Marie-Christine Paret Notes de cours
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DÉCOUVRIR LE FONCTIONNEMENT SYNTAXIQUE DU FRANÇAIS
LES MANIPULATIONS SYNTAXIQUES
pour comprendre ou vérifier la construction des phrases
[Ces notes peuvent être utilisées librement,
en mentionnant le nom de l’auteur]
L’élève doit être amené progressivement à pouvoir analyser la structure des phrases de ses
propres écrits et de ceux des autres. Cela suppose un travail préalable de prise de
conscience de cette structure et des éléments qui la constituent, qui sont en fait en
nombre très limité ; ce sont les groupes du nom, du verbe, de l’adjectif, de l’adverbe et le
groupe prépositionnel, ainsi évidemment que la phrase syntaxique1. Cela suppose
également que l’élève puisse repérer les déterminants, les pronoms, les prépositions, les
coordonnants et les subordonnants les plus fréquents.
Pour analyser une phrase en faisant ressortir convenablement la hiérarchie des
constituants, il faut procéder avec méthode.
• Repérer la phrase graphique (en la distinguant de la phrase syntaxique) :
- ses limites : majuscule et point ou point virgule (englobe une phrase syntaxique P, ou
plusieurs)
- repérer les verbes conjugués (pour un infinitif : vérifier si le sujet (sous-entendu) est bien
celui du verbe conjugué associé ou son c.d.2)
• Si un seul verbe : P simple
• Si plusieurs verbes :
- repérer les jonctions de phrases :
! si juxtaposition (par la ponctuation) ou coordination (et, mais, car,…) : on analyse chaque P
séparément comme des P simples [en rétablissant les phrases complètes s’il y a des
effacements]3
! si c’est une phrase complexe (donc avec une ou des subordonnées) : repérer chaque
subordonnant (la subordonnée est-elle relative, complétive, circonstancielle ? se
reporter à la procédure prévue pour chacun de ces cas).
1 Les GN, GV, GAdj, GAdv, GP et la phrase syntaxique P.
2 Complément direct (Dino aime le cinéma.), parfois appelé c.o.d. (complément d’objet direct).
3 Attention ! pour les coordonnants : vérifier ce qu’ils coordonnent : des subordonnées, des GV, des GN, des groupes
adjectivaux, etc. Ils ne relient que des groupes ou des P de même classe (mais peuvent relier un GAdj. et une
relative (Une fille sérieuse mais qui sait rire), un GAdv. et un GP (Il réagit vite et avec enthousiasme).
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LA CONSTRUCTION DE LA PHRASE SYNTAXIQUE
POURQUOI SE SERVIR DE MANIPULATIONS ?
Pour vérifier si une phrase est correctement construite, c’est-à-dire selon les normes en
vigueur, on utilise des « manipulations syntaxiques ».
Il ne s’agit pas de définitions ou de règles qu’on apprend sans les comprendre, mais d’outils
pratiques; ce sont des tests ou procédures de découverte méthodiques que l'on fait subir aux
unités de la langue, que ce soit les mots, les groupes dans la phrase ou les phrases enchâssées
(ou subordonnées) dans le but d’en dégager des propriétés syntaxiques (et même
morphologiques4). On observe l’effet produit : la phrase obtenue est-elle encore possible dans la
langue, c'est-à-dire grammaticale ? Si oui, change-t-elle ou non de sens ?
Les manipulations sont utiles de plusieurs façons pour observer le fonctionnement de la langue,
essentiellement pour :
1) déterminer la classe à laquelle appartient une unité syntaxique (mot,
groupe, phrase subordonnée),
2) délimiter les frontières d’un groupe syntaxique ou d’une P subordonnée,
3) décider du caractère obligatoire ou facultatif d’un constituant,
4) déterminer la fonction syntaxique d’une unité (complément de verbe, de phrase,
etc.).
Parfois une seule manipulation suffit, parfois il en faut plusieurs. Certaines sont nécessaires et
suffisantes, d’autres nécessaires mais non suffisantes. Certaines sont donc plus déterminantes
que d’autres, on les utilisera en premier. On peut donc établir un ordre dans lequel les
appliquer. On y reviendra.
Le choix dépend de ce que l’on veut vérifier : classe d’une unité (mot, groupe ou phrase
subordonnée), fonction, forme (morphologie), etc.
Par exemple, on peut tenter d'enlever un élément de la phrase et observer l'effet produit. Si on
enlève l'adjectif dans la phrase : Un vent froid s'est levé, on obtient Un vent s'est levé, qui est une
phrase possible en français, c'est-à-dire grammaticale. Si on enlève le verbe, ce qui reste : Un
vent froid, n'est pas une phrase. L'opération d'effacement permet de conclure que l'adjectif et le
verbe n'ont pas la même importance : l'un est obligatoire, l'autre non.
4 Voir aussi Chartrand, S-G. (2012) Les manipulations syntaxiques : de précieux outils pour comprendre le fonction-
nement de la langue et corriger un texte. Montréal : CCDMD, 62 p.
Morphologie : la variation de la forme des mots, de morpho (forme) et logia (théorie), par exemple par accord ou
dans la conjugaison.
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LES PRINCIPALES MANIPULATIONS
Elles sont au nombre de six, ce sont le déplacement, le remplacement (ou substitution),
l'effacement, l'addition (ou ajout), le dédoublement et l’encadrement (ou mise en
emphase) qui combine une addition (celle du marqueur c’est…qui / que) et souvent un
déplacement (Nous irons au cirque la semaine prochaine, devient : C’est la semaine prochaine que
nous irons au cirque).
