Revue de presse Orchestre Titanic

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REVUE DE PRESSE REVUE DE PRESSE REVUE DE PRESSE
FLORILÈGE DE PRESSE
TT On aime beaucoup. Les cinq comédiens sont au top. (...) Un théâtre
burlesque et drôle, qui résonne comme une métaphore de l’Europe
d’aujourd’hui, mais où l’on sait encore rire.
Sylviane Bernard-Gresh - Télérama Sortir
Les interprètes ont vraiment l’étoffe de leurs personnages, et l’illusion
théâtrale fonctionne tendrement, sûrement, elle nous émeut (...) et nous
fait craquer.
Évelyne Trân - LeMonde.fr
Remarquable. (...) Philippe Lanton aura su honorer le texte et son soustexte tout en respectant le burlesque de la proposition et sa radicale
poésie. Une pièce avec de l’esprit, beaucoup d’esprit.
David Rofé-Sarfati - Toute la Culture
On vit au rythme des espoirs frustrés d’une bande de laissés pour compte
dotés d’un sens de l’humour digne de Charlot ou des Marx Brothers.
Jack Dion - Marianne.fr
La force espiègle et l’élan moqueur de ces gentils plaisantins agit
magnifiquement sur la scène pour les spectateurs ravis. (...) La comédie
de Philippe Lanton bat son train (...) et le public se divertit en méditant
sur l’accueil des migrants du monde.
Véronique Hotte - Hottello
Philippe Planton réalise une mise en scène psychologique, (...) intimiste
dans l’exploration personnelle des consciences et burlesque dans la
façon d’être des comédiens. (...) Un bel exercice de philosophie.
Philippe Delhumeau - La Grande Parade
Venez vous émerveiller du jeu des ces merveilleux farceurs (...), vous en
sortirez la tête nettoyée d’une couche de fumée noire, dernier vestige
d’une loco du passé dépassé.
Camille Arman - Fréquence Paris Plurielle
TT
On aime beaucoup
Quatre SDF attendent avec leur valise, sur le quai
d’une gare désaffectée, un hypothétique train qui ne
s’arrête jamais. Il y a là un ancien chef d’orchestre
et sa copine, un ancien cheminot, un ex-montreur
d’ours. Quatre laissés-pour-compte, comme tant
de gens aujourd’hui. Ils sont fortement alcoolisés,
et rêvent. Arrive un magicien, qui semble donner de
la réalité à leurs illusions. La scène est parsemée
de détritus, de deux tentes.
Dans ce théâtre très caractéristique de l’Europe
de l’Est, on ne sait jamais si l’on est dans la réalité
ou dans le monde imaginaire des personnages. Ils
ont quelque chose de Vladimir et Estragon d’En
attendant Godot. On pense aussi aux frères Marx. Les
cinq comédiens sont au top. Le dramaturge bulgare
Hristo Boytchev conçoit un théâtre burlesque
et drôle, qui résonne comme une métaphore de
l’Europe d’aujourd’hui, mais où l’on sait encore rire.
Sylviane Bernard-Gresh
10 Janvier 2017
Sur la route burlesque d’Orchestre Titanic, de Hristo Boytchev, mis en scène par
Philippe Lanton.
Il faut être prêt à croire qu’un autre avenir est possible. Qu’une vie nouvelle peut
encore se dessiner. Ils sont quatre. Sur la ligne de départ. Un ex-chef d’orchestre. à
ce qu’il dit. Sa petite amie. Ou une fille de rencontre. Un ex-montreur d’ourse. Veuf
inconsolé de son animale. Un ex-cheminot. Qui fut employé ici même. C’est-à-dire
dans cette gare où les trains ne font plus que passer. Faute de mieux, de nid douillet,
ou de niche plus intime, ils campent là. Dans le bâtiment laissé à lui-même. En
imaginant qu’un train, un jour, va quand même faire halte. À l’approche de chaque
convoi, ils se tiennent prêts, répètent leur rôle, valise à bout de bras, bien alignés.
Prêts à grimper dans les voitures. Pour s’enfuir. Ou bien pour jouer aux bandits, en
détroussant les voyageurs.
Il y a du Beckett dans l’air
D’autant plus que tout se complique encore quand survient Hari. Sorte de double de
Godot, nous dit Philippe Lanton, le metteur en scène. Mais un Godot bien présent.
Il y a du Beckett dans l’air. Hari (Olivier Cruveiller) est encore plus insaisissable que
ses compagnons de hasard. Il est magicien. Mais pas seulement. Et le voilà aussi, un
temps, chef de la petite bande. Pour autant, Louko (Bernard Bloch), Meto (Philippe
Dormoy), Doko (Christian Pageault) et Lubka (Evelyne Pellier) ne sont pas tombés
de la dernière averse. C’est à qui sera le plus retors. Et s’il y a de la vodka, c’est
encore mieux. C’est même indispensable.
Comme l’orchestre du Titanic qui joua pendant que le navire sombrait, cette «
comédie philosophique et burlesque », écrite en 2002 par le Bulgare Hristo Boytchev,
s’accroche aux murs d’une Europe qui tangue. En 2007, la Bulgarie a rejoint
la Communauté européenne. Boytchev évoquait déjà les évolutions sociales et
économiques, les migrations, le mirage de « l’éden économique ». Tout en brouillant
les pistes. « Hier, il est passé cinq trains dans un sens, qui transportaient du sable,
et cinq autres dans le sens inverse, qui eux aussi transportaient du sable. Quel est
le sens, je demande, de transporter du sable à droite et à gauche ? Si on y réfléchit,
il n’y a aucun sens, mais si on n’y réfléchit pas, il y en a un peut-être un », dit par
exemple Louko. Comme un résumé.
