| LE COUVERT BORÉAL | PRINTEMPS 2011 9
MAIS, À PART LES POISSONS?
Apparemment, les poissons d’eau froide sont
les premières espèces à réagir au réchauement
de l’eau. Du moins sont-ils les plus visibles! Pour
Isabelle Laurion de l’INRS-ÉTÉ , les microbes
seraient les vrais premiers à répondre aux
changements climatiques et à influencer
l’équilibre physique et chimique d’un écosystème
aquatique. Et, ils sont la base de la chaîne
alimentaire!
Avec la fonte des glaces plus précoce, les
périodes d’éclairement des lacs et des rivières
sont plus longues, ce qui s’ajoute à la hausse
de la température de l’eau. On croirait que cela
fait le bonheur des plantes aquatiques, qui en
protent pour se développer plus rapidement.
Le problème, c’est que les nutriments qui
permettent leur croissance n’évoluent pas
entièrement sur les mêmes bases. Ils dépendent
des processus de dégradation des végétaux par
les champignons et les bactéries dans le sol
des bassins versants. Ces nutriments, grâce aux
précipitations, sont ensuite transportés jusqu’aux
lacs et rivières. Mais, si les précipitations sont
faibles ou trop faibles, cette nourriture reste sur
place, et la chaîne alimentaire de l’écosystème
aquatique peut ainsi être rompue. Les
conséquences des changements climatiques
dépendent donc aussi largement du régime
des précipitations.
Par ailleurs, tout n’est pas uniquement une
question de croissance stimulée ou réduite, mais
bien aussi de compétition entre les diérentes
espèces qui composent la communauté à la
base de la chaîne alimentaire. On peut imaginer
jusque sur les poissons d’eau douce les eets à
long terme de ce déséquilibre.
Mais, il y a plus encore, et surtout au nord,
dans les zones arctiques et subarctiques, où le
pergélisol commence à dégeler. Par la fonte des
glaces, un réservoir de carbone, qui joue un peu
le rôle de piège à carbone, devient disponible
pour les bactéries et, si l’eau s’accumule pour
créer de nouvelles mares, il y a aussi création
de nouvelles sources de carbone. Plus au sud,
dans les zones subarctiques, la fonte atteint le
pergélisol plus en profondeur. Les nutriments
ainsi libérés peuvent avoir un eet positif en
allant nourrir les plantes terrestres qui sont, elles,
capteurs de carbone. Toutes ces données sur la
base de la chaîne alimentaire viennent enrichir
la compréhension globale des changements
à venir.
À VENIR OU AVENIR?
Pour les plus optimistes, un léger réchauement
planétaire en douceur aurait peu d’impact
au Québec et pourra même être positif dans
certaines régions du sud, pour l’agriculture
par exemple. Mais, pour les zones aquatiques,
les impacts sont déjà visibles et ne sont pas
nécessairement positifs. Pour les uns, le danger le
plus évident reste la fragilité des populations de
poissons d’eau froide des régions les plus au sud
du Québec. Pour d’autres, ce sont la possibilité
d’augmentation de la fréquence d’événements
climatiques extrêmes (ouragans, tsunamis) et le
risque plus élevé d’érosion des zones côtières qui
semblent les plus inquiétants. C’est d’ailleurs le
constat que fait le consortium Ouranos dans son
dernier rapport de mai 2010 : Savoir s’adapter aux
changements climatiques http://www.ouranos.
ca/fr/publications/ouvrages-generaux.php.
Les experts s’entendent pour dire que le niveau
des mers continuera à monter pour plusieurs
raisons et que l’on peut s’attendre à une
régression des côtes à long terme. Il en serait
de même pour les berges du Saint-Laurent, dont
l’érosion serait le résultat d’une combinaison
de facteurs parmi lesquels les changements
climatiques peuvent constituer un facteur
aggravant.
ÉVÉNEMENTS CLIMATIQUES EXTRÊMES?
Les marées du 6 décembre dernier, on s’en
souvient tous, nous ont surpris par leur violence
et leur ampleur. On a vu disparaître une partie de
la erté de Sainte-Luce et de Sainte-Flavie dans
la région du Bas-Saint-Laurent. Les vagues ont
aussi emporté plusieurs de leurs infrastructures
côtières. Malgré une augmentation possible
de la fréquence des événements de ce type,
le lien entre ces marées et les changements
climatiques est impossible à démontrer pour
le moment. Comme les recherches s’appuient
sur des observations à long terme et tiennent
compte de l’inuence de plusieurs variables,
il n’existe pas, à l’heure actuelle, de recul
historique suffisant pour établir si cela fait
partie d’un nouveau régime. Le doute persiste
donc…
Bien que nos regards soient plus souvent
tournés vers des événements ou des situations
qui touchent plutôt le sud du Québec, il n’en
demeure pas moins que c’est le nord qui serait
le plus aecté par le réchauement climatique.
La recherche a permis d’en prévoir les impacts
et continue de le faire. Elle a aussi établi de
nombreuses pistes de solutions réalistes qui
n’attendent que la collaboration de tous pour
adapter la vie humaine, animale et marine aux
changements qu’entraîne cette nouvelle dame
Nature.
photo : Jack674
Les violentes marées du 6 décembre ont fait beaucoup de ravages à Ste-Luce, dans le Bas-du-
Fleuve
photo : Sarah Pannell