Mécanismes des Systèmes d`Alerte

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Mécanismes des Systèmes d’Alerte :
Contribution à
une Comparaison Internationale
Etude réalisée pour l’Organisation Internationale de la
Francophonie
Réunion du 5-7 Avril 2004
Paris
Centre de Recherche sur la Paix
Institut Catholique de Paris
Avril 2004
SOMMAIRE
Préface
4
Première Partie : les Problématiques de l’Alerte Précoce
6
Définition
6
Rassembler et analyser les données sur les conflits
8
Typologie des systèmes d’alerte
10
De l’Alerte précoce à l’Alerte préventive
12
Indicateurs d’Alerte Précoce et Indicateurs de Paix
13
Seconde Partie : Présentation de systèmes et d’indicateurs d’Alerte Précoce
17
1 - Mécanismes d’alerte de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération
en Europe
17
Les concepts de sécurité, de prévention des conflits et d’alerte précoce
17
Prévention des conflits
18
Alerte précoce
19
Indicateurs d’alerte précoce
20
2 - Le système d’alerte onusien
20
Les difficultés du système d’alerte international et les réformes proposées
21
Les réformes proposées
22
3 – L’Union Européenne
23
Présentation
23
Documents de référence
23
Acteurs, outils, mécanismes
25
Recommandations
27
4 – L’institut Woodrow Wilson
29
5 – Le C.E.R.T.I.
30
Définition des différents groupes sociaux et des possibilités de conflits
30
Risques structurels des conflits
30
Tension sociale et fragmentation
31
2
Capacité à contenir un conflit émergent
32
Capacité à gérer les tensions
32
6 - La Banque Mondiale
33
7 - International Crisis Group
33
Recherche des informations
34
Analyse des informations
34
Diffusion de l’information et sensibilisation des pouvoirs politiques
34
8 – F.E.W.E.R., un dispositif mondial d’alerte précoce et de réaction rapide
35
F.E.W.E.R. et son organisation
36
Stratégie
39
Instruments d’action
40
Troisième Partie : Recommandations à l’intention de la Francophonie
49
1 - Recommandation de politique générale
49
2 - Ressources humaines de la Francophonie
50
3 - Banque de données et système d’alerte
50
4 - Partenaires et institutions partenaires
50
5 - Bailleurs de fonds
51
6 - Acteurs non-étatiques
51
Annexes
Annexes 1 : L’exemple du système des Nations Unies (Extrait du premier rapport du CRP :
Analyse comparative et éléments techniques sur la mise en œuvre d’un système
d’alerte précoce, septembre 2003)
52
Annexes 2 : Vers un système d’alerte précoce : les atouts francophones (Extrait du premier
rapport du CRP : Analyse comparative et éléments techniques sur la mise en œuvre d’un système
d’alerte précoce, septembre 2003)
60
Annexe 3: Thesaurus and glossary of early warning and conflict prevention terms
64
Annexe 4: Une contribution bibliographique pour la prévention des crises et des guerres (Institut
Autrichien de recherche pour l’Intelligence Artificielle, Université de Vienne)
93
3
PREFACE
Le présent Rapport n’a pas d’ambition théorique et ne vise pas non plus à l’exhaustivité. Il
constitue un instrument de travail, qui se souhaite utile et pratique, à l’intention de l’Organisation
Internationale de la Francophonie soucieuse de se pencher sur les systèmes d’Alerte Précoce dans
le cadre d’un séminaire international, organisé à Paris, dans le prolongement de la Déclaration de
Bamako.
Ce document est conçu dans le cadre de la préparation de la préparation de la conférence
internationale qui sera organisée conjointement par l’ONU et l’OIF sur le thème de l’Alerte et de
ses mécanismes.
Une brève première partie introduit à quelques uns des débats des milieux politiques,
académiques ou diplomatiques, concernant l’Alerte Précoce. Si la nécessité de cette dernière est
reconnue dans le domaine de la prévention des conflits, sa définition et son usage ne vont pas
s’en poser problème. Quels sont les indicateurs d’une Alerte précoce ? En quoi se distinguent-ils
d’indicateurs de paix ? Peut-on réellement anticiper sur des conduites humaines ? Qui participe à
la mise en place d’un système d’alerte ? Autant de questions qui, aujourd’hui encore, font débat.
Une seconde partie, plus substantielle, présente certains aspects de quelques uns de systèmes
d’Alerte Précoce existant aujourd’hui. A ce sujet, plusieurs remarques s’imposent :
a) Il existe une littérature importante sur le sujet et les milieux académiques disposent
aujourd’hui de connaissances étendues sur les indicateurs d’Alerte Précoce. On ajoutera
que malheureusement, les milieux universitaires francophones ont jusqu’ici fort peu
travaillé cette thématique.
b) Le fossé est important entre les connaissances utiles à l’action et leur utilisation par les
acteurs concernés. Peu d’Etats ont tenté de réorienter le cœur de leur politique étrangère
autour de l’action en faveur de la paix. Au niveau des organisations internationales, si la
notion est d’un emploi de plus en plus fréquent, force est de constater que les définitions
4
de l’Alerte Précoce demeurent rares, et que les contraintes organisationnelles et politiques
pèsent lourdement dans la lenteur avérée de la mise en place effective d’un tel dispositif.
c) Il existe un écart non moins préoccupant entre la mobilisation des O.N.G. en faveur de
l’adoption de systèmes d’alerte par la communauté internationale d’une part, le recours
des grandes entreprises internationales à des cabinets de consultants privés d’autre part et
la réflexion des acteurs étatiques. Cet aspect renforce la nécessité d’une synergie tant
méthodologique qu’entre des acteurs de nature différente.
La troisième partie présente enfin un certain nombre de Recommandations à la Francophonie.
Ces préconisations s’inspirent pour partie de propositions émises par d’autres institutions. C’est
dire que la capitalisation des connaissances déjà existantes et de l’expérience acquise a été jugée
prioritaire dans ce Rapport ; c’est également soulever un point plus important : celui d’une
démarche par comparaison entre la Francophonie et les autres structures internationales. Il reste
que pour qu’un système d’alerte soit adapté, il faut qu’il participe d’une culture politique et
juridique dans laquelle se reconnaissent les acteurs du système de l’alerte et que des mécanismes
de décision soient dégagés et mutuellement acceptés. En francophonie, le partage des valeurs, les
éléments communs, juridiques et politiques, des cultures de l’espace considéré et, enfin, et
surtout serait-on tenté de dire, l’ambition qui anime cette Communauté dont la Déclaration de
Bamako est le symbole et le programme-phare d’action politique.et démocratique sont autant
d’atouts pour la mise en place d’un mécanisme efficace de prévention des conflits.
5
Première Partie : les Problématiques de l’Alerte Précoce
Définition
La notion « d’Alerte Précoce » a fait récemment son apparition dans le domaine de la
décision politique et de la prévention des conflits. Jusqu’alors, son usage était réservé à des
thématiques très particulières, comme celle des systèmes d’alerte dans le domaine militaire :
prévention des attaques, ou encore dans les domaines sanitaire : l’O.M.S. dispose d’un dispositif
remarquable, ou alimentaire, dans une perspective de prévention des désastres naturels. : la
F.A.O. possède ainsi ses propres dispositifs.
Dans les dernières années, et plus précisément depuis la fin de la guerre froide, milieux
académiques, politiques et diplomatiques ont plaidé pour la nécessité et la possibilité d’une
extension de l’application de cette notion au champ des conflits et de leur prévention, tant entre
les Etats qu’en leur sein. Bien entendu, plusieurs possibilités s’ouvrent à qui tente de décrire
voire de définir la notion d’Alerte Précoce. Ainsi Lund1 relie-t-il l’Alerte Précoce au concept de
diplomatie préventive qui intègre les efforts pour prévenir ou contenir les conflits, l’idée
principale étant qu’il vaut mieux intervenir avant que le conflit n’atteigne un niveau de violence
difficilement gérable. Le critère principal dans cette approche préventive est ainsi l’intensité du
conflit et la préconisation d’une action dans une phase de conflit de faible intensité, à
distinguer des mesures à prendre dans un contexte de haut niveau de violence.
Une telle description tend à montrer que les notions de diplomatie préventive et d’Alerte
Précoce ne visent pas à la prévention de la violence en tant que telle, mais à empêcher le
déclenchement d’hostilités sans retour. Le problème est alors de bien distinguer l’Alerte Précoce
de la notion de « Conflict Management », de gestion des conflits.
D’autres proposent une approche sensiblement différente et assimilent l’alerte précoce à
la notion générale de prévention des conflits, laquelle se réfère à des situations dans lesquels
1
Preventive Diplomacy and American Foreign Policy : A Guide for the Post-Cold War Era. Bibliothèque du
Congrès, 1994. Draft manuscript.
6
l’incompatibilité des buts poursuivis par des adversaires est contrôlée afin d’éviter le
déclenchement des hostilités. Selon cette approche, représentée par Rupesinghe2, le but de l’alerte
précoce est la prévention de toute forme de conflit violent. Telle est la perspective qui a notre
préférence et l’on présentera à la suite la définition donnée par F.E.W.E.R. (Forum on Early
Warning and Early Response) qui, aujourd’hui, fait consensus : l’alerte précoce est « la collecte
systématique et l’analyse de l’information sur des régions en crise et donc la vocation est a)
d’anticiper le processus d’escalade dans l’intensité du conflit, b) de développer des réponses
stratégiques à ces crises, c) de présenter des options d’action aux acteurs concernés afin de
faciliter la prise de décision »3.
L’Institut italien des Affaires Internationales, dans son Rapport rédigé en 2001 « Early
Warning and Conflict Prevention in the Euro-Med Area. A Research Report »4 précise également
que l’alerte précoce comme la « première composante de la prévention des conflits ».
Cette définition s’accompagne de trois précisions importantes sur la temporalité propre
à l’Alerte Précoce, sur ses destinataires et sur son organisation.
On rappellera ainsi que l’O.N.U., à travers son Programme P.I.O.M.M. (Programme
interdisciplinaire de recherche sur les causes de violations des droits humains) a estimé que
l’Alerte Précoce se situait dans un délai en amont de 6 à 12 mois pour que l’Organisation
puisse entreprendre les actions requises ; qu’un délai de 6 semaines à 6 mois correspondait à une
Alerte donnée à temps, et qu’en dessous de 6 semaines, le temps d’alerte était dépassée et
correspondait à une situation d’action dans l’extrême urgence.
Les destinataires sont autant les victimes potentielles que les auteurs de la menace (afin
de les en dissuader), les Organisations Internationales et les agences onusiennes, le Secrétaire
Général des Nations Unies, les gouvernements des pays limitrophes susceptibles de proposer un
médiation, les Organisations Non Gouvernementales travaillant dans le domaine de la solidarité
internationale, les personnalités reconnues sur la scène internationale, les médias.
2
‘Early Warning and Preventive Diplomacy », in The Journal of Ethno-Development, 1994, n°4, pp.88/97
in Thesaurus and Glossary of Early Warning and Conflict Prevention Terms, by Alex Schmid – PIOOM –
Synthesis foundation (Erasmus University, may 1998 – FEWER. Traduction personnelle.
4
Auteurs : Aliboni R., Guazzone L., Pioppi D.
3
7
Enfin, et cela a son importance, pour qu’il y ait Alerte Précoce, il faut qu’il y ait une
structure permanente d’analyse de données, répondant à un encodage et à un minimum de
standardisation. Ce point est notamment soulevé dans le rapport de l’Institut Italien des Affaires
Internationales. Il a son importance car, comme on le constatera dans la présentation des
systèmes d’alerte de différentes organisations, cette structure permanente et organisée, c’est-àdire centralisée ou plus exactement coordonnée, fait actuellement défaut à la plupart des
organisations inter-étatiques, à commencer par l’O.N.U.
Cette question en soulève une autre, qui traverse les discussions actuelles sur les
mécanismes de sécurité collective : à quel niveau doit s’effectuer l’Alerte ? Dans le domaine de
la sécurité collective, la décennie 90 a vu monter l’espoir dans un rôle retrouvé de l’O.N.U.,
espoir vite assombri par le génocide rwandais. Depuis, sans que l’O.N.U. renonce à l’exécution
des missions inscrites dans son mandat, les mécanismes régionaux de sécurité collective
paraissent préférés. Il semble en aller de même pour les mécanismes d’Alerte Précoce. Ici encore,
l’O.N.U. a fait figure de pionnier, mais la lourdeur administrative et bureaucratique de
l’Organisation, ses échecs – qui ne doivent pas exonérer les Etats membres de leurs
responsabilités -, ont reporté l’attention sur d’autres acteurs. Les Organisations Régionales
pourraient jouer une rôle finalement plus important dans ce domaine, ce qui a été reconnu tant au
niveau de l’Union européenne qu’au sein de l’Union africaine. Des organisations sub-régionales,
à vocation parfois économique, ont également manifesté une volonté d’assumer leur
responsabilité dans la prévention et la résolution des conflits qui menacent la stabilité et le
développement économique.
Rassembler et analyser les données sur les conflits émergents
Les universitaires spécialisés sur l’alerte précoce distinguent généralement deux étapes
dans l’utilisation des banques de données relatives aux conflits potentiels.
La première concerne bien évidemment la recherche et l’analyse des données qui
peuvent être interprétées comme des signaux d’un conflit à venir. S’il est prouvé que le passage à
l’acte violent est imminent et qu’une réponse rapide (Early Response) peut encore faire la
8
différence, la procédure d’alerte précoce entre dans une seconde phase : un signal est transmis
aux décideurs politiques qui doivent prendre la décision requise pour s’assurer de la prévention
de la violence. Bien qu’il soit admis qu’une littérature immense existe concernant les conflits, les
spécialistes de l’Alerte Précoce insistent sur le fait que la mise en place d’une banque de données
globale et analytique sur le conflits et phénomènes associés fait encore cruellement défaut5.
Certes des informations doivent être collectées. Mais cette tâche ne peut être assumée par les
seuls Secrétariats des organisations internationales ; elle relève également des O.N.G., des
universitaires et des services gouvernementaux spécialisés (ambassades, militaires) et bien sûr
des organisations locales. C’est insister déjà, à ce niveau, sur la nécessaire synergie entre des
acteurs aux pouvoirs, aux responsabilités et aux légitimités variés. C’est également préconiser,
comme le fait Rupesinghe dans son étude, l’obligation d’un travail en réseau et donc comme nous
l’avons déjà remarqué, à la fois décentralisé dans sa phase de collecte mais coordonné pour
permettre de toucher les différents destinataires.
Plusieurs Banques de Données sont aujourd’hui utilisées. On en citera ici quelques
unes pour mémoire : La US National Science Foundation dispose de deux modélisations d’Alerte
Précoce (Projet G.E.D.S et Projet K.E.D.S.) L’Institut International de Recherche sur la Paix, de
Stockholm, (le S.I.P.R.I.), publie annuellement un « Rapport sur les conflits dans le monde », qui
constitue une référence. Le S.I.P.R.I. travaille avec le réseau suisse International Relations and
Security Network6 (I.S.N.) sur le projet Integrating Fact Databases in the Field of International
Relations and Security, dont le but est de créer une Banque de Données accessibles de tout
endroit. Le Ministère de la Défense du Canada a développé plusieurs systèmes d’Alerte Précoce.
Le premier d’entre eux, G.E.O.P.O.L., a donné lieu à un développement qui est considéré
aujourd’hui comme un modèle : le projet C.I.F.P. (Country Indicators for Foreign Policy). On
mentionnera également le projet F.I.R.S.T (Facts on International Relations and Security
Trends). Comme on le constate, les milieux académiques francophones sont absents de ce
panorama.
5
Cf. Lund, déjà cité.
Ce réseau d’universités et de Centre de Recherches est représenté en France par le Centre de Recherche sur la Paix
de l’Institut Catholique de Paris.
6
9
L’analyse des informations collectées est, bien sûr, vitale pour le fonctionnement de tout
système d’alerte. A ce sujet, plusieurs théories existent. Il n’y a pas d’accord parmi les
universitaires pour savoir quelles notions ou quels modèles permettent au mieux d’expliquer,
sinon de prévoir – prédire ? – l’irruption, sous ses différentes formes, d’un conflit violent.
Typologie des systèmes d’alerte
Les modèles de système d’alerte différent souvent dans leurs objectifs, leur structure, leur
manière de récolter l’information et le mandat des autorités qui en assurent la gestion. L’Institut
Clingendael des relations internationales définit ainsi trois modèles de prévention des conflits.
Le modèle corrélatif se concentre sur les indicateurs et les causalités structurelles du
conflit et cherche à expliquer comment ceux-ci contribuent à l’émergence des conflits (analyse
qualitative, veille permanente). Une telle approche utilise l’histoire et tend à mettre en évidence
des tendances lourdes postulant des séries factuelles de causes à effets. Ces théories sont dites
post-prédictives, ce qui signifie qu’elles utilisent des informations et des événements du passé.
Gurr a ainsi identifié des facteurs structurels qui déterminent la nature des désaccords et les
demandes des différents groupes communautaires, et qui résultent de l’historique de
l’antagonisme entre les groupes dominés et dominants, la façon dont le groupe dominé a perdu
son autonomie, les inégalités politiques et économiques qui existent entre les groupes ainsi que
les mesures inégalitaires prises à l’encontre des groupes dominés. Au moins l’un de ces aspects
doit être remarqué à un niveau « moyen » ou « élevé » pour que l’on estime qu’un groupe
présente une attitude et une conduite conflictuelles.7 Ces conditions sont parfois appelées
« facteurs accélérateurs », notion que l’on retrouve chez l’Institut néerlandais Clingendael dans
son analyse régionale des causes des conflits. Ces facteurs amplifient les conditions structurelles.
Ils concernent la nature, la force et la cohésion des revendications des organisations politiques et
communautaires exerçant une pression et l’existence d’une haute probabilité d’un conflit
communautaire entre des groupes similaires vivant dans des pays frontaliers. Ce sont finalement
les conditions de la réponse qui vont déterminer si le conflit communautaire va prendre la forme
d’une protestation non violente ou au contraire dégénèrera en rébellion violente.
7
‘Conceptual, Research, and Policy Issues in Early Warning : An Overwiew ‘, in The Journal of EthnoDevelopment, 1994, n°1, pp3/14.
10
Le model séquentiel privilégie l’alerte de court-terme, par l’étude de la séquence au sein
de laquelle les événements déclencheurs des conflits sont apparus dans le passé (analyse
quantitative, données relatives aux événements).
Le modèle conjoncturel a pour but d’identifier les moments dans le cycle du conflit
durant lesquels une intervention stratégique a les meilleures chances de déboucher sur un résultat.
Les universitaires qui s’en réclament analysent la façon dont une situation de crise évolue dans le
temps. Ils privilégient la recherche des conjonctures permettant une intervention d’une tierce
partie modératrice. Les modèles conjoncturels spécifient des scénarios alternatifs. Ils étudient les
différentes combinaisons de conditions débouchant sur des issues différentes.
