Tale S, SVT, 2007-2008 1/3
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Lors de sa création, un échantillon de roche (magmatique surtout) contient une quantité P0 d'éléments radioactifs père et une
quantité F0 d'éléments fils. Lors de la cristallisation, les éléments sont immobilisés dans la roche : on parle de « fermeture du
système ». Les éléments pères se désintègrent au cours du temps, permettant d'augmenter la quantité d'éléments fils dans
l'échantillon ; la mesure de la quantité d’élément fils (ou d’élément pères restants) permet une mesure du temps écoulé.
Nous sommes capables de mesurer, par un spectrographe de masse, les proportions relatives d'éléments chimiques, dont la
masse atomique est proche (il est donc possible de distinguer des isotopes, avec une grande précision). C'est donc à la fois
grâce à la connaissance du mode de désintégration au cours du temps et grâce au spectrographe de masse que l'on va pouvoir
estimer l'age d'une roche.
1) Couple élément père / élément fils [rappels de physique]
P ----------> F + énergie éventuelle (γ) + particule éventuelle
radionucléide père élément radiogénique fils
ex : 238U -------> 206Pb + 8 4He rayonnement α
40K -------> 40Ar + γ rayonnement γ
87Rb -------> 87Sr + e- rayonnement β
2) Evolution de la teneur en élément père au cours du temps [rappels de physique + application]
La vitesse de la réaction de désintégration
– dépend de la concentration des éléments pères présents à chaque
instant
– dépend de la nature du couple chimique élément père / élément fils
On a : dP / dt = - λ .P
λ représente la constante de désintégration, caractéristique du couple
L’équation peut aussi s’écrire : dP / P = - λ.dt ce qui représente un
équation différentielle
résolution de l’équation différentielle :
dP / P est la primitive de la fonction ln (P)
On a donc : ln (P)= -
λ
.t + Cste
Or à t= 0 , : ln (Po))=Cste
on peut écrire : ln (P/ Po) ) = -
λ
.t
On a donc : P = Po.e -
λ
t
Soit, après résolution de cette équation différentielle :
P = Po.e - λ t
Po représente la concentration initiale en élément père.
On définit la période T (demi-vie) de l'élément P comme le temps nécessaire à
désintégrer la moitié des éléments initiaux Po soit P/Po = 1/2 = e- λ T
On a donc : T = ln2 / λ .
La période T ne dépend que de λ, c'est donc une caractéristique du couple étudié.
Pour chaque radionucléide étudié, les valeurs de T et de λ, déterminées
expérimentalement, sont disponibles dans des tables.
Po
Tt
P
1/2. Po
couple λ constante radioactive (a-1) période T (an)
238 U------->206Pb + 8 4He 1,551.10
-10 4,468.109
Uranium / plomb 235 U -------> 207Pb + 7 4He 9,849.10
-10 0,704 109
Thorium / Plomb 232 Th -------> 208Pb + 6 4He 4,948 10
-11 14,1.109
Potassium / Argon 40 K -------> 40 Ar + γ 5,55.10
-11 1,25.109
Rubidium / Strontium 87 Rb -------->87 Sr +β 1,42.10
-11 48,38.109
Carbone / Azote 14 C -------->14 N +β 1,245 10
- 4 5,568 103
Cas du couple 14C / 14N l’élément père est ici P : 14 C, son isotope stable S : 12C, l’élément fils est 14N
Le 14C est continuellement produit dans la haute atmosphère par réaction entre 14N et le bombardement de neutrons cosmiques.
Le 14C produit est radioactif (élément père) et se désintègre progressivement en 14N (élément fils). On considère (en première
approximation) que le rythme de production 14C est stable et compense la désintégration du 14C. Ainsi le rapport 14C / 12C est
considéré comme stable au cours des temps géologiques (du moins depuis 1950)
Les atomes de 14C peuvent être incorporés dans des molécules de CO2 qui transitent ensuite dans tout le cycle du carbone (CO2
dissous dans les océans, ion HCO3
-, matière organique fabriquée par les végétaux chlorophylliens puis consommée par les
animaux). Chaque réservoir et en équilibre avec les autres réservoirs (système chimique ouvert), on peut considérer que leur
rapport 14C / 12C est constant et identique à celui de l’atmosphère actuelle. (1,2.10-12)
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A la mort des cellules d’un organisme ou lors de l’isolement d’une masse d’eau (courant profonds), le 14C n’est plus renouvelé
(fermeture du système). Le rapport 14CO2 / 12CO2 de l’échantillon diminue au cours du temps. La mesure de ce rapport dans
l’échantillon permet donc de connaître l’age de fermeture du système, donc la mort de l’organisme.
