LÉONARD DE PISE ou FIBONACCI Les débuts de l’algèbre Liber Abaci LÉONARD de PISE ou FIBONACCI de filius Bonacii est originaire de Pise (1179 – 1250). Fils de commerçant, il accompagne son père à Bougie, Algérie. C’est à partir de là qu’il va s’initier aux mathématiques de langue arabe, en particulier aux chiffres que nous appelons arabes et à l’algèbre. De retour en Italie, il se consacre aux mathématiques et publie plusieurs ouvrages. Ce sont le Liber Abaci (1202), Practica geometricae (1220), Liber quadratorum (1225). C’est dans son ouvrage de 1202 qu’on trouve la suite numérique qui lui est restée associée, la suite de Fibonacci 1, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, 34, 55, 89 qui est aujourd’hui définie de la manière u n suivante u1 = 0, u2 = 1 et un = un-1 + un-2 pour n ≥ 2. Cette suit à la particularité de donner lim( u ) = 5 − 1 2 n +1 appelé nombre d’or. Le passage qui suit est extrait du Liber Abaci, Scritti di LEONARDO PISANO, publié par Baldassare Buoncompagni, Volume 1 Rome, page 406 et 407. Incipit pars tertia de solutione quarumdam questionum secundum Modum algebrae et almuchabalae, scilicet ad proportionem et restaurationem Commencement de la troisième partie sur la résolution de certaines questions suivant la Méthode I algébrique et almuquabulique, c'est dire suivant la proportion et la restauration Maumeht Mohammed Ad compositionem quidem elgebrae (sic), et almuchabalae tres proprietates, quae sunt in quolibet numero, considerantur, quae sunt radix, quadratus, et numerus simplex. Cum itaque aliquis numerus multiplicatur in se, et provenit aliquid. Tunc factus ex multiplicatione quadratus est multiplicati ; et multiplicatus sui quadrati est radix. Ut cum multiplicatur 3 in se, veniunt 9. Sunt enim 3 radix de 9 ; et 9 sunt quadratus ternarii. Et cum numerus non habet respectum ad quadratum vel radicem, tunc simpliciter numerus appellatur : hae* autem in solutionibus quaestionum inter se equantur sex modis, ex quibus tres sunt simplices, et tres compositi. Primus quidem modus est, quando quadratus, qui census dicitur, aequatur radicibus. Secundus, quando census aequatur numero ; tertius quando radix aequatur numero. Unde cum in aliqua quaestione invenientur census, vel partes unius census aequari radicibus, vel numero, debent redigi ad aequationem. Unius (sic) census per divisionem ipsarum in numerum censuum. Verbi gratia : cum duo census* aequantur.x. radicibus, divides radices per numerum census, scilicet 10 per 2, exibunt radices 5, quae aequantur uni censui, hoc est radix census est 5, et census et 25, quia quot radices aequantur censui, tot unitates sunt in radices censuum. Item si tres census aequantur radicibus 12, tunc tertia pars trium censuum (sic) aequatur tertiae parti de radicibus 12, hoc est unus census aequatur quattuor radicibus. Quare radix census est 4, et census est 16. Similiter cum census 1/2 3 aequantur radicibus 21, divides 21 per 1/2 3 ; et invenies, quod unus census aequatur radicibus 6. Et si 1/2 unius census equatur 5 radicibus, divides 5 per 2 , hoc est multiplicabis 5 per 2, quae sunt sub virga ; et divides per l, quod est super virga, exibunt 10. Ergo unus census aequatur 10 radicibus. Et si 2/3 unius census aequantur 8 radicibus, tunc census aequaliter (sic) radicibus 8 ; quia divisis 8 per 3 veniunt 12 : haec omnia intelligentur cum census augmentatus vel diminutus aequadibur alicui numero. Sed ut haec apertius habeantur ; ponantur 5 census aequari denariis 45: divides ergo 45 per 5, venient denarii 9, qui aequantur censui, hoc est census 9, et radix eius est 3. Similiter cum census 1/3 4 aequatur denariis 26, divides 26 per 1/3 4, scilicet 78 per 13, exibunt 6, quibus aequatur unus census. Quare radix ejus est surda, cum sit radix numeri non quadrati. Et cum 3/4 unius census aequantur denariis 12, tunc census aequabitur denariis 16, quia divisis 12 per 3/4, scilicet 48 per 3, venient 16. Quare radix