ÉDITORIAL Quelles leçons doit-on tirer des résultats de l’étude STREAM ? What lessons from the STREAM Trial? “ L Patrick Goldstein SAMU du Nord, Pôle de l’urgence, Centre hospitalier régional et universitaire de Lille. Membre de l’Executive committee et du Steering committee de l’étude STREAM. a présentation des résultats de l’étude STREAM (STrategic Reperfusion Early After Myocardial Infarction) a été l’un des moments essentiels du Congrès de l’American College of Cardiology (ACC) à San Francisco, du 8 au 12 mars derniers. STREAM est un essai de stratégie pharmaco-invasive et concerne des patients présentant une douleur thoracique de moins de 3 heures, un sus-décalage du segment ST dans plus de 2 dérivations et ne pouvant être mis sur table de coronarographie dans un délai de 1 heure après le premier contact médical (1). Dès lors que le patient présente des signes de reperfusion électrocardiographique, l’angiographie n’est réalisée que dans un délai de 6 à 24 heures. Le bras comparatif correspond à une stratégie d’angioplastie directe accompagnée, en préhospitalier, de l’environnement pharmacologique choisi localement, héparine ou énoxaparine, clopidogrel (600 mg) ou prasugrel. Le critère composite d’analyse à 30 jours intègre le décès, le choc cardiogénique, l’insuffisance cardiaque aiguë, le réinfarctus. STREAM n’est donc pas un essai d’angioplastie facilitée, qui sousentend angiographie immédiate, mais au contraire teste pour la première fois la stratégie pharmaco-invasive dans l’environnement du clopidogrel et de l’énoxaparine. STREAM s’intègre parfaitement dans le cadre des recommandations actuelles de l’ESC et intervient après des essais comme TRANSFER MI ou NORDI-STEMI, qui étudient la stratégie pharmaco-invasive, mais dans un contexte hospitalier suivi d’un transfert vers un centre de coronarographie versus un traitement conservateur. Mille huit cent quatre-vingt-douze patients dans 15 pays ont été inclus, dont 751 en France. Il faut d’emblée insister sur le fait qu’après 20 % du recrutement, les doses de ténectéplase (TNK) ont été diminuées de moitié pour les patients de plus de 75 ans, en raison d’un surrisque hémorragique. 1. Armstrong PW, Gershlick AH, Goldstein P et al. Fibrinolysis or primary PCI in ST-segment elevation myocardial infarction. N Engl J Med 2013;368(15):1379-87. Les critères recherchés, en particulier le critère principal composite, sont atteints. Il n’y a pas de différence significative pour les décès, y compris d’origine cardiaque, ni pour les réinfarctus. Il y a sensiblement moins de chocs cardiogéniques et de décompensations cardiaques dans le bras pharmaco-invasif. Dès lors que la stratégie pharmaco-invasive est mise en œuvre, et encore une fois uniquement pour les patients qui ne peuvent être mis 6 | La Lettre du Cardiologue • n° 466-467 - juin-septembre 2013 ÉDITORIAL sur table dans les délais des recommandations, le gain de temps entre les 2 stratégies de reperfusion est de 78 minutes. Plus de 64 % des patients présentaient à l’admission des critères francs de reperfusion et ont donc pu attendre les 6 heures prévues par le protocole avant l’angiographie. Quatre-vingts pour cent des patients dans le bras pharmaco-invasif ont bénéficié d’une angioplastie. Le taux de déploiements de stents est identique dans les 2 bras mais le taux de pontages est double dans le bras pharmaco-invasif (4,7/2,1), ce qui est incontestablement lié au délai de 6 à 24 heures et peut être mis au crédit positif du bras pharmacoinvasif ; ce délai, dès lors qu’il est autorisé, permet le recul nécessaire à l’indication d’une chirurgie de revascularisation avant l’angioplastie. L’analyse des sous-groupes, y compris pour les patients de plus de 75 ans, confirme les résultats positifs, avec un point particulier sur lequel il conviendra de s’interroger : l’interêt remarquable de la stratégie pharmaco-invasive pour les patients présentant un infarctus inférieur. Cela confirme l’intérêt de la demi-dose de TNK proposée par le Dr T. Henry dans le cadre de la stratégie de Minneapolis. En termes de sécurité, il existe un risque d’accident intracrânien hémorragique statistiquement significatif (1,0 %/0,2 % ; p = 0,04). Cependant, cela concerne directement la population à risque des plus de 75 ans, et cette différence n’existe plus, tout particulièrement dans le cadre des hémorragies intracrâniennes mortelles, dès lors que la dose de TNK a été réduite de moitié. Il n’existe pas de différence significative pour toutes les autres causes d’hémorragie. Alors, quelles leçons tirer de STREAM ? C’est un essai positif. Plus de 75 % des patients ont été inclus en préhospitalier. La recherche clinique de haut niveau y est possible. Il ne faut pas faire dire à STREAM ce qu’il ne veut pas dire. C’est un essai de stratégie pharmaco-invasive et non pas d’angioplastie facilitée. Si le patient peut être mis sur table d’angiographie dans les délais des recommandations, l’angioplastie de première intention est la technique de choix. Il faut donc considérer les bons délais entre le premier contact médical ou le premier électrocardiogramme qualifiant et la reperfusion. Il est souhaitable, pour parler le même langage, de s’accorder sur le temps de l’insertion du cathéter, car, à l’époque de la thromboaspiration, le moment de l’inflation du ballonnet est incertain. Si ces délais ne peuvent être certifiés, la stratégie de STREAM doit être instaurée. Enfin, il n’est souhaitable d’administrer que des demi-doses de TNK chez les patients âgés de plus de 75 ans. Il serait heureux que le laboratoire commercialise une forme et un dosage adaptés à ces patients. ” La Lettre du Cardiologue • n° 466-467 - juin-septembre 2013 | 7