La rédaction médicale : quelques conseils avant d’écrire et de présenter une thèse, un mémoire ou un article à un jury ou à au comité de lecture d’une revue. Jean-Paul Dommergues, Olivier Mouterde. PLAN AVEC N° PAGE INTRODUCTION MATERIEL ET METHODES RESULTATS DISCUSSION CONCLUSION REFERENCES RESUME TITRE MOTS CLES REDACTION Un article scientifique doit être clair, précis et concis. Sa structure répond à certaines règles, qui permettent de comprendre l’article, d’en faciliter la lecture et l’exploitation. Un article bien écrit passe mieux les examens par un jury ou un comité de lecture. Il sera mieux apprécié et plus facilement publié. Tout texte soumis doit avoir été relu par un senior (ce n’est pas le rôle du jury ou du comité de lecture de la revue), le dernier auteur devrait être garant de la qualité des manuscrits soumis. Quelques règles simples pour obtenir ce résultat… qui complètent les recommandations aux auteurs pour publication, fournies par chaque revue et qui sont à respecter scrupuleusement. Pour plus de détails (il y a beaucoup à savoir, la rédaction médicale ne s’improvise pas), se reporter aux manuels didactiques de rédaction médicale tels « La rédaction médicale : de la thèse à l’article original » de Huguier M. aux éditions Doin (4e édition en 2003, 171 pages ou encore, pour les gens pressés, l’opuscule très simple « Apprendre la lecture critique d’un article médical » du même Huguier édité chez Elsevier en 2005 (80 pages). Voir aussi : « Biomedical Research. How to plan, publish and present it ». Whimster WF. Springer 1997. INTRODUCTION Etat des connaissances sur le sujet, avec références, mais : - Ce n’est pas une mise au point, un cours ou une revue de la littérature. - Donner la justification et le but de l’étude. - Il faut convaincre le lecteur non-spécialiste de l’intérêt de poursuivre la lecture, et lui donne les moyens de le comprendre sans autres sources d’information. - Le travail doit paraître nécessaire et réalisable. - Trois parties : aspect général du sujet – aspect particulier étudié – question posée. MATERIEL ET METHODES Il comporte en réalité 3 parties : Le matériel (ou les malades) sur lequel on a travaillé Ce que l’on a cherché à évaluer Les critères de jugement qui ont été utilisés : cette partie manque souvent dans les articles soumis Le contenu de ce chapitre est connu avant le début du travail, il inclut la population étudiée, avec son mode de sélection. Doit être précis +++ dans les moindres détails. Doit permettre la reproductibilité du travail après lecture. Il n’y a jamais trop de détails, mais si la méthode est publiée, la référence suffit (ex : méthode de dosage biochimique, décrite en détail si elle est nouvelle, référence seule si elle est déjà décrite). Détailler les méthodes statistiques. Aucun commentaire, aucun résultat, aucune discussion à ce stade. Aborder le problème d’éthique ici. RESULTATS Tous les résultats… rien que des résultats. Aucune discussion, aucun commentaire. Ne pas s’excuser des résultats (pas significatif, car ...) Pas de redondance entre texte-tableaux-figures. Donner les résultats dans un ordre logique : normaux puis anormaux, précoces puis tardifs. Ne pas commencer par ceux jugés plus importants. Les donner dans le même ordre que les méthodes, si plusieurs méthodes ont été décrites. Chiffres dans les tableaux, le texte reprend l’essentiel mais pas les chiffres. La qualité des tableaux et figures doit être parfaite. Les tableaux sont plus précis : valeurs chiffrées, mais moins parlants que les figures. Associer figures et tableaux, ne pas négliger les tableaux. Les figures sont par contre privilégiées dans la communication orale. Titre et légende à chaque tableau ou figure. Les tableaux et figures doivent se comprendre indépendamment du texte, à partir des titres, légendes et notes. Un tableau ne