L`urbanisation et les risques liés aux changements climatiques

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L’urbanisation
et les risques liés aux
changements climatiques
L’année dernière a été la cinquième année la plus chaude inscrite aux annales. Elle a
été marquée par des phénomènes météorologiques graves tels qu’une vague de chaleur
sans précédent qui a frappé les grandes agglomérations du sud de l’Australie et une
sécheresse qui a entraîné des pénuries alimentaires pour les habitants des bidonvilles
de Nairobi au Kenya.
© Ricci Shryock/Fédération intérnationale
Dans son quatrième rapport d’évaluation, le
Groupe d’experts intergouvernemental sur
l’évolution du climat (GIEC) cite parmi les
changements climatiques probables à l’avenir des
journées plus chaudes, moins de journées et de
nuits froides, des journées et nuits chaudes plus
fréquentes, des périodes et vagues de chaleur plus
fréquentes dans la plupart des régions terrestres,
une fréquence accrue des fortes précipitations
dans presque toutes les régions terrestres, une
extension des régions touchées par la sécheresse et
une augmentation de l’intensité des cyclones
tropicaux ainsi que des effets d’une montée
extrême du niveau de la mer.
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L’adaptation aux changements climatiques peut
aider les villes à atteindre de nombreux objectifs
qui tournent autour de l’agrément d’y vivre, de
la prestation de services et de la réduction des risques de catastrophe. Il faudra que
les connaissances et les compétences circulent entre les spécialistes des
changements climatiques et ceux de la réduction des risques afin que les premiers
tirent les leçons des expériences de réduction des risques liés aux catastrophes et
que les seconds puissent affronter les nouveaux problèmes climatiques avec
l’efficacité voulue.
De la situation géographique des villes dépendent les dangers climatiques auxquels
elles sont exposées, ainsi que les risques qu’elles courent de souffrir de températures
plus élevées, d’une modification des précipitations, de l’élévation du niveau de la mer
ou de la fréquence ou de la gravité d’autres phénomènes extrêmes. Quant à la
vulnérabilité à ces effets, elle tient à la situation sociale et économique de la ville et de
ses habitants, et à la capacité des intéressés et des institutions à relever les défis des
changements climatiques, parfois appelée capacité d’adaptation. Aussi les villes des
pays à faible revenu et à revenu intermédiaire sont-elles particulièrement vulnérables
aux changements climatiques.
Au niveau national, la moyenne annuelle des émissions de gaz à effet de serre par
habitant est supérieure à 20 tonnes de dioxyde de carbone dans bien des pays très
industrialisés, notamment l’Australie, le Canada et les États-Unis. À l’autre extrémité
du spectre, de nombreux pays de l’Afrique subsaharienne, dont le Burkina Faso, le
Malawi et la Tanzanie, émettent moins de 0,2 tonne par habitant et par année. Or, les
citadins de ces pays sont ceux qui risquent d’être les plus touchés, ce qui fait du
financement de l’adaptation aux changements climatiques une question vitale de
justice environnementale au XXIe siècle.
Entre les effets des changements climatiques et l’urbanisation, les rapports sont
complexes. Il est probable que des phénomènes extrêmes et des évolutions progressives
contribueront dans bien des cas à un accroissement de la mobilité. Dans la plupart de
ces cas, la mobilité tiendra une grande place dans la stratégie à laquelle recourront les
ménages et les communautés pour réduire leur vulnérabilité aux risques,
environnementaux ou non, et pour affronter ainsi les changements climatiques.
Cependant, la forte densité de population dans les villes augmentera la vulnérabilité
aux catastrophes liées aux changements climatiques, en particulier parce que
l’insuffisance des institutions et le manque d’infrastructure se font surtout sentir là où
l’on a une forte densité de citadins à faible revenu.
Les capacités d’adaptation peuvent être elles aussi concentrées dans les villes. Les
ressources économiques, des sources d’alimentation diversifiées, les possibilités de
travail et d’emploi, les systèmes d’alerte avancée et les économies d’échelle pour les
interventions d’urgence sont autant de capacités qui peuvent être beaucoup plus fortes
dans les zones urbaines.
La répartition géographique des risques liés
aux changements climatiques
Les zones urbaines des régions côtières sont particulièrement exposées à l’élévation
du niveau de la mer. Les zones côtières de faible altitude – moins de 10 mètres audessus du niveau de la mer – représentent juste 2 % des terres de la planète mais
abritent 13 % de la population urbaine du monde. En 2007, l’Afrique avait 37 villes
de plus d’un million d’habitants et la moitié d’entre elles se situent – du moins en
partie – dans la zone côtière de faible altitude.
