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Austin : Oh ! Ca dépend. Différents endroits. Des aventures. Tu étais toujours
lancé en pleine aventure.
Lee : Ouais.
Austin : Et chaque fois, je me disais : c’est Lee qui a raison. Il court la planète et
moi je suis planté là. Qu’est-ce que je fabrique ?
Lee : Ben, tu préparais ton avenir.
Peu à peu, Lee, le voyou de la famille, impose sa loi à son cadet, allant jusqu’à le
convaincre de la médiocrité de ses qualités d’écrivain. Le problème, c’est que lui, Lee, s’il
raconte de belles et vraies histoires de western, il est cependant bien incapable de les
mettre par écrit. En outre, il ne pense qu’à « se faire du blé » par n’importe quel moyen.
Quand l’imprésario d’Austin, Saul Kimmer, débarque pour discuter du contrat, Lee
n’a aucune peine à le convaincre de la force de son propre scénario et ainsi d’ignorer
celui d’Austin. De là, va naître le duel féroce entre les deux frères.
Pendant que Lee dicte une ébauche de son scénario à son frère, celui-ci devient
peu à peu fou furieux et se transforme en enfant de Caïn... Dans la scène finale, les rôles
sont totalement renversés par rapport à la première scène.
Et c’est sous le regard indifférent de leur mère, revenue à l’improviste, qu’Austin,
dans une rage folle, agresse son frère qui refuse de l’emmener avec lui dans le désert et
tente de l’étrangler avec le fil du téléphone. Il n’y parvient toutefois pas. La pièce se clôt
sur le face à face violent des deux frères.
Que sont ces cowboys ?
En définitive, on s’aperçoit que Lee, n’a pas choisi de vivre dans le désert, il y a
échoué comme balayeur... Austin voit également la faillite de son rêve d’authenticité : le
Far -West n’est plus celui d’antan et encore moins celui véhiculé par les bandes
dessinées et le cinéma. Notons aussi que sa masculinité reçoit le coup de grâce de la
part de son impresario quand ce dernier donne la préférence au scénario de Lee.
Rien n’est résolu : la mère est renvoyée à sa solitude et à sa folie, le fantôme du
père est définitivement délaissé, comme l’ex-G.I. alcoolique qu’il a toujours été. Dans
l’ensemble, le monde féminin reste étrangement lointain, inaccessible, inexistant, en
marge ...
Shepard ne cesse de rappeler que le langage se dérobe continuellement et
enferme les personnages, incapables de communiquer : l’échange n’existe pas. Seul le
duel existe.
Lee est impuissant à exprimer ses sentiments en mots et son histoire est d’une
totale et confondante niaiserie.
Austin, intellectuel universitaire, n’est qu’un artiste banal : il ne peut utiliser son
vocabulaire de manière satisfaisante.
L’un a trop peu de mots, l’autre en a trop, mais ils ne paraissent pas être les
bons...Kimmer, assez caricatural, personnifie l’inconsistance, le vide de l’environnement :
il ne connaît que le langage du « deal », propre à lui faire emporter le (juteux) morceau.
La mère, réfugiée dans son propre passé, n’est plus dans la réalité et parle à ses
fils comme à des petits enfants. Elle est totalement dépassée.