REVUE DE PRESSE
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On ne rit pas
toujours
chez Molière
Ariane Ascaride s'impose en fille
désespérée du maître incontesté
de la farce et de la satire.
Etrange aventure. Ce n’est pas dans
les coulisses d’un spectacle que s’est
introduit Giovanni Macchia, mais là
où se cachent les sensibilités et les sentiments.
Auteur d’une trentaine d’ouvrages,
avec le Silence de Molière, publié en 1975,
il a imaginé un dialogue entre un jeune
homme qui se rêve auteur de théâtre et la
fùle de Jean-Baptiste Poquelin et d’Armande
Béjart, Esprit-Madeleine.
Je n’ai pas vécu, je n’ai pas aimé, je suis
un personnage non réalisé, dit cette dernière.
Réputée austère, Esprit - Madeleine,
par bribes, se livre pourtant. Sans plaisir.
Personne ne put lui cacher le secret, partout
divulgué, qu’elle était le fruit d’un mariage
incestueux, explique Giovanni Macchia;
qui reprend à son compte un document de
1688 et qui avance cette hypothèse.
Pourquoi dans son désespoir ne lança-t-elle pas
de hauts cris raciniens et des monologues
forcenés pour répéter aux quatre vents qu’elle
ne cr.oyait pas et qu’elle n’avait jamais cru
- à ces infamies? s’interrogea l’auteur.
Giovanni Macchia nous fait basculer dans
l’ombre de cette fiction, loin des clameurs,
pour donner vie à une femme solitaire qui
avait choisi de disparaître du monde, répond
Marc Paquien, le metteur en en scène.
Après une création au Printemps des comédiens
de Montpellier en 2015, la pièce
revient en cette rentrée à Paris avec les
mêmes interprètes, Loïc Mobihan, et Ariane
Ascaride qui relève le défi de ce rôle
vertigineux.
Dans un espace neutre,
où deux chaises font décor,
Paquien a imaginé des déplacements
ralentis. Parfois le garçon esquisse des pas de
danse, renforçant le poids des silences.
Aux questions d’un jeune homme surgissent en
ricochet des réponses indirectes, incertaines.
D’un poste de radio ou d’un magnétophone,
on ne sait trop, s’échappe à certains moments
la voix d’un récitant (Michel Bouquet).
Vous n’êtes ni urbain ni rusé, lance à la
face du jeune homme cette femme qui pourtant
accepte de se mettre à nu. Quittant
d’ailleurs sa longue robe blanche bouclée
jusqu’au cou pour se retrouver en collant noir.
Comme dans une autre peau à la On du récit.
Esprit-Madeleine se mariera, puis elle mourra
âgée d’à peine 57 ans. Sans être jamais montée
sur les planches, même pour le rôle de
Louison, que Molière écrivit pourtant tout
spécialement elle, dans le Malade imaginaire.
Elle avait 8 ans. Mais elle s’est voulue,
toujours, hors de ce temps.
Gérald Rossi
Ariane Ascaride ressuscite la fille de Molière
Marc Paquien met en scène avec grâce « Le Si-
lence de Molière » de Giovanni Macchia au Théâtre
de la Tempête, Ariane Ascaride transformant en
touchante héroïne le « personnage non réalisé »
d’Esprit-Madeleine, la fille du dramaturge.
Le Silence de Molière raconte un double silence :
celui de la fille de Molière, Esprit-Madeleine, née en
1665 et morte en 1723, sans distiller aucune informa-
tion sur son précieux père ; et celui du dramaturge
lui-même, l'homme et le créateur qui, au delà de son
oeuvre, reste au fond une énigme. L'écrivain et cri-
tique littéraire Giovanni Macchia imagine en 1975
une conversation imaginaire avec la fille de Molière.
A force d'opiniâtreté, un jeune apprenti dramaturge,
fan du grand homme, obtient un rendez-vous avec
Esprit-Madeleine. On est en 1705, la demoiselle
âgée de 40 ans vit recluse et n'est toujours pas ma-
riée. Malgré sa brusquerie, le jeune homme réussit à
la faire parler, mais ses confidences ne sont pas ce
qu'il attendait. Le silence brisé ouvre les vannes d'une
réflexion mélancolique sur la cruauté du théâtre qui
dévore la vie, sur la difficulté d'exister lorsqu'on est la
fille d'un saltimbanque et d'un génie.
Au Théâtre de la Tempête, Marc Paquien orchestre
avec beaucoup de délicatesse ce texte (qui à la base
n'est pas une pièce), se souvenant de l'enfant fou de
théâtre -et de Molière- qu'il a été. Loïc Mobihan (re-
marqué déjà dans Les Voisins de Michel Vinaver) est
un peu son double d'alors -le jeune homme pressé
qui espère obtenir les secrets de fabrication du dra-
maturge, hériter peut-être d'une parcelle de son gé-
nie, en forçant sa fille à se confier. Avec fougue, il
campe cet enfant brutal et émerveillé, qui sans le vou-
loir va ouvrir la boîte de Pandore. La fille de Molière,
c'est Ariane Ascaride. On peut faire confiance à Marc
Paquien pour bien choisir ses interprètes et savoir
les diriger. L'actrice fétiche (et épouse) du cinéaste
Robert Guédiguian incarne avec retenue et justesse
Esprit-Madeleine. Michel Bouquet, récitant de luxe
Aucun pathos dans son jeu, mais une douleur ren-
trée, qui explose seulement quand l'émotion est trop
forte : souvenirs aigus des disputes entre Molière et
Armande Béjart ou de son refus de jouer le petit rôle
de Louison écrit par son père dans Le Malade imagi-
naire ; évocation du pamphlet salissant la mémoire
de ses géniteurs... Ariane Ascaride garde longtemps
cette raideur, cette dignité amère, qu'elle jette sou-
dain à terre avec sa robe blanche - le costume de
scène qu'elle porte par dessus un ensemble noir. La
fille de Molière se met alors à nu, se débarrasse des
oripeaux du personnage non réalisé que ses origines
lui ont imposé.
Le décor, simple et efficace -une petite pièce carrée,
percée d'un oeil de boeuf donnant sur un couloir et
une fenêtre-, est magnifiquement éclairé par Domi-
nique Bruguière, qui crée un clair-obscur onirique. De
la petite danse du jeune homme avec son ombre, à
la robe jetée au sol, les effets savamment distillés par
le metteur en scène font mouche. Le récitant de luxe
(Michel Bouquet) ponctue le « Silence » de propos de
Jacques Copeau, prolongeant l'exploration philoso-
phique de Giovanni Macchia. Le spectacle nous fait
toucher à l'indicible -à la magie blanche et noire du
théâtre. La haine que semble éprouver Esprit-Made-
leine pour cet art cannibale, qui lui a volé son père et
sa destinée, se métamorphose en amour contrarié.
Les comédies sont cruelles, mais la vie l'est plus en-
core. Sur scène au moins, on peut encore croire au
monde.
Avant cette conversation imaginaire, la fille de Molière
était à peine un fantôme dans nos mémoires. Par la
grâce de Macchia, Paquien, Mobihan et Ascaride, elle
revient à la vie, devient un « personnage réalisé »
-mieux, une héroïne.
Philippe Chevilley
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