Rappelons néanmoins que beaucoup d’analystes estiment qu’aucun modèle ne peut
empêcher, avec certitude, le déclenchement d’un conflit8. L’une des raisons en est que
fréquemment, la facteur clef dans le déclenchement d’un conflit est le changement de tactique et
de stratégie d’un gouvernement ou de groupes dans leur perception d’une opportunité d’action.
Outre les systèmes d’alerte « généralistes » qui surveillent un ensemble des indicateurs, il
existe des organisations et des programmes qui s’engagent à veiller sur une thématique
spécifique, telle que la situation des minorités, les migrations des populations, ou la faiblesse (au
sens de défaillance) de l’Etat (State Failure). Le programme « Minorities at Risk » de
l’Université de Maryland dirigé par Ted Robert Gurr, est un système quantitatif qui exerce une
veille et analyse particulièrement la place au sein de l’Etat des groupes minoritaires (ethniques,
nationaux). La Banque Mondiale développe une réflexion intéressante sur les causes
économiques des conflits.
En tout état de cause, quel que soit le modèle choisi, plusieurs points semblent acquis : la
plupart des systèmes d’Alerte Précoce portent sur les conflits internes, intra-étatiques. C’est
signifier qu’ils insistent sur la prédominance des conflits dits ethniques et se concentrent sur les
actions des acteurs non étatiques. Second point : il semble important que les mécanismes d’Alerte
8
Early Warning : Preventive of Pretentive ? Anvers, 1995. Pax Christi International.
11
Précoce reposent bien évidemment sur des données fiables, ce qui signifie, et cela importe, sur
une recherche standardisée de la collecte d’informations et sur un usage similaire et rigoureux des
indicateurs de conflits. La coordination de l’information et de sa recherche est donc d’une grande
importance9.
De l’Alerte Précoce à l’Action Préventive
Les procédures d’alerte précoce atteignent une seconde phase lorsque l’on perçoit que le
conflit est imminent et qu’un signal à ce sujet est adressé aux décideurs politiques avec la
demande d’une décision d’action. A ce sujet, les spécialistes pointent trois problèmes. Il existe
déjà un désaccord entre ceux qui estiment que l’Alerte Précoce doit se contenter d’émettre des
signaux aux décideurs, et ceux pour qui cette Alerte doit s’accompagner de recommandations
d’action, c’est-à-dire ceux pour qui le système d’alerte comporte deux volets : l’analyse de la
situation sur le terrain et l’élaboration de propositions pour agir et désamorcer la crise. Dans cette
perspective, le système d’alerte n’est pas que force de proposition, elle est aussi pouvoir d’action.
Dès lors, il est évident que l’alerte perd de son intérêt si elle n’est pas entendue puisque
l’alerte suppose l’action. Elle s’inscrira dans le cadre local d’abord, considérant que les premiers
utilisateurs des informations doivent être les acteurs locaux, connaisseurs de la situation de leur
pays et seuls aptes à faire pression pour faire changer les choses. Puis, une fois l’information
remontée au niveau régional voire à l’échelon international, des actions pourront être entreprises
pour éviter que la situation conflictuelle ne dégénère en conflit. Toutefois, rien ne garantit que ces
actions seront effectivement entreprises.
C’est dans cette optique que certaines O.N.G. ont décidé de mettre en place un système
d’alerte. L’idée majeure est de se voir reconnaître une capacité d’expertise et une forme de
notoriété en terme d’alerte et de prévention des conflits. Ce faisant, les O.N.G. cherchent à
s’assurer que leur message sera entendu par les autorités locales mais surtout par la communauté
internationale. Dès lors, l’action devrait suivre. Le but est bel et bien de donner plus de crédibilité
et de clarté aux missions de veille et d’alerte réalisées auparavant par les O.N.G. pour qu’elles
soient entendues et faire en sorte que l’inertie de la communauté internationale prenne fin.
9
Gurr, déjà cité.
12
Parmi ceux qui privilégient une telle perception extensive de la notion d’Alerte Précoce,
deux problèmes sont pointés : d’une part, les experts soulignent que trop fréquemment, les
informations adressées sont trop complexes pour être utilisées rapidement par les décideurs
politiques. Ainsi, selon un membre du Canadian International Peacekeeping Training Center, le
système d’alerte ne permettrait pas toujours aux décideurs politiques d’apporter les réponses
efficaces. Alors que les acteurs en présence seraient conscients de la nécessité d’agir rapidement,
le système d’alerte ne leur permettrait pas de savoir comment agir, pourquoi le faire et avec
qui.
De plus, comme les informations sont souvent complexes et difficiles à comprendre, le
message d’Alerte Précoce doit être présenté dans un « format » accessible aux décideurs
politiques. Ainsi Alker estime que la présentation d’ « histoire narrative » vaut mieux que
celle de concepts10. Le développement de scénarios alternatifs peut également sensibiliser les
décideurs aux évolutions constatées et les encourager à répondre plus rapidement à la montée de
la violence. D’autre part, les spécialistes estiment que les messages d’alerte entrent en
compétition avec d’autres messages qui atteignent également les décideurs. Il est alors important
de présenter les avertissements sous la forme de messages répétés. Les théories de la
communication estiment qu’ils sont alors plus assimilables que lorsqu’ils se présentent sous la
forme de rapports isolés.
Indicateurs d’Alerte Précoce et Indicateurs de Paix
On le constate, les indicateurs d’Alerte Précoce participent, quelle que soit leur définition,
des mécanismes de prévention des conflits incluant la compréhension des phases des conflits et
des différentes fenêtres d’opportunités qu’elles offrent pour des actions de médiation, prévention
et interposition. Dès lors, il semble normal de constater que beaucoup d’auteurs11 s’accordent
pour estimer que l’efficacité d’un système d’Alerte Précoce repose sur son intégration dans une
procédure plus large de prévention des conflits, d’encouragement aux processus de paix, bref
dans une politique de sécurité non pas seulement militaire mais qualifiée aujourd’hui, dans le
10
‘Early Warning Models and / or Preventive Information Systems ?’ In The Journal of Ethno-Development, n°1
1994, pp.117/123.
11
Entre autres exemples, on citera ici le document de FEWER et International Alert : Promoting Development in
Areas of Actual or Potential Violent Conflict : Approaches in Conflict Impact Assessment and Early Warning, de
Manuela Leonhardt et David Nyheim, 1999.
13
prolongement lointain des travaux de Burton, de « sécurité humaine »12. Il ne s’agit pas là d’une
posture intellectuelle. Sont en effet en jeu plusieurs impératifs : une culture politique commune
aux acteurs étatiques considérés reposant sur la prévention des conflits et le maintien de la
paix ; des mécanismes éprouvés de travail en commun ; une capacité à mettre en place des
synergies entre acteurs étatiques et non étatiques ; une culture commune et des
compétences partagées en analyse des conflits. C’est aussi en fonction d’une politique de
ressources humaines en analyse des conflits, en raison d’un soubassement intellectuel partagé,
d’infrastructures et en fonction d’une réelle capacité logistique, que le système d’Alerte Précoce,
qui doit lui-même présenter ces composantes, peut véritablement prouver son efficacité.
Cette conception intégrative repose encore sur un autre constat. Les systèmes d’alerte et
de veille ne se limitent pas seulement à la surveillance des situations de pré-conflit. Quand un
conflit passe dans une nouvelle phase de recours aux armes par une ou plusieurs des parties en
présence, les systèmes d’alerte et de veille ont un rôle important dans l’analyse du conflit afin de
permettre l’élaboration des stratégies et des solutions permettant d’éviter l’intensification des
violences. Cette fonction inclut notamment l’identification des opportunités à saisir pour la
construction de la paix, autrement dit la veille tant sur les facteurs potentiels de la paix que sur les
facteurs déclencheurs des violences. Une fois un cessez-le feu signé, les systèmes d’alerte
continuent une veille et une analyse systématique de la situation post-conflit afin d’éviter un
nouveau déchaînement des violences, et peuvent également être utilisés pour comprendre les
enjeux structurels et les dynamismes en présence dans les processus de construction ou de
consolidation de la paix. C’est dire que les indicateurs d’Alerte Précoce sont susceptibles
d’applications variables. N’est-ce pas là néanmoins trop demander à ces indicateurs ?
Afin d’éviter les confusions, certaines approches distinguent les indicateurs d’Alerte
Précoce et les indicateurs de paix. Tel est le cas du Life and Peace Institut d’Uppsala ou du
Centre de Recherche sur la Paix de l’Institut Catholique de Paris. Les temporalités visées par ces
deux types d’indicateurs sont différentes. L’Alerte Précoce est proche, temporellement et donc
dans sa méthodologie sous-jacente, de la notion de crise et de basculement dans le conflit ouvert.
Bien sûr, c’est dans l’analyse des facteurs structurels du conflit et de la paix que les similitudes
12
Voir ce sujet l’étude de synthèse de Rioux ( J-F), La sécurité humaine. Une nouvelle conception des relations
internationales. Paris : L’Harmattan, 2002.
14
apparaissent comme on peut le constater dans le tableau comparatifs ci-dessous entre les
indicateurs de paix mis en place par le Centre de Recherche sur la Paix à propos de la
construction de la paix au Kosovo13 et l’analyse C.I.F.P.14 sur l’Alerte Précoce.
(gras : Indicateurs de Paix – CRP / italique : Indicateurs d’Alerte Précoce - CIFP)
Unifier les visions du passé
Quelle intégration des individus et des groupes dans la société 15?
Promouvoir une culture de paix
Y a-t-il des facteurs de conflits inhérents à la société ?
Y a-t-il une cohésion voire un esprit de communauté au sein de la société ?
Contribuer à l’épanouissement humain
Y a-t-il une pression démographique ? Y-a-t-il de bonnes conditions de vie et d’épanouissement
pour les individus ? Quelle politique écologique et environnementale ?
Instaurer un Etat démocratique
Y a-t-il suffisamment d’espace de liberté et d’expression pour le peuple ? Quelle place est faite à
la défense et au champ du militaire ? L’Etat lui-même est-il bien présent dans le système de
relations internationales ?
Il est indéniable qu’à l’analyse, des similitudes apparaissent. La veille et la reconstruction
de la paix reposent donc sur des référentiels proches. Le système d’alerte est donc un élément
parmi d’autres d’une stratégie de paix plus globale, développée au sein des O.N.G. comme des
Organisations Internationales ou des Etats. Toutefois, il ne s’agit pas de décrédibiliser les
13
Une méthodologie de construction de la paix : les indicateurs de paix. L’exemple du Kosovo. Marie Tur, 2003.
Centre de Recherche sur la Paix. Institut Catholique de Paris.
14
Country Indicators for Foreign Policy : série d’indicateurs mis en place par le gouvernement canadien, fondé sur
une synthèse des systèmes d’alerte existant. Réalisés avec l’aide de Carleton University.
15
La formulation est celle des CIFP.
15
indicateurs d’Alerte Précoce. Les suivis réalisés par les systèmes en place sont de très grande
qualité et permettent de connaître de manière plus précise la situation des pays les plus concernés
par l’imminence de conflits. Le point le plus positif est sans doute la mise en place de partenariats
que la notion de système d’alerte implique. En effet, dans le cas de F.E.W.E.R notamment, ce
sont les O.N.G. mais aussi les autorités locales, les universitaires, les décideurs politiques
régionaux comme internationaux qui sont mobilisés.
16
Seconde Partie : Présentation de systèmes et d’indicateurs d’Alerte Précoce
Sur quelle base peut-on définir des signes d’alerte ? Comment les appréhender et les
temps
évaluer de manière objective ? La question est ouverte. Ces interrogations n’ont pas de réponses
évidentes. Comme il a été dit précédemment, les Organisations Internationales ont essayé, avec
plus ou moins de succès, d’établir des systèmes d’alerte. Nous nous attacherons quasiment
exclusivement dans ce Rapport à la présentation de la définition de l’alerte précoce et à celle de
ses indicateurs et non pas aux institutions et aux mécanismes qui ont pour vocation de la relayer
auprès des décideurs politiques. Il s’agit là d’une autre problématique, celle de la prise de
décision politique, bien sûr de la plus haute importance pour la prévention des conflits, mais qu’il
a semblé judicieux de ne pas entrecroiser dans ce travail avec la thématique spécifique des
indicateurs d’Alerte Précoce et qui a déjà été évoquée dans un précédent Rapport16.
De plus, il nous a semblé inutile d’entrer dans la présentation détaillée de chacune des
organisations choisies et plus pertinent de focaliser notre attention sur des aspects propres à
chaque système d’alerte et ce, dans une perspective d’utilisation par l’O.I.F. On a ainsi insisté sur
la thématique centrale des droits humains pour l’O.S.C.E., sur la dilution des responsabilités et
l’éparpillement des systèmes d’alerte pour l’O.N.U., sur l’approche strictement économique de la
Banque mondiale, sur la collecte d’information et sa diffusion par International Crisis Group…
1- Mécanismes d’Alerte de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération
en Europe
Les concepts de sécurité, de prévention des conflits et d’alerte précoce
L’intérêt de l’O.S.C.E. pour les mécanismes d’alerte précoce provient d’une conception
large de la sécurité. La Déclaration du Sommet d’Helsinki en 1992 stipule que l’approche de
l’O.S.C.E en matière de conflit est fondée sur une « compréhension large du concept de sécurité
16
Rapport 2002 du Centre de Recherche sur la paix remis à l’O.I.F., et qui présente en détail les mécanismes de prise
de décision de l’ONU par exemple.
17
comme l’énonce « l’Acte Final », adopté à Helsinki en 1975. Cette approche, que l’on peut
référer à ce que l’on appelle aujourd’hui la « sécurité humaine », articule le maintien de la paix
aux respect des droits humains et des libertés fondamentales, aussi bien que la coopération et la
solidarité économique et environnementale.
La protection et la promotion des droits de l’Homme, l’insistance sur des institutions
démocratiques sont perçues comme des bases vitales pour la sécurité élargie. L’idée sous-jacente
est que la violation des droits humains conduit souvent à des tensions et des conflits internes aux
Etats ou inter-étatiques. C’est également la thèse de la paix démocratique qui accompagne cette
approche.
Prévention des conflits
La prévention des conflits suppose dès lors que l’O.S.C.E. prête attention à une grande
variété d’aspects dans la vie politique interne de ses Etats membres17. L’insistance de l’O.S.C.E.
porte sur la prévention. Lors du Sommet de la Conférence pour la Sécurité et la Coopération en
Europe, qui s’est tenue le 21 novembre 1990 à Paris, les chefs d’Etat et de gouvernement des
Etats participants ont établi un Centre de Prévention des Conflits (C.P.C.) A l’origine, son rôle
était d’assister le Conseil dans la réduction des risques de conflit et son activité se résumait pour
l’essentiel à des mécanismes de consultation et de communication dans le domaine militaire.
Avec l’institutionnalisation de la Conférence, devenue par la suite Organisation pour la Sécurité
et la Coopération en Europe, et surtout avec les missions en Bosnie et au Kosovo, le Centre de
Prévention des Conflits a été réformé et élargi. Depuis le Sommet d’Istanbul de 1999, il agit,
entre autre, comme un système d’alerte. Pour assurer cette mission, il dispose de plusieurs
organes :
-
une « Chambre Situation/Communication » qui est en contact permanent avec les
missions et les activités de terrain pour collecter des informations mais aussi pour aider
lors de situations d’urgence, comme par exemple en cas d’évacuations.
17
Van Der Stoel. ‘Key Note Speech to the Seminar on Warning and Preventive Diplomacy’, in C.S.C.E O.D.H.I.R.
Bulletin, 1994, n°2, pp.7/13.
18
-
Un « Centre d’opération », mis en place en 2000, qui a pour tâche d’identifier des zones
présentant un risque de conflit et de déployer le personnel nécessaire.
Outre ce Centre de Prévention des Conflits, l’O.S.C.E. a mis en place en 1992 le Bureau du
Haut Commissaire sur les Minorités Nationales, une institution dont le rôle est d’identifier et de
chercher des solutions rapides à des tensions ethniques pouvant mettre en danger la paix, la
stabilité ou les bonnes relations entre les Etats membres de l’O.S.C.E.
Alerte Précoce
L’Alerte Précoce est un aspect de la prévention des conflits mais figure néanmoins
explicitement dans des documents de l’O.S.C.E. Le terme a été introduit en 1992 sans être défini
précisément. Le troisième chapitre des Décisions d’Helsinki évoque seulement l’objectif de
disposer d’alerte précoce sur les situations à l’intérieur de la zone C..S.C.E. qui présentent la
possibilité de dégénérer en crise voire en conflit armé. Dans ce contexte, rien n’est dit sur la
nature des faits et des développements qui peuvent être interprétés comme signaux d’un conflit
émergent. Le second chapitre mentionne l’alerte précoce dans le mandat du Haut Commissaire
sur les Minorités Nationales. On y évoque l’Alerte Précoce comme la réaction la plus rapide
possible dans les tensions relatives aux problèmes liés aux minorités ethniques.
Le premier Haut Commissaire, Van Der Stoel, a présenté ainsi sa définition opérationnelle
de l’Alerte Précoce : l’alerte précoce doit « fournir aux institutions compétentes de l’O.S.C.E. les
informations concernant les processus d’escalade [de la violence], qu’ils soient lents ou
graduels, rapides et soudains, suffisamment à l’avance afin de les aider à réagir à temps et avec
efficacité, et si possible en leur laissant le temps d’utiliser la diplomatie préventive et d’autres
mesures préventives non coercitives et non militaires ». Influencé par le Ministre des Affaires
Etrangères australien Evans, cette définition distingue les objectifs de la diplomatie préventive
précoce qui est d’encourager et de soutenir les efforts des parties engagées dans un conflit
(encore non violent) afin de rechercher un accord, de ceux de la diplomatie préventive tardive qui
tente de les persuader de ne pas utiliser la force alors que la violence semble imminente.
19
Indicateurs d’alerte précoce
Conformément à leur vision large de la sécurité, les Etats membres de l’O.S.C.E., dans la
Déclaration du Sommet d’Helsinki, insistent sur le déclin économique, les tensions sociales, le
nationalisme agressif, l’intolérance, la xénophobie et les conflits ethniques. Ultérieurement,
l’O.S.C.E a intégré dans son approche le racisme, l’antisémitisme, et l’hostilité à l’égard des
étrangers. Différents documents mentionnent également le traitement réservé aux minorités, le
déplacement ou la migration des populations, les violations des droits humains et l’exaspération
instrumentalisée par les gouvernements, via les médias, des la haine et des tensions ethniques.
2 - Le système d’alerte onusien
L’Organisation des Nations Unies est, selon sa Charte, responsable de la paix et la
sécurité internationales. Il est dès lors légitime d’attendre de cette organisation un système
d’alerte exemplaire, puisque, toujours selon sa Charte constitutive, elle pour mission d’abord de
«prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d’écarter les menaces à la paix »
