Infarctus : le scénario de la mort subite
Quand un avion s'est écrasé, on
récupère la boîte noire pour dé-
crypter les causes du crash. C'est
exactement ce que fait le docteur
Antoine Leenhardt (service du
professeur Slama, à l'hôpital La-
riboisière de Paris) à propos des
victimes d'infarctus.
Quand une personne à risques se
présente à Lariboisière — par
exemple, un sujet qui a déjà eu
une alerte, premier infarctus ou
angine de poitrine —, on lui ins-
talle un Holter. Ce petit appareil,
à peine plus gros qu'un baladeur,
baptisé du nom de son inventeur
américain, va enregistrer en
continu sur une longue durée
(vingt-quatre ou quarante-huit
heures) l'électrocardiogramme
très approfondi du patient Puis le
malade reviendra à l'hôpital pour
rendre le Holter et sa cassette que
l'on dépouillera.
Mais parfois, hélas ! le patient ne
revient pas : il a été foudroyé par le
syndrome de la mort subite... tan-
dis que le Holter enregistrait le
scénario fatal. Alors on récupère la cassette,
qui comporte un extraordinaire document :
le film de la mort cardiaque en direct. «
Jus-
qu'ici, grâce
au
concours de nombreux cen-
tres cardiologiques français, nous avons enre-
gistré le décès de soixante-dixpatients »,
dit le
docteur Leenhardt. Qui amis au point (1) —
c'est la grande originalité de ses travaux un
programme informatique permettant le dé-
cryptage de ces enregistrements macabres. Le
déchiffreur de l'électrocardiogramme fatal a
d'ailleurs obtenu l'aide financière du Crédit
lyonnais, dans le cadre des Dotations Coeur de
Lion destinées à encourager la recherche car-
dio-vasculaire.
L'ordinateur analyse les courbes, épluche
l'événement, compare les accélérations et les
décélérations. « La mort subite coïncide
presque toujours avec une tachycardie ventri-
culaire. Le coeur s'emballe. »
L'important,
évidemment, plus que d'analyser en détail le
déroulement du « crash », c'est de trouver le
moyen de l'éviter. C'est-à-dire d'identifier
préalablement, parmi les personnes à risques
tout court, les personnes à risque de mort
subite. «
Déjà, nous disposons de certains
éléments,
dit le docteur Leenhardt.
L'électro-
cardiogramme despersonnes en grand danger
présente certaines caractéristiques: la mor-
phologie et k couplage des extrasystoles pré-
sentent des particularités assez nettes. »
Pour le moment, ces travaux restent très
expérimentaux. Mais la question se pose déjà
de savoir ce que l'on fera des sujets chez les-
quels on aura caractérisé le risque plus ou
moins imminent de crash. Heureusement, les
médecins ne sont pas tout à fait désarmés. La
« fulguration » est une technique non chirur-
gicale qui permet de brûler électriquernentles
cellules responsables de la tachycardie. Les
médicaments dits béta-bloquants
donnent également de bons résul-
tats en réduisant de beaucoup le
risque d'infarctus chez les popula-
tions menacées. Enfin, ultime
parachute pour survivre au
crash : le défibrillateur implan-
table. Cet appareil, d'origine
américaine, est branché à de-
meure dans la poitrine du patient.
Il veille en permanence, prêt à
intervenir : dès qu'une tachycar-
die se manifeste, il la neutralise
par un électrochoc adéquat.
Malheureusement, ces appareils
coûtent 120 000 francs pièce, et il
faut en changer tous les deux ans.
La Sécurité sociale, effrayée par la
dépense, refuse obstinément de
les prendre en charge. Les trente
exemplaires implantés à Lariboi-
sière — le centre national de réfé-
rence — ont dû être financés par
un crédit spécial de l'Assistance
publique. Il n'y en a donc pas pour
tout le monde. On signale d'ail-
leurs le cas d'un patient qui n'apas
hésité à traverser l'Atlantique al-
ler et retour pour aller acheter lui-même à ses
frais un défibrillateur auxEtats-Unis, avant de
revenir se le faire implanter à Paris.
En attendant mieux, le docteur Leenhardt
affirme : «
I faut éduquer les gens à reconnaî-
tre tout de suite les signes de l'infarctus. Car
chaque minute compte. On doit très vite
dissoudre le caillot. Or 80 % des malades
arriventtrop tard al'hôpital. Pas seulementles
gens chez qui la crise survient à la campagne,
très loin d'un centre de soins. Même en plein
Paris : ici même, dans le service cardiologique
de Lariboisière, nous recevons parfois, cinq
heures après la crise, des
patients
qui habitent
tout près. Ils ont perdu trois heures à côté,
dans les embouteillages, dans la bousculade
de la salle d'urgence, avant qu'on puisse s'oc-
cuper de leur problème cardiaque... »
F.
G.
(I)
Dans l'équipe du professeur Philippe Gomel, à
l'hôpital Lariboisière.
LA GÉOGRAPHIE
DE L'INFARCTUS
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Chirurgie: le rayon des nouveautés
1
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La « CEC »
Pour toutes les opérations à coeur ouvert, il
faut arrêter le coeur. La circulation extracor-
porelle, la CEC dans le jargon de chirurgien,
prend alors le relais. Le sang, prélevé en
amont du coeur, descend dans un réservoir
par gravité, d'où il est pompé à travers un
oxygénateur, puis passe directement dans
l'aorte.
Les valves cardiaques
Quand la valve se rétrécit, fuit ou se calci-
fie, il faut la remplacer par une prothèse
soit biologique, soit mécanique, qui fait un
tic-tac de réveil dans la poitrine. Dans cer-
tains cas maintenant, le chirurgien utilise
le tissu de la valve même, qu'il tend ou
relâche selon le cas.
L'aorte
Les maladies de l'aorte la rétrécissent ou la
dilatent localement. Elle peut alors éclater.
De Gaulle en est mort. Instantanément. Le
chirurgien remplace le segment malade
par un tube en Dacron. Comme le sang
circule en grande quantité, la prothèse ne
suscite ni coagulation ni caillot.
Les coronaires (les artères du coeur)
Encore le rétrécissement. Le coeur, insuffi-
samment alimenté en oxygène, répond mal
à l'effort. Le patient a mal : c'est l'angine de
poitrine. Il faut faire un pontage: le chirur-
gien installe une dérivation, un « pont »,
entre l'aorte et l'artère malade. Il utilise
pour ce pont des segments de veine préle-
vés sur la jambe.
Les malformations congénitales
Pour la maladie bleue, la tumeur du coeur
ou la transposition des gros vaisseaux, les
chirurgiens réparent aujourd'hui, défini-
tivement et le plus tôt possible. Voire quel-
ques jours après la naissance. Ce qui repré-
sente un énorme progrès par rapport aux
interventions palliatives à répétition qu'on
pratiquait encore il y a quelques années
parce qu'on ne savait pas opérer les nour-
rissons.
C.
B.
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LE NOUVEL OBSERVATEUR /NOTRE ÉPOQUE
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