L`Infixe nasal et ses valeurs aspectuelles en latin (V) −Fin

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東洋大学人間科学総合研究所紀要 第 12 号(2010) 23-40
L’Infixe nasal et ses valeurs aspectuelles en latin (V) −Fin−
MORITA Shin’ya *
Résume
7.2
Synthèse et schématisation 7.3
Évolution phonétique et morphologique
7.3.1 Évolution phonétique de l’infinitif
7.3.1.1 Dentalisation /g/ > /d/
7.3.1.2 Dentalisation /k/ > /t/
7.3.2 Évolution du parfait latin au passé simple français
7.3.2.1
-N+D ou -M+P (sauf prehendō > prendre)
7.3.2.2
-N+G-
7.3.2.3 *Vincui > venqui > vainquis
7.3.2.4 *Prensi > pris
7.4
Type de conjugaison
7.4.1 Type -er
7.4.2 Type de rendre
7.4.3 Type de craindre
7.4.4
Type de vaincre
7.4.5
Type de joindre 7.4.6 Type de prendre 7.5
Bilan
8.
Conclusion
(Fin)
Mots-clés : infixe nasal, latin, français, aspect, indo-européen
* A professor in the Faculty of Economics, and a member of the Institute of Human Sciences at Toyo University
23
24
東洋大学人間科学総合研究所紀要 第 12 号(2010)
7.2 Synthèse et schématisation
latin classique
français
emprunt savant
-cubō
→
couver incuber < (incubō)
incomber < (incumbō)
succomber < (subcumbō)
findō
→
fendre
pourfendre (< por+fendre/pur+fendre)
refendre (< re+fendre)
frangō
φ
infrangō > enfraindre (a.fr.) > enfreindre fundō → fondre
confundō → confondre
perfundō → parfondre
refundō → refondre
morfondre (< murr+fondre)
linquō
φ
+linquō
φ
rumpō
→
rompre
corrumpō
→
corrompre interrumpō
→
interrompre
scindō
φ tangō
φ attingō
atteindre (< lat. pop. *attangere )
vincō
→
vaincre
convincō
→
convaincre
(évincō) fingō → feindre
+fingō
φ
mingō
φ
+mingō
φ
pandō φ
expandō → épandre
respandō → répandre
pangō
φ
+pangō
φ
scinder (1539) (< scindō)
évincer (1412) (< ēvincō)
MORITA: L’Infixe nasal et ses valeurs aspectuelles en latin (V) −Fin −
pingō →
peindre
dēpingō →
dépeindre
repingō → repeindre
pinsō
φ
+pinsō
φ
pungō →
poindre
+pungō
φ stringō → éteindre
adstringō → astreindre
constringō → contraindre
restringō → restreindre tundō
φ
(pertundō)
percer (< lat. pop. *pertusiare)
contundō
→
contondre
jungō
→
joindre
adjungō → ajoindre
conjungō → conjoindre
dējungō → déjoindre
disjungō → disjoindre
injungō → enjoindre
(*rejungō)
rejoindre (< re+joindre v.1050)
lambō
φ
+lambō
φ
lingō
φ
+lingō
φ
ēmungō
φ
moucher (< lat. pop. *muccare (6e s.) < mūcus « morve »)
plangō → plaindre
complangō → complaindre
prehendō prendre → apprehendō → apprendre comprehendō → comprendre
dēprehendō → déprendre reprehendō → reprendre sting(u)ō
φ
distinguō → distinguer
exstinguō → éteindre
appréhender (13e s.)
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26
東洋大学人間科学総合研究所紀要 第 12 号(2010)
7.3 Évolution phonétique et morphologique
Examinons à présent comment les verbes latins à infixe nasal passent au français et quelles sont les
caractéristiques de cette évolution. 7.3.1 Évolution phonétique de l’infinitif
La “dentalisation” se trouve dans les verbes à radical terminé par nasale + palato-vélaire. C’est la
caractéristique la plus remarquable. 7.3.1.1 Dentalisation /g/ > /d/
On notera la généralisation du radical dentalisé de l’infinitif. (Fouché, 1981, p.132)
i) -angere > -aindre, (-eindre) latin classique >français moderne
plangere >plaindre
complangere >complaindre
infrangere >(l’ancien français) enfraindre > enfreindre attingere >(*attangere) > ataindre > atteindre
-ain- s’est confondu phonétiquement avec -ein- dès le début du 12e siècle. Ainsi, *infrangere a donné d’abord
enfraindre, qui s’est écrit plus tard aussi enfreindre (après le 16e siècle), graphie qui a finalement triomphé. De
même, *attangere a d’abord donné ataindre, encore courant au 16e siècle et finalement atteindre. Inversement,
le latin constringere est représenté par contraindre. (Lanly, 2002, p.189) En ce qui concerne l’évolution phonétique de l’infinitif, il y a deux explications d’après Fouché et Lanly.