On peut y ajouter des opérations plus complexes comme la pronominalisation, qui
combine un remplacement et parfois un déplacement (on place le pronom le avant le verbe,
ex. : Nous préférons le chocolat. Nous le préférons).
1) Déplacement d’une unité syntaxique (sans changement de sens notable) [un déplacement
en tête de phrase suffit]
Pierre a téléphoné à Mina ce matin.
Ce matin, Pierre a téléphoné à Mina.
Pierre a téléphoné ce matin à Mina.
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2) Remplacement appelé aussi substitution de tout un groupe, d’un mot
La cavalière traverse la piste.
Elle traverse la piste.
Le vieux gardien traverse la piste.
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3) Ajout, appelé aussi addition ou expansion, d’un élément facultatif (groupe de la phrase,
élément d’un groupe)
La cavalière, vêtue de satin brillant, traverse la piste.
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4) Dédoublement (insérer cela ou de et il le fait [en adaptant le temps verbal de faire]
Marc participe à la compétition au mois de février.
Marc participe à la compétition, et cela (et il le fait) au mois de mai.
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5) Encadrement (placer une unité entre c’est…qui, c’est …que ou ne…pas (mise
emphase ou négation)
Frank a emporté un sac à dos.
C’est un sac à dos que Frank a emporté.
C’est Frank qui a emporté un sac à dos.
Frank n’a pas emporté un sac à dos.
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6) Effacement d’un groupe facultatif ou de plusieurs ou effacement d’éléments à l’intérieur
d’un groupe (test rarement suffisant) ;
Le clown traverse la piste en faisant des grimaces.
Le clown traverse la piste.
Le vieux gardien du musée rêvait.
Le gardien rêvait.
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Dans la classe de français elles peuvent donc servir à plusieurs fins :
1) comme procédures de découverte du fonctionnement de la langue ;
2) comme outil pour vérifier l'application des connaissances grammaticales dans un texte écrit,
lors de la révision du texte.
1- IDENTIFIER DES CLASSES (ou CATEGORIES) de mots ou de groupes syntaxiques
Le remplacement (ou substitution) : on remplace certaines unités par d'autres dans le
contexte elles sont placées, à condition que la phrase reste grammaticale (le sens va souvent
changer). Cette opération permet de prendre conscience que des unités diverses sont
équivalentes du point de vue syntaxique (c’est-à-dire dans la structure) :
| quelques souvenirs.
Elle a rapporté | un sac multicolore.
| un masque en nacre.
Mais attention, pour déterminer une classe stable, les remplacements doivent pouvoir être
effectués dans plusieurs contextes différents en conservant la grammaticalité, ici en les plaçant
en tête de P :
Quelques souvenirs |
Un sac multicolore | est (sont) présenté(s) dans la vitrine.
Un masque en nacre |
Donc ces groupes appartiennent à une classe stable, ce sont tous des GN.
Autres exemples :
Des oiseaux migrent en automne.
Beaucoup d’oiseaux migrent en automne.
Ils ont filmé des oiseaux.
Ils ont filmé beaucoup d’oiseaux.
Comme des et beaucoup de sont substituables l’un à l’autre dans ces contextes, les deux
unités appartiennent à une même classe (ici celle des déterminants).
Mais dans le cas suivant :
Elle est l'amie de ma sœur.
Elle est drôle.
Dans ce contexte, l'amie de ma sœur et drôle sont équivalents (ils ont la même fonction : attribut
du sujet). Mais en changeant le contexte on constate qu’ils n’appartiennent pas à la même classe
syntaxique :
L’amie de ma sœur est venue.
*Drôle est venue.
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Autres exemples :
Mila est partie il y a trois jours.
il y a peut-être remplacé par depuis, pour, après qui sont des prépositions. Dans ce
contexte, il y a est donc une préposition.
Mais dans un autre contexte, il y a est tout autre chose sur le plan syntaxique :
Il y a un pont sur la rivière.
Ici, il y a peut être analysé comme un présentatif, suivi d’un complément du présentatif.
Elle est passée par je ne sais quel chemin
je ne sais quel peut être remplacé ici par ce ou le qui sont des déterminants. Dans ce
contexte, je ne sais quel est un déterminant (le déterminant du nom chemin
Je ne sais quel chemin elle prendra.
Dans cet autre contexte, je est un pronom, ne sais un verbe (négatif) et quel un déterminant
du nom qui le suit.
2- DELIMITER UN GROUPE dans la phrase :
- le remplacement par un pronom, en gardant la grammaticalité et le sens, montre l’unité
d’un groupe (ou d’une P) :
Les anciens élèves de l’école se retrouvent chaque année.
Ils se retrouvent chaque année. [Ils remplace un GN]
Karen prétend qu’elle va connaît la réponse.
Karen le prétend. [le remplace une P subordonnée]
- des déplacements, lorsqu’ils rendent la phrase non grammaticale, prouvent
l’inséparabilité de certains éléments (permettent donc de tester le degré de cohésion d’un
groupe) :
Les anciens élèves de l’école se retrouvent chaque année.
*Les anciens élèves se retrouvent chaque année de l’école.
*De l’école, les anciens élèves se retrouvent chaque année.
*Ce sont les anciens élèves qui se retrouvent chaque année de l’école.
La suite les anciens élèves de l’école ne forme donc qu’un GN au niveau supérieur de
la phrase.
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