Gérald Rossi
18 janvier 2017
Les voilà au banc de la société, quatre paumés, nous dit-on, garés dans une gare désaffectée, qui n’ont
pour seule distraction que les passages d’un train qui ne s’arrête jamais. La pause pourrait paraître
insignifiante, après tout les arbres aussi regardent les trains qui passent mais il s’agit d’humains tout de
même, d’êtres toujours allumés d’espoir, de désirs, de rêves… Cette énergie-là qui la leur enlèverait ?
Quoi, vous nous n’auriez plus le droit de dire que vous existez parce que vous ne faites plus partie de la
société, que vous avez largué les amarres ou que vous avez été éjectés ?
La considération est douloureuse pour l’auteur Bulgare d’Orchestre Titanic, H. Boytchev, qui sonde le
phénomène du flux migratoire, à travers l’histoire de quatre individus, dans la misère, assaillis par la
grande illusion, celle d’un autre monde plus bienveillant qui s’appellerait l’Europe.
Il s’agit d’une réponse métaphorique, philosophique à une angoisse existentielle tétanisante, celle de
s’éprouver de l’autre côté du mur, celui des réprouvés, des bannis, des pauvres, des abandonnés.
L’impression est désastreuse, c’est une claque ! Imaginez-vous dans la peau de ces quatre auto-stoppeurs
avec leurs valises sur le bord de l’autoroute, dans le froid, qui attendent en vain qu’un automobiliste
s’arrête ! Combien de temps devront-ils attendre ? Et vous qui êtes passé devant eux sans vous arrêter
et repassez sur le chemin, pourrez-vous constater avec soulagement qu’ils ont disparu ?
Magique le temps ! Tout passe même une vision terrifiante. Les quatre énergumènes qui plongent dans
la grande illusion ont tout de même un avantage sur ceux qui se plaignent de ne jamais s’arrêter, celle
de faire la pause, d’ouvrir un autre clignotant temporel, celui du rêve.
Les quatre zigotos, un ancien cheminot, un chef sans orchestre, sa copine, et un ex-montreur d’ours,
n’ont pas d’autre choix que d’imaginer que le train va stationner, parce qu’il ne cesse de donner des
signes de vie en déversant des déchets, des bouteilles vides. Un jour, c’est un homme qui passe par la
fenêtre du train. Il est inconnu et focalise bien des fantasmes, tel un être imaginaire, un magicien, une
sorte de gourou fantasque qui va distraire les quatre personnages en devenant le support de leurs rêves.
La vie serait-elle une illusion ? Nombre de philosophes se sont penchés sur la question. Illusion fatale,
nous dit l’auteur. Mais le chant du cygne de Doko, le montreur d’ours, qui se retrouve tout seul, est
empreint d’une telle humanité qu’il est possible de croire qu’il n’a pas rêvé, qu’il était bien là avec les
autres, que leur rêve était collectif.
La mise en scène dépouillée de Philippe Lanton laisse libre cours à l’imagination du public, c’est aux
personnages d’instruire l’illusion puisque chacun porte déjà son histoire sur le visage. Le corps est mis
en avant, sa chair, vulnérable, comique, ubuesque. Ce ne sont pas que des quilles ou que des bouteilles
vides mais des gens qui ont vécu, qui ont aimé, joui, souffert et qui résistent malgré tout.
Les interprètes ont vraiment l’étoffe de leurs personnages, et l’illusion théâtrale fonctionne tendrement,
sûrement, elle nous émeut parce qu’elle nous gratifie aussi d’un sentiment d’enfance, de merveilleux ;
comme dans la petite marchande d’allumettes d’Andersen, elle nous fait craquer.
Évelyne Trân
08 janvier 2017
Rions, rions, il en restera toujours quelque chose
Trois pièces à l’humour sarcastique au menu : « Le temps et la chambre »
de Botho Strauss, mis en scène par Alain Françon au Théâtre de la Colline ;
« Orchestre Titanic » de Hristo Boytchev au Théâtre de l’Aquarium ; « Hôtel
Feydeau », par Georges Lavaudant à l’Odéon.
…..On reste dans la comédie sarcastique avec « Orchestre Titanic » du bulgare
Hristo Boytchev, mis en scène par Philippe Lanton au Théâtre de l’Aquarium, à
la Cartoucherie. La pièce date de 2002 mais elle n’a pas pris une ride. Ils sont
quatre, une femme et trois hommes, dans une gare désaffectée à regarder passer
les trains de l’espoir, en attendant que l’un d’eux s’arrête et qu’ils puissent partir
vers un monde meilleur. Il pourrait s’agir de pauvres partis de l’Est européen ou de
migrants venus des pays du Proche-Orient fuyant la guerre, cela ne change rien. Ils
fuient et tant pis si le lieu qui les fait fantasmer coule comme le Titanic. Quand on a
du mal à survivre, on est prêt à monter sur n’importe quel radeau.
De même que le Godot de Beckett attendait on ne sait quoi, la bande des quatre
attend le train tant espéré, pour quitter cet univers de misère symbolisé par leur
environnement : des tentes, des poubelles, des canettes de bière vides, des valises
où s’entasse le néant de leur existence. Seulement voilà, le train ne s’arrête jamais.
On vit donc au rythme des espoirs frustrés d’une bande de laissés pour compte
dotés d’un sens de l’humour digne de Charlot ou des Marx Brothers. La fin de l’histoire tient du surréalisme et de l’onirisme, comme si l’orchestre du Titanic avait
continué de jouer une fois le paquebot envoyé par le fond. ……
Jack Dion
8 janvier 2017
La Vie aime passionément
Le monde entier est une gare
désaffectée.