Selon Lanly : plangere > *pángyere > *plányere > *plañere puis *pláiñ(e)re (yod de transition) ou pláin(e)re
(yod de réfraction) > *plaindre (d épenthétique), tandis que, selon Fouché : plangere > *plaind’ere ou
plandyere. (Lanly, 2002, p.190)
ii) -ingere > -eindre latin>français
fingere>feindre
pingere>peindre
MORITA: L’Infixe nasal et ses valeurs aspectuelles en latin (V) −Fin −
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dēpingere>dépeindre repingere>repeindre stringere>étreindre adstringere>astreindre
restringere>restreindre
exstinguere>éteindre
L’évolution phonétique de l’infinitif semble avoir été la suivante :
1) la résolution de g en yod ; fingere > *fingyere > finyere
2) la palatalisation de n ; *fiñere ou *feñere
3) la chute de la voyelle pénultième ; *feñdre
4) le dégagement d’un yod (de transition ou de réfraction)
transition ; > *feiñdre puis feindre
réfraction ; > *feindre écrit feindre
5) la nasalisation ; [feindre] puis [feindre] (10e s.) puis réduction du yod [fe(i)ndre] (début du 12e s.)
(Lanly, 2002, p.197)
iii) -ungere > -oindre latin>français
pungere>poindre
jungere>joindre
adjungere>ajoindre
conjungere>conjoindre
dējunere>déjoindre
disjungere>disjoindre
injungere>enjoindre (rejungere)>rejoindre L’évolution phonétique de l’infinitif est comme suit :
pungere > *punyere > *poñ(e)re > *poñdre > [pondre] (yod de transition ou de réfraction) écrit poindre >
[poindre] puis [poendre] et [pwendre], écrit encore poindre (Lanly, 2002, p.201). 28
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7.3.1.2 Dentalisation /k/ > /t/
On notera également la dentalisation dans le radical du latin vincere. D’après Fouché (1967 : 132-3),
le latin vincere donne veintre dans le plus ancien français. On trouve aussi veindre. Mais ils ont cédé de bonne
heure la place à des formes gutturalisées veincre ou vaincre refaits sur le participe passé veincu ou vaincu. Cette
gutturalisation apparaît comme une sorte d’« atavisme » : vinCere > veinTre > vainCre ([k] > dentalisation > [t]
> gutturalisation > [k]). 7.3.2 Évolution du parfait latin au passé simple français
Pour les types de parfaits latins, ils se rangent habituellement en deux : parfaits faibles et parfaits forts. Le
premier groupe est -āvi (1re conjugaison), -ēvi (2e conjugaison), et -īvi (4e conjugaison). Le deuxième groupe est
un type en -i, -si, -ui, et à redoublement. mais ce dernier type est perdu à l’époque du latin vulgaire. Le type de
verbe latin à infixe nasale appartient au deuxième groupe (3 e conjugaison), donc les passés simples
correspondants deviennent des parfaits forts latins sauf les quatre verbes suivants : incumbere > incomber,
subcumbere > succomber, ēvincere > évincer, et dintingere > dintinguer.
7.3.2.1 -N+D ou -M+P (sauf prehendō > prendre)
Ce type se caractérise par son radical -nd- ou -mp-. Le type de conjugaison suit le français rendre. Le latin
vulgaire a perdu le type du parfait fort à redoublement. En revanche, il a créé un nouveau type faible en *-dedī
provenant du latin classique -didī. Cette terminaison s’introduit dans les verbes *findedi < fidi (findō) et *fundedi
< fudi (fundō). (Fouché, 1981, p.263) Mais le latin rupi (rumpō) devient *rumpui > *rompi(v)i puis je rompis.
