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dossier
chez les plantes
Maladies émergentes
Comment lutter contre les maladies émergentes chez les plantes ?
Les étudier pour mieux les comprendre est la première étape avant
de proposer des solutions préventives, répondent les chercheurs dans
ce dossier, qui présentent les principaux résultats de leurs travaux.
es plantes sont mena-
es par des maladies
engendrées par des mi-
cro-organismes : virus,
bactéries ou encore
champignons.
Ces maladies causent d’importantes
pertes de rendement, sur les cultures
vivrières, fruitières, légumières et
ornementales, en particulier dans les
zones tropicale et tempérée chaude.
Ce sont parfois des coltes, voire
des filières tout entières, qui sont
anéanties. Et de nouvelles maladies
émergent régulièrement, à cause de
mutations des agents pathogènes,
ou encore de leur adap-
tation à de nouveaux
environnements. Les
produits phytosani-
taires étant inefficaces
contre les bactéries et
les virus, les chercheurs
étudient le génome de
ces agents et des plantes cultivées
pour trouver des moyens de réduire
les risques d’infection.
Une conférence internationale,
rassemblant 151 scientifiques à
Saint-Denis de la Réunion en juin
2010, a dressé le bilan
des dernières connais-
sances sur les bactéries
phytopathogènes.
Ce dossier vous offre
un bref aperçu des ré-
sultats de recherche
qui ont été présentés
par le Cirad durant la conférence,
sans oublier de citer les virus qui
font également lobjet de nombreux
travaux.
LLes scientifiques
cherchent àduire
les risques d’infection
des plantes cultivées
par des bactéries
ou virus.
© C. Vernière, Cirad
PVENIR
OU GUÉRIR ?
«
AGENTS
PATHONES
«
- 05 / 2011
La bacrie Xanthomonas citri pv. citri. provoque
le chancre des agrumes, maladie originaire d’Asie,
psente à la Réunion depuis les années 60/70,
aujourd’hui émergente en Afrique de l’Ouest et de l’Est.
Plus d’infos sur : http://reunion-mayotte.cirad.fr/actualites/icppb_2010
dossier
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Agents pathogènes
DES BACRIES ET DES GÈNES
«
LA PAROLE À
«
Olivier Pruvost
et Philippe Prior
Bactériologistes
(Cirad/Inra) à la Réunion *
« Des progs fulgurants
en séquençage
denome »
Votre équipe a organi
l’an passé un congrès
international sur les bactéries
pathogènes des plantes. Quel
bilan dressez-vous du congrès ?
Très positif. C’était un véritable challenge
de faire venir à la Réunion nos collègues
scientifiques de 43 pays différents, en par-
ticulier des Etats-Unis, mais aussi et surtout
de pays vivant sous le seuil de pauvreté.
Cette réussite est due en grande partie aux
soutiens que nous avons reçus**. D’un point
de vue humain autant que scientifique, le
congrès a été très enrichissant. Les avan-
cées, qui nous ont été présentées, dans le
domaine de la génomique des bactéries,
mais aussi de la prévision du risque d’émer-
gence des maladies bactériennes sont re-
marquables. Certains génomes de bactéries
ont été entièrement séquencés, assemblés
et annotés, comme celui de Pantoea ana-
natis par une équipe sud-africaine***: c’est
la première bactérie phytopathogène afri-
caine séquencée et une première publication
mondiale pour le genre Pantoea. Les progrès
en matière de séquençage de génome sont
fulgurants ces dernières années et l’exploi-
tation des données qui en découlent s’amé-
liore. Ces résultats s’appliquent désormais
en épidémiologie, en écologie, en matière
d’interaction plante-bactérie et de lutte.
Ils permettent de répondre à des questions
scientifiques fondamentales.
Sur quels sujets travaillez-vous ?