Autre aspect géographique des risques climatiques : la rareté de l’eau qui touchera
surtout les villes des régions semi-arides. À mesure que reculeront les glaciers de
Rapport sur les catastrophes dans le monde 2010 – Urbanisation et changements climatiques
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l’Amérique du Sud, de nombreuses villes des Andes souffriront de pénuries d’eau
pendant la saison sèche.
La répartition sociale des risques liés
aux changements climatiques
Les facteurs sociaux entrent pour une large part dans la variabilité de la vulnérabilité
aux conséquences des changements climatiques. Premièrement, la pauvreté et la
marginalité contribuent beaucoup à la vulnérabilité, en particulier pour les ménages
et populations vivant dans des endroits exposés à la montée des eaux pluviales, aux
inondations et aux glissements de terrain et qui n’ont ni les ressources ni les
possibilités de réaménager ces sites en conséquence.
Deuxièmement, aux effets disproportionnés des catastrophes sur la morbidité et la
mortalité féminines s’ajouteront ceux des changements climatiques sur les moyens de
subsistance des femmes, qui verront se réduire leurs perspectives économiques et
s’alourdir la charge de travail liée à la reproduction, à cause par exemple d’une
morbidité accrue des enfants.
Troisièmement, la vulnérabilité aux conséquences des changements climatiques
dépend beaucoup de l’âge. Les enfants sont plus susceptibles de contracter des
maladies dues à un mauvais assainissement ou propagées par des vecteurs. Les vagues
de chaleur touchent particulièrement les habitants âgés des villes tempérées où les
bâtiments ne sont pas adaptés à des canicules prolongées : la vague de chaleur qui a
frappé l’Europe en 2003 a fait plus de 70 000 morts supplémentaires à travers le
continent.
Enfin, les changements climatiques auront pour effet de modifier qualitativement les
pathologies des populations urbaines. La météorologie et le climat influent aussi sur
la mortalité et la morbidité liées à la pollution de l’air, sur la prévalence des maladies
transmises par les moustiques et les tiques et la propagation des maladies d’origine
hydrique ou alimentaire.
Le rôle des villes dans l’atténuation
des changements climatiques
En dernière analyse, la réduction des risques liés aux changements climatiques
nécessite des stratégies mondiales axées sur la réduction de la concentration des gaz à
effet de serre dans l’atmosphère. L’atténuation des changements climatiques peut être
considérée comme la forme la plus efficace de réduction des risques de catastrophe liés
aux changements climatiques, et c’est un domaine dans lequel les villes peuvent jouer
un rôle de premier plan. Les pouvoirs publics urbains peuvent contribuer à des
réductions des émissions, par exemple en améliorant les transports publics ou en
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encourageant les propriétaires de biens immobiliers à choisir des appareils ménagers
moins gourmands en énergie. Le New-Yorkais moyen produit seulement 30 % des
émissions de l’Américain moyen et le Londonien moyen juste 55 % des émissions du
Britannique moyen.
Les politiques relatives aux changements climatiques ont montré les avantages
conjugués des stratégies d’atténuation : la réduction des émissions de gaz à effet de
serre permet d’atteindre d’autres objectifs tels qu’une plus grande indépendance
énergétique, une baisse des coûts, une amélioration de la qualité de la vie. Même si
cela n’a qu’un intérêt limité pour une large proportion de la population urbaine
mondiale dont les émissions sont déjà extrêmement faibles, l’adaptation aux
changements climatiques et le développement présentent de nombreux avantages
conjugués, dont, outre celui de réduire les risques de catastrophe, celui de retarder
l’apparition de risques à évolution lente tels que la salinisation de l’eau souterraine, qui
ont une incidence sur l’accumulation des risques avec le temps.
À des fins pratiques telles que la définition des politiques, la distinction entre la
variabilité naturelle (qui inclut les phénomènes extrêmes) et la variabilité progressive
due aux changements climatiques est négligeable – l’important est de reconnaître les
facteurs qui sont à l’origine de la vulnérabilité et d’agir sur eux.
Veiller au bon fonctionnement de l’infrastructure pour les pauvres. Les nouveaux
équipements – en particulier pour l’alimentation en eau, l’assainissement et le
drainage – constituent un aspect important de l’adaptation des villes aux changements
climatiques et du renforcement de la résilience en général.
Soutenir le reclassement des taudis et des squats. Lorsqu’un grand nombre de
personnes vivent dans des logements de mauvaise qualité dans des bidonvilles,
l’amélioration du logement et la mise en place d’un équipement de base est une
priorité pour l’adaptation.
