Epreuve d effort chez le sportif : réalisation et intérêt

La Lettre du Cardiologue - n° 308 - mars 1999
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a réalisation d’une épreuve d’effort chez un sportif
présente des spécificités qu’il est indispensable de
connaître (1). D’une façon générale, il est trop restric-
tif de limiter l’intérêt de ce test à la vérification de l’intégrité des
adaptations de la circulation coronaire à l’exercice. Une épreuve
d’effort permet de quantifier, directement ou indirectement, l’en-
semble des paramètres ventilatoires, cardiovasculaires et méta-
boliques intervenant dans la performance aérobie.
Les qualités purement anaérobies et les facteurs techniques, bio-
mécaniques, voire psychologiques, même s’ils peuvent bénéfi-
cier de cette exploration au laboratoire, sont mieux appréciés par
les tests de terrain.
La réalisation d’une épreuve d’effort chez un sportif a deux buts
principaux : quantifier directement ou indirectement ses capaci-
tés d’endurance, ce qui lui permettra de guider son entraînement,
et démasquer d’éventuelles anomalies du système cardiovascu-
laire parfois absentes au repos.
Nous verrons donc, dans ce chapitre, l’ensemble des paramètres
qui peuvent être analysés à l’exercice chez un sujet entraîné. Le
cas du sportif vétéran (plus de 40 ans pour de nombreuses fédé-
rations) peu ou pas entraîné est envisagé dans un autre chapitre
(voir p. 25).
CONDITIONS DE RÉALISATION D’UNE ÉPREUVE D’EFFORT
CHEZ UN SPORTIF
Les conditions de réalisation technique et de sécurité ont été
publiées par les sociétés européenne et française de cardiologie
(2). Il a ainsi été clairement précisé que ce type d’épreuve d’ef-
fort doit être conduit et interprété par un cardiologue, qui est res-
ponsable du contrôle de qualité du laboratoire et de la sécurité du
patient.
Dans l’idéal, ces évaluations doivent être programmées de
longue date afin d’être réalisées aux périodes charnières de la
saison sportive de l’athlète. Pour être pleinement exploitables,
ces tests doivent être précédés d’une période de repos relatif d’au
moins 24 heures.
La préparation au test d’effort comprend un interrogatoire, qui
précise les symptômes éventuels, la période d’entraînement
actuelle et la vérification de l’absence de contre-indication cli-
nique et/ou électrocardiographique. Cette étape est d’autant plus
importante que l’électrocardiogramme de repos des sportifs de
haut niveau présente fréquemment de nombreuses atypies
(rythme, repolarisation).
Le choix de l’ergomètre dépend de la spécialité sportive. Les
tests d’effort le plus souvent utilisés sont de type isotonique (dyna-
mique), car la sollicitation du système cardiovasculaire y est plus
importante et surtout proportionnelle à l’intensité de l’effort sou-
tenu. Chez un athlète qui présente une suspicion de pathologie
cardiovasculaire, l’ergocycle reste le plus utilisé, vu la qualité
supérieure des mesures des paramètres cardiovasculaires. Chez
un spécialiste de discipline aérobie (anciennement endurance)
qui ne présente pas a priori de pathologie cardiaque, l’épreuve
d’effort doit être réalisée sur un ergomètre spécifique de la dis-
cipline sportive : ergocycle pour un cycliste, tapis roulant pour
un coureur à pied, voire ergomètre à bras pour un spécialiste d’avi-
ron ou de kayak. C’est le moyen le plus sûr d’obtenir un exercice
réellement maximal de la part de l’athlète, et ce n’est qu’à cette
condition que l’on pourra au mieux apprécier les performances
du sujet et ainsi le conseiller efficacement sur le plan de l’en-
traînement. Un spécialiste de discipline anaérobie (anciennement
musculation et résistance) bénéficiera peu d’une mesure de sa
consommation maximale d’oxygène (VO2max) et réclamera des
tests spécifiques, qui ne sont réalisés que dans des services spé-
ÉPREUVE D’EFFORT
Épreuve d’effort chez le sportif : réalisation et intérêt
H. Douard*, E. Page**, F. Carré***
*Service du Pr J.P. Broustet, Hôpital cardiologique, Pessac.
