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des benzodiazépines (alprazolam, chlordia-
zépoxide, diazépam, lorazépam, nordiazé-
pam, oxazépam, prazéam, triazolam) sont
négligeables. Les études mesurant les
demi-vies, clairance et aire sous courbe
sont divergentes car d’autres paramètres
tels que l’âge et le sexe interviennent (3, 7).
En revanche, les effets de type pharmaco-
dynamique sont importants puisque la ciga-
rette diminue la sédation et la somnolence
chez les fumeurs par rapport aux non-
fumeurs. Cet effet est proportionnel au
nombre de cigarettes fumées par jour (9).
Antidépresseurs
Les antidépresseurs tricycliques (nortripty-
line, imipramine, clomipramine, amitripty-
line) sont métabolisés par le cytochrome
2D6 qu’inactiverait l’oxyde de carbone. La
concentration à l’équilibre semble plus
basse chez les fumeurs que chez les non-
fumeurs, notamment pour l’imipramine, la
désipramine et la clomipramine, par induc-
tion de la déméthylation. Les effets sur
l’amitriptyline et la nortriptyline sont
moins évidents (4, 9).
Cependant, les conséquences cliniques sont
peu visibles en raison de la relative variabi-
lité du taux sanguin pour une même poso-
logie (marge thérapeutique large) (11).
Quelques études apparaissent sur les nou-
veaux antidépresseurs (3, 8), et plus parti-
culièrement sur la fluvoxamine dont le
métabolisme fait intervenir le cytochrome
1A2 sans que ce soit le mécanisme princi-
pal (3A4, 2C et faiblement 2D6). La flu-
voxamine est le seul des inhibiteurs de
recapture de la sérotinine qui soit métabolisé
par le 1A2. L’aire sous la courbe et la
concentration maximale sont plus basses
chez les fumeurs que chez les non-fumeurs,
mais la demi-vie n’est pas modifiée. À
priori, il y a donc peu de conséquences cli-
niques en fonction des doses administrées.
Neuroleptiques
Du point de vue pharmacodynamique,
comme pour les benzodiazépines, fumer
diminue les effets sédatifs et l’hypotension
orthostatique induite par la chlorpromazine
(7). Par ailleurs, la pharmacocinétique de la
plupart des neuroleptiques étudiés (chlor-
promazine, fluphénazine, halopéridol, clo-
zapine, olanzapine, rispéridone) montre
une diminution des aires sous la courbe,
des Cmax, et une augmentation de la clai-
rance (9, 11). Ces variations pourront par-
fois nécessiter une adaptation posologique,
notamment si un arrêt du tabac survient, ou
si les résultats cliniques ne sont pas satis-
faisants chez un gros fumeur (en prenant en
compte l’effet pharmacodynamique du
tabac). De plus, des facteurs comme l’âge,
le sexe, le type de métabolisme, rapide ou
lent, propre au sujet, peuvent également
modifier le métabolisme des psychotropes.
Perry (6) a construit un nomogramme des
concentrations plasmatiques de la clozapine.
On observe une différence significative
entre homme et femme, et chez les fumeurs
par rapport aux non-fumeurs. Ce modèle
intéressant prend en compte 47 % des
variations de la concentration de clozapine,
et peut aider à adapter la posologie. Les dif-
férences entre fumeurs et non-fumeurs
s’expliquent par l’effet du tabac sur le
métabolisme et/ou sur les phénomènes
d’absorption intestinale.
Antiulcéreux
L’interaction médicamenteuse est surtout
liée à l’augmentation de la sécrétion chlor-
hydrique gastrique par le tabac. Les doses
d’antiulcéreux devront donc être plus
importantes, ainsi que la durée de traite-
ment (9, 10).
Antalgiques (pentazocine, dextropropoxy-
phène, codéine, paracétamol, lidocaïne,
AINS)
Quel que soit le type d’antalgiques étudiés,
les observations ont montré que les doses
administrées doivent être plus importantes
chez le fumeur (4, 11). Ceci vient d’une
part de l’induction du métabolisme, et
d’autre part d’un abaissement du seuil de la
tolérance à la douleur (effet stimulant cen-
tral de la nicotine) (10).
Médicaments cardiovasculaires (quinidine,
bêtabloquants, flécaïnide)
Les bêtabloquants apparaissent moins effi-
caces sur la tension artérielle et la fréquence
cardiaque chez les fumeurs comparativement
aux non-fumeurs (10, 11). Cela résulte d’une
part de l’augmentation de la libération des
catécholamines par la nicotine. D’autre part,
le tabac favorise la destruction des bêtablo-
quants liposolubles à fort métabolisme hépa-
tique (labétolol, métoprolol, propranolol) et
leur élimination rénale par induction du phé-
nomène de glucuronidation (4, 9).
Il sera donc parfois préférable d’utiliser
chez un fumeur hypertendu un bêtablo-
quant hydrosoluble ou peu métabolisé (até-
nolol, bêtaxolol), ou une autre classe théra-
peutique : inhibiteur calcique ou inhibiteur
de l’enzyme de conversion.
Œstroprogestatifs
L’association tabagisme et contraception
orale augmente le risque d’infarctus du
myocarde ou de maladie thromboembo-
lique chez la femme (1, 10). Elle majore les
effets procoagulants des œstrogènes. En
effet, le tabac favorise le métabolisme de
l’œstradiol et la formation du 2-OH œstra-
diol. Ce métabolite est inactif, mais aug-
menterait le risque thromboembolique (9).
En revanche, l’efficacité de la pilule chez
les fumeuses n’est pas modifiée. Mais cette
dernière ne sera pas prescrite chez une
femme de plus de 40 ans fumant régulière-
ment (cette interdiction est à tempérer
depuis l’introduction des pilules microdo-
sées) (11).
Alcool et café
Bien qu’il ne s’agisse pas de médicaments à
proprement parler, quoiqu’on puisse les voir
comme des automédications, on ne peut
s’abstenir d’envisager les interactions entre le
tabac, l’alcool et le café tellement est fré-
quente l’association de ces consommations.
Alcool et tabac
Aux États–Unis, en 1995, dans une popula-
tion d’alcooliques, la prévalence des
fumeurs a été évaluée à 90 %, contre 30 %
dans la population générale ; 90 % des
fumeurs boivent régulièrement, contre
60 % chez les non-fumeurs.
Individuellement, les effets de chaque
substance sont bien connus, la nicotine
étant plutôt considérée comme stimulante,
et l’alcool comme calmant (5). Seule, la
nicotine augmente les effets subjectifs et la
sensation de vertiges. L’alcool augmente
les rougeurs faciales, la sensation de verti-
ge, mais a moins d’effets stimulants.
Lorsqu’ils sont administrés en même
temps, les effets subjectifs sont potentiali-
sés, et plus chez l’homme que chez la
femme. La nicotine a tendance à diminuer
la sensation de fatigue due à l’alcool. Ceci
amène à penser que le tabac atténue les
effets sédatifs de l’alcool. Par contre, les
effets cardiaques sont potentialisés avec
augmentation de la pression artérielle et du
rythme cardiaque.