b) L’objectif de dissuasion
La dissuasion peut être générale ou spécifique. Une peine sera généralement
dissuasive lorsqu’elle visera à dissuader l’ensemble des citoyens d’adopter
l e comportement délinquant qu’elle vise à dénoncer. Elle sera spécifique
lorsqu’elle dissuadera le délinquant qu’elle punit de commettre d’autres
délits similaires. La dissuasion est une fonction ancienne de la peine :
Inspirer une terreur salutaire avec la peine, voilà une finalité qui a des échos très
anciens et qui a cautionné des châtiments effroyables dans le but d’épouvanter
les délinquants éventuels et d’empêcher le criminel de recommencer.11
Il existe néanmoins un débat important quant à la question de savoir
s i la dissuasion mérite de figurer au nombre des principes gouvernant
l’infliction d’une peine. Ce débat est en lien avec le scepticisme grandissant
et documenté à l’effet que les peines auraient un faible impact dissuasif bien
que la jurisprudence persiste à l’évoquer12. On retrouve une trace de ce débat
notamment dans l’affaire B u r n s1 3 à l’occasion de laquelle la Cour suprême
du Canada devait examiner la remise de fugitifs canadiens dont le pays
requérant demandait l’extradition pour des infractions punissables de la peine
capitale. Il est intéressant d’y noter l’opinion selon laquelle la sévérité d’une
peine ne saurait nécessairement remplir le critère de la dissuasion lorsque
cette sévérité est absolue comme l’est la peine de mort14. Un débat similaire
existe également à l’égard de la dissuasion en lien cette fois avec le recours à
l ’ e m p r i s o n n e m e n t1 5. Quoi qu’il en soit, le législateur a choisi d’intégrer la
dissuasion au nombre des fonctions de la peine, cautionnant ainsi une
jurisprudence constante à ce sujet1 6. Encore une fois, les différentes fonctions
PRINCIPES GÉNÉRAUX 7
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11. Hélène Dumont, P é n o l o g i e : le droit canadien relatif aux peines et aux sentences, Montréal,
Thémis, 1993 à la p. 106.
12. Ibid.aux pp. 108 et s. Voir aussi Clayton C. Ruby, Sentencing, 6eéd., Toronto, LexisNexis Butter-
worths, 2004 aux pp. 8 et s.
13. États-Unis d’Amérique c. Burns, [2001] 1 R.C.S 283, [2001] A.C.S. no8 (QL). Voir également un
commentaire de la Cour dans R. c. B.W.P.,R. c. B.V.N., [2006] 1 R.C.S. 941 au para. 3, [2006]
A.C.S. no27 (QL), reconnaissant l’existence de ce débat sans que ce ne soit celui posé par ce
pourvoi en particulier.
14. États-Unis d’Amérique c. Burns, [2001] 1 R.C.S 283 au para. 78, [2001] A.C.S. no8 (QL).
15. R. c. Gladue, [1999] 1 R.C.S. 688 au para. 57, [1999] A.C.S. no19 (QL) : «Ainsi, il appert que
même si l’emprisonnement vise les objectifs traditionnels d’isolement, de dissuasion, de dénon-
ciation et de réinsertion sociale, il est généralement admis qu’il n’a pas réussi à réaliser certains
d’entre eux». Voir aussi R. c. Proulx, [2000] 1 R.C.S. 61 au para. 107, [2000] A.C.S. no6 (QL).
16. Nous référons le lecteur, à titre d’exemple, aux commentaires de la Cour d’appel de l’Ontario
d a n s R. v. Wismayer, R. v. J.W. (1997), 115 C.C.C. (3d) 18, [1997] O.J. No. 1380 (Ont. C.A.)
( Q L ) , particulièrement à la page 36 citant des extraits de la Commission Archambault : Canada,
Commission canadienne sur la détermination de la peine (Commission Archambault), R é f o r m e r
la sentence, une approche canadienne, Ottawa, Ministre des Approvisionnements et Services
Canada, 1987.
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