** UCP-X, laboratoire de physiopathologie de l’exercice, Grenoble.
*** Service d’explorations fonctionnelles, Pr Le Bars, Hôpital Pontchaillou,
Rennes.
Une épreuve d’effort chez un sportif réclame une inter-
prétation et des protocoles particuliers adaptés à la disci-
pline sportive et au niveau de performance individuel.
Le test d’effort doit être programmé et doit s’intégrer à
l’entraînement du sportif.
La réalisation d’une épreuve d’effort chez le sportif ne
doit pas se résumer à une interprétation cardiologique clas-
sique. D’autres renseignements individuels, en particulier
sur sa condition physique et sur son entraînement, doivent
être fournis au sportif.
L’analyse des échanges gazeux ou de la cinétique de la
lactatémie à l’effort permet de donner des conseils plus pré-
cis au sportif sur son entraînement. Il ne faut pas pour autant
sous-estimer les données indirectes que l’on peut tirer d’une
épreuve d’effort classique.
POINTS FORTS
POINTS FORTS
L
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cialisés de médecine du sport (détente verticale, charge-vitesse,
test de Wingate...).
L’évaluation de la puissance maximale théorique du sportif avant
le test va aider à programmer le protocole du test. Celle-ci peut
être appréciée à partir du niveau d’entraînement et de l’âge. Chez
le sportif, le cardiologue va être confronté à des valeurs large-
ment supérieures à celles qu’il utilise chez le sédentaire.
La durée du test dépend des renseignements que l’on en attend.
Ainsi, de façon schématique, plus le test comprend de paliers,
plus fine est la détection des “seuils” métaboliques, mais plus la
VO2max risque d’être sous-estimée (à cause de l’accumulation de
fatigue). Dans tous les cas, le test ne doit pas être trop long (10 à
25 minutes). Il doit durer d’autant plus longtemps que les spor-
tifs sont âgés et endurants. L’effort initial ne doit pas être trop
brutal, pour ne pas solliciter trop les systèmes anaérobies, ni trop
faible pour les sportifs très endurants, d’où l’intérêt d’un échauf-
fement. Au-delà de 70 % de la charge maximale, les incréments
de charge devraient théoriquement être plus progressifs pour une
meilleure détermination des “seuils” aérobie et anaérobie.
Sur ergocycle, des seuils de 50 watts toutes les deux à
trois minutes sont souvent utilisés pour les sportifs de haut niveau
(performance supérieure à 350 watts).
Sur tapis roulant, le protocole de Bruce est généralement le plus
utilisé pour les sportifs amateurs (les mesures de VO2sont cepen-
dant imprécises au quatrième palier selon qu’il est couru ou mar-
ché). Cependant, la brutalité des changements de pente et de
vitesse entre les troisième, quatrième et cinquième paliers ren-
dent la détermination du seuil ventilatoire souvent difficile pour
les athlètes de très haut niveau ; il est préférable d’augmenter plu-
tôt la vitesse que la pente en fin d’effort (risque de lésion tendi-
neuse). En fait, dans un souci de mieux reproduire les conditions
de terrain, il est logique, sur tapis roulant, de ne jouer que sur la
vitesse en programmant une faible pente constante (1 à 2 %) simu-
lant la résistance à l’air. Une dualité existe entre le souci d’uni-
formiser les protocoles et la nécessité de les adapter aux sportifs
testés (niveau amateur, national ou international).
En dehors des causes d’arrêt prématuré, le test est terminé quand
le sportif atteint l’épuisement (et que la fréquence cardiaque
atteinte rejoint ou dépasse la classique mais imparfaite formule
220 – âge).
En récupération, deux à trois minutes de marche ou de pédalage
supplémentaires au premier palier d’effort permettent d’éviter les
malaises vagaux post-exercice et d’enregistrer d’éventuelles ano-
malies électrocardiographiques ne survenant qu’en récupération.
