Éducation : Salman Khan, le petit génie qui bouscule les profs Le Point.fr - Publié le 28/08/2013 à 11:48 Il a créé la Khan Academy, une association à but non lucratif qui poste des cours en ligne. Son succès phénoménal ébranle la pédagogie de papa. Salman Khan dans une école de Palo Alto. Le professeur n'est plus qu'un répétiteur. © Kahn academy Une révolution pédagogique est en marche. Elle a pour nom un drôle de sigle : MOOC (pour massive open online course). Le principe est simple : des enseignants postent la vidéo de leurs cours sur Internet. C'est gratuit et ouvert à tous. En classe, leurs étudiants ont droit de poser leurs questions ou de mettre en oeuvre, via des exercices, ce qu'ils ont retenu de la leçon. Ce phénomène, qui se répand à grande vitesse et modifie l'économie de ce gigantesque marché qu'est l'éducation, a désormais son gourou. Salman Khan, 37 ans, fondateur de la Khan Academy. De son bureau de la Silicon Valley, Khan poste ses vidéos (4 500 à ce jour, diffusées en 28 langues) qui sont visionnées par quelque 6 millions de personnes par mois ! En France, elles sont mises en ligne par Bibliothèques sans frontières, traduites bénévolement par deux polytechniciens, Elsa Sitruk et Julien Braun. La Khan Academy est à but non lucratif. Financée par un investisseur de la Silicon Valley à son lancement, elle a été soutenue à coup de (gros) chèques par Google et la Fondation Bill et Melinda Gates. Parmi les 100 personnes les plus influentes du monde L'itinéraire de Salman Khan, qui publie le 4 septembre chez Lattès un livre, entre autobiographie et manifeste, L'éducation réinventée*, n'est pas banal : Diplômé du MIT en maths, ingénierie et informatique, il a enchaîné avec un MBA à Harvard. Le voilà dans un hedge fund de Boston en train de fabriquer des centaines de millions de dollars en jonglant avec des équations. Mais le démon de l'éducation lui vient en donnant par téléphone, puis via des vidéos sur YouTube, des cours à sa famille. En 2009, il renonce définitivement à son gros salaire pour lancer son école. Le principe même ne nécessite pas de gros investissements, si ce n'est une tablette graphique. Vous ne verrez jamais Salman Khan sur ses vidéos en ligne : juste ses schémas qui s'affichent comme sur une ardoise magique et rendent lumineuses, en moins de 10 minutes, les bases des mathématiques. Pas de starsystem donc, ce qui n'a pas empêché Salman Khan d'être classé en 2012 parmi les 100 personnes les plus influentes du monde par Time Magazine Un tel succès n'est pas sans rencontrer des résistances. Pour l'édition du magazine Le Point, Sophie Coignard a rencontré Salman Khan. Elle a aussi interviewé des savants et des intellectuels très sceptiques concernant cette prétendue révolution. Denis Kambouchner, auteur de nombreux livres sur l'école, va encore plus loin : "L'ambition de Salman Khan est manifestement immense : il veut faire de la Khan Academy le Google, le Wikipédia ou le Facebook de l'éducation. Elle porte toutes les couleurs de l'humanisme. Mais ce système présuppose chez ses destinataires une grande volonté d'apprendre. Si cette volonté n'est pas là, que fait-on ? De plus, ce système est naturellement pensé en premier lieu pour les apprentissages scientifiques. Les humanités sont réduites ici à la portion congrue, et je frémis à l'idée que la philosophie, par exemple, soit enseignée ainsi." De fait, la Khan Academy propose surtout des cours de maths. Surtout, elle repose sur deux principes qui font grincer des dents nos professeurs. D'abord, l'idée qu'un cerveau ne peut soutenir l'attention que 15 minutes au maximum ; puis, l'idée d'une éducation "inversée" : celle où la leçon est reçue à la maison, et les devoirs, qui la mettent en pratique, faits en classe. Le maître n'est plus qu'un répétiteur. Son rôle n'est plus de délivrer le savoir, mais de s'assurer de son assimilation. Une révolution en effet. Difficile à ignorer, mais dont les conséquences n'ont pas fini de faire couler l'encre. Capture d'écran du cours Introduction aux nombres imaginaires Un tel succès n'est pas sans rencontrer des résistances. Pour l'édition du magazine Le Point, Sophie Coignard a rencontré Salman Khan. Elle a aussi interviewé des savants et des intellectuels très sceptiques concernant cette prétendue révolution. Denis Kambouchner, auteur de nombreux livres sur l'école, va encore plus loin : "L'ambition de Salman Khan est manifestement immense : il veut faire de la Khan Academy le Google, le Wikipédia ou le Facebook de l'éducation. Elle porte toutes les couleurs de l'humanisme. Mais ce système présuppose chez ses destinataires une grande volonté d'apprendre. Si cette volonté n'est pas là, que fait-on ? De plus, ce système est naturellement pensé en premier lieu pour les apprentissages scientifiques. Les humanités sont réduites ici à la portion congrue, et je frémis à l'idée que la philosophie, par exemple, soit enseignée ainsi." De fait, la Khan Academy propose surtout des cours de maths. Surtout, elle repose sur deux principes qui font grincer des dents nos professeurs. D'abord, l'idée qu'un cerveau ne peut soutenir l'attention que 15 minutes au maximum ; puis, l'idée d'une éducation "inversée" : celle où la leçon est reçue à la maison, et les devoirs, qui la mettent en pratique, faits en classe. Le maître n'est plus qu'un répétiteur. Son rôle n'est plus de délivrer le savoir, mais de s'assurer de son assimilation. Une révolution en effet. Difficile à ignorer, mais dont les conséquences n'ont pas fini de faire couler l'encre. À lire cette semaine dans Le Point n° 2137, jeudi dans les kiosques.