nécessite pas plus de 3 traits horizontaux pour en limiter les différentes parties : un trait séparant le titre et les têtes de colonne, un trait au-dessous des têtes de colonne, un trait audessous du corps du tableau, le séparant des notes en bas de tableau. Ne pas utiliser des traits verticaux. Toutes les abréviations doivent être explicitées dans la légende, mais éviter au maximum les abréviations. Significativité : dire ce que l’on compare. N° tableaux et figures appelés dans le texte et correspondant bien aux bons tableaux et figures ! De fait, aucune référence dans ce chapitre. DISCUSSION Moins de 50% du total. Bref rappel des résultats essentiels du travail. Discussion des méthodes : l’autocritique évite la critique …. mais éviter l’auto-flagellation ! Aucun résultat nouveau. Discuter l’étude et non le sujet dans son ensemble. Ne pas reprendre les préalables cités dans l’introduction. Comparer les résultats avec les études antérieures. Toutes celles qui sont citées doivent figurer dans le chapitre références. Analyser les causes de divergence, ne pas de contenter de les énumérer. Ce que le travail apporte, perspectives ouvertes pour des travaux ultérieurs. CONCLUSION Ce n’est pas le résumé. Elle n’est pas obligatoire. Courte, précise. Répond aux questions posées à la fin de l’introduction. Une des trois parties lues fréquemment, avec le titre et le résumé. Ne pas mettre d’abréviations. RÉFÉRENCES Étayent les assertions. Ordre alphabétique ou d’apparition dans le texte, selon les revues. Complète (voir conseils aux auteurs des revues et les respecter strictement). Nom, initiales, voir le nombre d’auteurs autorisés, souvent 3. Ne pas écorcher le nom ou l’abréviation de la revue : les abréviations sont définies officiellement pour chaque revue. Point seulement à la fin. Bien respecter les places des virgules, point-virgule, deux points. Toute référence doit être appelée dans le texte. Se méfier des références citées et non lues… des références « copiées-collées » d’internet (titres d’articles des Archives de Pédiatrie en anglais…). Eviter les thèses, communications « personnelles », articles « sous presse » ou « soumis », résumés non publiés de congrès, articles cités par d’autres. RESUME Importance capitale : beaucoup de lecteurs ne lisent que le titre et le résumé, le résumé est diffusé beaucoup plus largement que l’article. = « photocopie en réduction » reprenant le plan de l’article point par point. Ce qui a été fait, pourquoi, comment, ce qui a été trouvé, signification. Pas de commentaires. Pas d’abréviations. Pas de références. Pas de nouveaux résultats. Pas d’avis d’autres auteurs. TITRE Le choisir à la fin. Difficile à trouver. C’est la « vitrine » qui incitera à lire le texte, ou non… Court = 10-15 mots. Clair, récapitule sans équivoque toutes les caractéristiques dominantes du travail. Précis : éviter « contribution à … » « État actuel de… » « À propos de… » REDACTION A. La clarté : jugée sur 6 critères 1. Les abréviations Toute abréviation est écrite en majuscules et expliquée la première fois qu’elle est introduite dans un article. Puis elle doit toujours être utilisée au lieu du mot ou du groupe de mots qu’elle remplace. Les abréviations ont pour but de faciliter la lecture. Leur trop grand nombre peut finir par la compliquer. Les abréviations internationales (m, kg…) sont invariables. Elles sont universelles et il n’est pas nécessaire de les expliquer. L’abréviation internationale est séparée par un espace du nombre qu’elle suit et elle n’est pas suivie d’un point. 