ÉPREUVE D’EFFORT À VISÉE CARDIOLOGIQUE CHEZ LE
SPORTIF
Elle est toujours indiquée chez un sujet symptomatique et doit
être réalisée au moindre doute sur des données cliniques et/ou
électriques. Elle permet souvent, mais pas toujours, de lever des
doutes sur des particularités ECG du cœur du sportif. La mesure
directe concomitante de la VO2empêche le dialogue avec le sujet,
altère quelque peu la performance et n’est donc pas toujours
recommandée dans le cadre du dépistage d’une anomalie car-
diovasculaire.
Les systèmes à électrode non jetable par aspiration ont leurs par-
tisans, pour des raisons économiques et pratiques, pour les tests
sur ergocycle ; les réactions sudorales importantes des sportifs
réalisant des performances élevées exigent des électrodes de qua-
lité et un rasage pas toujours bien accepté ! Il existe maintenant
de nombreux enregistreurs d’excellente qualité permettant l’ac-
quisition en temps réel et par moyennage des tracés durant l’ef-
fort, en limitant les artéfacts dus à la respiration et la dégradation
des tracés liée à la transpiration ; l’interprétation automatique
informatisée (point J, amplitude de l’onde R, pente et sous-déca-
lage du segment ST) en facilite l’interprétation. Un repérage
constant des points de mesures (ligne de base de référence avant
le QRS, point J à la fin du QRS et mesure de ST à 0,06 plutôt que
0,08 seconde après J) au cours de l’épreuve et leur correction pos-
sible au cours du test sont souhaitables (fréquence des faux posi-
tifs liés à un PQ descendant et une déviation à gauche du repé-
rage de la ligne de base). Outre les modifications du segment JT,
les paramètres rythmiques et tensionnels classiques sont réguliè-
rement surveillés lors du test.
Une bradycardie d’effort excessive peut témoigner d’une prise
médicamenteuse (bêtabloquants), plus rarement d’une maladie
du sinus ou d’une forme particulière de coronaropathie droite
(mais elle est alors rarement silencieuse sur l’électrocardio-
gramme ou la clinique par ailleurs). Les sujets plus jeunes et plus
émotifs ont souvent une fréquence cardiaque avant l’effort plus
élevée mais qu’ils compensent par une moindre augmentation de
celle-ci au cours de l’effort dans les premiers paliers, à l’inverse
des sujets déconditionnés ou souffrant d’asthénie neurocircula-
toire. Il existe une relation linéaire entre la consommation maxi-
male d’oxygène et la fréquence cardiaque au cours de l’effort
(sauf dans ses parties initiales et surtout terminales). La fréquence
cardiaque maximale atteinte à l’effort diminue avec l’âge mais
les coefficients de corrélation entre l’âge et la fréquence cardiaque
maximale sont médiocres. La valeur maximale théorique de
220 – âge ou 210 – (0,65 x âge) est très grossière. Certains spor-
tifs atteignent des fréquences sinusales (morphologie des ondes
P similaires tout au long du test) supérieures à 210 bpm ; à l’in-
verse, certains sportifs – tout au moins en laboratoire – ne peu-
vent dépasser une fréquence cardiaque de 175 bpm malgré un
plateau de la VO2atteint en fin d’effort. Le (relatif) changement
de pente, décrit par Conconi et coll. (3),de la fréquence cardiaque
dans les dernières minutes du test d’effort (relations FC – VO2et
FC-lactatémies) a été utilisé comme témoin du “seuil anaérobie” ;
cette méthode est cependant contestée (voir p. 22).