(Lanly, 2002, p.264) latin
fidi
fudi
expandi
rupi
latin vulgaire
findedi
fundedi
espandedi
rumpui
français
je fendis
je fondis
j’épandis
je rompis
En tout cas, le parfait fort latin devient de type faible en latin vulgaire, et finalement le passé simple
français en -is.
latin
findō
fundō
confundō
perfundō
refundō
français
fendre
fondre
confondre parfondre
refondre
rumpō
corrumpō
interrumpō
expandō
respandō
contundō
rompre
corrompre
interrompre
épandre répandre *contondre MORITA: L’Infixe nasal et ses valeurs aspectuelles en latin (V) −Fin −
29
7.3.2.2 -N+GCe type se caractérise par son radical -ng-. Le type de parfait latin est un type
fort en -si. L’évolution des verbes de ce type est comme suit :
personne
latin classique
latin vulgaire
ancien français
français moderne
1
finxi
finxi
feins
je feignis 2
finxisti
finxisti
feinsis
tu feignis
3
finxit
finxit
feinst
il feignit
6
finxerunt
finxerunt
fein(s)trent
ils feignirent
Lanly (2002 : 191) constate que pour l’évolution du type latin en -angere et ingere, le passé simple a été
quelque peu simplifié du fait de l’extension du radical *plaign- des 1ère et 2ème personnes du pluriel de l’indicatif
présent. Les formes modernes du passé simple de ce type sont analogiques de ce radical. Le radical du passé
simple -gn- se trouve dans ce type. C’est comme s’il était un « atavisme ».
Mais le parfait du latin infrangō est, à l’origine, un type à redoublement, donc il n’y a aucune attestation du
passé simple de ce type. (Lanly, 2002, p.196)
latin
infrangō
fingō
pingō
dēpingō
repingō
stringō
adstringō
constringō
restringō
plangō
français
enfreindre feindre peindre
dépeindre repeindre étreindre astreindre contraindre restreindre
plaindre
complangō
exstinguō
pungō
jungō
adjungō
conjungō
dējungō
disjungō
injungō
(rejungō)
complaindre
éteindre poindre joindre
ajoindre
conjoindre
déjoindre
disjoindre
enjoindre rejoindre
7.3.2.3 *Vincui > venqui > vainquis
De même que dans le cas du latin rumpere, le parfait fort latin vīcī devient *vincui > venqui, et finalement
je vainquis (Lanly, 2002, p.277). Founché (1967 : 132-3) constate, que pour la conjugaison du français vaincre,
vaincre est lui-même une forme refaite sur le participe passé veincu ou vaincu. En outre, le latin vulgaire *vincui
provient du participe passé *vincūtu. 30
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latin vulgaire français
*vincui
vaincre *convincui
convaincre
7.3.2.4 *Prensi > pris
Le parfait fort latin classique prehendī devient le latin vulgaire pre(n)si. Ce dernier est du reste fait à partir
du participe passé prensus. L’ancien français pris donne le français moderne je pris. latin
prehendō
apprehendō
comprehendō
déprehendō
reprehendō
français
prendre apprendre comprendre déprendre reprendre
7.4 Type de conjugaison
Les continuateurs des verbes latins à infixe nasal en français moderne se rangent en fonction du type de
conjugaison. 7.4.1 Type -er
latin
incumbere
subcumbere
ēvincere
distingere
français
incomber
succomber
évincer
distinguer
7.4.2 Type de rendre
latin
fingō
fundō
confundō
perfundō
refundō
français
fendre
fondre
confondre parfondre
refondre
rumpō
corrumpō
interrumpō
expandō
respandō
contundō
rompre
corrompre
interrompre
épandre répandre *contondre
MORITA: L’Infixe nasal et ses valeurs aspectuelles en latin (V) −Fin −
7.4.3 Type de craindre
latin
infrangō
fingō
pingō
dēpingō
repingō
stringō
français
enfreindre
feindre
peindre
dépeindre repeindre étreindre adstringō
constringō
restringō
plangō
complangō
exstinguō
astreindre
contraindre restreindre
plaindre
complaindre
éteindre
dējungō
disjungō
injungō
(rejungō)
déjoindre
disjoindre
enjoindre rejoindre
7.4.4 Type de vaincre
latin
vincō
convincō
français
vaincre convaincre
7.4.5 Type de joindre
latin
pungō
jungō
adjungō
conjungō
français
poindre joindre
ajoindre
conjoindre