Reconsidérer la réglementation relative aux zones, à l’aménagement du territoire
et aux bâtiments. Permettre aux ménages économiquement faibles de s’installer dans
des endroits appropriés et sans danger, c’est aussi réduire les risques d’inondation, de
glissement de terrain et d’autres catastrophes auxquels ils s’exposent. Appliquer à la
construction des règles qui soient adaptées au contexte local, y compris en matière de
prix.
Pour créer des villes et des métropoles qui soient capables d’affronter les risques liés
aux catastrophes et les changements climatiques, il faut que diverses parties agissent,
dont les intéressés, les experts techniques et les décideurs. Elles peuvent alors se réunir
pour aborder des problèmes particuliers. Les organisations œuvrant dans le domaine
du développement et de l’aide humanitaire peuvent aussi modifier leurs programmes,
Rapport sur les catastrophes dans le monde 2010 – Urbanisation et changements climatiques
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leurs politiques et leurs pratiques pour mieux tenir compte des changements
climatiques dans les zones urbaines.
Conclusion
Les changements climatiques auront un impact à la fois quantitatif et qualitatif sur les
risques auxquels seront exposées les zones urbaines dans les décennies à venir. Du fait
de l’incapacité de prédire selon quels scénarios les émissions évolueront à l’avenir, les
citadins et les autorités seront dans une incertitude croissante quant à la fréquence et
à l’intensité des phénomènes météorologiques extrêmes.
Avec une urbanisation croissante et des problèmes sociaux et environnementaux
continus dans les villes et les métropoles, de nombreux citadins risquent de voir
grandir les risques qu’ils courent et leur vulnérabilité. Plus exposés aux dangers et
disposant de moins de moyens pour s’adapter, les groupes économiquement faibles
risquent de se retrouver particulièrement vulnérables. Le meilleur moyen de protéger
la vie et les moyens de subsistance des citadins est donc de s’employer à accroître leur
résilience face à l’incertitude, plutôt que d’appliquer des solutions sur la base de
scénarios spécifiques.
Les initiatives que prendront les autorités municipales, les organisations de la société
civile et les organisations humanitaires dans les zones urbaines peuvent avoir un
impact considérable. Pour les habitants des villes de nombreux pays à faible revenu et
à revenu intermédiaire, le grand problème est celui du déficit de l’infrastructure –
l’incapacité des systèmes urbains à faire face à la variabilité actuelle du climat. Les
dangers et les risques que les changements climatiques présentent pour les villes sont
notamment des modifications des dangers et risques actuels – et les villes qui sont
incapables de relever les défis d’aujourd’hui seront incapables à l’avenir d’affronter les
nouveaux problèmes liés au climat.
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La coopération face au risque d’inondation au Sénégal
Saint-Louis est l’ancienne capitale du Sénégal
et comptait 180 000 habitants en 2002. La
ville s’étend sur trois îles séparées les unes des
autres par le fleuve Sénégal, ses affluents et
l’océan Atlantique. Certains quartiers de la
ville sont à moins de 2,5 mètres au-dessus du
niveau moyen de la mer. La ville a connu des
inondations répétées depuis 1990. La montée
du niveau du fleuve est due à l’envasement du
lit du fleuve, au déversement des déchets
ménagers et à l’urbanisation sauvage qui a
réduit la surface irrigable. L’économie des
ménages les plus exposés au risque d’inondation est très fragile ; chaque inondation a
aggravé leur pauvreté. Comme les écoles
accueillent généralement les victimes des inondations, l’année scolaire peut être réduite de
plusieurs mois.
Contre les inondations, l’ONG sénégalaise Enda-Tiers Monde a choisi pour stratégie de renforcer la gouvernance locale plutôt
que de construire des équipements. Les intéressés se réunissent pour dialoguer, échanger leurs vues et trouver ainsi des solutions à
des problèmes qui dépassent leurs capacités
individuelles. Le plan d’action est axé sur
l’information, l’éducation et la communication, qui passent par des pièces de théâtre,
des expositions, des reportages dans les
médias et des conversations à l’heure du
goûter. Des groupes de femmes participent
aux activités de sensibilisation destinées à
lutter contre la diarrhée, le paludisme et
d’autres maladies.
L’ONG coopère avec les pouvoirs publics
pour mettre en œuvre diverses mesures, par
exemple creuser des voies d’évacuation pour
l’eau stagnante, assurer l’entretien des
canaux de drainage et la désinfection de
l’eau stagnante et placer des sacs de sable
pour aider les habitants à se déplacer dans
leur quartier. n
Le chapitre 6 a été écrit par David Dodman, chercheur, Groupes des établissements
humains et des changements climatiques à l’Institute for Environment and Development
de Londres ; l’encadré est de Khady Diagne de l’ONG Enda-Tiers Monde.
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