Quatre
personnages
attendent, sceptiques, qu’un tram
s’arrête. On ne sait pas exactement ou
l’on est, sûrement quelque part à l’Est. Le
Bulgare Hristo Boytchev a écrit la pièce
en 2002, alors que son pays demandait
son adhésion à l’Union européenne.
Pleins de rêves et d’illusions, les quatre
paumés attendent l’Europe, comme on
attendrait Godot « L’illusion, c’est l’alpha
et l‘omega de ce monde », déclare Hari
(Olivier Cruveiller), un illusionniste qui
vient les sortir de leur torpeur. Grâce
à lui, nos quatre amis (on s’attache
beaucoup à eux) s’amusent avec le réel,
et la scène devient un espace ou enfin
tout est possible. Drôles mais toujours
désolés, les personnages nous livrent
une réflexion sur notre monde et notre
rapport à l’Autre. C’est la première
mise en scene « comique » de Philippe
Lanton, et c’est parfait.
Alice Babin
19 janvier 2017
Remarquable « Orchestre Titanic »
Tout commence par la neuvième symphonie de Beethoven. Sur un quai de gare qui semble
désaffectée une poubelle municipale, deux tentes. Et quatre désœuvrés, un ex-chef d’orchestre,
sa copine, un ex-montreur d’ours et un ex-cheminot se réveillent pour une nouvelle journée
qui sera cruciale. La matinée débute. L’auto-déclaré chef du groupe, l’ancien chef d’orchestre
déchire devant nous en dansant la partition de la symphonie numéro 9 de Beethoven, hymne
à l’Europe. Le ton est donné, tout discours sera déconstruit et cassé, le temps du symbolique
n’est plus pour faire place à l’imaginaire, à l’utopie et à son triste viatique que les hommes
nomment désespoir.
Les quatre paumés ont comme projet de monter dans un train qui voudra bien s’arrêter pour
foutre le camp. Mais aucun train ne s’arrêtera. En attendant, ils noient leurs rêves dans l’alcool.
Ces assoiffés d’espoir se rêvent dans un « là-bas », lorsque surgit Houdini, spécialiste de l’avenir
en kit, chantre de la Grande Illusion qui se fait fort de les préparer à cet autre monde.
La pièce dérangeante aborde la question difficile de savoir comment se soutient notre bonheur
si d’autres survivent dans la misère. Cette misère est à nos portes et ce qu’elle crée de candidats
à l’immigration perçoit le bruit lointain de l’orchestre du navire Europe, un navire qui comme
le Titanic s’enfonce dans la mer. En transparence par le motif valises-train-disparus il sera
fait une référence clandestine à la Shoah dans un bégaiement à ce qu’il y a de commun à ces
deux affaires, retour sans doute à la conférence d’Evian de 1938 où il fut décidé le principe de
l’abandon des Juifs avant la Shoah et l’hypocrite, car inefficace statut actuel des réfugiés.
La pièce très drôle est aussi une performance à la Marx Brother. Le casting, le talent des
comédiens, Bernard Bloch (récemment metteur en scène de la déplacée de Heiner Muller,
Philippe Dormoy, Christian Pageault et la merveilleuse Evelyne Pelletier interprètent ces
paumés avec vérité, et notre gêne de spectateur est d’autant plus grande que ces comédiens
par leur jeu juste nous obligent de notre place du nanti à un voyeurisme embarrassé pour
le miséreux. Le texte comique nous sauve et la mise en scène baignée par l’infantile réussit
à pousser le propos politico-philosophique : À attendre un sauveur nous n’attendons rien.
Message fort en ces temps préélectoraux. Le sauveur interprété par Olivier Cruveiller (à la
filmographie notable dont le remarquable Aïe de Sophie Fillieres et au théâtre récemment
le bouffon dans La Tempête…affranchira nos quatre paumés qui à rebours d’Estragon et de
Wladimir sauront pourquoi Godot ne vient jamais !
Philippe Lanton aura su honorer le texte et son sous-texte tout en respectant le burlesque de
la proposition et sa radicale poésie.
Une pièce avec de l’esprit, beaucoup d’esprit.
David Rofé-Sarfati
10 janvier 2017
Orchestre Titanic
est
une
comédie
philosophique et burlesque de l’auteur bulgare
Hristo Boytchev, découvert en France à travers
Le Colonel-Oiseau, pièce créée avec panache
et vive inspiration en 1999 par Didier Bezace au
Festival d’Avignon puis au CDN d’Aubervilliers.
Beckett. Ils attendent fébrilement et sans le
savoir leur Godot à eux, attirés immédiatement
et comme fascinés par l’art de la magie du
mystérieux Hari (Olivier Cruveiller), un rappel
farcesque de figure beckettienne, sauveur
qu’on espère et prestidigitateur à l’allure
élégante.
Entre des séances de répétition scénique –
théâtre dans le théâtre – dans lesquelles l’exchef d’orchestre vivace Meto (Philippe Dormoy)
incarne les metteurs en scène autoritaires et
sanguins, jugulant avec conviction son beau
voyage des comédiens, tantôt tristes et tantôt
rieurs, qui tiennent à la main leur valise en
carton avec des rêves pleins la tête.
Le metteur en scène Philippe Lanton qui
se penche depuis nombre d’années sur les
écritures balkaniques – il a monté, entre autres
pièces, Le Professionnel de l’auteur serbe
Dusan Kovacevic -, s’est emparé avec feeling
et acuité de Orchestre Titanic du bulgare
Boytchev, une pièce loufoque, malicieuse et
facétieuse qui donne à voir le mal sournois et
ancré qui envenime la société des hommes
Doko (Christian Pageault), ex-montreur
sans travail et sans abri.
d’ourse, veuf de cette presque compagne
Un quatuor de laissés-pour-compte, exclus ou disparue, n’a plus de raison de vivre ; de
paumés créatifs – une femme et trois hommes même, l’ex-chef de gare ou cheminot Louko
– font tourner le plateau selon un destin fatal (Bernard Bloch) qui a mémorisé les horaires
tourné vers le désenchantement – sentiment de gare avec constance et talent, s’inquiète du
non-sens des trajets :
de perte et de déception.