et ensuite « de réprimer tout acte agression ou autre rupture de la paix… »18. Théoriquement, tant
le Secrétaire Général que le Conseil de Sécurité ou encore l’Assemblée Générale peuvent être
concernées par les mécanismes d’alerte précoce.
Or, on le sait, en pratique ce n’est pas le cas.
Nous insisterons ici surtout sur les évolutions constatées depuis la fin de la Guerre froide.
Dans des domaines moins sensibles que la prévention des conflits, les Nations Unies ont entrepris
de mettre en place des mécanismes d’alerte précoce dès la décennie 70 : tel est la cas, par
exemple, du Programme Environnement des Nations Unies qui dispose d’un système Global
d’information et d’Alerte précoce dans son champ de compétence ( G.I.E.W.S.)
Plus de cinquante ans après la création de l’O.N.U., le Secrétaire Général des Nations
Unies Perez de Cuellar, dans son Rapport à l’Assemblée Générale s’exprimait ainsi : « Les
Nations Unies du 21ème siècle doivent devenir de plus en plus un centre de mesures
18
Article 11 de la Charte des Nations Unies
20
préventives »19 et insistait sur le rôle du Secrétaire Général en ce domaine en se référant à
l’article 99.
En effet, l’article 99 de la Charte dispose : «Le Secrétaire Général peut attirer l’attention
du Conseil de sécurité sur toute affaire qui, à son avis, pourrait mettre en danger le maintien de la
paix et de la sécurité internationales ». Dans la pratique, cet article n’a été explicitement invoqué
par les Secrétaires généraux de l’O.N.U. qu’à trois reprises : lors de la crise congolaise de 1960,
pendant la crise des otages en Iran en 1979 et lors de l’amplification du conflit libanais en 1989.
Mais les mécanismes d’alerte s’étendent au-delà de cette communication du Secrétaire général au
Conseil de sécurité, ils se situent aussi plus en amont. C’est en effet une chaîne d’informations
qui commence par une mission de terrain, effectuée soit par le bureau du Secrétaire général, soit
par des forces de maintien de la paix ou du personnel de l’O.N.U. sur place.
Les difficultés du système d’alerte international et les réformes proposées
Le système d’alerte pose à ceux qui l’assurent un certain nombre de défis. Défi politique
puisque mettre en évidence un risque de conflit équivaut parfois à suggérer que les autorités ont
perdu le contrôle de la situation, ce qui peut être mal perçu par ces dernières. Ceci a amené les
Secrétaires généraux des Nations Unies à être discrets et à alerter les membres du Conseil de
Sécurité d’une façon confidentielle, loin de la scène publique. Défi en terme d’informations
puisque le Secrétaire Général dépend en ce domaine des moyens mis à sa disposition par les Etats
membres et particulièrement par les membres permanent du Conseil de Sécurité.
Au-delà de ces difficultés, il en existe d’autres qui sont d’ordre structurel. La première
d’entre elles tient au morcellement des responsabilités entre différentes structures onusiennes et
au faible niveau de coordination entre elles. Les Nations Unies ne disposent pas de moyens
uniques systématiques et appropriés pour recueillir des informations sur des signes de conflit, les
analyser et les interpréter.
Au sein du Secrétariat, c’est le Département des Affaires Politiques qui est chargé
d’identifier « les zones de crises éventuelles et d’alerter le Secrétaire Général sur les évolutions et
les situations affectant la paix et la sécurité ». En 1998, au sein de ce département a été créé une
équipe de prévention qui chaque mois étudie des cas choisis pour lesquels des mesure préventives
19
Rapport du Secrétaire Général à l’Assemblée Générale : « Rénover les Nations Unies : un programme pour la
réforme ».
21
seraient nécessaires à prendre. Les six divisions régionales qui composent le département
fournissent chacune des «prevention papers », avec des cas à étudier.
Le Bureau de Coordination des Affaires Humanitaires, de son côté, a été parmi les
premiers à mettre en place un système d’alerte en 1995. D’abord assuré par un personnel très
restreint (trois ou quatre personnes), ce système d’alerte humanitaire reposait sur une multitude
d’indicateurs et de sources d’informations sur une centaine de pays. Il a été critiqué en raison de
son caractère trop automatisé, ne permettant pas de mettre en lien les informations recueillies
avec des facteurs humains des crises. Actuellement, il est renforcé par plus de missions de terrain
et des rapports détaillés.
Le Programme des Nations Unies pour le Développement assure lui aussi une mission
d’alerte à travers ses missions dans divers pays. Il publie régulièrement des rapports d’alerte, où il
utilise de nombreux indicateurs politique, socio-économique etc.
Il y a donc une sorte de dispersion des responsabilités entre les différentes structures
onusiennes en ce qui concerne la veille et l’alerte. Une tentative de coordination a été faite avec
l’adoption d’un Cadre de coordination entre les différentes agences et programmes de l’O.N.U. et
la mise en place d’un comité interdépartemental qui se réunit régulièrement pour établir une
hiérarchie des pays sur lesquels travailler, décider de la prolongation les mesures de veille et faire
des recommandations au Comité exécutif du Secrétaire Général sur la paix et la sécurité.
Les réformes proposées
Afin de mettre fin à la dispersion des responsabilités, certains ont proposé la création d’un
seul organe responsable de la veille et de l’alerte. La responsabilité de cet organe serait engagée
aussi bien en cas de non vigilance qu’en cas de fausse alerte, mais tiendrait compte de la
difficulté de la tâche. On retrouve la même idée dans le Rapport Brahimi sur la réforme des
opérations de maintien de la paix. Ce Rapport, commandé par les Nations Unies et publié en
2000, met l’accent sur le renforcement des moyens des Nations Unies pour assurer sa mission.
Entre autres, il propose la création d’un système centralisé d’alerte et d’information. On peut y
lire : « Le Secrétaire général devrait créer un organe, dénommé ci-après le Secrétariat à
l’information et à l’analyse stratégique (S.I.A.S.), pour répondre aux besoins des membres du
Comité exécutif pour la paix et la sécurité en matière d’analyse et d’information; le SIAS serait
22
administré conjointement par le Département des affaires politiques et le Département des
opérations de maintien de la paix, auxquels il rendrait compte ».
Pour nombres de spécialistes, l’organe en charge du système d’alerte ne doit pas avoir en
même temps l’obligation de proposer des options d’intervention, mais seulement la faculté de le
faire. De cette façon, le système d’alerte s’assure une meilleure rapidité tout en gardant la
possibilité de fournir des propositions pour la prévention des conflits tout au long du processus.
Enfin, il ne peut pas y avoir de système d’alerte sans capacité de recueillir des
renseignements. La coopération des services nationaux de renseignements est à cet égard
primordiale, ainsi que la collaboration avec d’autres organisations qui disposent de systèmes
d’alerte.
A la suite du Rapport Brahimi, les organes de l’O.N.U. ont commencé leur réforme. En ce qui
concerne le rôle du Secrétariat général comme gestionnaire du système d’alerte, on peut donc
aussi s’attendre à des améliorations.
3 - L’Union européenne
Présentation
A la suite du traité de Maastricht, signé le 7 février 1992, marquant la première
concrétisation effective de l’objectif pour l’Europe de se doter d’une politique étrangère
commune, l’Union Européenne s’est engagée dans une série de réflexion et d’initiatives
concernant le concept de « prévention des conflits ». Un réseau conceptuel et opérationnel a ainsi
commencé à se mettre en place, avec l’objectif d’améliorer d’une part les capacités d’analyse
européennes et d’autre part la connaissance des possibilités et limites de l’Union en ce domaine,
notamment en matière d’alerte précoce et de réaction rapide.
Documents de référence
- l’article J-1 (titre V) du traité de Maastricht définit les objectifs de l’Union Européenne
en matière de politique étrangère et de sécurité commune, entre autres « le maintien de la paix et
le renforcement de la sécurité internationale, conformément aux principes de la charte des
23
Nations Unies, ainsi qu’aux principes de l’acte final d’Helsinki et aux objectifs de la charte de
Paris ».
- la déclaration n°6 additionnelle au traité d’Amsterdam, intitulée « Prévention des
conflits : rapport du Secrétariat général/Haut représentant et de la Commission », précise en juin
1997
« 1) qu’une unité de planification de la politique et d’alerte rapide est créée au secrétariat général
du Conseil et placée sous la responsabilité de son secrétaire général, Haut représentant pour la
P.E.S.C. Une coopération appropriée est instaurée avec la Commission de manière à assurer une
totale cohérence avec la politique économique extérieure et la politique de développement de
l’Union ;
2) que cette unité a notamment pour tâche :
a) de surveiller et d’analyser les développements intervenant dans les domaines qui
relèvent de la P.E.S.C.
b) de fournir des évaluations et des intérêts de l’Union en matière de politique étrangère
et de sécurité (…)
c) de fournir en temps utile des évaluations et de donner rapidement en cas d’événements
ou de situations susceptibles d’avoir des répercussions importantes pour la politique étrangère et
de sécurité de l’Union, y compris les crises politiques potentielles,
d) d’établir, à la demande du Conseil ou de la présidence, ou de sa propre initiative, des
documents présentant, d’une manière argumentée, des options concernant la politique à suivre et
de les soumettre, sous la responsabilité de la présidence, comme contribution à la définition de la
politique au sein du Conseil ; ces documents peuvent contenir des analyses, des recommandations
et des stratégies pour la P.E.S.C. ;
3) que le personnel constituant l’unité provient du secrétariat général, des Etats membres, de la
Commission ;
4) que tout Etat membre, ou la Commission, peut soumettre à l’unité des suggestions relatives
aux travaux à entreprendre ;
24
5) que les Etats membres et la Commission appuient le processus de planification de la politique
en fournissant, dans la mesure la plus large possible, des informations pertinentes, y compris des
informations confidentielles. »
- la note de transmission du Secrétariat général au Conseil de l’Union, le 30 novembre
2000, réaffirme que « la prévention des conflits est l’essence même de l’Union Européenne »,
qu’il convient « d’assurer une meilleure coordination des sources d’informations mises à la
disposition de l’Union » et « veiller à utiliser au mieux l’ensemble des instruments dont elle
dispose »
- le rapport fourni le 18 juin 2002 par la présidence au Conseil européen concernant la
« mise en œuvre du programme de l’UE pour la prévention des conflits violents » stipule qu’il
faut à l’Europe « rechercher une plus grande cohérence en matière d’actions préventives » et que,
pour ce faire, « le Conseil a décidé d’adopter, en matière de prévention des conflits, une
approche systématique qui doit permettre d’intervenir rapidement ».
- par ailleurs, depuis le milieu des années 1990, une série de documents et de résolutions
politiques : Conclusions on « Preventive Diplomacy, Conflict Resolution, Conflict Resolution and
Peace-Keeping in Africa » (General Affairs Council, 4 décembre 1995) ; Communication from
the Commission to the Council on « The European Union and the Issues of Conflicts in Africa :
Peace-Building, Conflict Prevention and Beyond » (6 mars 1996) ; Resolution on coherence of
the EC’s Development Cooperation (included within the Council Conclusions to the Dutsch
Presidency in June 1997); E.U. approach to Peace-Building, Conflict Prevention and Resolution
(included in the Development Council Conclusions of December 1998); Report presented at the
EU Summit, Nice, “Improving the Coherence and Effectiveness of E.U. Action in the Field of
Conflict Prevention”.
Acteurs, outils, mécanismes
L’information est évidemment un des éléments clefs du mécanisme d’alerte précoce. Son
acquisition et son traitement constituent les préalables nécessaires à la prise de décision visant
l’action. L’Union Européenne travaille ainsi à se doter des instruments de collecte et de gestion
d’un ensemble de données concernant la prévention des conflits, ce qui passe par l’interaction
entre une pluralité d’acteurs :
25
- la Commission européenne a ainsi élaboré une série d’indicateurs dont le but est de
constituer un système d’alerte à partir d’informations portant sur la légitimité de l’Etat, sur la
conduite de la loi, le respect des droits fondamentaux, la société civile et les médias, les relations
sociales, la situation économique, le contexte géopolitique. La Commission tient donc un jour
une liste de pays à surveiller en priorité, à partir d’une analyse des risques de conflit portant sur
plus de 120 pays ;
- la Secrétariat du Conseil de l’Union, de son côté, a établi pour le Comité politique et de
sécurité (C.O.P.S.) une procédure d’alerte rapide fondée sur des rapports de synthèse et des
analyses du risque. Celles-ci sont prises en charge conjointement par l’Unité de planification de
la politique et d’alerte rapide (P.P.E.W.U. = Policy Planning and Early Warning Unit, créé en
1997), la division “renseignement” de l’Etat-major de l’Union Européenne (E.M.U.E.) et le
centre de situation conjoint. Des mesures ont également été prises pour intensifier la concertation
avec des partenaires extérieurs
- l’Union Européenne s’appuie sur une variété d’instruments pouvant servir à la
prévention : missions d’information (parfois menées conjointement par le Conseil et la
Commission), missions de surveillance (E.U.M.M.), la présence de médiateurs ou d’observateurs
pour les droits de l’homme, des missions d’observation d’élection, des représentants spéciaux
Dans la mesure où l’alerte précoce n’a de cohérence qu’intégré dans un schéma amont
(acquisition de l’information)-aval (décision/action), il faut souligner la création, à la suite du
Conseil du 26 février 2001, d’un mécanisme de réaction rapide maintenant opérationnel.
E.C.H.O. a également un rôle à jouer, dans la mesure où, d’un côté, son réseau d’informations et
de partenaires fournit des indications fructueuses pour la prévention des conflits, et de l’autre
qu’il travaille précisément au développement d’outils d’alerte précoce.
- l’idée, par ailleurs, avancée de façon récurrente, consiste à souligner l’importance de la
concertation et du partage d’informations avec toute une série d’acteurs hors institutions
européennes : les institutions internationales, notamment l’O.N.U., l’O.S.C.E., le Conseil de
l’Europe, l’O.T.A.N., mais aussi les organisations non-gouvernementales, de plus en plus
reconnues comme une source particulièrement précieuse d’informations, les médias, les
universitaires et les experts indépendants…
Les coopérations existent et la volonté de l’Union de collaboration au sein d’un réseau d’acteurs
est clairement exprimée. Le “Conflict Prevention Network” (C.P.N.) constitue à cet effet une
26
source spécifique pour l’évaluation du risque conflictuelle : il met en lien la Commission et le
Parlement européen avec une trentaine de centres de recherche extérieurs, et avec le secteur des
O.N.G. (de façon moins directe).
Recommandations du « Conflict Prevention Network et de l’Union Européenne
Dans son processus d’émergence comme acteur politique sur la scène internationale, et en
tant qu’organisation de sécurité collective, l’Union Européenne aspire à tenir une place décisive
pour ce qui est de la promotion de la paix et de la stabilité internationales. Travaillant sur l’idée
que la prévention des conflits constitue une clef pour la réalisation de ces objectifs, l’U.E. s’est
dotée d’instruments de veille et d’alerte, dont l’efficacité et surtout le relais en vue de la
décision/action reste à améliorer. La Commission, le Conseil et le Parlement européens
poursuivent la réflexion sur ce sujet. Les chemins de l’alerte précoce restent à explorer dans au
moins trois directions :
- approfondir et intensifier le dialogue avec les partenaires extérieurs :
* poursuivre le développement des mécanismes de coordination avec le système des
Nations Unies ;
* renforcer le soutien et définir des priorités communes avec des organisations régionales
tels que l’O.S.C.E., le Conseil de l’Europe, l’O.U.A. ;
* intégrer plus systématiquement, dans le dialogue politique mené avec les partenaires de
l’Union, des discussions concernant les systèmes d’alerte précoce et les protocoles de régulations
des situations de conflits potentielles ;
* instaurer un dialogue approfondi avec les O.N.G. ayant fait preuve de leur crédibilité en
matière d’expertise et de connaissance du “terrain”.
Il convient en effet d’assurer une meilleure coordination entre les multiples sources
d’informations disponibles pour surveiller et identifier le risque d’éclatement.
27
- optimiser la « mécanique institutionnelle » :
* créer un circuit spécifique d’information rapide concernant la veille et l’alerte précoce ;
* définir clairement le rôle et les attributions de chaque intervenant du processus
institutionnel (Commission, Conseil…) ;
* assurer la fluidité et le suivi de l’information entre les différents organes (P.P.E.W.U.,
C.P.N. …) parties prenantes du système d’alerte ;
* garantir l’efficacité du protocole en transformant l’information en décision/action
rapide.
- faire de la prévention des conflits, et particulièrement du système d’alerte précoce, une
« dynamique » :
* évaluer régulièrement l’utilisation des instruments, y compris diplomatiques, destinés à
la prévention des conflits ;
* encourager les travaux, les réflexions, les recherches , les analyses touchant au
développement des capacités et des instruments de l’alerte précoce (définition des indicateurs,
efficience des réseaux d’information…).
Finalement, la capacité de l’Union Européenne à mener efficacement un travail
d’intelligence collective sur la prévention des conflits dépend de trois éléments : une claire
définition des objectifs qu’elle entend poursuivre dans ce domaine sur la scène internationale, une
capacité et des moyens d’agir en réponse avec ces objectifs, et peut-être plus important, une
réelle volonté politique de le faire.
28
4 - L’Institut Woodrow Wilson
Ce Centre de Recherche Académique a publié en 2003 un intéressant document
« Preventing the Next Wave of Conflict – Understanding Non-Traditional Threats to Global
Stability », dans le cadre de son programme « Conflict Prevention Project ». Les conclusions de
ce rapport sont intéressantes dans la mesure où elles s’inscrivent dans une perspective non prise
en compte par la plupart des autres organisations évoquées dans ce travail : celle de l’émergence
de nouvelles menaces (Non Traditional Threats), traduites en indicateurs d’alerte précoce.
L’Institut Wilson a retenu quatre domaines spécifiques : le secteur économique et les
disparités sociales ; la gouvernance politique et économique ; les changements
démographiques ; les ressources naturelles et l’environnement. Nous présenterons
succinctement quelques unes des principales caractéristiques de chacun de ces domaines.
Secteur économique et social - Indicateurs d’alerte précoce :
-
la pauvreté,
-
l’insuffisante attention aux inégalités de genres,
-
le manque d’attention aux aspects micro-économiques dans les politiques de
développement,
Gouvernance politique et économique - Indicateurs d’alerte précoce :
-
Les « Etats faibles » comme sources d’instabilité,