On appelle S l'isotope stable correspondant à l'élément P, le rapport isotopique mesurable par le spectrographe est donc P / S.
Par ailleurs Po/S est connu et identique à celui de l’atmosphère actuelle (1,2 10-12)
P/ S = Po/S . (e-λ t) t = -1/λ . ln((P/S)/( Po/S)) = 1/λ . ln((Po /S)/( P/S))
3) Evolution de la concentration en éléments fils
A priori au temps To on dispose déjà d'une certaine concentration inconnue Po et Fo d’éléments dans le système chimique
étudié. Dans l'hypothèse où le système évolue en système clos (aucun apport de P ni fuite de F) on a à chaque instant
F = Fo + (Po -P). (Po-P) représente les nouveaux éléments F formés.
On peut écrire : Po = P eλ t d’où la relation : F = Fo + P (eλ t - 1)
Pour les calculs, compte tenu des valeurs usuelles de λ et des ages des roches, la valeur de λ t est faible et dans ce cas, on peut
raisonnablement utiliser l'approximation eλ t - 1 = λ t F = Fo + P.λt F/S = Fo/S + P/S.λt
Les rapports F/S et P/S sont mesurés au spectrographe de masse mais Fo n’est pas connu.
Cas du couple 40K / 40Ar
Le couple 40K / 40Ar se prête particulièrement bien à une analyse aisée de datation. En effet, la seule source terrestre de 40Ar est
le 40K ce qui signifie que tout le 40Ar actuel est issu de 40K ancestral.
L’argon étant un gaz, il s’échappe de la lave dès son arrivée en surface. On peut alors estimer que F0 est négligeable (il est de
toutes les manières négligeable devant P0 si on prend la précaution de travailler sur des minéraux riches en K, tels que l’orthose
ou les micas)
L'équation devient : F = P.λt Æ (t = 1/λ.(F/P)) F/S = P/S.λt
Le calcul de t est donc possible à partir des mesures de F et P ou des rapports isotopiques F/S et P/S.
Cependant, pour des roches récentes, les géochimistes estiment que la contamination des échantillons par le 40Ar de
l’atmosphère peut ne pas être négligeable (les roches récentes de surface peuvent présenter des gaz interstitiels plus ou moins
en contact avec l’atmosphère). Dans de tels cas, des facteurs correctifs sont apportés à l’équation.(ce qui sera parfois le cas
pour la datation de roches de l’époque des premiers homininés).
4) Exemple du couple 87Rb/87Sr où Po et Fo ne sont ni connus, ni négligeables
Le Rubidium et le Strontium sont deux éléments chimiques que l’on peut rencontrer dans des minéraux de roches
magmatiques (micas et feldspaths par exemple)
Le Rubidium 87 (élément père, P) se désintègre en Strontium
87 (élément fils, F). Mais il existe un autre isotope stable du
Strontium , le Strontium 86 (nommons le S)
formation d'assemblages chimiques de
composition spécifique : les minéraux
magma initial :
F0 + S = 20 %
F0 / S = 1/2 %
autres éléments chimiques
F0
S
Au moment de sa formation, un minéral comporte du
Strontium : Fo + S à une teneur qui lui est propre. Mais le
rapport Fo/S sera identique pour tous les minéraux. La teneur
actuelle F en Rubidium est plus élevée du fait de la
désintégration du Rubidium
Minéral 1 : F0 + S : 40 %
F0 / S = 1/2 %
Au moment de sa formation, le même minéral contenait du
Rubidium à une teneur P0 devenue actuellement P
Par ailleurs, les différents minéraux d’une roche ont le même
âge puisqu’ils se sont formés en même temps (sauf quelques
rares cas…)
Minéral 2 : F0 + S = 60 %
F0 / S = 1/2 %
De ce fait : En réalisant des mesures sur divers minéraux issus de
l’échantillon, on obtient un nuage de points. Ces points doivent
appartenir à la même droite coupant l’axe des ordonnées en Fo / S
F/ S = Fo / S + P / S . (eλ t - 1)
simplifiée en : F/ S = Fo / S + P / S . λ t
Le tracé de la droite (isochrone) à partir du nuage de points permet
donc de retrouver Fo / S
La mesure de la pente de la droite permet de trouver la valeur
de (eλ t – 1) = λ t
nuage de points
expérimentaux
F0/S
F/ S
P/S
eλt - 1 = λt
Courb e i sochrone
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5) Remarques importantes
1) Le choix du couple (P / F)
Celui-ci se fait en tenant compte de :
a. la certitude que l’objet étudié a été, depuis sa formation, un système chimique clos
De ce fait, la datation absolue des roches sédimentaires n’est pas possible car celles-ci se forment en général à partir
de minéraux issus de la dégradation de roches plus anciennes. Seuls les minéraux qui ont cristallisé au moment du
dépôt sont utilisables, ceux-ci sont rares (certains minerais d’uranium). Ainsi une coquille calcaire d’un animal pourra
être datée, à condition qu’elle contienne des radionucléides utilisables (cf.c.)