Et puisque la roue de la chance insiste aussi
mal-intentionnellement pour ne pas s’arrêter
sur le bon chiffre – tels les trains de voyageurs
qui ne marquent jamais l’arrêt à la station
ferroviaire de nos routards involontaires,
stoppés net dans le hall lugubre d’une gare
désaffectée : ils rêvent manifestement et
implicitement de monter dans un wagon
menant vers le bonheur -, il faut donc en dépit
de tout et contre mauvaise fortune faire bon
cœur.
« Hier, il est passé cinq trains dans un sens, qui
transportaient du sable, et cinq autres dans le sens
inverse, qui eux aussi transportaient du sable… Si
on y réfléchit il n’y a aucun sens, mais si on n’y
réfléchit pas, il y en a peut-être un … »
Comme une poignée de sable versée dans les
yeux des enfants pour les aider à s’endormir, la
force espiègle et l’élan moqueur de ces gentils
plaisantins agit magnifiquement sur la scène
pour les spectateurs ravis.
Tel l’orchestre du paquebot Titanic qui joue
en plein naufrage, la comédie de Philippe
Lanton bat son train – théâtre d’ombre sur des
tentes sommaires, petit rideau de scène pour
les disparitions magiciennes, numéros de
prestidigitation et masques colorés d’animaux
– et le public se divertit en méditant sur l’accueil
Les comédiens jouent leur va-tout – un bon des migrants du monde.
quart d’heure comique et pétillant -, façon
Véronique Hotte
Marx Brothers, sous un ciel mélancolique à la
5 janvier 2017
Rire, inventer, imaginer, arpenter les songes et
s’amuser, ce que ne manquent pas de faire nos
lascars hilares et en goguette dont la radieuse
Lubka (Evelyne Pelletier) aux côtés de son
homme maestro -, tous compagnons de route
et partageant leur dose d’alcool.
A l’heure où les frontières des pays de la Zone
Schengen soulèvent contre-débats et tollés à
cause de l’afflux massif de populations fuyant des
territoires en guerre, il y a des gens miséreux qui,
quelque part, font fi de leurs tristes conditions et
espèrent partir vers un monde meilleur… Un idéal
mécanisé qu’aurait pu écrire Aldous Huxley.
qui l’abreuvent d’évasions ? Qui peut se vanter
de sortir la tête de l’eau sans jamais plonger de
nouveau ? Qui est qui pour montrer du doigt et porter
un regard d’indifférence aux sans-abri et autres
SDF qui surgissent de nulle part, souffrent sans
crier et meurent dans l’anonymat sans recevoir
les derniers sacrements. L’homme construit sa vie
comme l’architecte dessine les plans de grands
Une gare, quatre personnages sans le sou y ont ensembles. L’existence est un échafaudage qui
posé leur tente et leur caddie bondé de bouteilles s’élève à la hauteur des ambitions et des projets
vides. Un quai de gare, quatre personnages de celui qui croit en son avenir. Jusqu’au jour où
affichent un sourire de façade décrépie dès qu’un la structure s’effondre sous le poids de la grande
train est en approche. Une vie au pluriel que la désillusion et le présent se réduit à l’immédiat
société a marginalisée. La survie pour un ancien peuplé de désirs confettis.
cheminot, un montreur d’ours, un chef d’orchestre
et son amie. Qui sont-ils ? De quoi vivent-ils ? Meto, Doko, Louko et Lubka partagent misère,
Pourquoi ?
immobilisme, respiration, alcool et imaginaire.
Leur quotidien rime avec les trains qui passent
Hristo Boytchev, un dramaturge bulgare qui et ne s’arrêtent jamais en gare. Mais l’ex-chef
aiguise des histoires de femmes et d’hommes sur d’orchestre les entraine à jouer un numéro de
le fil de la vie. L’écriture, un équilibre entre vivant départ, valise en main et sourire figé. Débarque
et survivant, illusion et désillusion, sirop et alcool. d’un container Hari qui surprend les quatre paumés
Titanic Orchestre, un texte balkanique dans la mise car il se veut rassurant, posé et réfléchi. Qui esten situation et volcanique dans la coulée de quatre il ? Les amis l’écoutent attentivement, suivent ses
tempéraments bercés de rien et de semblant.
conseils et font preuve de détermination le jour du
grand départ.
La scène du Théâtre de L’Aquarium s’apparente à
un monde qui n’appartient à personne car difficile Philippe Lanton réalise une mise en scène
est-il de croire que demain sera à l’identique psychologique dans le fondement de soi par rapport
d’aujourd’hui, stable et durable. Le commun des à l’autre, narrative dans la déclinaison de destins
hommes se jalonne de courants et de contre- décousus, intimiste dans l’exploration personnelle
courants qui s’affrontent en silence jusqu’à des consciences et burlesque dans la façon d’être
l’épuisement et l’anéantissement des forces vives. des comédiens. Mais le train tant espéré, ne seraitLesquelles s’enferment les jours, les mois et les ce pas l’un des personnages qui se démarquerait
années passant dans une forteresse en ruine. La par son énergie et sa force de propositions de
pluie cingle les idées sombres, le vent balaie les partir vers un monde meilleur. Espoir mécanique,
espoirs, le soleil sèche les idées.
désillusion humaine, Orchestre Titanic s’ouvre
sur de nombreuses interrogations… Avec ou sans
Que reste-t-il à l’homme pour se nourrir d’alcools réponses ! Un bel exercice de philosophie.