-
Une trop grande importance accordée aux élections dans les processus de transition vers
la démocratie
Changements démographiques – Indicateurs d’alerte précoce :
-
La croissance de la population urbaine a des impacts négatifs sur l’environnement, la
santé publique et la croissance économique des pays en voie de développement,
Ressources naturelles et l’environnement - Indicateurs d’alerte précoce :
-
La rareté de ressources naturelles est cause de conflit,
-
Compte-tenu des tendances environnementales, le nombre d’intervention humanitaire va
s’accroître,
29
-
Les menaces environnementales sur la sécurité et la stabilité nécessitent une effort accru
de coopération inter-étatique.
5 - Le C.E.R.T.I (Linking Complex Emergency Response and Transition Initiative)
Ce réseau qui travaille en Afrique est soutenu par quelques unes des grandes universités
nord-américaines : George Washington University, Harvard University , Johns Hopkins
University, University of Maryland. Il se propose la mise en place de mécanismes régionaux
d’Alerte Précoce, la synergie entre acteurs différents incluant les O.N.G. et les militaires, la
formation de stratégies africaines à la prévention des conflits.
Très académique, l’approche du C.E.R.T.I. est également complexe, fondée fréquemment
sur une approche couplée de sciences humaines et de mathématiques des probabilités.
Ses indicateurs utilisent et complexifient trois problématiques hérités de l’Université de
Maryland (T. Gurr) : la fragmentation sociale ; la faillite de l’Etat ; les facteurs structurels.
Définition des différents groupes sociaux et des possibilités de conflits
L’objet de ces indicateurs est d’identifier et de décrire les groupes composant la
population à la fois par leur disposition géographique mais aussi sur la base de leurs identités :
géographique, ethnique, politique, partisane. Une attention particulière est portée aux groupes
socio-économiques et à la pertinence éventuelle des questions de genre. L’idée soutenue est
d’établir, par l’entrecroisement de ces variables, une carte des conflits.
Risques structurels des conflits
Cette seconde série d’indicateurs repose sur l’approche développée par la Banque Mondiale,
qui divise les risques en trois grandes catégories :
-
les opportunités de gains de la part d’une rébellion,
-
les chances de succès de la part d’une action menée par une rébellion,
-
les opportunités de recrutements pour les forces rebelles.
30
Cette approche repose sur le postulat que lorsque l’action violente offre des opportunités de
bénéfices, les groupes (qu’ils reposent sur une identité culturelle, politique ou sociale) sont plus
enclins à passer à l’action.
Tension sociale et fragmentation
Cette thématique vise à identifier les sources et l’intensité d’un conflit potentiel entre les
composantes d’une société ou entre des groupes sociaux et l’Etat. Deux types de conflits ont été
identifiés :
-
les conflits qui émergent à partir d’une compétition entre des groupes – généralement
formés sur une base nationale, ethnique, religieuse, ou linguistique – compétition à
l’égard de laquelle les élites politiques soit prennent position soit sont trop faibles pour
renforcer la paix,
-
les conflits entre des groupes et les élites politiques pour prendre le contrôle de l’Etat.
L’analyse de la fragmentation sociale repose sur les indicateurs ou postulats suivants :
différentes « nations » cohabitent au sein d’un même Etat ; la division ethnique et linguistique est
forte et perçue comme telle ; les divisions religieuses sont fortes et perçues comme telles ; constat
de l’absence d’une culture politique commune, de normes et de valeurs identiques au sein de la
population; les mariages entre les membres de groupes ethniques ou religieux sont
exceptionnels ; la société civile est faible comparée au contrôle social exercé par l’Etat.
L’analyse des inégalités sociales et économiques repose : sur les différences régionales
de croissance économique ; sur les positions dominantes durables d’un groupe dans la sphère
politique et / ou économique ; sur la discrimination dont sont victimes certains groupes ; sur le
paternalisme et le népotisme exercés au détriment du travail et du mérite individuel ; sur des
divisions sociales exacerbées et perçues comme telles.
L’analyse de la politisation des différences et de la répression des groupes porte sur :
les clivages linguistiques, religieux, ethniques ou autres qui finissent par s’assimiler à des
clivages politiques ; la montée de la haine dans les discours politiciens ; l’incapacité de l’Etat à
31
réguler les intérêts de la majorité et de la minorité ; le soutien populaire accordé à des groupes
sécessionnistes ; le soutien populaire accordé à des groupes racistes ; l’internationalisation du
soutien accordé à des groupes ayant des revendications à l’égard d’autres groupes ; l’existence
d’un support légal à des revendications de vengeance.
L’analyse de la viabilité de l’Etat : les indicateurs reposent sur 4 items : historique de la
formation de l’Etat (ancienneté, reconnaissance non contestée ; tracé non conflictuel des
frontières, etc.) ; dépendance de l’Etat (à l’égard d’un soutien militaire qui assure sa souveraineté
par exemple) ; légitimité de l’Etat (fonctionnement, régime, stabilité, équilibre des pouvoirs…) ;
capacité de l’Etat (dans l’exercice de ses fonctions régaliennes) ; abus du pouvoir d’Etat
(corruption, non respect des droits humains, terrorisme d’Etat…)
Capacité à contenir un conflit émergent
Cette thématique repose notamment sur les indicateurs suivants : rapport aux abus du
pouvoir d’Etat : capacité ou non à les gérer ; taux de personnes disparues ; taux de circulation
d’armes ; taux de déportation de personnes ; taux de migration et de réfugiés ; taux de destruction
des infrastructures ; niveau des tensions civils vs militaires ; victimisation des étrangers perçus
comme causes des problèmes politiques et sociaux ; présence de leaders idéologiques et
religieux ; impact du dernier conflit ; niveau de la crise économique ; décès des principaux
leaders politiques.
Capacité à gérer les tensions
Cette thématique analyse le comportement des gouvernements et insiste notamment sur
les indicateurs suivants ; le gouvernement a contraint le législatif à des changements
constitutionnels en sa faveur ; le gouvernement a contraint le judiciaire à des changements
constitutionnels en sa faveur, les militaires ont contraint le gouvernement à l’octroi de bénéfices ;
rumeurs de coup d’Etat ; fraudes électorales, changements fréquents de chefs d’Etat ; menace
d’un Etat voisin.
32
6 - La Banque Mondiale
En octobre 2001, la Banque mondiale a organisé un séminaire sur l’alerte précoce en
matière de conflit. Son approche fut centrée sur les racines économiques des conflits (Economic
Roots of Conflicts) et sur la recherche de biens comme source première de ces conflits.
Dans cette perspective, la Banque mondiale a proposé les indicateurs suivants :
-
taux de corruption,
-
niveau de circulation d’ « argent sale »,
-
capacité de financement d’une rébellion,
-
coût d’une rébellion,
-
capacité militaire de la rébellion (en lien avec les opportunités offertes par la géographie
physique et la distribution spatiale de la population),
-
inégalités sociales,
-
répression politique, fragmentation ethnique ou politique
-
taille de la population
7 - International Crisis Group
I.C.G. a été créé en 1995 en réponse à la défaillance de la communauté internationale
dans sa réaction face aux crises de Somalie, Bosnie et Rwanda. Son but principal réside dans la
prévention et la résolution des conflits par la sensibilisation des autorités capables de modifier le
cours des événements. Depuis sa création, I.C.G. a étendu ses activités aux cinq continents, où il
mène une vingtaine de programmes régionaux. Basée à Bruxelles, cette structure est financée par
des gouvernements, des fondations caritatives et des sociétés de donateurs privés du monde
entier.
Les trois éléments de base de la méthode de travail de l’I.C.G. sont ceux communs aux
autres systèmes d’alerte : recherche, analyse et diffusion des informations. La spécificité de
l’I.C.G. réside dans le haut niveau professionnel de ses analyses, et le fait que sa structure de
diffusion de l’information comprend un mécanisme de plaidoyer afin d’inciter les décideurs à
prendre des réponses rapides face aux situation des crises.
33
Recherche des informations
I.C.G. effectue une veille permanente des situations dans des zones de conflit potentiel,
analysant tant les causes structurelles des conflits que les événements susceptibles de déclencher
des conflits. L’environnement du pays en question est également pris en considération, son
impact sur un conflit latent ainsi que son éventuel rôle dans la résolution du conflit. Les analystes
de terrain d’ I.C.G. sont des anciens diplomates, journalistes, universitaires, ou membres du
personnel des O.N.G., qui ont acquis une expertise dans leur domaine. Ils sont basés sur le terrain
et ont ainsi développé des relations avec des acteurs locaux des gouvernements, de l’opposition,
chefs militaires et paramilitaires, fonctionnaires, académiques, journalistes et leaders de la société
civile. Ceci facilite l’acquisition d’une information diversifiée.
Analyse des informations
I.C.G. s’engage également dans l’élaboration de propositions en réponse aux situations
identifiées afin de prévenir, contenir ou résoudre les conflits. Ces propositions peuvent impliquer
la mise en œuvre des outils diplomatiques, juridiques, économiques, ou dans le cas ultime,
militaires, applicables en certains cas par le pays même, et en certains autres, par les acteurs
externes, tels que gouvernements ou organisations internationales. L’objectif est toujours de
proposer des recommandations, impartiales, ciblées et réalisables. En plus des recommandations
pour des actions urgentes de réponse, I.C.G. s’engage à transformer les causes structurelles du
conflit par des programmes de long terme pour leur éradication.
Diffusion de l’information et sensibilisation des pouvoirs politiques
Afin que ces propositions et recommandations puissent être adoptées et mises en œuvre
rapidement et efficacement par des pouvoirs compétents, I.C.G. pratique un plaidoyer auprès des
pouvoirs politiques et des organisations internationales, et par ceux qui peuvent les influencer
(notamment les média).
L’organisation publie un bulletin mensuel,
« The Crisis Watch », qui synthétise les
développements d’environ 60 situations de conflit potentiel, évalue si l’évolution de chaque cas
34
(les Tendances). Ces rapports sont diffusés par courrier à 3200 décideurs politiques et à ceux qui
les influencent, incluant les média, et par courrier électronique à environ 9500 personnes
identifiées comme ayant une influence. I.C.G. organise également des conférences et des ateliers
spécialisés, ainsi que des briefings avec des fonctionnaires des organisations internationales, tels
que l’O.N.U., l’Union Européenne, la Banque Mondiale, l’O.T.A.N. Les bureaux de New York et
de Paris sont chargés d’assurer le lobbying auprès des autorités politiques onusiennes et
européennes.
Programmes thématiques
En plus de ses programmes régionaux, ICG produit des rapports thématiques réunissant des
informations de terrain avec le travail de son unité de recherche basée à Bruxelles. Parmi les
thèmes abordés, on notera notamment les capacités de l’Union Européenne dans la prévention et
gestion des crises, le V.I.H./S.I.D.A. comme enjeu de sécurité, la méthodologie de la prévention
des conflits et le terrorisme international.
8 – F.E.W.E.R., un dispositif mondial d’alerte précoce et de réaction rapide
Confrontée aux événements tragiques qui se sont déroulés au Rwanda en 1994, la
communauté internationale a pris conscience de l’inadaptation de ses moyens d’intervention, de
la nécessité d’adopter des mesures préventives et de créer un système d’alerte avancée destiné à
prévenir les conflits meurtriers. C’est dans cette optique qu’a été créé le Forum sur les systèmes
d’alerte avancée et de réaction rapide (Forum on Early Warning and Early Response :
F.E.W.E.R.) en juin 1997.
F.E.W.E.R. est un c o n s o r t i u m indépendant regroupant des organisations
intergouvernementales et non gouvernementales, ainsi que des universités. Il vise notamment à
fournir aux décideurs des informations et des analyses pour détecter le déclenchement
d’éventuels conflits, ainsi que des solutions pour des interventions rapides.
F.E.W.E.R. travaille en collaboration avec les Nations Unies, la C.S.C.E. et d’autres
organisations, afin d’élaborer une stratégie d’alerte et de réaction rapide dans des régions telles
35
que le Caucase, l’Asie centrale, l’Asie du Sud-est, l’Afrique de l’Ouest et la région des Grands
Lacs d’Afrique centrale.
Le dispositif d’alerte avancée mis en place par F.E.W.E.R. a été dans un premier temps
expérimenté dans deux régions pilotes, à savoir le Caucase et les Grands Lacs (1998-1999). Ce
système a aussi été appliqué au cas de l’ancienne république yougoslave de Macédoine. La mise
en place d’un dispositif d’Alerte Précoce et de réaction rapide nécessite, on l’a dit, d’étudier de
nombreuses sources d’informations et d’instaurer des procédures d’assurances qualité. Afin
d’étudier plus en détail ce dispositif, il est utile d’analyser son organisation (A), ses stratégies (B)
et les instruments de son action (C).
F.E.W.E.R. et son organisation
a) le secrétariat
Consortium regroupant plusieurs membres de nature différente, F.E.W.E.R. dispose de son
propre secrétariat général. Le bureau de celui-ci se trouve à Londres. En outre afin de renforcer
l’efficacité de cette structure et d’assurer aux membres du réseau un soutien effectif des bureaux
régionaux ont été ouverts à Moscou, Nairobi et Manille.
Le secrétariat général est une structure au service des membres du réseau, qui leur apporte
un soutien logistique, facilite la coopération et la coordination entre les différents acteurs, tend à
réduire les conséquences de la dissémination des décideurs politiques, cherche à susciter
l’engagement de ces derniers et enfin trouve des financements.
L’objectif principal de F.E.W.E.R. est que des mesures soient prises pour prévenir ou éviter
un conflit violent. Ce qui importe n’est pas seulement l’analyse du conflit mais également la
réponse qui sera apportée pour l’éviter ou du moins réduire les impacts négatifs que ce conflit
engendrerait.
Aussi, le secrétariat de F.E.W.E.R. doit s’assurer que les informations provenant des acteurs
locaux remontent au niveau régional et international et soient ainsi portées à la connaissance et
36
entendues par la communauté et l’opinion internationales. Pour cela, comme nous le verrons plus
en détail dans l’analyse des activités de F.E.W.E.R., des rapports sont distribués à des acteurs
ciblés intervenant dans le domaine de la construction de la paix et sont également mis à la
disposition de tous par le biais d’Internet. Par ailleurs, le rôle du secrétariat consiste à encourager
ses membres à participer aux tables rondes, aux conférences et aux réunions où sont présents les
décideurs politiques.
En effet, selon F.E.W.E.R., pour aider efficacement la communauté internationale dans la
prévention des conflits, dispositifs d’alerte et volonté politique doivent être interdépendants. Sans
volonté politique, comme cela a été le cas au cours des deux années précédant la crise zaïroise,
l’Alerte Précoce reste lettre morte. En même temps, en l’absence d’un véritable dispositif d’alerte
reposant premièrement sur des informations précises et appropriées, sur une analyse détaillée et
systématique et sur une proposition de solution concrète et adaptée, aucune volonté politique ne
parviendra à une mesure probante. Par ailleurs, l’alerte avancée est essentielle à l’émergence
d’une volonté politique, ce qui exige du temps et de la confiance.
Le secrétariat assume aussi un rôle d’assurance qualité afin de maximiser la crédibilité des
rapports produit par les membres de F.E.W.E.R.. Pour cela, il facilite l’accès de ses membres à
de multiples sources d’informations, encourage le recours à des documents-types identiques pour
l’ensemble du réseau F.E.W.E.R. et à une méthodologie agréée. Il édite et traduit les rapports et
documents produits par les membres du réseau.
b) Les membres
Les activités de F.E.W.E.R. sont menées par ses membres qui interviennent dans un cadre
strictement humanitaire. Les acteurs, O.N.G., agences de l’O.N.U. et organes institutionnels,
travaillent ensemble pour échanger leur savoir et leurs expériences dans le domaine de la
prévention et de la résolution des conflits, de la promotion des droits de l’homme et du
développement de la paix.
Si les membres de F.E.W.E.R. interviennent dans des disciplines différentes, ils
développent une stratégie commune. Aussi, pour que celle-ci soit la plus efficace possible, il y a
une répartition des rôles et responsabilités entre les membres du réseau selon le principe de la
37
seule intervention de l’acteur le plus efficace dans un domaine déterminé (pas d’actions
concurrentes des acteurs du réseau sur un même champ), ce qui en principe doit permettre de
prévenir un gaspillage des ressources humaines et matérielles, en apportant la réponse la mieux
adaptée.
Ce système permet par ailleurs de produire des analyses très complètes abordant l’ensemble
des problématiques.
Région
Caucase
Asie centrale
E.A.W.A.R.N.20 C.A.S.I.A.N.E.T.
Asie du Sud
Région des
Afrique de
Est
grands lacs
l’Ouest
G.Z.O.P.I.
G.L.E.W.N.
W.A.R.N.
Nom du
(network of
(Central Asia
(Gaston Z
(Great Lakes
(West Africa
réseau
Ethnological
Early Warning
Ortigas
Early
Early
régional
Monitoring and
Network)
Institute)
Warning and
Warning and
Early Warning
E.A.W.A.R.N.
Response
Response
of conflict)
(network of
Network)
Network)
Ethnological
Monitoring and
Early Warning
of conflict)
Membres du réseau F.E.W.E.R.
 C.I.P.D.D. (Caucasian Institute for Peace, Democracy and development)
 Life and Peace Institute (Uppsala)
Europe
 I.E.A. (Institute of ethnology and Anthropology)
 Saferworld
 Netherlands Institute of International Relations
 Swisspeace
 G.Z.O.P.I. (Gaston Z Ortigas Institute)
20
E.A.W.A.R.N. (network of Ethnological Monitoring and Early Warning) a une fonction de veille sur les questions
qui touchent aux minorités ethniques et aux réfugiés, il établit des rapport sur la prévention des conflits destinés au
gouvernement et renforce les compétences des décideurs politiques et O.N.G. à travers des formations et des
échanges d’informations.
38
Asie
 South Asia Forum for Human Rights
 National Peace Campaign
 A.C.C.O.R.D. (The African Centre for the constructive resolution of
disputes)
Afrique
 A.P.F.O.21 (Africa Peace Forum)
 A.I.P. (Africa initiative Programme)
 I.A.G. (Inter Africa Group)
 N.P.I. (Nairobi Peace Initiative
 W.A.N.E.P.22 (West Africa Network for peacebuilding)
 C.S.I.S. (Center for Strategic and International Studies)
Canada
et
Etats -Unis
 C.F.R. (Council on Foreign Relations)
 Center for Prevention Action
 Carleton University
 Center For international Political Analys
 C.D.I.C.M. (Center for International Development and Conflict
Management)
 C.R.S. (Center for Refgugee Studies)
Amérique centrale
 Centro de Estudios Internationales
 I.E.P.A.D.E.S. (Instituto de Ensenanza para el Desarrollo Sostenible)
Organisations associées
 C.S.S. (Consiglio Italiano per le Scienze Sociali)
 Human Rights Center of Azerbaijan
 International Alert
 O.C.H.A. (Office for the Coordination of Humanitarian Affairs) U.N.