2. Le temps des verbes Le présent narratif est à bannir, illogique et source d’ambiguïtés dans un article scientifique. Dans les chapitres « Matériel et méthodes » et « Résultats », tous les temps des verbes doivent être au passé, imparfait ou passé composé selon les cas. L’imparfait décrit des choses qui durent, le passé composé décrit des événements terminés. Le passé simple, bien venu dans les contes, ne convient ici jamais. Le présent et le futur peuvent trouver leur place dans le chapitre discussion, la conclusion et le résumé. Le pire survient lorsque les verbes sont tantôt au passé, tantôt au présent, tantôt au futur…(non respect de la concordance des temps) 3. Les variantes élégantes Construisez les phrases le plus simplement possible : verbe-sujet-complément. Éviter les inversions de phrases poétiques ou littéraires. Elles sont à rejeter. (Ne pas dire : ont été exclus les patients qui … mais : les patients qui… ont été exclus. Éviter le « on » imprécis, les gallicismes (« il y a ») Faire des phrases courtes. Si une phrase fait plus de 3 lignes, essayer de la couper en deux …. Ne pas craindre de répéter un même mot tel « patient » plutôt que de parler d’abord de « patients » puis de « cas », puis « d’observations »… Ne pas écrire alternativement « témoin », « contrôle » et « sujet normal »…. Mettre l’important en 1er : le plus important = 1er mot, 1ère phrase, 1er paragraphe. 4. Les expressions émotionnelles Un travail scientifique doit exposer les faits de façon aussi neutre que possible. La méthode de travail et les résultats sont ce qu’ils sont. On n’a pas à s’en réjouir ni à le déplorer. Les expressions émotionnelles n’y ont pas leur place, qu’il s’agisse d’une expression, d’un adjectif ou d’un adverbe. Exemples à éviter : le malade a « bénéficié » d’un traitement, a « subi » une échographie, on « déplore » le décès… » « malheureusement… » « heureusement… » « par chance… » L’ « excellent » article de …. 5. Les ellipses Attention aux ellipses incorrectes : « l’âge au diagnostic » ou l’ «âge du diagnostic » au lieu de « l’âge au moment du diagnostic » « Les principaux symptômes des 142 cancers opérés » au lieu de « Les principaux symptômes des 142 malades opérés de cancers ». A l’inverse, éviter les pléonasmes : « voire même » : même est de trop… « les risques potentiels » (par définition un risque est potentiel…). 6. Les mots de langue étrangère Sont à écrire en italique. Attention au latin : ne pas écrire à priori mais a priori. B. La précision La cohérence des chiffres Vérifier que les totaux tombent juste. Éviter d’apprécier les volumes par des comparaisons agronomiques : tumeur de la taille d’une cerise, d’un pamplemousse… Éviter les imprécisions adverbiales « peu », « beaucoup », « rarement », « souvent », « trop », « assez » Éviter les adjectifs imprécis : une « grosse » tumeur, une créatinémie « élevée » La valeur d’un résultat biologique est augmentée ou diminuée mais ni élevée ni abaissée ni basse ; la VS est « augmentée » et non pas « accélérée »… Ne pas dire « Untel a montré » mais « Untel et coll. ont montré ». Ne pas sauter les étapes du raisonnement. C. La concision Éviter les expressions creuses : « Il est intéressant de souligner… », « Il va sans dire… », « Il est opportun de montrer… » Supprimer les mots, adjectifs, adverbes inutiles : l’examen était « strictement » normal, au lieu de « l’examen était normal » ; il est « bien démontré » au lieu de « il est démontré », « masse tumorale » au lieu de « tumeur » Éviter les redites entre le texte et les figures et tableaux. D. Le jargon médical Il imprègne l’enseignement et le langage médical, mais une fois que l’on a pris l’habitude de le critiquer, il devient facile à reconnaître. En voici quelques exemples. Entraînez-vous… Le jargon Quelques exemples… Pour s’en souvenir Ce que l’on peut proposer La couverture antibiotique Est-elle chauffante ? L’antibioprophylaxie ou l’antibiothérapie Une douleur de la fosse iliaque droite L’appendice sous hépatique Une douleur au niveau de la fosse A –t-elle été étudiée avec un iliaque droite niveau d’eau ? L’appendice en position sous