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ACTUALITÉS
Allergie et immunologie
De l’enseignement qui
CHANGE LA VIE
Plusieurs traitements et médicaments soignent et guérissent. Mais il
existe des maladies, dites orphelines, pour lesquelles il n’existe pas de
traitement curatif et s’il en existe, les effets secondaires sont pénibles
et nombreux. Ces maladies affectent peu de gens et la recherche
d’un médicament est plus limitée. Nous traitons dans cet article d’une
de ces raretés, l’angio-œdème héréditaire, qui est l’objet depuis plus
d’un an maintenant d’un enseignement particulier permettant aux
patients affectés de se traiter à domicile : une grande amélioration à
leur qualité de vie.
L’ANGIO-ŒDÈME HÉRÉDITAIRE
L’angio-œdème héréditaire est causé par une protéine manquante du
système immunitaire (le C1INH), en réalité héréditaire chez 75 % des
patients, spontané chez les 25 % qui restent, et se transmettant une fois
sur deux dans tous les cas. Quelque deux cents personnes atteintes de
cette maladie sont répertoriées, il est probable que d’autres ignorent
l’avoir. Ces personnes enflent spontanément et anormalement au
moindre traumatisme. Ce peut être relativement banal s’il s’agit d’un
genou, d’une épaule ou d’une lèvre, mais c’est très dangereux lorsque la
langue ou la gorge sont atteintes, jusqu’à causer la mort dans les pires cas.
Le Dr Benoît Laramée, allergologue suivant une vingtaine de tels patients,
dont une famille de Joliette depuis près de vingt ans, a récemment révisé
avec les urgentistes du CHUM les caractéristiques de la maladie afin de
bien la distinguer des autres formes d’allergie avec enflures qui nécessitent
un traitement, par exemple aux antihistaminiques, auxquels ne réagissent
pas les patients ayant une crise d’angio-œdème héréditaire.
Cette maladie a été découverte dans les années 1800, nous explique le
Dr Laramée, mais des chercheurs ont découvert qu’une enzyme du sang
déficiente était en cause, enzyme qui pouvait être extraite du sang de
donneurs et injectée pour remplacer celle déficiente des patients. Ce produit
sanguin existe depuis 30 ans. Il était disponible au Canada depuis une dizaine
d’années sur demande spéciale et est maintenant disponible partout. C’est
un produit cher (700
$
la fiole), administré par intraveineuse. On le donne à
l’urgence quand le patient est en crise, mais comme on connaît les facteurs
prédisposants, on le donne aussi en prévention. Ces facteurs sont le stress, les
infections, l’œstrogène lié à la période menstruelle (ces femmes ne peuvent
pas prendre de contraceptifs oraux qui contiennent trop d’œstrogènes, mais la
grossesse peut réduire beaucoup les crises) et tous les traumatismes : coup de
poing, chute, extraction de dent, etc. Certains patients doivent être injectés
jusqu’à deux ou trois fois par semaine, mais ce peut être toutes les deux
semaines ou tous les mois. La maladie se présente parfois dès l’enfance, le
plus souvent à l’adolescence. Cette épée de Damoclès rend leur vie leur vie
difficile, car ils sont souvent contraints de venir à l'hôpital pour recevoir une
injection intraveineuse qui demande chaque fois quelques heures de présence.
demande chaque fois quelques heures de présence. demande quelques heures.
APPRENDRE À S'AUTO-INJECTER
Depuis un peu plus d’un an, un enseignement est dispensé au CHUM
permettant aux patients de s’auto-administrer le produit. Cette liberté acquise
a profondément amélioré leur qualité de vie. En diminuant considérablement
la fréquence et la durée de leurs visites à l’hôpital, ces patients retrouvent
une vie beaucoup plus normale, ce qu’ils apprécient grandement.Cet
enseignement est donné par l’infirmière Suzanne Moreau qui travaille de
pair avec les allergologues regroupés à l’Hôpital Notre-Dame du CHUM
qui suivent de tels patients, comme le Dr Laramée déjà cité, mais aussi les
Drs Martin Blaquière et Normand Dubé.
L’enseignement est individuel, dure de cinq à six semaines, à raison
de deux heures par rencontre, et dès le premier cours, le patient s’injecte
le produit. Il doit apprendre à remplir les demandes de produits à la
Banque de sang, comment manipuler les flacons, et très important, s’assurer
de la plus complète stérilité de la seringue et de l’environnement. Certains
rares patients ne peuvent recevoir l’enseignement, faute de la maturité
nécessaire et d’être suffisamment responsable, notamment concernant
l’asepsie. C'est néanmoins l'une parmi les nombreuses belles histoires du
CHUM, alliant la fine pointe technologique médicale et la compétence
empathique infirmière, pour le plus grand bénéfice de quelques patients.
Les patients affectés d’autres maladies rares, par exemple d’hypogamma-
globulinémie, une déficience immunitaire causant des infections à répétition,
bénéficient aussi d’un enseignement semblable, par l’apprentissage de
l’injection sous-cutanée.
L'infirmière Suzanne Moreau avec Mylène Verge, une patiente apprenant à s'auto-injecter un produit
sanguin par voie intraveineuse.