U.N.H.C.R. (United Nations High Commissioner for Refugees) U.N.
Stratégie
La stratégie de F.E.W.E.R. consiste, dans un premier temps, à évaluer la capacité des
différents acteurs régionaux à prévenir les conflits et à fédérer les volontés (pouvoirs publics,
organisations intergouvernementales et non gouvernementales, communautés locales) et, dans un
second temps, à analyser les quatre points suivants : l’origine du conflit, les objectifs de paix à
long terme, les éléments (personnes et faits) susceptibles de faire échouer le processus de
21
A.P.FO. est une O.N.G. qui intervient dans le cadre de la prévention des conflits dans la région des grands lacs et
la corne de l’Afrique. Ces thèmes de recherches sont plus spécifiquement le transfert des armes, les réformes
politiques et constitutionnelles, la médiation et la participation de la communauté au processus de paix.
22
W.A.N.E.P. dirige le réseau de la région des Grands Lacs.
39
paix et les outils disponibles pour mener à bien un programme de prévention et de
règlement du conflit.
Etablie à partir de quatre postulats clés, la stratégie se décline selon trois principes.
Les quatre postulats clés qui fondent l’action de FEWER sont les suivants :

L’alerte précoce à visée réactive doit être menée par les organisations de la zone
de conflit afin d’assurer une analyse et une action strictement conformes au
contexte local,

Une approche régionale est nécessaire à un dispositif d’alerte précoce pour
percevoir toute émergence d’une guerre civile,

Un travail en réseau qui ne se traduit pas par une simple juxtaposition de
dispositifs d’alerte et de réactions existants mais qui crée une synergie entre eux
afin d’optimiser l’utilisation de ressources peu abondantes,

L’appropriation et la coordination de réponses apportées aux conflits par de
multiples intervenants à plusieurs niveaux permettent d’accroître l’effet d’une
action préventive.
Les trois principes qui guident le travail de FEWER sont :

De s’assurer que les analyses faites au niveau local sur les causes des conflits et la
reconstruction de la paix sont diffusées aux différents intervenants du
rétablissement de la paix.

