rhumatismale 1 3 2 Scanner sacro-iliaques, reconstructions 2D, coupes coronales obliques 1: aspect flou des berges 2: condensation osseuse 3: érosions Sacro-iliite rhumatismale 1 1 1 2 2 2 2 IRM Sacro-iliaques, coupes coronales, Séquence T1, T1 Gado Fatsat, STIR 1:Hypersignal STIR avec prise de contraste de l’interligne articulaire 2:Oedème de l’os spongieux=ostéite Sacro-iliite rhumatismale T1gadofatsat STIR STIR ! A noter: l’œdème de l’os spongieux des berges iliaques et sacrées est plus étendu sur la séquence STIR que sur la séquence T1 Gado Fatsat, il est carrément absent de la berge sacrée en T1 Gado Fatsat ! Diagnostic différentiel Devant une arthrite sacro-iliaque unilatérale Il faut éliminer: - une origine infectieuse - plus rarement, une hyperparathyroidie, une ochronose, une ostéochondrose - le SAPHO Devant une atteinte rachidienne: Il faut éliminer: - une spondylite, une discite ou une arthrite postérieure d’origine infectieuse Ne pas confondre un syndesmophyte 1. avec un ostéophyte de discarthrose 2. avec une coulée osseuse d’hyperostose vertébrale engainante (Maladie de Forrestier) Conclusion Les spondylarthropathies se caractérisent par des signes typiques en RX, scanner et IRM. Cependant ces signes ne sont pas spécifiques et peuvent être rencontrés dans des pathologies infectieuses ou dégénératives Une atteinte conjointe du rachis et des sacro-iliaques permet de poser rapidement un diagnostic L’IRM est l’examen de référence pour détecter des lésions inflammatoires précoces rachidiennes et des sacro-iliaques Des études ont déjà montré l’intérêt du suivi en IRM des atteintes inflammatoires rachidiennes et des sacro-iliaques sous traitement anti TNFα Le radiologue se doit de connaître ces différents signes radiologiques pour orienter efficacement le rhumatologue dans sa prise en charge de la maladie. Bibliographie Malghem J, Vande Berg B, Maldague B et col. Arthrites rhumatismales in Imagerie ostéo-articulaire, Flammarion 1999. Resnick D et al. Ankylosing spondylitis in Diagnosis of Bone and joint disorders 3rd Edition , Saunders Company 1995. 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