Est-ce la 5e position ? hépatique Le malade porteur d’une HTA Sur un plateau ? Un tableau ascitique Un syndrome dysphagique L’escalade thérapeutique Un scanner « parlant » Etait-il abstrait ? Par la face nord ? Qui a entendu parler un scanner ? La sphère génitale Une boule de cristal ? L’examen a retrouvé une pâleurOù l’avait-on perdu ? Le malade est rentré à l’hôpital Cela suppose qu’il était sorti Suite… Le jargon Quelques exemples… Pour s’en souvenir Un chirurgien infantile Le malade a été scannérisé, bilanté… « Solutionner » un problème « Se baser » sur Initier un traitement Le pauvre, à son âge Pourquoi pas tronçonné ?? Par quel rite ? Dans quelle Le malade ayant une hypertension artérielle Une ascite Une dysphagie Décrire les traitements successifs Sur le scanner, …. Les organes génitaux L’examen notait une pâleur Le malade est entré Ce que l’on peut proposer Un chirurgien d’enfants Le malade a eu un scanner, un bilan… Résoudre un problème Se fonder sur Débuter un traitement Les étiologies de la maladie L’enfant présentait une température élevée La pathologie en question… secte ? L’étiologie : c’est la science des causes et non pas les causes À qui présentait-il ? Les causes de la maladie L’enfant avait une fièvre à 39°C La pathologie est la science des La maladie… maladies et non pas la maladie L’affection… elle-même Par contre… Barbarisme… En revanche… Le patient, quant à lui… Inutilement emphatique… Le patient… Une infection urinaire fébrile Seul un être vivant homéoUne infection urinaire therme peut être fébrile accompagnée de fièvre… Optimiser la prise en charge... Seul Carrefour optimise… Améliorer la prise en charge Sur le plan du traitement, le C’est lourd et emphatique ! Le traitement a comporté… malade a reçu… N’abusez pas des sur le plan… qui encombrent au lieu de clarifier… E. Encore quelques fautes courantes du français malmené : Le pluriel de néonatal est néonatals et non néonataux Tel et tel que (ou tels que ou telles que…) sont souvent confondus : tel que introduit une subordonnée et est souvent employé à la place de tel qui introduit un ou plusieurs noms communs attributs du sujet Un traitement au long cours doit être remplacé par un traitement de long cours… (Seul le capitaine peut être dit « au long cours ») Quelque (adverbe) et quel que (adjectif) posent souvent problèmes aux auteurs…Il en est de même de quoique et quoi que. (Quoique en un seul mot signifie bien que)Attention si vous n’êtes pas un fervent des dictées de Bernard Pivot… Une alternative est le choix entre 2 possibilités ; parler d’une « autre alternative » signifierait donc que l’on présente au total le choix entre 4 possibilités… D’une part…. appelle à rencontrer ensuite dans le texte … d’autre part… F. enfin, Relire au moins 8 fois le manuscrit 1. Vérifier le temps des verbes 2. Rayer les mots creux 3. Contrôler que références biblio, tableaux, figures sont référencés dans le texte, que les références sont exactes. 4. Vérifier l’absence de commentaires dans les parties « matériel, méthode et résultats », l’absence de résultats dans les chapitres autres. 5. Les tableaux et figures sont-ils compréhensibles par eux-mêmes ? 6. Les chiffres des tableaux sont-ils cohérents (totaux) ? 7. Le texte est-il compréhensible par un public étranger francophone ? 8. Traquer les fautes de Français, d’orthographe, de frappe …. Il persiste presque toujours des erreurs, mais leur accumulation indispose jury et comité de lecture en laissant penser à de la désinvolture… Chacun est invité à compléter ces suggestions destinées à améliorer la qualité des manuscrits. Merci de noter ici vos propositions : ………………………………………………………………………… ………………………………………………………………………… ………………………………………………………………………… ………………………………………………………………………… ………………………………………………………………………… ………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………