D’assurer une coordination opérationnelle entre les réseaux locaux d’alerte et les
initiatives internationales en mettant en place un processus d’analyse rigoureux.

De s’assurer que l’alerte est suivie d’une réaction des parties prenantes tant au
niveau local que régional ou international.
Instruments d’action
a) Réseaux régionaux d’alerte précoce et de réponse rapide
L’objectif de F.E.W.E.R. est de collecter et diffuser les informations et analyses
notamment celles faites au niveau local. En effet, les initiateurs de F.E.W.E.R. ont constaté que
trop souvent sont négligées les dynamiques locales des conflits. Aussi, F.E.W.E.R. s’est engagé
au sein de chaque région à consolider ses réseaux par un accroissement des compétences, un
40
partage des enseignements tirés des expériences précédentes et un développement des
partenariats.
Selon F.E.W.E.R., un système d’Alerte Précoce repose sur quatre éléments :

Développement des compétences notamment au travers de la mise en place d’une
formation continue,

Activités de veille, analyse,

Apporter des réponses au conflit et développer une stratégie

Favoriser une prise de conscience collective.
Pour chaque réseau régional, et compte tenu de son niveau actuel de développement,
F.E.W.E.R. veut tendre vers le système d’Alerte Précoce et de réponse la plus élaborée. Pour
cela, son action est centrée sur l’origine ou l’épicentre du conflit qui nécessite une intervention
dans le cadre de la poursuite de la paix. Les régions d’intervention de chaque réseau et les
épicentres retenus par F.E.W.E.R. sont repris dans le tableau suivant :
Réseau régional
Pays concernés
épicentre
Caucase
Républiques du Nord
Tchétchénie
Caucase de la Fédération de
Russie et Géorgie
Réseau régional
Pays concernés
épicentre
Afrique de l’Ouest
Régions du bassin de la
Pays M.R.U.
rivière Mano (Guinée,
Libéria, Sierra Leone) et de
la Sénégambie (Gambie,
Sénégal)
Région des grands lacs
R.D.C., Rwanda, Ouganda
République démocratique du
Congo
Asie du Sud Est
Philippines, Indonésie et
Philippines
Cambodge
41
Développement des compétences au travers notamment de la mise en place d’une formation
continue :
F.E.W.E.R. considère à juste titre que pour obtenir d’une part des analyses fiables,
sérieuses et exactes et d’autre part des réponses adaptées et cohérentes, cela suppose de participer
à des sessions formation continue permettant de développer des compétentes appropriées aux
différentes situations.
L’aide apportée aux réseaux régionaux par le biais d’activités d’entraînement et de
formation permet de doter ceux-ci des compétences et aptitudes requises pour l’analyse des
conflits, la planification des réponses et le travail d’enquête. Pour que ces formations soient les
plus efficaces, elles sont organisées en fonction des besoins spécifiques des participants. En
outre, elles sont fondées sur la pratique, dans la mesure où ce sont des cas concrets qui sont
étudiés.
Par ailleurs, les échanges réguliers inter-régionaux et internationaux entre les experts des
O.N.G. facilitent les échanges d’informations et donc de compétences. La large diffusion de ces
informations permettent ainsi aux acteurs intervenant dans la construction de la paix d’être bien
informés des « bonnes pratiques » régionales et internationales sur les systèmes d’alerte précoce
et de réponse rapide.
Activité de veille, analyse et d’enquête :
Le fruit de cette veille et de cette analyse systématiques des conflits vient alimenter une
base de données utile à la prise de décision. Quand l’analyse cherche à prévoir ou élaborer de
futurs scénarios, elle permet également d’adopter des mesures préventives.
Les experts locaux sont amenés à produire trois types de rapport.