7.4.6
Type de prendre
latin
prehendō
apprehendō
comprehendō
déprehendō
reprehendō
français
prendre apprendre comprendre déprendre reprendre
7.5 Bilan
L’évolution du parfait latin au français peut être divisée en trois types :
i) Type *-dedi > -dis
*findedi (< latin classique fidi) > je fendis
*fundedi (< latin classique fudi) > je fondis
31
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ii) Type *-ui > -is
*vincui (< latin classique vici) > je vainquis
*rumpui (< latin classique rupi) > je rompis
iii) Type *-si > -gnis
finxi > je feignis
pinxi > je peignis
strinxi > j’étreignis
extinxi > j’éteignis
junxi > je joignis
planxi > je plaignis
attigi > (latin vulgaire *attinxi) > j’atteignis
fregi > (latin vulgaire *franxi) > j(’en) freignis
Lanly (2002 : 36) constate que les formes -gnis sont analogiques des 1ère et 2ème personnes du pluriel de
l’indicatif présent et du participe présent. D’après Buridant (2000 : 288), le paradigme de l’indicatif présent est :
plang, plainz, plaint, plai(n)gnons, plai(n)gnez, plai(n)gnent. La forme du passé simple en -gnis remonte au
radical présent plai(n)gn- en ancien français. Apparemment, la forme -gn- dans le paradigme du passé simple en
français est épenthétique, mais elle est analogique du radical des 1ère et 2ème personnes du pluriel de l’indicatif
présent et du participe présent.
8. Conclusion
Cette étude porte sur la valeur sémantique et aspectuelle de l’infixe nasal. L’objectif était d’analyser
morphologiquement les verbes latins à nasale infixée, puis de les examiner étymologiquement et enfin, de les
reclasser selon leur groupe sémantique.
C’est un aperçu de la conclusion : 1.L’infixe nasal est un morphème ancien qui remonte à l’indo-europeen. Il possède une valeur aspectuelle.
2.Le structure CV+N+C- se caractérise par : 1° le vocalisme radical zéro ; 2° la 3ème conjugaison ; 3° la nasale
infixée qui n’est pas une sonante dans le thème ; 4° l’élément infixé est toujours une consonne nasale, et
jamais une autre consonne.
3.En latin, les verbes munis de cet infixe se rangent en trois catégories en fonction de l’extension de la nasale
aux autres thèmes : 1° verbes où la nasale n’apparaît qu’au thème du présent ; 2° verbes où la nasale apparaît
MORITA: L’Infixe nasal et ses valeurs aspectuelles en latin (V) −Fin −
33
au présent et dans un autre thème (parfait ou participe en *-to-) ; 3° verbes où la nasale apparaît à tous les
thèmes verbaux. L’extension de la nasale se fait par voie analogique.
4.Les verbes à infixe nasal en latin constituent principalement les groupes sémantiques : « contact », « briser/
frapper/rompre », « piquer », « évacuation » et « verser ».
5.La valeur de l’infixe nasal consiste à former un verbe de l’accompli. Les verbes à infixe nasal ont tendance à
se caractériser par l’achèvement.
6.En français, l’infixe nasal ne subsiste que comme une trace de l’élément ancien.
Premièrement, il convient de commencer par répondre la question ‘‘Qu’est-ce que l’infixe nasal en latin ?’’.
En bref, c’est un morphème qui remonte à l’indo-européen. Il sert à former le radical présent d’une certaine
sorte de verbes en latin. Il possède une valeur aspectuelle. Deuxièmement, l’infixation nasale s’observe du point de vue phonologique. En plus du latin, on notera la
formation du radical présent par la voie de l’infixe nasal en sanskrit, grec, ancien iranien, hittite, et lituanien. En
indo-européen, il semble y avoir eu trois principaux types différents d’infixation en fonction de la structure du
thème du présent : 1° type I : un élément *-ne-/*-n- était infixé avant la dernière consonne de la racine.
2° type II : un élément *-ne-/*-n- était enclavé dans une racine dissyllabique terminée par *-u.
3° type III : un élément *-ne-/*-n- était enclavé dans une racine dissyllabique terminée par les laryngales.