Philippe Delhumeau
7 janvier 2017
Un temps en apnée. Une gare désaffectée. Quatre énergumènes en déveine.
Un chef autoproclamé, Meto, un ancien chef de gare, Louko, second d’office, puis
vient le deuxième cercle, celui des suiveurs , Doko, un « ravi de la crèche» doux et
rêveur, une femme déboussolée Lubka.
Ils attendent un train qui va passer, va les emmener vers un avenir radieux vers un
paradis où seront exercés tous leurs vœux… Ils rêvent, répètent l’assaut, peaufinent
le scénario…
Le train, passe enfin. Long flash de lumière… Il est passé sans s’arrêter, seules
quelques bouteilles sur leur tête attesteront de son passage. Plusieurs passeront
ainsi. Emmenant les élus. Laissant sur le quai les exclus … Vraiment ?
Qui est élu, qui est exclu ? Et si ce spectacle ne se jouait que dans nos têtes ?
Nos amis restent là, atterrés sur le quai. Puis ils reprennent quasi instantanément
leurs chamailleries, leurs beuveries, jusqu’à l’arrivée de Hari (Olivier Cruveiller,
magistral!) magicien illuminé, selon ses faux papiers d’identité, capable de faire
paraître et disparaître l’ours perdue de Doko, de remettre en cause la réalité telle
qu’on nous l’a vendue, jusqu’à l’idée même de la mort.
Cela ne se fera pas sans casse, sans cris sans vacheries, oui car sur le plateau nous
voyons tous les visages de l’humain apparaître et disparaître, jouer à se mentir,
jouer à se jouer aussi.
Et un jour le train s’arrête et...vous verrez !
Oui, venez les voir jouer au jeu de la vie avec ses outrances et ses désespoirs,
ses petits au-revoir , ses douceurs, ses folies… Venez vous émerveiller du jeu des
ces merveilleux farceurs et plus particulièrement de la délicatesse avec laquelle
Christian Pageault sert son Doko, bouleversant de candeur. Venez vous en sortirez
la tête nettoyée d’une couche de fumée noire, dernier vestige d’une loco du passé
dépassé.
Chronique de Camille Arman
8 janvier 2017
La Compagnie Le Cartel dédiée à l’exploration des écritures et auteurs balkaniques
présente «Orchestre Titanic», du dramaturge bulgare Hristo Boytchev, écrit en 2002,
qui s’inscrit dans la filiation du théâtre de l’absurde de la Mitteleuropa des années 1950.
Avec un titre reprenant un fait mémorable érigé en métaphore de l’apocalypse joyeuse
vers laquelle s’achemine(rait) la société post-moderne, la partition décline une
situation et un argument classiques à forte connotation beckettienne sur l’impasse du
questionnement sur le sens de la vie, celle du microcosme constitué de laissés-pourcompte de toute nature, des marginaux aux migrants.
Un quatuor de déclassés sociopathes et alcooliques ayant élu domicile dans une gare
désaffectée attend le passage des trains, tout en sachant que, de fait, ils ne s’arrêtent
jamais, non pas tant pour y monter et revenir à la civilisation mais pour échanger leur
valise vide contre le bagage des nantis et continuer de s’alcooliser dans leur gourbi.
Puis, à l’instar de la locution ferroviaire de circonstance, «un train peut en cacher un
autre», Hristo Boytchev introduit un rebondissement par l’arrivée d’un personnage
exogène qui opère un revirement thématique du tragique lié à l’apparente absurdité de
la vie placée sous le signe du nihilisme burlesque à la mimésis de l’illusion théâtrale.
En effet, d’un train est éjectée une caisse dont sort, tel un diable de sa boîte, un
individu, également adepte de la dive bouteille, se présentant comme un illusionniste
shakespearien dont les antiennes sont constituées par l’épigraphe du Théâtre du Globe,
traduite comme «le monde entier est une scène de théâtre», et la fameuse assertion,
«Nous sommes de la même étoffe que les songes», prononcée par le mage Prospero.
Dans un décor pseudo-réaliste de Yves Collet, Philippe Lanton négocie la difficulté avec
un parti-pris annoncé de mise en scène dans la veine du comique gesticulatoire à la
manière des Marx Borthers propice à des personnages appréhendés moins comme des
archétypes humains que des clowns façon Pieds nickelés matinés de Branquignols.
Christian Pageault, Bernard Bloch, Philippe Dormoy, Evelyne Pelletier et Olivier Cruveiller
écopent efficacement pour que ne sombre pas le radeau sur lequel sont embarqués
Doko, Louko, Meto, Lubka et Hari.
Martine Piazzon
janvier 2017
Mulholland train…
Dans un lieu improbable présenté comme une gare désaffectée, quatre
paumés attendent qu’un éventuel train s’arrête pour monter à bord et
échanger leurs valises pourries contre celles bien remplies des voyageurs…
Les trains passent, les bouteilles pleuvent par les fenêtres, nos quatre
compères doivent se contenter d’en vider les quelques gouttes d’alcool…Ça
se chamaille, ça se rabiboche dans une ambiance burlesque et étrange. Ils
oublient ce qu’ils attendent, un cinquième bonhomme déboule avec des tours
de magie bidons, un peu comme eux…
Le dramaturge bulgare Hristo Boytchev, très peu adapté en France, avait
écrit ce texte en 2002 avant l’adhésion de la Bulgarie à l’Union Européenne.
Avec comme titre Orchestre Titanic ça sentait déjà un peu le naufrage… Il
résonne dans le contexte actuel avec un écho de justesse étonnante. Les
laissés pour compte du rêve européen regardent le train du progrès et de la
fraternité passer en restant à quai. Et quel quai !…La métaphore était trop
belle pour Philippe Lanton, metteur en scène qui s’intéresse aux littératures
balkaniques, pour ne pas nous la représenter aujourd’hui.