Rapport annuel sur l’évaluation des situations et des risques (25 – 30 pages),

Rapport d’alerte périodique (10 – 15 pages),

Lettres d’information (4 -6 pages).
42
Outre ces sources d’informations, d’autres sources sont utilisées comme les informations
structurelles fournies par C.I.F.P.23 (Country Indicators for Foreign Policy) ou les informations
« conjoncturelles » recueillies par F.A.S.T.24.
Les réseaux d’alerte sont soutenus par un système de certification qualité qui joue un rôle
important dans l’amélioration de la pertinence des rapports.
Ainsi, les rapports établis (rapport contenant les principes directeurs, les rapports d’alerte
précoce et les notes d’information) fournissent une base d’informations solide pour la mise en
place d’une action préventive.
De même, les bases de données constituent un outil précieux à la fois pour les experts
régionaux et pour les décideurs politiques.
Réponses et stratégie de développement :
Une action préventive efficace requiert une approche concertée. L’accent est mis sur la
promotion du dialogue et de la coopération entre la société civile et les acteurs étatiques et non
étatiques.
La mise en place d’un plan stratégique nécessite trois étapes :
•
Veille politique et examen des activités de construction de la paix
Alors qu’auparavant les acteurs clés faisaient l’objet d’étude à un instant « t », F.E.W.E.R.
a décidé de mettre en place une veille politique permanente. L’objectif est d’identifier « qui fait
quoi », d’appréhender parfaitement le processus de prise de décision tant au niveau régional
qu’au niveau international. Il faut également déterminer les forces et les faiblesses des
instruments de prévention et des efforts de construction de la paix dans différents contextes de
conflits. La méthodologie comprend une évaluation complète des activités, des entretiens, des
réunions de projets, la rédaction d’études.
23
C.I.F.P. : (Country Indicators for Foreign Policy). Cf infra.
F.A.S.T. est un système d’observation d’événements qui travaille en coopération avec F.E.W.E.R.. Ce système
permet de donner des perspectives en temps réels sur le flot des événements.
24
43
•
Tables rondes
La tenue de tables rondes est un outil efficace pour répondre à l’alerte et renforcer les
efforts mis en commun pour élaborer et exécuter un plan d’intervention.
C’est à partir de l’étude des rapports d’alerte que les représentants des gouvernements, les
organisations intergouvernementales, les O.N.G et les acteurs non étatiques vont au sein des
tables rondes :
- discuter sur les facteurs du conflit, leur interconnexion et leur importance,
- définir et se mettre d’accord sur les objectifs de paix à long terme pour la région,
- identifier les aspects potentiellement les plus critiques,
- identifier les instruments de prévention,
- répartir les rôles et les responsabilités parmi les acteurs selon la théorie des avantages
comparatifs25,
- décider du temps nécessaires pour mettre en place les activités de prévention et identifier les
susceptibles donateurs.
A partir de ces tables rondes, des plans stratégiques seront élaborés précisant les zones
d’intervention et les acteurs impliqués dans cette action.
•
dispositif de surveillance
L’étape suivante consiste à faire intervenir un dispositif chargé de surveiller l’application
des plans stratégiques, d’établir des espaces de travail en réseau, de soutenir et conseiller les
décideurs politiques, les O.N.G. et les donateurs dans la résolution des problèmes et l’application
du plan stratégique. En outre, il peut aussi consulter d’autres groupes non habilités à participer à
ces tables rondes, à travers la mise en place de réunions d’information ou de réunions de travail
plus informelles.
Les actions concrètes mises en place par F.E.W.E.R. ont donc permis :
25
La théorie des avantages comparatifs consiste à faire intervenir l’acteur le plus efficace dans un domaine
déterminé (pas d’actions concurrentes entre les acteurs du réseau sur un même champ).
44
 d’établir des relations solides avec les décideurs politiques régionaux et les autres acteurs
de cette région intervenant dans la construction de la paix.
 La mise à jour chaque année des rapports examinant les activités de prévention des
conflits dans des régions spécifiques.
Prise de conscience26
Le travail de communication médiatique suppose que soient identifiés les journalistes clés
tant internationaux que régionaux, que des points de presse, des conférences soient organisés
pour diffuser des versions « médias » des analyses produites par F.E.W.E.R. Les actions
concrètes mises en place par F.E.W.E.R. dans ce domaine ont permis une diffusion des rapports
dans la langue locale dans toute la région (version papier et par voie électronique) à un très large
public. Les sites E.A.W.A.R.N., W.A.M.E.P., A.P.F.O., A.I.P. et G.Z.O.P.I. ont été renforcés et
servent de ressources pour les acteurs intervenant dans la construction de la paix.
b) Programmes transversaux et transrégionaux
Les programmes transversaux ont pour objectif de renforcer les réseaux régionaux.
Programme d’échange d’expertises
Le programme d’échange d’expertises comprend deux composantes :
 Une mise en commun des expertises universitaires qui consolide les recherches faites sur
le thème de la prévention des conflits et sert de ressource pour les réseaux régionaux.
 Un programme d’échange régional où les sociétés civiles des différentes zones de conflits
échangent soutien et conseils pour la résolution des problèmes.
Mise en commun des expertises universitaires :
Une recherche rigoureuse sur neuf thèmes identifiés par les réseaux régionaux est
entreprise. Ces neuf thèmes de recherche sont les suivants :
 économie politique de guerre
 gouvernance
 reconstruction post-conflit
 conflits pour le contrôle de richesses (moyens de production, richesses naturelles,…)
26
Détail des activités concrètes de .F.E.W.E.R. en annexe ; cf infra annexe 4.
45
 Réforme du secteur de la sécurité
 développement et construction de la paix
 cohérence politique
Conjointement les agences régionales se basent sur ces recherches pour trouver des
solutions aux conflits.
Par ailleurs, des réunions d’experts sont tenues chaque année pour discuter, critiquer et
améliorer les recherches effectuées. Un répertoire des expertises, mis à jour annuellement, est
élaboré pour faciliter l’accès aux informations des experts et des institutions.
Les actions concrètes mises en place par F.E.W.E.R. dans ce domaine ont permis :
•
La rédaction de documents de recherche sur les leçons apprises sur les enjeux clés des
conflits et sur l’étude des bonnes pratiques.
•
Une amélioration de la compréhension des facteurs permettant une action rapide plus
efficace.
•
L’établissement de lignes directrices opérationnelles à destination des acteurs de la
prévention des conflits.
•
Un renforcement des rapports sur les systèmes d’alerte précoce et de réponse rapide.
•
La rédaction d’un guide opérationnel.
Echange régional d’expertise :
Ce programme s’applique dans un premier temps à un projet pilote qui couvre la
Tchétchénie, le Nicaragua et le Sierra Léone et sera plus tard systématiquement étendu aux autres
pays.
Un programme de recherche sur l’action de la société civile est initié pour synthétiser les
leçons apprises en traitant des origines et manifestation de la guerre. Dans chaque pays la
recherche est menée sur les problèmes liés au conflit que rencontrent les organisation de la
société civile, ainsi que les compétences et champs d’expertise qu’elles ont développés en traitant
de problèmes spécifiques. Un atelier de travail sera organisé pour exposer les résultats de ces
recherches.
46
En suivant la démarche scientifique, un petit groupe d’experts venant de pays déterminés
participe à un exercice de pratique de résolution d’un problème spécifique survenant dans un
pays tiers. Une conférence internationale sera organisée en lien avec l’Assemblée générale
annuelle, dans le but d’aller plus avant dans le développement du programme et de récolter des
fonds pour accroître son champ d’application. Ce programme permet :
 Une plus grande compréhension des défis et des capacités des organisations de la société
civile qui interviennent sur la question des conflits.
 Un partage des expertises et une formation des nouveaux partenaires.
 L’élaboration de plans d’action destinés à résoudre les problèmes identifiés grâce à des
expériences pratiques et comparatives.
Développement et formation méthodologiques
Un grand nombre de méthodes ou de guides disponibles ont été élaborés ces dernières
années sur les systèmes d’alerte précoce et de réponses rapides. Cependant, s’ils existent, il est
difficile de distinguer ce qui constitue « les bons guides » et les méthodes « concurrentes »
élaborées par chaque groupe d’intérêt. Il est important de noter, pourtant, que pour certaines
applications, il n’y a pas une méthode qui constituerait la meilleure. La plus performante, en
réalité, dépend du cas étudié, du contexte, des préférences institutionnelles et généralement il sera
préférable d’utiliser plusieurs méthodes.
Evaluation des impacts de paix et de conflit
Une évaluation des outils existants et du travail déjà effectué est entreprise. Elle est
opérée au cours d’une réunion d’expert dont l’objectif est de définir les bonnes pratiques
méthodologiques (P.C.I.A.). Au terme de cette réunion, un manuel – Ressource est rédigé. Ce
manuel, révisé chaque année et quasi exhaustif, comprend les bonnes pratiques, les méthodes et
principes directeurs testés sur le terrain. La première édition de ce manuel a été élaborée à partir
des résultats des réunions d’experts et des expériences de chaque pays. Les éditions suivantes
prendront en compte l’évaluation de sa mise en œuvre sur le terrain : le manuel sera corrigé au
vu de la pratique. Les actions de sensibilisation et de formation permettent aux gouvernements
locaux, aux donateurs, aux O.N.G. ou à tout autre acteur intervenant dans le cadre de la
prévention des conflits, une utilisation efficace de ce manuel.
47
Recherches sur les méthodologies au sein du réseau F.E.W.E.R.
En coordination avec le projet P.C.I.A, une réflexion est menée à partir des enseignements
tirés de l’expériences des réseaux régionaux de F.E.W.E.R., afin d’améliorer ses méthodes de
travail. Sont également pris en compte d’autres études méthodologiques menées au niveau
international.
48
Troisième Partie :
Recommandations à l’intention de la Francophonie
Les recommandations présentées ci-dessous s’inspirent des propositions émises ces
dernières années par les analystes, spécialistes de l’alerte précoce, en réponse aux différentes
institutions qui ont étudié la possibilité de se doter ou d’améliorer des mécanismes d’alerte.
Recommandation de politique générale
L’O.I.F. doit sans doute penser globalement l’alerte précoce, la prévention des conflits et
la promotion de la démocratie. Ceci passe par l’élaboration de différents mécanismes politiques
articulés entre eux.
Le CRP recommande :
1) D’établir une cellule de crise consacrée aux régions à risque, intégrant des experts issus
des différentes instances de la Francophonie ;
2) De tenir des réunions d’Alerte Précoce bi-annuelles regroupant l’ensemble de ses
instances et permettant à des organisations de la société civile d’y participer, en vue de
définir les régions prioritairement concernées ;
3) De produire un Rapport sur la prévention des conflit précisant la politique de l’O.I.F. à
l’égard des crises et évaluant les effets de cette politique sur les conflits.
4) De reprendre la Déclaration de Bamako en y inscrivant ce que l’O.I.F. entend par « Alerte
Précoce » et définissant les grandes lignes de sa politique en la matière.
5) D’harmoniser son approche de la Francophonie avec celle de Accords de Cotonou dont
l’Article 11 précise explicitement la politique en matière de construction de la paix,
prévention et résolution des conflits, et qui devraient intégrer dans les prochaines années
une problématique spécifique à l’Alerte Précoce. De même, des synergies pourraient être
travaillées entre la mobilisation de la société civile en prévention des conflits et alerte
précoce dans la politique de l’O.I.F. et l’article 7 des Accords de Cotonou.
49
6) De diffuser une culture et une pratique de l’alerte précoce au sein des différents pays
membres.
Ressources humaines de la Francophonie
Le CRP recommande :
1) Que la Francophonie se dote d’un personnel compétent en alerte précoce.
2) Que la Francophonie s’assure de la possibilité d’un travail en réseau et de rencontres
régulières entre les centres de recherches susceptibles de donner des informations
standardisées.
3) Que la Francophonie sache utiliser les différents réseaux et dispositifs existant.
Banque de données et système d’alerte
Le CRP recommande :
1) Que des ressources significatives soient investies dans le développement et la gestion
d’indicateurs de système d’alerte, utilisés communément par l’ensemble des acteurs
concernés. Que ces objectifs soient développés par des experts sur la base d’une étroite
collaboration avec les utilisateurs et qu’une formation adaptée soit donnée à l’ensemble
des usagers de ce système.
2) Que la Francophonie développe des systèmes d’information régionale intégrés permettant
de produire une expertise collective des acteurs locaux et régionaux.
Partenaires et institutions partenaires
Le CRP recommande :
1) Que la Francophonie informe le plus grand nombre possible d’organisations dans chaque
pays de son intérêt pour l’Alerte Précoce et de sa mise en place d’un système d’alerte
précoce.
2) Que la Francophonie renforce les capacités des Etats les plus démunis dans leur intérêt et
leur compétence en matière de prévention des conflits.
50
3) Que la Francophonie s’assure que des moyens financiers existent et soient accessibles aux
institutions universitaires et autres groupes d’experts travaillant sur les systèmes d’alerte,
4) Qu’un Bureau de Liaison avec la société civile soit créé.
Bailleurs de fonds
Le CRP recommande que :
1) L’O.I.F. puisse tenter de promouvoir un consensus parmi les différents bailleurs de fonds
qui agissent dans la zone francophone afin que ceux-ci harmonisent leurs approches en
matière de prévention des conflits et acceptent de financer la mise en place d’un système
d’alerte précoce.
2) L’O.I.F. insiste pour que les bailleurs de fonds traitent particulièrement, dans la
perspective dégagée par la Banque mondiale, des racines économiques des conflits et de
l’élaboration d’indicateurs économiques dans les systèmes d’alerte.
3) L’O.I.F. alerte sur certains principes de prévention des conflits que les bailleurs de fonds
se doivent de respecter et intègre dans son système d’alerte des indicateurs propres à la
politique des bailleurs de fonds.
Acteurs non-étatiques
Le CRP recommande :
1) D’établir des mécanismes de consultation régulière et d’échanges entre les Etats et les
acteurs non étatiques.
2) De renforcer les processus de consultation régionale par l’organisation de consultations
hors des métropoles afin d’inclure les groupes ou catégories de population n’ayant pas
toujours l’accès à une prise de parole.
3) De renforcer la présence des acteurs non-étatiques dans le système d’alerte à chacune de
ses phases.
51
ANNEXE 1
L’exemple du système des Nations Unies
Extrait du premier rapport du CRP : Analyse comparative et éléments techniques sur la mise en œuvre d’un
système d’alerte précoce
Centre de Recherche sur la Paix – Septembre 2003
Le système de l’ONU dédié à l’examen et à la prévention des atteintes aux droits de l’Homme et à la
démocratie est organisé selon un principe de redondance et de complémentarité entre des instances
proprement interétatiques et des organismes relevant de l’ONU en tant qu’institution autonome. De fait,
l’établissement de la norme et son emploi relève en l’espèce avant tout d’un dialogue entre ces diverses
institutions.
1. Les acteurs du système de l’ONU
1. Les instances interétatiques
•
L’Assemblée Générale des Nations Unies, en tant que principal organe délibérant de l’ONU a pour
vocation d’examiner les questions relatives aux droits de l’Homme.
•
Le Conseil Economique et Social (54 pays membres) a vocation à adresser à l’Assemblée Générale
des recommandations sur des questions relatives aux droits de l’Homme.
•
La Commission des Droits de l’Homme (53 pays membres), a été créée pour seconder le Conseil
Economique et Social et l’Assemblée Générale. Elle a particulièrement en charge :
•
o
la réalisation d’études, la formulation de recommandations et la rédaction de conventions et
déclarations internationales relatives aux droits de l’Homme.
o
la menée d’enquêtes sur des allégations de violation des droits de l’Homme et s’occupe des
communications qui en résultent.
Les organes subsidiaires de la Commission des droits de l’Homme, sont composés d’experts se
réunissant a intervalles réguliers afin d’entreprendre des études et d’adresser des recommandations à
la commission dans leurs domaines de compétence. Ces sous-commissions sont :
o
o
o
La Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'Homme, (26 experts
se réunissant annuellement pendant quatre semaines, eux-mêmes divisés en groupes de
travail).
La Commission de la condition de la femme (32 membres).
La Commission pour la prévention du crime et la justice pénale (40 membres).
52
2. Les organismes relevant du Secrétariat général des Nations Unies
•
Le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme, directement relié au services du
Secrétaire Général des Nations Unies. Il appuie et coordonne l’ensemble des actions du système des
Nations Unies en faveur de la promotion ou de la protection des droits de l’Homme et participe à
l’élaboration de nouvelles normes.
Le Haut Commissariat est le résultat de la fusion en 1997 de deux organismes : Le Haut Commissaire
aux droits de l’Homme et son bureau et le Centre pour les droits de l’Homme.
2. La définition des paramètres d’observation des atteintes aux droits de
l’Homme
Les diverses conventions internationales, ainsi que la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme
forment le fondement permettant la qualification des atteintes graves et massives aux droits de l’Homme.
Cependant, cette qualification se fait, le plus souvent en l’espèce, par le biais d’une procédure en trois
temps, celle de la résolution 1503, impliquant des experts de la Commission des droits de l’Homme. Il
s’agit là d’un exercice constant de qualification au cas par cas.
Les experts appelés à siéger dans les différentes instances sont désignés en fonction d’une répartition
géographique garantissant un équilibre permanent entre les diverses régions du monde.
Ce pragmatisme dans la qualification se retrouve dans la définition des conditions de recevabilité d’une
communication signalant à la Commission aux droits de l’Homme une violation de ceux-ci : « les
communications ne seront recevables que si, après l'examen de leur teneur et de la réponse transmise, le
cas échéant, par le gouvernement intéressé, on a raisonnablement lieu de croire qu'elles peuvent révéler
l'existence d'un ensemble de violations flagrantes et systématiques, dont on a des preuves dignes de foi,
des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, y compris de la politique de discrimination raciale et
de ségrégation ainsi que de la politique d'apartheid, dans tout pays, en particulier dans les pays et
territoires coloniaux et dépendants. (Résolution 1/1971 de la Sous-commission aux droits de l’Homme ».
3. La procédure dite de la « résolution 1503 révisée »
Il s’agit là de la procédure standard du système des Nations Unies en vue de faire aboutir, relativement
rapidement, et au plus niveau, une requête concernant des violations signifiantes et massives des droits de
l’Homme.
Elle présente un certains nombre d’avantages pour le requérant :
•
•
•
le lancement de cette procédure n’est pas lié à la violation, et donc à la ratification préalable, d’un
traité par l’Etat mis en cause ;
le requérant, une fois la requête initiée, n’a plus à fournir d’information ;
elle permet de joindre, pour un particulier, l’échelon le plus du système des Nations Unies.
53
3.a. Le lancement de la procédure 1503
N’importe quel groupe ou particulier peut tenter d’initier une procédure 1503 révisée, et peut pour cela
s’adresser au service dédié du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les droits de l’Homme
(Commission/Sub-Commission Team 1503 Procedure) à Genève.
Phase
Acteur
Action
Phase préalable
Sous-Commission de la
lutte contre les mesures
discriminatoires et de la
protection des minorités
(laquelle est une souscommission de la
Commission aux droits
de l’Homme)
- Désigne un groupe de travail
composé de cinq de ses membres
au maximum, tenant compte de
la répartition géographique. Ce
Groupe de travail est appelé :
« Groupe de travail des
communications ».
Durée, échéance
ou fréquence.
Annuellement
- Désigne un groupe de travail
composé de cinq membres
appelé : « Groupe de travail des
situations »
Phase 1
Secrétariat du Haut
Commissariat des
Nations Unies aux
droits de l’Homme
- Reçoit et effectue un premier
filtrage des communications
émanant de particuliers ou de
groupes relatives à de possibles
violations des droits de l’Homme
En permanence
- Transmet les communications
retenues au Groupe de travail
des communications
- Dans le même temps, les
communications retenues sont
transmises aux gouvernements
mis en cause pour réponse et
compléments d’informations.
Les réponses des gouvernements
ne sont pas transmises à
l’initiateur de la communication
Phase 2
Groupe de travail des
communications
- Etudie et se prononce sur
l’admissibilité des
communications qui lui sont
présentées. Cette procédure est
