Comment un maître, malgré lui, est amené
à réfléchir. Il sait maintenant que le monde existe
tel qu’en lui-même, que l’idée surtout que nous
nous en faisons évoluera. Que la science ne se pré-
occupe point des faits, mais du discours qui les ren-
dra présentables sinon compréhensibles. Que la
classification de verbes ou l’établissement d’une
grille de terminaisons procède du même désir puéril
de mettre en boîte notre environnement dans l’es-
poir de mieux le dominer.
Il s’est donc inspiré de ses premières cultu-
res d’escargots baveux pour baliser scientifique-
ment son approche d’un système verbeux. S’est lan-
cé dans la recherche personnelle d’une cohérence
fondée plutôt sur des critères pédagogiques que lin-
guistiques.
Genèse d’un élevage de radis
La première étape a consisté en une simple adaptation du tableau des
terminaisons, en faisant correspondre l’ordre des personnes avec celui pra-
tiqué par les cahiers vaudois. L’inversion des pluriels ils-nous-vous (au lieu
de nous-vous-ils) peut sembler superflue, et je ne la défendrais pas contre
vends et marrez (néanmoins, pour certains verbes, les rapprochements
dans la suite des radicaux suffiraient à la justifier); mais il aurait été diffi-
cile de se repérer dans des tableaux présentant un ordre différent de celui
de la pratique choisie. Et, les élèves comme moi-même, nous nous sommes
relativement vite faits à ce changement, sans abandonner complètement
l’ordre traditionnel en déclamation.
Cela fait, j’étais loin d’en être satisfait encore. Les exercices proposés
aux élèves avaient trait souvent au passé simple, sans que celui-ci ne figu-
re au tableau. Plus désolant, le Tableau de Conjugaison vaudois lui-même
n’en tient aucunement compte dans son récapitulatif (pages 177 à 184).
Dans son corpus d’ailleurs, les terminaisons ne se distinguent plus des ra-
dicaux ni au passé simple, ni par conséquent au subjonctif imparfait. En
fait. le passé simple est présenté comme une sorte d’exception.
Je vois deux raisons à cela. Premièrement, la démarche s’appuyant
sur les connaissances orales de l’élève, il a pu paraître illusoire d’en espé-
rer quelque chose au passé guère simple, et à plus forte raison au subjonc-
tif désuètement imparfait -les deux étant presque exclusivement employés
à l’écrit.
L’exercice par la suite m’a prouvé le contraire, puisque pour le plaisir de
leur drôle de musique, en secouant le pucier, les pussiez et autres ont été
conjugués. C’est là tout le mérite de la démarche: après l’oral, la mise en
tableau d’un verbe conjugué met en évidence les relations entre tous les
temps.
Devient visible notamment le fait que, souvent, le simple présent de l’indi-
catif contient déjà tous les radicaux du verbe. Sa maîtrise donc permet
l’écriture de tous les autres temps, à condition naturellement de bien con-
naître ou d’avoir sous les yeux toutes les terminaisons. Les élèves y ont
pris goût, je puis l’assurer sans assurer qu’ils assurent.