L’évolution des types d’infixation de l’indo-européen à chaque langue est ci-dessous schématisée :
indo-européen
sanskrit
Type I : CV+N+C- 7ème classe(12)
latin
hittite
grec
lituanien
infixe
infixe
φ
infixe
Type II : CV+N+U- 5
ème
classe
φ
suffixe
suffixe
φ
Type III:CV+N+H- 9
ème
class
suffixe
φ
suffixe
φ
Ce n’est que la structure CV+N+C- qui est à infixe proprement dit, la nasale s’insérant dans la dernière
consonne de la racine. Les types tels que cernō, tollō, et sternō proviennent respectivement de *kr-n-H1, *tln-H2, et *str-n-H3. Donc, cette étude constate qu’ils ne sont pas à infixe mais à suffixe. En latin, la structure
CV+N+C- se caractérise par les éléments suivants : 1° le vocalisme radical zéro ; 2° la 3ème conjugaison ; 3° la
12 Un certain nombre de verbes de ce type font partie de la 6 ème classe dont la conjugaison est thématique. (Gonda et
Oguibénine, 1993, p.52)
34
東洋大学人間科学総合研究所紀要 第 12 号(2010)
nasale infixée qui n’est pas une sonante dans le thème. Pour la formation des thème en indo-européen, ce qui
fonctionne comme sonantes est n, m, r, l, w, y, et H(=laryngales). Mais la nasale infixée ne peut pas être une
sonante. C’est l’élément qui différencie l’infixe nasal d’autres élargissements. En outre, du point de vue
phonétique, l’élément infixé est toujours une consonne nasale, mais jamais une autre consonne. L’infixation ne
s’effectue donc que par la nasale.
Troisièmement, l’infixation nasale s’observe du point de vue morphologique. En latin, les verbes munis de
cet infixe se rangent en trois catégories : 1° verbes où la nasale n’apparaît qu’au thème du présent
2° verbes où la nasale apparaît au présent et dans un autre thème (parfait ou participe en *-to-)
3° verbes où la nasale apparaît à tous les thèmes verbaux
La nasale sert à former, à l’origine, le thème du présent en s’insérant devant la dernière consonne. Donc, la
nasale qui apparaît dans les autres thèmes que celui du présent peut être par voie analogique. L’extension de la
nasale n’est pas incompatible avec la loi de Kuryłowicz : les actions dites analogiques suivent la direction :
formes de fondation → formes fondées, dont le rapport découle de leurs sphères d’emploi. C’est par voie
analogique que la nasale s’étend aux autres thèmes avec le temps.
Quatrièmement, l’infixation nasale s’observe du point de vue sémantique. Les sens des verbes à infixe
nasal se caractérisent par les groupes d’idées suivants : « contact », « briser, frapper, rompre », « piquer », «
verser », et « évacuation ». Les idées sont schématisées comme suit :
« contact »
« briser, frapper, rompre »
« piquer »
« évacuation »
-cumbō « je me couche » scindō « je fends »
linquō « je laisse »
mingō « j’urine »
tangō « je touche »
findō « je fends »
-sting(u)ō « je pique ē-mungō « je mouche »
fingō « je façonne »
frangō « je brise »
/ j’éteins » stringō « je serre »
plangō « je frappe » jungō « j’attelle »
pinsō « je pile »
lambō « je lèche »
pungō « je pique »
lingō « je lèche »
rumpō « je romps »
pingō « je peins »
tundō « je frappe »
« verser »
fundō « je verse »
prehendō « je prends »
Cinquièmement, la valeur de l’infixe s’observe du point de vue aspectuel. Notamment, ses traits marquants
sont la “résultativité,” la transitivité, et l’instantanéité. Pour l’idée de « contact » telle qu’on la trouve dans
MORITA: L’Infixe nasal et ses valeurs aspectuelles en latin (V) −Fin −
35
tangō, jungō, lambō, et lingō, l’événement s’accomplit au moment où l’acte de contact s’effectue. En ce qui
concerne les groupes de « briser, frapper, fendre » et de « piquer », ces idées, par elles-mêmes, se rattachent à
l’idée de « contact » puisque ces actes momentanés impliquent une sorte de choc quel qu’il soit. L’idée
d’« évacuation » est l’idée inverse du même point de vue que dans le cas de l’idée de « contact ». Les verbes à
nasale infixée tels que frangō « briser » dénotant l’acte momentané, jungō « unir », linquō « abandonner »,
pangō « ficher, établir solidement, conclure (un traité) », etc., sont d’aspect déterminé. En outre, d’après la théorie
de l’aspect de Smith (1991), la plupart des verbes latins à infixe nasal se caractérisent par les paramètres suivants :
dynamique
duratif
télique
transitivité
instantanéité
+
(+/) -
+
+
+
Il en résulte que la valeur principale de l’infixe nasal en latin est de rendre le verbe nuancé de « résultatif ».