confidentielle
- Il peut pour cela entendre les
réponses et arguments des
gouvernements concernés et
demander des compléments
d’informations
Dix jours au
maximum, tous les
ans,
immédiatement
après la session de
la SousCommission aux
droits de l’Homme
54
d’informations
- Si le Groupe de travail relève
des preuves suffisantes de
l’existence d’un ensemble de
violations flagrantes et
systématiques des droits de
l’Homme, il transmet le dossier
au Groupe de travail des
situations
Phase 3
Groupe de travail des
situations
Phase 4
Commission des droits
de l’Homme
- Au vu du contenu des
communications présentées par
le Groupe de travail des
communications, il décide de
leur renvoi ou non à la
Commission des droits de
l’Homme (il peut par ailleurs
clore la procédure ou la laisser
en suspens)
- Cette procédure est
confidentielle
- Elle examine les cas présentés
par le groupe de travail des
situations
Un mois maximum
avant la réunion de
la SousCommission aux
droits de l’Homme
Un mois après la
réunion du groupe
de travail des
situations
- Elle invite les représentants des
gouvernements concernés à venir
s’adresser à la Commission et à
répondre aux questions
- Elle prend sa décision à huis
clos (des représentants du
gouvernement concerné peuvent
cependant être présents)
3.b. Les options de la Commission des droits de l’Homme
La Commission des droits de l’Homme, dont il faut rappeler qu’elle fait organiquement partie du Conseil
Economique et Social, dispose alors de quatre options majeures :
1. Mettre fin à l'examen de la question lorsqu'il n'y a pas lieu de le poursuivre ou de prendre d'autres
mesures.
ou
55
2. Garder la situation à l'étude en tenant compte de tous autres renseignements qui pourraient être
reçus du gouvernement concerné et de toutes nouvelles informations qui pourraient parvenir à la
Commission au titre de la procédure 1503.
ou
3. Garder la situation à l'étude et nommer un expert indépendant.
ou
4. Mettre fin à l'examen de la question au titre de la procédure confidentielle régie par la résolution
1503 (XLVIII) du Conseil Economique et Social afin d'entreprendre l'examen de la même
question au titre de la procédure publique régie par la résolution 1235 (XLII) du Conseil, laquelle
peut amener à la présentation de recommandations au Conseil Economique et Social.
4. La procédure de plainte relative aux violations de traités internationaux
Outre la procédure dite de la résolution 1503, pour les individus ou groupes, la possibilité existe de saisir
des comités ad hoc en cas de violation de traités internationaux relatifs aux droits de l’Homme. La
formation de ces comités est consécutive à la signature de ces traités.
4.a. Les traités concernés
Ces traités et les procédures afférentes sont au nombre de cinq :
1. Pacte international relatif aux droits civils et politiques et son Protocole facultatif (1976)
2. La procédure prévue à l'article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants
3. La procédure prévue à l'article 14 de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les
formes de discrimination raciale
4. La procédure prévue à l'article 77 de la Convention internationale sur la protection des droits de
tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille
5. Le protocole optionnel de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination
contre les femmes
4.b. Applicabilité des procédures
Ces procédures, à la différence de la procédure dite de la résolution 1503 ne sont applicables qu’aux Etats
signataires de ces conventions. En règle générale, la Commission veille à éviter tout chevauchement entre
les diverses procédures (1503 et autres).
Exemple : la procédure de plainte relative à une violation du Pacte international relatif aux droits civils
Les Etats signataires de ce Pacte reconnaissent la compétence du Comité des Droits de l’Homme, un
groupement de 18 experts se réunissant trois fois par an, pour recevoir les plaintes relatives à d’éventuelles
violations. Les experts sont élus pour quatre ans par les Etats parties au Pacte.
56
Il est à noter que le Comité des droits de l’Homme ne dispose pas de méthodologie de recherche
d’information et de qualification propre : il est uniquement astreint à la recherche de tous les éléments
pouvant être jugés opportuns.
Tout particulier peut déposer une plainte, à la condition que l’Etat concerné soit signataire de la
convention, que le plaignant soit directement intéressé à la plainte et que tous les recours internes soient
épuisés. Un processus en plusieurs temps se met alors en branle :
Phase
Acteur
Phase de
recevabilité
Comité des droits de
l’Homme
Phase 1
Comité des droits de
l’Homme
Etat mis en cause
Phase 2
Comité des droits de
l’Homme.
Auteur de la plainte
Comité des droits de
l’Homme
Phase 3
Action
- Examen de la recevabilité de la
plainte
- Le Comité demande au plaignant
et/ou à l’Etat mis en cause un
complément d’information, en
fixant un délai à cette fin
- Il vérifie que la plainte n’est pas
examinée par ailleurs au sein d’une
autre instance du système des
Nations Unies
- Si l’Etat répond à ce stade, cette
réponse peut être transmise au
requérant
- Les réponses du requérant restent
par contre confidentielles
- Le Comité décide alors de la
recevabilité de cette plainte et rend
sa décision publique
Le Comité demande à l’Etat mis en
cause :
- de fournir des éclaircissements
sur le problème qui lui est
signalé
- D’indiquer s’il a tenté d’y
remédier
L’auteur de la plainte peut
commenter la réponse de l’Etat mis
en cause.
- Le Comité des droits de l’Homme
rend publiquement sa décision
(reconnaissance d’une violation du
Pacte et recommandations)
Durée, échéance
ou fréquence.
Six mois à un an
L’Etat mis en cause
a un délai de six
mois pour répondre
Variable
Entre 2 à 3 ans
après le début de la
procédure
- De plus, le Comité des droits de
l’Homme rend ces décisions et
recommandations à l’Assemblée
Générale dans son rapport annuel
57
5. Les mécanismes extra-conventionnels : groupes de travail thématiques et
rapporteurs spéciaux
La Commission des droits de l’Homme est susceptible de mettre en place des groupes de travail ou de
charger des rapporteurs spéciaux dédiés à l’étude d’une situation particulière, d’ordre thématique ou
géographique.
Ces groupes de travail sont habilités à connaître toute plainte rentrant dans le cadre de leur mandat, à la
condition expresse que celle-ci ne soit pas simultanément traitée dans le cadre d’une autre procédure.
De plus, ces groupes de travail ou rapporteurs spéciaux sont généralement chargés de suivre les évolutions
observables dans leur champ de compétence thématique ou territorial et d’en rendre compte par un rapport
annuel à la Commission des droits de l’Homme.
Citons, par exemple le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'Homme sur le droit à
l'éducation, la Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'Homme sur les exécutions
extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, le Rapporteur spécial de la Commission des droits de
l'Homme sur le droit à l'alimentation, le Représentant du Secrétaire général sur les personnes déplacées
dans leur propre pays, le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'Homme sur la promotion et
la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression, etc.
Chacun de ces groupes ou rapporteurs, mis en place par une résolution de la Commission, est habilité à
recevoir des plaintes ou à examiner des événements en relation avec leur domaine de compétence.
Il existe aussi une procédure d’urgence. Les communications adressées aux instances extraconventionnelles (groupes de travail, …) contiennent parfois des informations selon lesquelles une grave
violation des droits de l'Homme est sur le point d'être commise (par exemple exécution extrajudiciaire
imminente, crainte qu'une personne détenue ne soit soumise à la torture ou ne meure des suites d'une
maladie faute de soins appropriés, etc.) et, dans le cas des disparitions, que l'une d'elles vient de se
produire. En pareils cas, le Rapporteur spécial ou le Président d'un groupe de travail peut adresser aux
autorités de l'Etat concerné un message par fax ou télégramme demandant des éclaircissements sur les cas
en question et invitant instamment le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour garantir les
droits de la victime présumée. Ces appels ont avant tout un caractère préventif et ne préjugent en aucune
manière des conclusions.
Conclusion : Les mécanismes des Nations Unies, un système fondé sur la
complémentarité
Le système d’alerte et de prévention des violations des droits de l’Homme est donc fondé sur la
complémentarité de trois systèmes :
-
Un système fondé sur la Commission des droits de l’Homme. Ce système repose sur l’examen des
situations, quelles qu’elles soient par le biais de la résolution 1503. La norme de référence pour
déterminer une violation des droits de l’Homme, ainsi que les paramètres de l’observation de celle-ci
semblent alors relever autant du consensus des parties que des grands textes fondateurs.
58
-
Un système fondé sur l’observation ou la dénonciation de la violation de textes et protocoles
particuliers relatifs aux droits de l’Homme. Beaucoup plus précise en termes juridiques, cette
procédure ne peut concerner que les Etats signataires.
-
Un système fondé sur des rapporteurs spéciaux et des groupes de travail mis en place par la
Commission des droits de l’Homme ou le Haut commissariat aux droits de l’Homme. Fonctionnant
par aire géographique ou thématique, ces groupes et rapporteurs permettent le suivi d’une question et
éventuellement l’alerte rapide face à une violation grave et massive des droits de l’Homme.
59
ANNEXE 2
Vers un système d’alerte précoce : les atouts francophones
Extrait du premier rapport du CRP : Analyse comparative et éléments techniques sur la mise en œuvre d’un
système d’alerte précoce
Centre de Recherche sur la Paix – Septembre 2003
1. Des éléments communs aux divers systèmes d’alerte
Quels que soient l’institution ou le système d’alerte privilégiés, il semble que, de manière récurrente, un
certain nombre d’éléments communs soit pris en charge.
1.a. La double dimension politique et administrative des systèmes étudiés
Qu’il s’agisse du système de l’OSCE, de l’ONU ou de la CIDH, il apparaît clairement que l’ensemble du
processus d’observation et d’identification est, au sein de ces institutions, partagé entre des structures
administratives d’expertise et de soutien et leur répondant politique.
Cette complémentarité se retrouve par ailleurs, sous une autre forme, dans le mode de fonctionnement des
Organisations non gouvernementales étudiées. Dans le cas de Human Rights Watch, si l’observation est le
fait de professionnels, l’action, et l’impact de celle-ci, sont très largement liés à l’action bénévole et à
l’opinion publique. C’est cette opinion et l’implication de la société civile qui déterminent, en quelque
sorte la forme « d’intensité de la violation ».
Amnesty International, s’articule elle aussi, pour son système d’alerte en particulier, sur la dualité entre
des professionnels de l’observation et de la qualification (les « chercheurs ») et un processus « politique »
(la mobilisation des bénévoles). Là aussi, les droits défendus sont fonction d’une culture et d’un schéma
spécifique. La montée en puissance de la défense de nouveaux droits (développement, éducation), tant
chez Human Rights Watch que chez Amnesty International en est la preuve.
Nous pouvons retenir qu’à tous les échelons de ces processus existent des lieux de rencontre entre l’action
et la définition politique et sociale, d’une part, et l’expertise et l’action administrative de l’autre.
1.b. Deux approches de l’alerte
Un autre point extrêmement intéressant est, selon que l’on se situe dans le cadre d’une Organisation
Internationale ou d’une Organisation Non Gouvernementale, la question de l’alerte et de la saisine.
•
D’une part, la CIDH et l’ONU fonctionnent en utilisant des mécanismes de type juridique, au sein
desquels un requérant, ayant intérêt à agir, peut lancer la procédure. La violation est alors traitée
comme un contentieux.
•
De l’autre, Human Rights Watch et Amnesty International fonctionnent selon le modèle de l’alerte
rapide, transmise par un réseau dédié.
60
•
L’OSCE, entre les deux options, utilise un système original, sans requérant à proprement parler,
au sein duquel le droit de regard sur la situation des droits de l’Homme dans un pays est du ressort
des Etats membres.
On peut ainsi considérer qu’il existe deux types majeurs de processus d’alerte : l’un débouchant sur une
prise de décision politique (ONU, CIDH, OSCE), et l’autre au sein duquel le processus d’alerte est mis en
branle mais la décision politique appartient à d’autres instances si elle s’emparent du dossier (HRW,
Amnesty International). Les contraintes entre ces deux types de démarche n’étant pas les mêmes, la
différence tient essentiellement à la nature des organisations et à des options stratégiques divergentes et
donc, à des moyens différentiés de mise en œuvre de la protection des droits : condamner la violation des
droits de l’Homme après-coup, ou tenter de la prévenir et de l’empêcher. Cette dualité se retrouve aussi
dans les mécanismes internes de l’ONU et de la CIDH qui peuvent ordonner ou demander des mesures
conservatoires.
La question, toutefois, soulevée par l’existence de ces deux types d’alerte, qui sont complémentaires, est
celle du choix entre la simple crédibilité ou la véracité comme condition à la mise en route d’une
procédure.
Plus encore, il semble y avoir complémentarité entre ces deux approches. Cette complémentarité est
confirmée par le rôle privilégié que les organisations comme Amnesty International peuvent tenir dans le
déclenchement des processus politique d’alerte et de condamnation. En particulier, ces organisations,
outre leur capacité de mobilisation de l’opinion publique, ont souvent le moyen d’initier ces processus
d’alerte politique. Ceci passe souvent par le biais du statut d’observateur auprès d’instances
internationales telles que l’ONU, par exemple ou le BIDH de l’OSCE.
2. La Francophonie et ses réseaux : des atouts indéniables pour la mise en
œuvre de la Déclaration de Bamako
L’esprit de la Déclaration de Bamako repose à la fois sur l’observation permanente de la situation des
droits de l’Homme et sur l’emploi de la diplomatie préventive comme outil d’intervention et de prévention
des crises. Pour l’une et pour l’autre, la Francophonie n’est pas démunie et entame ce processus avec un
capital humain et des savoir-faire non négligeables.
Les réseaux de la Francophonie : une chance à exploiter
Depuis des années, la Francophonie se constitue autant autour des traités et des rencontres multilatérales
qu’autour de réseaux professionnels ou institutionnels, qui réunissent des compétences et des structures
essentielles. Parmi les réseaux de la Francophonie, citons :
•
•
•
•
•
•
•
L’ACCPUF : Association des Cours constitutionnelles ayant en partage l’usage du français.
L’AFCNDH : Association francophone des Commissions nationales de promotion et de
protection des droits de l’Homme.
L’AHJUCAF : Association des Hautes juridictions de cassation francophones.
L’AISCCUF : Association des Institutions supérieures de contrôle ayant en commun l’usage du
français.
L’AOA – HJF : l’Association ouest-africaine des Hautes juridictions francophones.
L’AOMF : Association des Ombusdman et médiateurs francophones.
La C.I.B. : Conférence internationale des Barreaux de tradition juridique commune.
61
•
•
L’UFIRC : Union francophone des Instances de régulation de la communication.
Le Réseau des instituts et centres de recherche sur les droits de l’Homme, la démocratie et la
paix, créé à Beyrouth en 2002.
Notons que la Francophonie associe à ses réunions et conférences sur les droits, les libertés et la
démocratie nombre d’ONG spécialisées (Reporters sans frontières, FIDH, Fédérations syndicales, etc.).
La Francophonie, de prime abord, apparaît donc comme disposant d’atouts extrêmement avantageux dans
la mise en place d’un système d’observation, d’alerte et de diplomatie préventive (article 5,1) relatif à
d’éventuelles violations des droits de l’Homme. En effet, des réseaux de personnes formées, influentes et
sensibilisés aux problématiques des droits de l’Homme sont présents dans quasiment l’ensemble des EtatsMembres.
La Francophonie, comme organisation et comme idée, a donc réussi à générer d’ores et déjà une forme de
société civile intermédiaire, à mi-chemin entre les Etats et les populations, structurée et sensibilisée. Il
apparaît, au vu des systèmes précédemment étudiés, qu’il s’agit là d’une originalité et d’un atout
formidable dont elle peut tirer un grand parti.
Conclusion : tirer partie des atouts de la Francophonie
Ce dossier a permis, en observant d’autres systèmes sous l’éclairage de la Déclaration de Bamako, de
soulever un certain nombre de questions dont celle de la définition commune des droits et celle des
mécanismes de saisine et d’observation permanente. Dans ces deux cas, l’existence de réseaux
Francophones peut amener à une prise en charge originale de ces questions.
Les droits de l’Homme : « Bien commun » de la Francophonie
La Francophonie a la chance rare, par ses réseaux, de pouvoir mobiliser une réflexion permanente sur ces
droits et leur définition, et surtout, une réflexion multiculturelle. Coordonner cette réflexion de façon à
pouvoir réagir rapidement à toute saisine relative à un droit inusité ou problématique, ou à toute question
nouvelle, permettrait à la Francophonie d’être un des premiers espaces ayant les droits de l’Homme
en véritable bien commun, promus et protégés. Notons ici que le système mis en place par la
Francophonie sera complémentaire avec les mécanismes institués par d’autres instances interétatiques de
protection des droits de l’Homme. La capacité de réaction du « modèle francophone » s’en trouvera
renforcée. A ce titre, une montée en puissance de la Cour Africaine de Justice et de la Commission de
droits de l’Homme et des peuples de l’Union africaine est porteuse de grands espoirs.
Un atout : les réseaux francophones des droits de l’Homme
De façon plus technique, il apparaît souvent nécessaire, après une saisine, ou dans le cadre de
l’observation courante de déléguer des experts pour mener une enquête sur place. Les réseaux
francophones, concernés par la question des droits de l’Homme sont particulièrement désignés pour :
-
se voir déléguer, par réseau, des missions d’expertise ou de recueil d’information sur des
secteurs thématiques ou sur des aires géographiques.
62
-
servir de vivier d’experts. A ce titre, il est possible de s’inspirer de l’approche de l’OSCE
qui s’appuie sur le principe d’une liste de 45 experts désignés pour six ans par les Etats et
appelés à mener diverses missions d’enquête.
En second lieu, il importe, dans le cadre de la diplomatie préventive, de pouvoir à la fois saisir
rapidement les instances concernées et de pouvoir les épauler une fois le processus engagée. Là aussi, les
divers réseaux francophones peuvent être d’un apport certain. Ils sont en particulier tout indiqués pour être
les premiers éléments du développement d’un réseau d’information et de concertation pour la collecte et le
traitement des données en lien avec la DDDH.
La Francophonie et ses ressources
Au vu, cependant, des divers éléments examinés dans ce rapport, la Francophonie dispose très largement
des atouts suffisants pour mettre en place rapidement un système d’observation, d’alerte et de réaction
rapide en cas de violation des droits de l’Homme. En cela, la Francophonie possède des ressources
importantes dans trois domaines essentiels : la définition en commun de la norme ; les réseaux
d’instituts et centres de droits de l’Homme, de démocratie et de paix comme instances
d’observation, d’évaluation et d’alerte; la volonté politique.
Plus largement, la Francophonie peut combiner de manière avantageuse les mécanismes institutionnels
et juridiques des systèmes interétatiques d’alerte, avec la possibilité de bénéficier, à l’instar des
grandes ONG, du concours des centres, réseaux et instituts de la société civile.
C’est interpréter le système francophone d’alerte précoce comme relevant d’une culture politique, d’une
culture managériale de crise et d’une culture de partenariat.
Le système d’alerte précoce comme culture politique
La protection des droits de l’Homme et de la Démocratie doit constituer à la fois un objectif et une priorité
dans la politique des Etats membres. Elle doit être inhérente d’une culture politique visant à renforcer et
promouvoir le droit international et les droits de l’Homme.
Le système d’alerte précoce comme culture managériale
Il s’agit ici de mettre en place une approche globale et intégrée du management de crise : l’intervention
coordonnée et planifiée de différentes mesures politiques, diplomatiques, économiques spécifiques ; voire
des mesures de sécurité adoptées en réponse à des menaces de violation de la paix et de la démocratie.
Le système d’alerte précoce comme culture de partenariat
Bien que spécifique à la Francophonie, le système d’alerte ne doit pas négliger le partenariat avec d’autres
institutions régionales et internationales. Surtout, il se doit de favoriser la collaboration avec la société
civile. Dans cette perspective, la mise en place d’une plateforme coordonnée des centres de recherche pour
la paix, d’une plateforme des ONG reconnues pour leur expertise sur ce sujet dans les régions considérées,
le soutien à l’éducation des jeunes, à la culture de la paix et de la non violence (cf. Décennie de
l’UNESCO) constituent donc des priorités.
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