Dans une scénographie très imagée et symbolique d’Yves Collet, les cinq
comédiens – on retiendra particulièrement Christian Pageault pour son
innocence simplette et émouvante - nous emportent dans leurs délires
surréalistes. Si le rythme peut-être manque parfois, la dernière partie donne
tout son sens à cette fable contemporaine à la fois fantaisie philosophique.
Dans une atmosphère digne de David Lynch qui rappelle le présentateur
méphistophélique du cinéma onirique de Mulholland Drive et son mystérieux
« There is no band », les acteurs disparaissent également de la scène en
se posant la question : suis-je réel ? Shakespeare leur avait déjà répondu :
« C’est là la question »…
Richard Magaldi-Trichet
12 janvier 2017
ERRANCE ET DESERRANCE
Ils sont quatre à se répartir l’espace vide de cette gare abandonnée. Meto (Philippe Dormoy)
était chef d’orchestre. Aujourd’hui il erre dans les souvenirs de ses partitions et tente de guider
ce groupe d’hommes et de femmes entre deux mondes. Il y a sa compagne Lubka (Evelyne
Pelletier), Louko (Bernard Bloch) l’ex-cheminot et enfin Doko (Christian Pageault) qui ne peut
faire le deuil de cette ourse morte par amour pour lui. Leur vie ne tourne plus qu’entre la quête
d’alcool et l’espoir qu’un train s’arrête enfin. Alors ils ne cessent de répéter le moment où
l’occasion de partir, de continuer leur route vers un futur salvateur se présentera.
Et puis un jour le train s’arrête. Un homme en descend. Comme par magie Hari entre dans la vie
de ces quatre paumés. Ce Godot que l’on n’attendait pas va-t-il être la concrétisation de l’espoir
dont cette petite communauté à besoin pour vivre ?
FABLE ONIRIQUE
Ecrit en 2002 Orchestre Titanic est le fruit d’une commande à l’auteur lorsque la Bulgarie a fait sa
demande pour entrer dans l’Union Européenne. Une fable onirique faite d’une écriture décalée,
du même ton absurde que le théâtre de Beckett, qui dresse un constant désenchanté de l’Europe
et de ses perspectives. Quel avenir offre-t-elle à ces «Karl-Marx Brothers» qui rêvent d’une vie
meilleure et dont le seul mantra est «survivre et foutre le camp» ? Un jour, par surprise, Hari,
maître de l’illusion, surgit pour les préparer à cet autre monde.
La compagnie Le Cartel travaille depuis 2009 sur les écritures balkaniques. Dans cette comédie
philosophique sombre c’est une parabole des rapports Est/Ouest qui est imaginée sous un
angle burlesque. Ces quatre pauvres êtres abandonnés sur le bas-côté nous font penser à ces
migrants de 2016 qui voient en l’Europe le moyen d’échapper à la misère. Ces trains qui passent
sans s’arrêter seraient le visage de cette Europe des peuples favorisés qui avance insensible à la
misère qui l’entoure et à ces êtres pleins d’espoir qu’elle attire. Et tel le Titanic c’est l’image de ce
naufrage de l’Europe que veut ici montrer le dramaturge bulgare. Il faut en effet se souvenir que
le drame du Titanic permis de revoir toutes les normes de sécurité et procédures d’urgence sur
les bateaux tant il mit en évidence les carences et faiblesses de ces orgueilleux insubmersibles.
Dans un décor épuré Philippe Lanton met en scène avec sobriété ces quatre anarchistes asociaux
et alcooliques attirés par les mirages que fait miroiter l’illusionniste Hari. Une mention spéciale
à la qualité de la bande sonore.
En bref : Une fable onirique qui sur un ton décalé interroge le spectateur sur l’Europe, cet
Eldorado pour les migrants, et la mondialisation. Sobriété de la mise en scène et belle prestation
des 5 comédiens.
Christine Ezouan
7 janvier 2017
«Orchestre Titanic» au Théâtre de l’Aquarium : des S.D.F. bulgares au pays des
illusionnistes
Un auteur bulgare sexagénaire, Hristo Boytchev («Le
colonel-oiseau»), est l’auteur de cette drôle de pièce
où des personnages qui nous sont présentés comme
des «Karl-Marx Brothers» essaient désespérément
de «survivre et foutre le camp» de la gare fantôme
où ils se sont réfugiés.
Les cinéphiles ont l’habitude de ces tableaux sombres
et burlesques dressés par les autochtones, depuis la
chute du communisme il y a déjà presque trente ans,
des failles, du chaos, du foutoir indescriptible où ont
basculé leurs pays. La représentation théâtrale de
cette situation de délabrement qui semble sans fin
est plus rare. Hristo Boytchev, c’est Didier Bezace qui
l’avait fait découvrir en France (« Le colonel-oiseau »)
; on ne peut dire que, depuis, on ait beaucoup vu son
travail. « Orchestre Titanic » a d’ailleurs déjà quinze
ans (2002) et c’est à garder à l’esprit car la Bulgarie
de ce temps-là et celle d’aujourd’hui sont tout de
même, on l’espère, différentes.