En bref, elle sert principalement à former des verbes d’achèvement. Les verbes d’achèvement indiquent un
événement instantané qui s’accompagne d’un changement d’état. Les étapes préliminaires et résultantes se
rattachent à l’événement, mais elles ne sont pas considérées comme une partie de l’action. Les points marquent
les étapes préliminaires et résultantes, parce qu’elles sont incluses dans la notion d’achèvement pour beaucoup
de langues. Le grand point indique “ le point d’impact”. Dix-neuf d’entre vingt-cinq verbes à infixe nasal
marquent l’achèvement. Ce type de verbes se présente graphiquement par rapport au type de « dormir » comme
suit :
Représentation du procès du verbe à infixe nasal :
-E
point
+E
d’impact
-E désigne l’étape préliminaire et +E désigne l’étape résultante. 36
東洋大学人間科学総合研究所紀要 第 12 号(2010)
Représentation du procès du type de « dormir » : ←…
(
HQWUpH
(
GXUpH
…→
(
SRLQWILQDO
-E = avant l’entrée dans l’action, E = la durée de l’action, +E = après l’action
Finalement, l’évolution des verbes à infixe nasal du latin au français se caractérise comme suit :
1° l’évolution phonétique de l’infinitif : la “dentalisation” des verbes à radical terminé par nasale + palatovélaire ; le type -angere, -ingere, -ungere > -aindre, eindre, -oindre.
2° l’évolution morphologique du parfait : i) type *-dedi > -dis comme *findedi (< latin classique fidi) >
je fendis ; ii) type *-ui > -is comme *rumpui (< latin classique rupi) > je rompis ; iii) type *-si >
-gnis comme finxi > je feignis.
3° l’évolution diachronique :
latin classique
français
in-/sub-cumbō
findō
fendre
frangō
φ
infrangō > enfraindre (a.fr.) > enfreindre
fundō
fondre
morfondre (< murr+fondre)
linquō
φ
+linquō(13)
φ
rumpō
rompre
scindō
φ
tangō
φ
+ désigne des formes préfixées.
13
emprunt savant
in-/suc-comber
scinder (1539)
MORITA: L’Infixe nasal et ses valeurs aspectuelles en latin (V) −Fin −
attingō
vincō
(évincō)
fingō
+fingō
(+)mingō(14)
pandō
ex-/re-(s)pandō
(+)pangō
pingō
(+)pinsō
pungō
+pungō
stringō
tundō
(pertundō)
contundō
jungō
(*rejungō)
(+)lambō
(+)lingō
ēmungō
plangō
prehendō
sting(u)ō
distinguō
exstinguō
37
atteindre
vaincre (< *vincui)
évincer (1412)
feindre
φ
φ
φ
(r)épandre
φ
peindre
φ
poindre
φ éteindre
φ
percer (< lat. pop.*pertusiare)
(*contondre, peu usité aujourd’hui)
joindre
rejoindre (< re+joindre v.1050)
φ
φ
φ
moucher (< lat. pop.*muccare (6e s.) < mūcus « morve »)
plaindre
prendre appréhender (13e s.)
φ
distinguer
éteindre
En français, l’infixe nasal n’est plus senti. Sa valeur aspectuelle est complètement perdue. Il ne subsiste que
comme une trace de l’élément ancien.
Pour terminer, ce mémoire finira par une hypothèse. À date préhistorique, il peut y avoir eu une sorte
d’affinité entre ces notions et la nasale de manière subconsciente. Car l’infixation ne s’effectue que par la nasale.
En outre, si les notions de « contact » et de « briser/frapper » constituent un tel groupe sémantique, à mon avis,
ce n’est pas par hasard. Je crois que ce n’est pas une simple coïncidence. (Fin) Appendice
Liste de verbes latins à nasal :
1° verbes où la nasale infixée n’apparaît qu’au thème du présent
14
(+) désigne des verbes simples et des préfixés.