b. l’abondance possible de ces éléments dans l’objet étudié
les minéraux d’origine volcanique et métamorphiques contiennent du K (beaucoup), de U et de Rb (un peu), les
roches sédimentaires contiennent du C et K mais rarement du U et Pb. La matière organique fossile contient bien sûr
du C, K (os)
c. la période du radionucléide utilisé face à l’age estimé de l’objet à dater
14C / 14N 40K / 40Ar 87Rb / 87Sr
238U / 206Pb 235U /
207Pb
232Th / 208Pb
Evénement
Mort d’un
organisme,
isolement d’une masse
d’eau
Cristallisation des minéraux
Fermeture
du système
Herméticité Bonne Médiocre Bonne
14C / 12C initiale
connue (1,2.10-12) Conditions initiales de Po et Fo non connues
Conditions initiales
Fo supposée
nulle
F0 des minéraux différente et inconnue
F0 /S identique pour tous les minéraux
de l’échantillon
Matériaux utilisés C organique ou
dissous dans l’eau
Feldspaths,
orthose, Micas
Feldspaths,
micas
Minerais d’Uranium
Zircon (roches
magmatiques et
métamorphiques)
Méthodes de
détermination de l’age
Mesure de 14C /12C
dans l’échantillon
Mesure de P et
F dans
l’échantillon
Détermination graphique de l’age à
partir des rapports F/S et P/S
Domaines d’utilisation
(en années) 0 à 50 000 104 à 4,5.109 107 à 4,5.109
2) Valeur de l'échantillon analysé
La technique est valable pour un système chimique fermé (absence d'apport postérieur d’élément P ou de fuite de F).
Si l'échantillon analysé a subi des fontes et donc des pertes partielles de fractions chimiques fluides, la mesure est faussée. De
plus, les éléments pères et fils étant chimiquement différents, leur migration au sein d’un fluide n’est pas la même
La technique devient délicate quand on analyse des roches continentales anciennes = ayant subit d'éventuelles phases
de métamorphisme = on risque de dater la dernière transformation chimique du minéral (c'est à dire son métamorphisme) et
non son origine.
Dans ce cas, pour limiter les erreurs, on travaillera sur la roche totale et sur divers échantillons du même affleurement
et non sur un minéral de la roche (ayant un sensibilité particulière aux conditions de métamorphisme)
A l’inverse, certains minéraux sont inaltérables et ne subissent pas de modification chimiques avec le métamorphisme,
c’est la cas du minéral zircon. Leur datation dans une roche métamorphique indique leur âge réel de formation et non l’âge des
transformations ultérieures. La recherche de ces minéraux, les plus anciens possibles, permet donc de dater l’âge des premiers
continents (4,2 Ga)
3) Les incertitudes de mesure
La précision des mesures proposées par le spectrographe dépend de la quantité de matière analysée (toujours très faible) et
donc de l’age de l’échantillon (loi de décroissance de radioactivité). L’âge isotopique obtenu est donc associé à une marge
d’incertitude qui est d’autant plus importante que l’échantillon est âgé (elle peut se mesurer en Ma). C’est au géologue de
s’assurer que cet age isotopique peut être considéré comme un age absolu (concordance entre différentes méthodes de datation)
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