La montée tensionnelle systolique à l’effort est fonction du débit,
qui augmente, et des résistances périphériques, qui diminuent glo-
balement (vasodilatation des territoires musculaires en activité,
contrastant avec la vasoconstriction des autres territoires par acti-
vation sympathique). Une montée inadéquate ou une chute ten-
sionnelle en fin d’effort témoignent d’un obstacle éjectionnel ou
d’un défaut de la contractilité myocardique primitive ou plus sou-
vent ischémique. À l’inverse, des HTA uniquement d’effort peu-
vent se démasquer, portant le plus souvent sur la minima en cas
d’excès pondéral. Chez le sujet sain au système artériel très com-
pliant, il est fréquent de ne pouvoir fixer correctement la tension
artérielle diastolique (bruits perçus jusqu’au zéro). Des abaques
de normalité ont été décrits selon l’âge et le sexe (4).
ÉPREUVE D’EFFORT
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ÉPREUVE D’EFFORT
L’ÉLECTROCARDIOGRAMME DU SPORTIF AU COURS DE
L’EFFORT
L’amplitude de l’onde P tend à augmenter significativement,
notamment en dérivations inférieures, favorisée par une rotation
axiale droite de l’axe électrique.
Le segment PR se raccourcit, avec une pente parfois très des-
cendante dans les dérivations inférieures. Les blocs auriculo-ven-
triculaires de premier ou deuxième degré, fréquents chez les spor-
tifs d’endurance, disparaissent dès les premières minutes de
l’effort.
L’onde Q est souvent plus élevée au repos chez les sportifs, et
tend à augmenter encore à l’effort. L’onde R augmente parfois
légèrement au début de l’effort, puis diminue progressivement ;
à l’inverse, l’onde S devient plus profonde et négative.
Le point J, qui marque la fin du complexe d’activation ventri-
culaire, n’est pas toujours d’identification évidente en fin d’ef-
fort ; il tend à s’abaisser au cours de celui-ci et lors de la récu-
pération immédiate. Les légères surélévations du point J et du
segment ST (syndrome de repolarisation précoce) sont fréquentes
chez les sportifs, et tendent à rejoindre la ligne isoélectrique en
fin d’effort.
Le segment ST doit être d’autant plus ascendant que le point J
est abaissé en fin d’effort ; sa position par rapport à la ligne de
base est mesurée classiquement 60 à 80 ms après le point J et doit
être inférieure à 1 mm. Un sous-décalage isolé dans une dériva-
tion inférieure n’a cependant aucun signification pathologique ;
il est généralement associé à un segment PQ très descendant ; en
revanche, un sous-décalage apparaissant en récupération post-
effort, notamment dans les dérivations antérolatérales, est géné-
ralement pathologique.
L’onde T subit des variations extrêmement importantes et peut
poser des problèmes d’interprétation parfois délicats ; en cas
d’ECG de repos normal, l’amplitude tend le plus souvent à dimi-
nuer légèrement ; toutefois, chez les sportifs de très haut niveau
(et uniquement chez ceux-là), des modifications de la repolari-
sation parfois impressionnantes apparaissent, pouvant évoquer
des pathologies cardiaques sévères ! Aussi, l’évolution à l’effort
est importante à connaître, afin d’innocenter un simple “ECG de
sportif” et de ne pas méconnaître une coronaropathie silencieuse
ou une cardiomyopathie hypertrophique : les ondes T négatives,
diphasiques ou biphasiques reprennent habituellement une mor-
phologie proche de la normale. Malheureusement, une telle nor-
malisation peut s’observer également en pathologie ; la correc-
tion des troubles de la repolarisation doit donc être exigée, sans
rassurer définitivement.
Le coup de frein vagal après effort peut être responsable d’un
bloc sino-auriculaire ou d’ondes P bloquées. Des ESV isolées
sont rares, mais possibles ; un ou deux doublets en fin d’effort
maximal ou lors de la récupération ne sont pas toujours patholo-
giques, quand il n’existe pas d’ischémie associée.
APPORT DU TEST D’EFFORT EN PATHOLOGIE
Deux pathologies dominent largement le risque d’accident car-
diaque chez les sportifs : la maladie coronaire et la myocardio-
pathie hypertrophique ; leur incidence est cependant très diffé-
rente selon l’âge des sportifs.