38
東洋大学人間科学総合研究所紀要 第 12 号(2010)
-cumbō « je me couche », findō « je fends », frangō « je brise », fundō « je répand », linquō « je laisse »,
rumpō « je romps », scindō « je fends », tangō « je touche », vincō « je vaincs » 2° verbes où la nasale infixée apparaît au présent et dans un autre thème (parfait ou participe en *-to-)
fingō « je façonne », mingō « j’urine », pandō « je déploie », pangō « je fiche », pingō « je peins », pinsō « je
pile », pungō « je pique », stringō « je serre », tundō « je frappe »
3° verbes où la nasale infixée apparaît à tous les thèmes verbaux
jungō « j’attelle », lambō « je lèche », lingō « je lèche », ē-mungō « je mouche », plangō « je frappe »,
prehendō « je prends », -stinguō « je pique / j’éteins »
4° verbes à nasale suffixée
cer-n-ō « séparer », li-n-ō « verser, étaler un produit gras, visqueux », si-n-ō « laisser », pō-n-ō « poser »,
sper-n-ō « mépriser », ster-n-ō « étendre », con-tem-n-ō « mépriser », tollō « enlever »(15)
5° verbes à nasale appartenant au radical
angō « j’étouffe/je presse », -candō « mettre le feu à », cingō « ceindre », clangō « faire du bruit », mandō
« manger », scandō « monter », ting(u)ō « teindre », unguō « oindre » (Ernout, 1974, p.136); tendō < *ten« étendre », cudō <*kau- « frapper , battre », frendō < *ghren- +dh- « moudre », -fendō < *gwhen- « frapper,
tuer », pendō < *(s)pen- « tirer, tendre »
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C’est une forme déguisée à nasale suffixée à cause de l’assimilation.
15
MORITA: L’Infixe nasal et ses valeurs aspectuelles en latin (V) −Fin −
39
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The Bulletin of the Institute of Human Sciences, Toyo University, No. 12
ラテン語における鼻音接中辞とそのアスペクト機能について
(V)
−Fin−
森田 信也*
本稿は Morita(2008)L’infixe nasal et ses valeurs aspectuelles en latin(IV)の
続編である。第 7 章では、ラテン語の鼻音接中辞を含む動詞が、フランス語でどのよ
うに変遷するかを、音韻論および形態論的な視点から考察した。完了の形成方法によ
って、特徴的な音韻変化を以下に挙げる。
1.不 定詞で見られる特徴的な音韻変化は、-angere , -ingere , -ungere > -aindre ,
eindre , -oindre のような dentalisation である。
2.完了幹で見られる特徴的な音韻変化は、
i)type *-dedi > -dis comme *findedi (< latin classique fidi )> je fendis ;
ii)type *-ui > -is comme *rumpui (< latin classique rupi )> je rompis ;
iii)type *-si > -gnis comme finxi > je feignis .
次に、
全体的な結論として、
ラテン語の鼻音接中辞の特徴を以下に結論として挙げる。
1.印欧祖語起源の古い形態素で、アスペクト機能を持つ。
2.語幹の特徴は、i)幹母音はゼロ階梯である、ii)全て第 3 活用である、iii)挿入
された鼻音接中辞は、ソナントにならない。iv)挿入されるのは常に子音的鼻音
のみである。
3.語幹の鼻音接中辞の現れ方には、以下の3タイプがある。i)現在幹だけに現れ
るもの、ii)現在幹と完了幹(または完了分詞)の 2 つに現れるもの、iii)現在幹・
完了幹・完了分詞の全てに現れるもの 。
4.ラテン語の鼻音接中辞を伴う動詞は、巨視的に見ると、意味によって、
「接触」
「叩
く・壊す・破る」「刺す」「排出」「流れる・注ぐ」などの観念に分類される。
5.鼻 音 接 中 辞 の ア ス ペ ク ト 機 能 と し て は 、accomplishment verb お よ び
avhievement verb を形成する傾向が強い。
6.フランス語では、単なる歴史的な形態論上の痕跡で、何ら機能を持たない。
最後に、鼻音接中辞の機能について、ある仮説を立てて締めくくる。印欧祖語の時
代、「接触・破壊」の観念と形態素としての鼻音の間には、無意識下において、何ら
かの「親和性」のようなものが存在していたのではないか。というのも、語幹に鼻音
が挿入されるのは、これらの観念を伴う動詞のみに見られるからである。(完)
キーワード:ラテン語、フランス語、鼻音接中辞、アスペクト、印欧祖語
* 人間科学総合研究所研究員・東洋大学経済学部
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