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I
NTRODUCTION
A l'entrée de ce texte, il nous faut d'abord clarifier notre position, expliciter d’où l'on parle. Nous
pensons que la crise climatique est réelle, profonde et durable. Réelle signifie qu’il n’y a pas lieu
de douter des alertes scientifiques lancées et réitérées depuis plus de 20 ans. La crise est
profonde, parce que dans l’état actuel des choses, nous nous dirigeons vers un réchauffement et
des bouleversements climatiques très importants, qui vont nous obliger à opérer des
transformations sans précédent de nos sociétés – à la fois pour contenir le réchauffement le
mieux possible, et pour s’adapter aux impacts inéluctables. Enfin, nous pensons que la crise
climatique est durable, parce que les inerties combinées du système Terre et du système
économique et politique international rendent peu probable une « résolution » du problème à
court ou moyen terme.
Depuis vingt ans, le problème est monté à l'agenda mondial et un processus multilatéral s'est
mis en place pour le traiter. Le bilan de ces vingt années de négociations qui ont abouti
notamment au protocole de Kyoto semble très limité, mais comment l'apprécier précisément ?
Les arènes climatiques annuelles sont-elles de simples foires aux palabres et faudrait-il arrêter
purement et simplement ces grandes conférences internationales, abandonner le gouvernement
climatique onusien ? L'échec de la Conférence de Copenhague (décembre 2009), présentée
comme un moment stratégique à l'échelle planétaire où tout allait se jouer pour le futur du
climat, a paru sanctionner la fin de ces espoirs, inaugurer une phase de régression du problème.
Quelles leçons géopolitiques tirer de cet événement ? Comment faut-il repenser le régime
climatique ?
L'Europe avait longtemps occupé une position de leader dans le régime climatique. A Durban
(décembre 2011), elle a tenté un coup de force dans le processus onusien, arrachant finalement
la perspective de négociations pour un nouveau traité contraignant devant être signé par tous
les pays (du Nord comme du Sud) en 2015 et mis en œuvre en... 2020! Comment analyser cette
stratégie européenne, que penser du coup de force de Durban ? Quelle crédibilité accorder
encore à tout ce processus pour relever les défis qui nous attendent ?
Nous tenterons de répondre à toutes ces questions et nous en aborderons aussi quelques autres,
profondes et stratégiques, qui se sont imposées au cours de l'écriture: le problème climatique
entre environnement et transition énergétique, l'évolution de la géopolitique du climat, la
gouvernance multi-échelles et l'articulation entre global et local, celle des différents régimes
internationaux, etc.