Mais il faut d’abord regarder « Orchestre Titanic »
comme objet de théâtre. Et très clairement, dès les
premières minutes, comme une des innombrables
déclinaisons d’«En attendant Godot ». Dans un pauvre
décor nu encadré de deux tentes comme on en voit
dans Paris et dans nos grandes villes, le réveil sonne
: c’est la « 9e symphonie » de Beethoven. Emergent
quatre personnages, squatteurs de cette gare
désaffectée où les trains continuent de passer encore
sans s’arrêter jamais. Il y a là un chef d’orchestre
qui a « dirigé Beethoven, Bach et Feuerbach - Mais
Feuerbach est un philosophe – J’ai fait musique ET
philosophie » ; sa compagne, l’ancien chef de gare
adjoint à qui on n’a jamais confié d’autre poste, et un
montreur d’ourse. Le chef d’orchestre est devenu le
chef de groupe au grand regret du chef de gare et leur
fait répéter inlassablement, valises à l’appui, ce qu’ils
feront quand, enfin, un train va s’arrêter (le train, c’est
Godot), une sorte d’arnaque minable sûrement, étant
donné la conviction hébétée des malheureux, vouée à
l’échec.
Et les trains passent, et ne s’arrêtent pas, et les
voyageurs jettent sur nos amis, qui les reçoivent sur
la tête, leurs bouteilles vides, ce qui les rend furieux
car, « si au moins elles étaient pleines, on pourrait les
boire, comme des gens normaux ». On suit tout cela
avec un intérêt discret, sans trop se formaliser que
les personnages nous demeurent flous, à l’exception
de Doko, le montreur d’ourse qui a développé une
étrange relation avec Katya, son animal (« pour que
tu aies à boire, elle vendait sa propre nourriture et
elle est morte de faim – Mais non, elle s’est suicidée
par amour ») Mais tout à coup sortent d’un caisson
lumineux des mains, puis un corps, puis un étrange
personnage, Hari, avec des gestes fous à la JeanPierre Léaud (et Olivier Cruveiller a l’inquiétante
fantaisie du rôle), un couteau ensanglanté qui lui
traverse le corps, et l’on bascule de Beckett à Eduardo
de Filippo et son « Art de la magie ».
Entre Beckett, Filippo et les «Dix petites nègres»
d’Agatha Christie
Il peut tout faire, Hari, ressusciter Katya, faire chanter
le coq au crépuscule et, sûrement, arrêter le train pour
qu’ils puissent enfin s’en aller, « vers Copenhague ou
Reykjavik » La seule chose qu’il ne sait pas faire, c’est
transformer l’eau en vodka, cette vodka dont il a tant
besoin pour faire marcher son petit monde d’illusion,
sur fond désabusé, ciel noir avec un trait d’argent
qu’il faut suivre comme une bonne étoile puisque «
le monde s’appelle Titanic ». Et c’est le monde qui est
l’orchestre car nos personnages forment un quintette,
à tout casser. Un train va-t-il enfin s’arrêter? Et pour
conduire où nos personnages ? Qui est réellement
Hari ? La pièce passe alors de Beckett et Filippo aux
« Dix petits nègres » d’Agatha Christie puis s’éclaire
d’une lumière kafkaïenne et se conclut enfin d’une
manière douce et désespérée très joliment amenée.
On gardera dans sa mémoire l’image finale de ce
troublant rêveur qu’est Doko, joué avec tant de
finesse et d’humanité par Christian Pageault qu’on
a l’impression de l’abandonner en quittant la salle,
grand et doux échalas perdu dans sa confusion
solitaire.
Bertrand Renard
12 janvier 2017
A quai
Quatre paumés dans une gare désaffectée attendent l’arrêt d’un train jusqu’au jour
où un illusionniste atterrit. La magie peut alors opérer pour s’échapper ailleurs.
« Orchestre Titanic », du bulgare H. Boytchev, est dans la veine du Godot de Beckett. A voir !
« Le train arrive ! Les valises bien en évidence qu’on ait l’air de voyageurs. […] On sourit ! »,
lance Meto à ses acolytes, à chaque fois qu’une loco approche. Et les quatre compagnons de
fortune de se poster sur le quai, bagages dans les bras, espérant que le train s’arrête. En vain.
Normal, la gare où ils ont élu domicile est désaffectée. N’y trônent qu’une benne à ordures,
deux petites tentes et pas mal de cadavres de bouteilles. Il faut dire que ces quatre paumés
– Meto, ancien chef d’orchestre et sa compagne Lubka, Louko, ex-cheminot, et Doko, ancien
gardien de zoo – éclusent sec. Ils attendent l’arrêt du train comme les personnages de Beckett
attendent Godot, sans que l’on sache vraiment pourquoi. Pour échanger leurs valises vides
contre des valises pleines et redescendre ? Pour voyager comme tout le monde ? Mais les
trains ne font que passer. Au mieux, les passagers balancent au passage quelques bouts de
sandwich et des bouteilles presque vides.
Ailleurs salvateur
Jusqu’au jour où atterrit Hari, un illusionniste, capable de faire apparaître tout un tas de choses
comme Katia, l’ourse défunte que Doko pleure ou des billets pour le 20 août… Il peut même
stopper un train contre une copieuse ration d’alcool, histoire de tenir… un mois. Pourquoi
un mois, alors qu’il ne faut que quelques minutes pour arrêter un train ? « Vous allez entrer
dans un monde nouveau et très différent de ce que vous avez connu, il faut que vous y soyez
préparés. » Grâce à Hari, la bande de pieds nickelés peut se mettre à rêver d’un ailleurs
salvateur. Louko, l’ancien cheminot, leur livre le parcours : Prague, Varsovie, Berlin, Oslo,
Vancouver, San Francisco, Los Angeles, New York…
La pièce Orchestre Titanic, écrite par le Bulgare Hristo Boytchev en 2002 – quand la Bulgarie
demande à intégrer l’Union européenne – pourrait être une métaphore sur ces pays de l’Est
rêvant de l’Ouest, sur l’Europe qui chavire comme le Titanic, sur les laissés-pour-compte à qui
on ne jette que des miettes. Elle est sans doute un peu tout ça et plus encore. De ce théâtre de
l’absurde s’échappent des questions universelles sur la fragilité des frontières entre illusion
et réalité. Comme le déclare Hari : « Le monde entier est un Titanic et nous en sommes les
passagers. L’illusion est la seule fuite possible. » Cette partition hautement poétique, entre
loufoquerie et tragédie, est servie par d’excellents comédiens qui nous embarquent très loin.