Pathologie coronarienne
Elle est exceptionnelle avant 40 ans en l’absence de facteurs de
risque, généralement absents chez les sportifs de haut niveau ; il
est admis que la recherche systématique d’une atteinte corona-
rienne silencieuse par des épreuves d’effort est inutile en cas de
prévalence pré-test faible, car la spécificité est très médiocre et le
nombre de faux positifs très important (théorème de Bayes). On
peut ainsi estimer que, chez des sujets de moins
de 30 ans asymp-
tomatiques, il faudrait réaliser plus de 200 000 épreuves
d’effort pour
trouver un patient qui présentera une mort subite d’origine coro-
narienne à l’effort. Le cas du sportif de plus de 40 ans est envi-
sagé dans un autre chapitre (voir p. 25). Dans tous les cas,
l’interprétation de l’électrocardiogramme d’effort doit intégrer le
contexte clinique (patients asymptomatiques ou présentant des
douleurs même atypiques), l’importance des facteurs de risque
(tabac, cholestérol, HTA, diabète, antécédent familial...), l’âge et
le sexe.
Le critère ECG anormal le plus sensible reste la recherche
d’un classique sous-décalage du segment ST, qui aura d’autant
plus de valeur qu’il est important, que sa pente est descendante,
qu’il apparaît tôt dans l’effort (ou pour un double produit : fré-
quence cardiaque x tension artérielle systolique faible) et que sa
correction après effort est tardive. Mais en fonction des arguments
de prévalence précités, un sous-décalage, descendant de – 1 mm
chez un fumeur de 40 ans est beaucoup plus suspect qu’un sous-
décalage, même très important, chez un sportif de 30 ans sans
facteur de risque.
D’autres critères électrocardiographiques de positivité du test
d’effort ont été rapportés. La plupart ne sont que qualitatifs, mais
permettent de différencier les faux et les vrais positifs ; ainsi, la
diminution associée d’une onde Q septale plaide en faveur d’un
sous-décalage de ST probablement lié à une pathologie corona-
rienne, de même qu’une augmentation de l’onde R, une inversion
de l’onde U, des modifications spécifiques du ST en dérivation V1,
V4R, la pente élevée du rapport ST sur fréquence cardiaque...
La meilleure preuve de l’origine ischémique du sous-décalage de
ST consiste en un nouveau test d’effort après prise de TNT sub-
linguale (qui corrigera et/ou retardera les anomalies de ST, quand
elles sont d’origine coronarienne). Malheureusement, l’incidence
d’un sous-décalage de ST à l’effort chez les sportifs de haut niveau
est très élevée (voisine de 10 %), notamment sur tapis. L’expli-
cation physiopathologique reste encore inconnue, bien qu’une
anomalie de la cinétique des acides gras soit suspectée, et sans
qu’un rapport évident n’apparaisse avec l’importance de l’hy-
pertrophie pariétale physiologique observée chez ces sportifs, le
plus souvent d’endurance. Parmi ces faux positifs existent même
parfois des réponses anormales du thallium d’effort, avec des
défauts de captation souvent hétérogènes de l’isotope prédomi-
nant dans le territoire antérieur (tableau I).
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ÉPREUVE D’EFFORT
Cardiomyopathie hypertrophique
Elle est responsable de plus de la moitié des décès d’origine car-
diaque chez les sportifs de haut niveau avant 40 ans ; l’histoire
naturelle de cette pathologie commence à être bien connue, avec
un pic de développement du processus hypertrophique dans l’ado-
lescence, surtout dans les formes familiales. La mort subite sur-
vient le plus souvent par troubles du rythme, favorisés par l’ef-
fort ; elle n’est pas toujours proportionnelle à l’importance de
l’hypertrophie anormale ou au degré d’obstruction atteint. Les
formes débutantes ont ainsi un potentiel létal tout aussi impor-
tant, ce qui implique que poser le diagnostic de myocardiopathie
hypertrophique (obstructive ou non) impose l’arrêt de tout sport,
même amateur. On sait également, grâce au développement de
l’échocardiographie, que les sportifs de haut niveau développent
un certain degré d’hypertrophie – dilatation ventriculaire gauche,
proportionnelle au degré d’entraînement, et que la distinction
entre hypertrophie pathologique débutante et hypertrophie phy-
siologique n’est pas toujours évidente. Outre la description ana-
tomique (aidée éventuellement de tests pharmacodynamiques)
par échocardiographie, l’épreuve d’effort aide à différencier les
sujets sains et pathologiques ; la réponse tensionnelle à l’effort
est essentielle (non augmentation ou diminution de tension arté-
rielle dans les hypertrophies obstructives) ; la correction des ano-
malies de repolarisation présente au repos est rassurante (sans
être spécifique cependant). Enfin, l’existence ou non de troubles
de l’excitabilité à l’effort est un facteur prédictif indépendant.
