Controverses
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rieur de la voiture ne tarde pas à révé-
ler le sordide de l’époque : un couple
mal fagoté y dévore clope sur clope
fenêtres fermées, dans une atmosphère
dantesque. L’homme et la femme égrè-
nent les méfaits du tabac sur les
enfants : infections pulmonaires à répé-
tition, asthme, etc. À leur décharge,
ces dangereux hippies nous indiquent
qu’à la date de leur forfait ils ne
« savaient pas ». Le dernier plan
montre les enfants assis à l’arrière et
qui, eux, semblent « savoir » si l’on en
juge au regard haineux que le garçon
porte sur ses parents et à l’air agoni-
sant de la petite fille que l’on croirait
sur le point de rendre l’âme, victime du
« tabagisme passif ». Il a dû sembler à
quelques publicitaires d’État que les
raisons d’en vouloir à ses parents
n’étaient pas assez nombreuses et qu’il
fallait y ajouter l’homicide involontaire.
Espérons que nos deux bambins, deve-
nus trentenaires, non-fumeurs et
consommateurs de pommes « bio »,
auront su trouver en eux la force de
pardonner.
Affaire Redeker. Suite*
Réponse à Olivier Roy
J’ai trouvé injuste et inquiétant l’ar-
ticle d’Olivier Roy : « Les illusions de
l’affaire Redeker ». Je ne dirai pas ici
qu’il faut défendre Redeker à cause de
la liberté d’expression, en ajoutant que
néanmoins « je-ne-partage-rien-de-
son-article-qui-justifie-toutes-les-
condamnations ». D’abord parce que
ceux qui s’expriment ainsi protègent
leur propre image davantage que la
liberté d’expression. Ensuite parce que
ce qu’on peut dire alors à propos de
celui qu’on prétend « soutenir » est
injuste et faux. Je voudrais, dans la
fidélité à une ancienne amitié (je n’ou-
blie pas que Redeker m’a un jour dédié
un livre) aussi bien que dans la fidé-
lité à quelque chose d’important que je
trouve dans Esprit (et que je ne
retrouve pas dans l’article d’Olivier
Roy), l’ajouter maintenant.
Soulignons d’abord une évidence :
ceux qui menacent si affreusement
Redeker et sa famille (il faut lire la
teneur des menaces, elles sont hor-
ribles) le font bien au nom de l’islam
(ce qui ne signifie pas que l’islam est
responsable : mais qu’est-ce que l’is-
lam, sinon ceux qui s’en réclament ?).
Ces menaces ne seraient-elles d’autre
part que des rodomontades de person-
nalités isolées ? Rien ne permet de le
dire ; et quand bien même, il faut se
souvenir que les attentats de Londres
n’ont été commandités par personne,
non plus que le meurtre de Théo van
Gogh. Si demain Redeker est assas-
siné, je souhaite à Olivier Roy de gar-
der cette même équanimité qui lui per-
met d’affirmer que tout cela ne fait pas
problème et n’est en fin de compte
qu’une affaire de police. Enfin je vou-
drais surtout insister sur un argument
de son article. Les procès menacent-ils
la liberté d’expression ? Je pense qu’au
contraire ils la garantissent : imaginons
seulement que ses adversaires, au lieu
de décréter sa mort, aient fait un pro-
cès à Redeker ! On serait revenu à l’hu-
manité. Militant de la Licra, je peux
éventuellement juger inopportunes les
poursuites engagées contre Petré-Gre-
nouilleau, Edgar Morin, ou Bernard
Lewis, mais je ne trouve pas choquant
qu’au moment où quelqu’un, qui que
ce soit, a le sentiment d’être blessé
dans sa mémoire ou dans son identité,
il puisse se tourner vers le juge pour
lui demander de vérifier le droit ; je
* Voir la controverse du numéro d’Esprit,
novembre 2006.
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