Je lui demande comment il a vécu l’attentat du 24 mai au Musée
juif, de l’autre côté du Sablon. « Oui, c’est irrationnel, je
me suis senti menacé. Mais j’ai d’abord pensé à cette amie qui
y travaille. Par la suite, non, cela n’a rien changé ni à ma
vie ni à ma façon de me sentir juif. Chez moi il ne s’agit pas
d’une appartenance religieuse, ou communautaire. Etre juif,
c’est un héritage culturel. Je ne mentionne d’ailleurs pas le
fait d’être juif dans ma biographie. ». Une souche belge,
une autre russe, une autre tchèque, une arrière grand–mère
autrichienne devenue allemande à cause de l’Anschluss, qui
fuit Vienne en 39 pour gagner le Rwanda en transitant par
Gênes. Ensuite, sans-papiers. « Il y a aussi des fantômes
dans ma famille, des gens dont je ne sais absolument rien ».
Ce que vivent les réfugiés aujourd’hui le fait penser à ce
qu’ont vécu les familles juives. Peurs, fuites, errances,
pertes. Il est révolté par le peu d’empathie des Etats et de
trop de gens. Il aimerait organiser une collecte mais se sent
impuissant : « On assiste à une montée généralisée de la
haine. Chaque communauté voit surtout l’hostilité qui la
frappe, elle, et pas l’autre… quand la haine s’abat, la
communauté n’y change rien. Donc, j’essaie de relativiser, de
garder raison face au traitement sensationnaliste des médias
quand ils parlent du terrorisme ou évoquent une « invasion »
des réfugiés. » De gauche, Stéphane Ginsburgh ? « Je ne
sais pas, je défends une position rationnellement altruiste,
généreuse et collectiviste. Pour moi, l’injustice est tout
simplement contre-productive. »
LE GOUT DU PARTAGE
Son sens du collectif est à l’origine de SONAR, une
association fondée avec Céline Lory. « L’idée était de
dépasser l’individualisme de nos carrières, cette énergie
qu’on dépense à soi, à essayer de se faire admettre, au risque
d’un abaissement de l’indépendance artistique. En dix ans, on
a fait jouer une centaine d’artistes. L’esprit du collectif
n’a pas pris comme on l’espérait. Mais il reste un événement