▌LA FORÊT AVANT L’ARRIVÉE DES FRANÇAIS [2]
Décrire la forêt avant l’arrivée des français est une tâche hasardeuse puisqu’aujourd’hui, les habitats naturels ont prati-
quement disparu du territoire de la ville de Québec, mis à part quelques écosystèmes fragiles de la falaise, suite à 400
ans d’occupation humaine. Cependant, les faibles variations de climat et de sol depuis 10 000 ans permettent d’estimer
les associations végétales alors en présence sur les principaux sols, en se basant sur le concept de climax, sorte d’état
d’équilibre suite à différents états successionnels. Les érables se seraient installés, il y a environ 5 500 ans.
La ville de Québec appartient au domaine de l’érablière à tilleul. Sur la
colline de Québec, les forêts d’érable à sucre dominent très certaine-
ment à l’époque, accompagné de tilleul, d’hêtre et d’orme. Dans les dé-
pressions plus humides, on peut retrouver de l’érable rouge ou même de
petites tourbières. Sur les portions plus sèches, le chêne rouge et le pin
blanc sont probablement plus présents. Des traces d’espèces plus ther-
mophiles comme l’ostryer et le caryer peuvent être aussi rencontrées à
l’occasion, probablement sur l’olitostrome (débris calcaires) de la portion
ouest de la colline. La cédrière à aubépine s’accroche, tout comme au-
jourd’hui, aux falaises de Québec.
Selon les écrits de Champlain, la pointe de Québec est à cette époque recouverte principalement par un peuplement
de noisetiers, qui ont dû être abattus pour construire la première « abitation ». Cette espèce intolérante à l’ombre s’est,
selon toute probabilité, installée à l’endroit d’une ancienne clairière.
Dans le secteur de la rivière St-Charles et des plaines environnantes, une variété
de conditions de sols entraîne une diversité de peuplements: sur la rive est et au pied du
cap, des sapinières et des peuplements dominés par les résineux accompagnés d’éra-
ble rouge, de frêne et de peuplier occupent les portions humides et, sur les anciens dé-
pôts sableux secs, on retrouve le chêne rouge et la pruche; sur la rive ouest, des éra-
blières à hêtre, avec frêne noir, thuya et orme. Son estuaire comporte aussi de nom-
breux marécages.
Aux limites nord de la capitale nationale, les contreforts des Laurentides sont pro-
bablement couverts des espèces typiques du domaine de l’érablière à bouleau jaune :
les érables à sucre, rouge, le bouleau jaune, accompagnés du hêtre et parfois de grands
pins blancs dominant la canopée. On peut imaginer encore ce type de forêt ancienne au
parc du Mont Wright près de Stoneham où se retrouvent une ancienne érablière avec,
épars, quelques gros bouleaux jaunes bicentenaires.
Mais pour établir un portrait plus fidèle à la réalité de l’époque, il faut imaginer
également les effets des catastrophes naturelles occasionnelles qui ont certaine-
ment sévi, tels le feu, le verglas et les épidémies d’insectes. Dans le premier cas, des
espèces à écorces ignifuges (résistantes au feu) comme le pin blanc et le chêne
rouge sont alors favorisées, tandis que dans le dernier cas, une espèce comme l’épi-
nette peut résister et surplomber les peuplements résineux. De plus, dans ce décor
qu’on retrouve au XVIIesiècle, figurent quelques peuplements pionniers : prairies
herbacées, arbustaies, bétulaies ou peupleraies, issues de ces perturbations naturel-
les ou de l’occupation de peuples amérindiens sédentaires comme les Iroquoiens.
Des analyses de charbons de bois récoltés au lieu de fondation de Québec, des
cartes sommaires, de brèves descriptions de Cartier puis Champlain permettent de
confirmer certaines de ces hypothèses.
«Nous vînmes mouiller l’ancre à Québec qui est un détroit de ladite rivière de Canada (le
fleuve Saint-Laurent), qui a quelque trois cents pas de large; il y a à ce détroit du côté nord
une montagne assez haute qui va en abaissant des deux côtés; tout le reste est pays uni et
beau, où il y a de bonnes terres pleines d’arbres, comme chênes, cyprès, boulles
(bouleaux), sapins et trembles, et autres arbres fruitiers sauvages et vignes ».
FIGURE 1.1. THUYAS SUR LA FALAISE
FIGURE 1.2. FORÊT ANCIENNE
AU MONT WRIGHT
FIGURE 1.3. ÉRABLIÈRE À CHÊNE
ROUGE ET PIN BLANC (UNVERSITÉ
LAVAL)
Québec, ville de bois │section début d’une activité économique │5