Autres pathologies
Toutes les autres pathologies, qu’elles soient myocardiques, val-
vulaires, rythmiques, voire infectieuses, sont possibles chez des
sujets sportifs. La plupart sont acquises et ont un retentissement
sur les capacités fonctionnelles de ces sujets. Le test d’effort per-
met surtout l’identification, l’objectivation de cette limitation
fonctionnelle. Il peut s’agir également d’identifier un trouble du
rythme réellement favorisé, sinon induit par l’activité sportive.
L’interprétation des tests d’effort quitte alors le domaine de la
cardiologie du sport et rejoint celui de la cardiologie classique.
ANALYSE DES ÉCHANGES GAZEUX ET DE LA CINÉTIQUE DES
LACTATES À L’EFFORT CHEZ LE SPORTIF
Aujourd’hui, la réalisation d’une épreuve d’effort chez un spor-
tif ne doit pas se contenter de conclure à une normalité de l’ECG
à l’effort. La demande est plus importante, et l’athlète désire sou-
vent des conseils d’entraînement “pointus”. Ceux-ci reposent sur
l’appréciation de la performance réalisée rapportée à la quantité
d’entraînements.
Deux paramètres sont classiquement étudiés chez les sportifs de
type aérobie :
La détermination de la consommation maximale d’oxygène,
ou VO2max,reflète la puissance maximale aérobie (PMA), c’est-
à-dire la quantité maximale d’énergie que le système aérobie peut
libérer par unité de temps.
L’appréciation de la capacité aérobie reflète la quantité totale
d’énergie que le système aérobie peut libérer. Elle correspond à
“l’endurance” et est au mieux appréciée par la détermination de
ce qu’il reste convenu d’appeler les “seuils aérobie et anaérobie”.
Notre propos n’est pas de présenter la technique de mesure des
échanges gazeux avec ses contraintes et difficultés méthodolo-
giques (5, 6, 7). Il n’est pas non plus de détailler la physiologie
de l’adaptation à l’effort (8, 9), et nous n’aborderons de celle-ci
que quelques aspects schématiques de la bioénergétique muscu-
laire. Ce qu’attend le cardiologue qui s’intéresse au sport et aux
sportifs, c’est avant tout de savoir ce que représentent les para-
mètres mesurés par cette technique, comment les interpréter
et comment les utiliser en pratique clinique. En ce sens, nous
allons nous limiter à faire un exposé critique de deux paramètres
universellement mesurés depuis 30 ans en médecine du sport : la
VO2max et le seuil ventilatoire.
La VO2max
La VO2max représente pour le sportif un chiffre mythique, comme
pour le passionné d’automobile ceux de la cylindrée, de la
consommation d’essence au 100 km ou de la vitesse maximale
de son véhicule préféré. L’analogie ne s’arrête pas là. En effet,
l’oxygène prélevé dans l’air et amené à la cellule par les systèmes
de transport est utilisé, chez l’homme, un peu comme pour un
moteur à explosion, comme comburant dans les réactions de com-
bustion de différents carburants ou substrats énergétiques. Le car-
burant préférentiellement utilisé à VO2max est le glucose. Cette
glycolyse aérobie s’effectue au niveau de la mitochondrie et a
pour but essentiel d’approvisionner l’organisme en ATP. Cette
phosphorylation oxydative s’effectue en présence d’oxygène au
niveau de la chaîne respiratoire. Les molécules d’ATP, qui sont
des vecteurs universels d’énergies, vont ensuite apporter, par leur
hydrolyse, l’énergie chimique nécessaire à la poursuite de la
contraction musculaire et à la production d’un travail mécanique.