census est 4. Conformément à la méthode algébrique et almuquabalique, on considère trois propriétés qui sont dans n'importe quel nombre et qui sont la racine, le carré et le nombre simple. Ainsi, lorsqu'un nombre quelconque est multiplié par lui-même, quelque chose en provient. A ce moment le produit de la multiplication est le carré du multiplié, et le multiplié est la racine de son carré. Ainsi lorsque 3 est multiplié par lui-même, il en vient 9. Ce 3 est la racine de 9 ; et 9 est le carré du trois. Et quand un nombre n'est pas en relation avec un carré ou une racine, il est appelé simplement nombre : or dans la résolution des questions ces propriétés s'égalisent entre elles de six manières, dont trois sont simples et trois composées. La première de ces manières est quand le carré, ici nous disons le cens, égalise les racines (x 2 = bx). La seconde, quand le cens égalise le nombre (x 2 = c) et la troisième, quand les racines égalisent le nombre (bx = c). De là, dans les questions où des cens ou bien des parties de cens seront trouvés être égaux à des racines ou à un nombre, ils doivent se ramener à l'équation d'un seul cens par la division de ceux là même par le nombre des cens. Par exemple : quand deux cens égalisent 10 racines (2x 2 = l0x), tu diviseras les racines par le nombre de cens, à savoir 10 par 2, en sortiront 5 racines qui égalisent un cens (x 2 = 5x), c'est à dire que la racine du cens est 5 et le cens 25 (x = 5 et x2 = 25) ; puisqu'autant de racines égalisent un cens, autant il y a d'unités dans la racine du cens. De même si trois cens égalisent 12 racines (3x 2 = 12x), le tiers des trois cens s'égalise au tiers des 12 racines, c'est à dire qu'un seul carré égalise quatre racines. Ainsi la racine du cens est 4 et le cens 16 (x = 4 et x 2 = 16). De la même manière, quand 1/2 de 3 cens égalisent 21 racines (2x 2 = 21x), tu diviseras 21 par 1/2 de 3 et tu trouveras qu'un seul cens égalise 6 racines (x 2 = 6x). Et si 1/2 d'un seul cens égalise 5 racines (1/2 x 2 = 5x), tu diviseras 5 par 1/2, c'est à dire que tu multiplieras 5 par 2, qui sont sous la barre, et tu divises par 1 qui est sur la barre, il en sortira 10. Donc un seul cens égalise 10 racines. Et si 2/3 d'un cens égalise 8 racines (2/3x 2 = 8x), alors le cens sera mis en balance (en équation) avec les 8 racines, parce que de 8 divisé par 3 il en sort 12. Tout ceci se comprendra, lorsque le cens augmenté ou diminué sera égalisé à un nombre. Mais pour que ceci soit possédé plus ouvertement, que 5 cens soient supposés être égaux à 45 deniers (5x 2 = 45). Tu diviseras par conséquent 45 par 5, il en sort 9 deniers, qui égalisent le cens (x 2 = 9), ainsi le cens est 9 et sa racine 3. De la même manière, lorsque 1/3 de 4 cens s'égalise avec 26 deniers, tu diviseras 26 par 1/3 de 4, soit 78 par 13, il en sortira 6, auquel s'égalisera un seul cens. Aussi la racine de celui-ci est sourde parce que ce n'est pas la racine d'un nombre carré. Et avec 3/4 d'un cens égal à 12 deniers, le cens s'égalisera à 16 deniers, parce que 12 étant divisé par 3/4, à savoir 48 par 3, il en sortira 16. La racine du cens est donc 4. Nota : 1) Le texte latin est rétabli pour partie avec une orthographe classique qui se sépare du latin médiéval par quelques traits, entre autres le e tout seul représente souvent un ae. quaestiones = questiones ; hae = he ; tertia au lieu de tercia. 2) Dans le texte latin donné par Buoncompagni, ce qui semble être des fautes d'orthographe est corrigé : (composictionem n'existe pas, mais compositionem existe ; même chose pour reddigi, redevenu redigi ; etc). 3) Les termes aequaliter et aequadibur semblent de mauvaises lectures des manuscrits qui doivent porter en fait aequantur, mais elles ne sont pas corrigées dans le texte latin. Enfin, il s’agit d’une traduction la plus proche possible du texte, sans le souci d'élégance de la langue. Gérard HAMON IREM Rennes Avec le concours de Jean BOYÉ