Amélie Meffre
8 janvier 2017
Philippe Lanton met en scène cette comédie burlesque et philosophique signée par le dramaturge
bulgare Hristo Boytchev. Une fable onirique qui questionne la faillite de l’Europe politique.
Avec cette création, vous poursuivez votre qui a besoin d’espoir pour tenir.
Dans une gare désaffectée, quatre laissés pour
exploration des écritures balkaniques…
compte alcoolisés – Méto, un ex-musicien, Lubka,
Philippe Lanton : En effet. Depuis 2009, le travail de sa copine, Doko, un ex-montreur d’ours, et Louko,
notre compagnie s’est concentré sur les écritures un ex-cheminot – attendent qu’un train s’arrête et
balkaniques, à travers des mises en espace, les emmène. Mais les trains passent et ne s’arrêtent
ateliers, stages, rencontres et créations – Le pas. Un jour surgit Hari Houdini, sorte d’avatar de
Professionnel de Dusan Kovacevic, Rose is a rose Godot, grand illusionniste qui les coache au fil de
is a rose is a rose… d’Ivan Sajko, et Désolation de scènes très drôles.
Dimitris Dimitriadis. Ces écritures mettent en jeu
un rapport à l’ensemble de la société, à l’histoire Quel sens donner à leur attente ?
en train de se faire, elles plongent dans les vestiges
et les strates du passé traversé par Byzance, P. L. : Cette attente profonde concerne ce qui
Constantinople, les Romains, les Ottomans, les nous fonde en tant qu’être humain. Qu’attend-on
Habsbourg, les guerres balkaniques de 1912 et politiquement, socialement, intimement ? Nous
1913… Leur façon de se confronter au réel est avons tous besoin de nous projeter, même si, une
passionnante. Pourtant, ces écritures suscitent fois réalisé, le rêve parfois déçoit. Comment ne pas
peu de curiosité en France, alors que l’Allemagne y penser aux migrants face à ces êtres démunis ?
est très attentive.
La pièce a été écrite dans le contexte de la demande
Hristo Boytchev, l’un des dramaturges bulgares d’adhésion de la Bulgarie à l’Union Européenne,
les plus célèbres, est cependant connu en France demande qui se concrétisera finalement en 2007.
grâce à la mise en scène par Didier Bezace du Comme ces trains fantomatiques, l’Europe du
Colonel-Oiseau, présentée en 1999 au Festival marché ne s’arrête pas en Bulgarie ! Après la
d’Avignon et à Aubervilliers. Orchestre Titanic a été Chute du Mur de Berlin, Heiner Müller remarquait
joué avec succès dans une vingtaine de pays dans que les murs invisibles subsistaient. Visionnaire,
le monde. La pièce a connu deux versions : cette il soulignait aussi que, une fois les relations Estseconde version resserrée, en ellipses, raconte Ouest apaisées, les rapports Nord-Sud seraient
moins mais creuse davantage le vertige et l’abîme, très conflictuels. Aujourd’hui, l’Europe politique
dans une simplicité d’écriture qui pour moi fait sa est en panne.
force.
Entre abstrait et concret, entre rêve et illusion, la
pièce prend ses distances avec le réel, et elle offre
Quel est votre regard sur cette fable ?
matière à rire et à penser.
P. L. : J’aime la vitalité très balkanique de cette
comédie burlesque et philosophique : ce sourire-là
Propos recueillis par Agnès Santi
m’intéresse. Orchestre Titanic, c’est En attendant
28 décembre 2016
Godot mixé avec les Marx Brothers ! Cette écriture
déploie quelque chose de brut, de décalé, d’absurde,
sans délivrer aucun message, sans culpabilisation
ni morale. Il y a plutôt un chemin, un processus à
l’œuvre, autour d’une petite communauté humaine
ORCHESTRE TITANIC
comédie philosophie et burlesque de Hristo Boytchev
traduit du bulgare par Iana-Marie Dontcheva (Editions l’Espace d’un instant)
mise en scène Philippe Lanton / Cie Le Cartel
scénographie et lumière Yves Collet,
collaboration lumière Christelle Toussine,
construction du décor Franck Lagaroje,
assistante mise en scène Emilie Prévosteau,
son Thomas Carpentier,
costumes Raffaëlle Bloch,
conseiller illusion Nicolas Hédouin
avec Bernard Bloch, Olivier Cruveiller, Philippe Dormoy, Christian Pageault, Evelyne Pelletier
10 janvier > 5 février 2017
du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 16h
> durée 1h15
PRESSE
Catherine Guizard
01 48 40 97 88 & 06 60 43 21 13
[email protected]
production/coproductions > Le Cartel et (CAP)* - la fabrique coopérative artistique conventionnnées par le Conseil Régional d’Île de
France, Le conseil Général de Seine-Saint-Denis et subventionnées par la Villede Montreuil. Coproduction > Théâtre des 2 Rives de
Charenton-le-Pont. Coréalisation > Théâtre de l’Aquarium.
SAISON 2016/17 > FICTIONS RÉELLES
theatredelaquarium.com
Le Théâtre de l’Aquarium est subventionné par le Ministère de la Culture et de la Communication (Direction Générale de la Création Artistique),
avec le soutien de la Ville de Paris et du Conseil Régional d’Île-de-France / licences 1033612-1033613-1033614
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