La VO2max peut être calculée de façon directe par l’analyse
des échanges gazeux en laboratoire ou sur le terrain, mais elle
peut aussi être appréciée plus ou moins précisément (± 10 %) de
façon indirecte (1).
Depuis une dizaine d’années, un nombre croissant de cardio-
logues s’intéressent à la mesure des échanges gazeux à l’exer-
cice. Les paramètres ventilatoires doivent être recueillis en
continu au cours d’une épreuve triangulaire continue avec paliers
brefs, au mieux d’une minute. Chez le sportif, l’utilisation d’un
embout buccal est préférable au masque facial, vu le risque de
fuites qui peuvent fausser les résultats. La VO2max est calculée à
partir de la ventilation et de la mesure des fractions de gaz expi-
rés (FEO2et FECO2). Ces paramètres apportent des informations
nouvelles et complémentaires à celles données par l’épreuve d’ef-
Interprétation bayésienne
(prévalence prétest selon symptômes, âge, facteurs de
risque).
Analyse des autres critères électrocardiographiques.
Test à la TNT.
Test isotopique ou échocardiographique de stress.
Tableau I. Conduite à tenir en cas de sous-décalage du segment ST
1 mm à l’effort chez un sportif.
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fort cardiologique classique. Mais l’expérience montre que la per-
tinence dans l’interprétation de ces paramètres va dépendre avant
tout du niveau d’investissement scientifique du cardiologue. Il est
obligé, en effet, de s’intéresser à une toute autre spécialité, qui
est celle de la physiologie de l’exercice musculaire. Celle-ci est
elle-même à la croisée de plusieurs domaines de connaissance.
En effet, l’exercice est une situation dynamique qui nécessite une
adaptation permanente et intégrée de plusieurs systèmes de trans-
port des gaz : le système respiratoire, le système cardiovasculaire
et des circulations périphériques locales, la concentration en
hémoglobine, la fonction musculaire et en particulier mitochon-
driale… L’adaptation de ces différents systèmes a pour seul but
de satisfaire les besoins métaboliques en oxygène et de fournir
les substrats énergétiques nécessaires à la réalisation de l’effort.
L’importance de ce processus énergétique aérobie peut être appré-
ciée par la mesure des échanges gazeux pulmonaires.Au cours
d’un effort sur ergocycle d’intensité croissante, mettant en jeu des
masses musculaires importantes, la consommation d’oxygène aug-
mente linéairement avec la puissance développée jusqu’à une
valeur limite, qui restera constante même si la puissance imposée
est encore accrue (10). Cette valeur limite correspond à la VO2max.
La puissance à partir de laquelle ce plateau d’oxygène (figure 1)
est atteint correspond à la puissance maximale aérobie (PMA).
En pratique sportive, pour être à PMA, l’exercice doit être
suffisamment long et intense pour faire essentiellement appel
à des filières énergétiques aérobies. Ainsi, il a été calculé que la
contribution du métabolisme anaérobie lactique n’est significa-
tive que pour des efforts de puissance très élevée et de durée
brève. De 90 % pour un effort de 15 secondes, elle passe à 50 %
pour 60 secondes (la durée d’une course de 400 m à 500 m en
terrain plat par exemple) et à seulement 2 % pour un effort de
10 minutes. En d’autres termes, si l’on veut comparer la valeur
obtenue en laboratoire avec une épreuve de terrain, plus parlante
pour un sportif, la VO2max représente la quantité maximale
d’oxygène utilisée par minute au cours d’un effort maximal à
vitesse constante amenant à l’épuisement au bout de 4 (séden-
taire) à 10 minutes (sportif de très haut niveau). Par exemple,
pour un coureur à pied bien entraîné, la VO2max peut être main-
tenue sur une distance en terrain plat comprise entre 2 000 et
3000 mètres. La vitesse de course soutenue pendant toute la
durée de cette épreuve correspond à la vitesse maximale aéro-
bie (VMA).
La VO2max est exprimée soit en valeur absolue, en l/min, soit
en valeur corrigée par rapport au poids, en ml/kg/min, ce qui
permet de comparer des sujets de dimensions corporelles diffé-
rentes. Comme nous venons de le voir, on peut aussi l’exprimer
en unité de PMA ou de VMA. Pour la PMA, l’unité classique, et
la plus parlante pour le cardiologue, est le watt. La combustion
d’un litre d’O2en une minute correspond à une puissance de
348 watts. Rappelons que le rendement mécanique sur ergocycle
est très médiocre. Il est d’environ 20-25 %, tant pour le cycliste
entraîné que pour le sujet sédentaire. Ainsi, une consommation
d’oxygène d’un litre correspond à un travail mécanique efficace
de seulement 348 x 0,20 = 70 watts. À l’inverse, un sujet qui
atteint une charge de travail de 200 watts a en fait développé une
puissance énergétique de 1 000 watts, soit une consommation
d’oxygène de 1 000/348 = 2,87 l/min. On peut ainsi déterminer
indirectement et approximativement (± 10 %) la VO2max d’un
sujet à partir de la puissance maximale (effort mené à l’épuise-
ment) qu’il a développée. La consommation d’oxygène corres-
pondant à un effort de 1 watt est voisine de 13 ± 1 ml/min chez
un sujet sain, entraîné ou non (6).
La VMA est bien sûr exprimée en km/h. Elle peut aussi être
estimée à partir de la VO2max,lorsqu’il s’agit d’un effort de
marche ou de course en terrain plat. Un moyen simple et assez
précis d’estimer cette vitesse est d’exprimer la VO2max en mul-
tiple du métabolisme de base de repos ou MET. Un MET est
égal à 3,5 ml/kg/min et une augmentation de vitesse de 1 km/h
sur terrain plat correspond à une dépense énergétique d’un MET
supplémentaire. Par exemple, un sportif dont la VO2max est
mesurée à 70 ml/kg/min a une VMA d’environ 20 km/h. Il est
capable de courir un 3 000 m en 9 minutes. Il pourra cependant
améliorer de quelques secondes cette performance en amélio-
rant, grâce à l’entraînement, l’efficacité de sa foulée ou en per-
dant un peu de poids (11). Par contre, un autre sportif dont la
VO2max est mesurée à 50 ml/kg/min (VMA = 50/3,5 soit
14,3 km/h) ne pourra guère espérer courir un 3 000 m en moins
de 12 minutes.
La VO2max est avant tout déterminée génétiquement (12) ; à
niveau d’entraînement égal, elle est plus élevée chez l’homme
que chez la femme. Elle constitue l’un des principaux facteurs de
la performance dans des activités nécessitant une puissance aéro-
bie élevée, comme la course de fond et de demi-fond, le cyclisme,
le ski de fond, l’aviron… (tableau II). À l’inverse, dans les acti-
vités physiques de courte durée (inférieure à une minute) ou celles
pour laquelle la puissance développée est faible (golf, tir à l’arc…)
la VO2max ne joue qu’un rôle très secondaire dans la performance.
Pour les sports à dépense énergétique moyenne mais très tech-
niques et tactiques comme les sports collectifs (football, rugby,
handball…) ou comme le tennis, une VO2max élevée n’est pas un
critère de succès mais un atout supplémentaire pour mieux sup-
porter de lourdes charges d’entraînement et pour une récupéra-
tion plus rapide entre les séances.
VO2
l/min
4
3
2
1
0
50 100 150 200 250 300 Watts
PMA
PMA = puissance maximale aérobie.
Figure 1. Cinétique de la VO2en fonction de la puissance au cours d’un
exercice maximal en rampe.
Chapitre II - F. Carré 1/04/03 15:55 Page 20
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