Notre équipe s’intéresse aux facteurs et mé-
canismes impliqués dans l’émergence des
bactéries et virus phytopathogènes. Nous
analysons l’évolution de leurs génomes et des
dynamiques épidémiologiques des maladies
qu’ils provoquent sur les plantes. Nous tra-
vaillons essentiellement sur trois modèles de
pathogènes : deux modèles bactériens : Rals-
tonia solanacearum et Xanthomonas citri et
un modèle viral : les bégomovirus transmis
par un insecte vecteur (Bemisia tabaci), c’est
la principale famille de virus émergents dans
la région du sud-ouest de l’océan Indien.
Quelles collaborations scienti-
fiques envisagez-vous à l’avenir ?
A la suite du congrès ICPPB, des scienti-
fiques français et américains ont prolongé
leur séjour au sein de notre équipe pour
achever la mise au point de méthodes in-
novantes de diagnostic moléculaire. Nous
envisageons de renforcer nos liens avec les
équipes de recherche sud-africaines et in-
diennes, sur l’annotation de génome d’une
part, et le chancre citrique d’autre part.
* UMR PVBMT, plate-forme de protection des plantes.
** Cirad, Inra, Université de la Réunion, Europe, Etat,
Conseil régional, Conseil général.
*** Forestry and Agricultural Biotechnology Institute,
Université de Pretoria.
L’Inra, le Cirad et le laboratoire
de la santé des taux (Anses)
développent à la Réunion
une puce à ADN pour détecter
plusieurs bacries pathogènes
de cultures.
Le génome de la bactérie
Ralstonia solanacearum
décrypté
© R.Carayol /Région
alstonia solana-
cearum est une
bactérie capable
d’infecter plus
de 250 espèces végétales en
zone tropicale, subtropicale
et temrée chaude. Présente
sur tous les continents, elle
s’attaque à des cultures d’im-
portance mondiale, comme la
pomme de terre, la banane, le
tabac, le manioc, l’arachide, la
tomate ou encore l’aubergine.
Des chercheurs du Cirad et de
l’Inra, bas à la Réunion, en
partenariat avec le noscope
d’Evry, ont quen et anno-
té cinq génomes complets de
cette bactérie, correspondant
à ses quatre grandes liges
phylogéniques mondiales
(asiatique, aricaine, afri-
caine, indosienne) et repré-
sentant ainsi une grande part
de sa diversi nétique. Ils
ont couvert des structures
jusque- inconnues chez
cette bacrie : un oron im-
pliq dans la synthèse d’une
toxine emchant la division
cellulaire et deux plasmides,
dont l’un pourrait jouer un
rôle important sur le pouvoir
pathone de la bacrie. Ces
résultats sont publiés et les
séquences sont ouvertes à la
communauté scientique sur
le site internet du noscope.
Les chercheurs se consacrent
désormais au développement
d’une puce à ADN pour pro-
poser un test de diagnostic
sensible et universel de cette
bactérie, mais aussi d’autres
bactéries pathogènes de
grandes cultures (pomme de
terre, tomate, bananier).
R
PVENIR
OU GUÉRIR ?
«
AGENTS
PATHONES
«
ÉVOLUTION
«
Mieux pdire
les maladies émergentes :
du mildiou à la peste
Si l’apparition du mildiou de la pomme de terre au 19e siècle
est sans doute le cas le plus célèbre démergence en san végétale, c’est
durant la seconde moitié du 20e siècle que le nombre de maladies s’est
accru, avec l’internationalisation des échanges et l’évolution des pra-
tiques agricoles. Les études sur ces maladies, que ce soit chez les plantes,
les hommes ou les animaux, visent à mieux comprendre les mécanismes
de leur émergence pour mieux les prédire. cemment, l’histoire
évolutive de la peste, retrae gce aux outils tiques, a permis
de mettre à jour les routes et modes de transmission de l’agent infectieux.
Plus d’infos sur : http://www.cirad.fr/actualites/toutes-les-actualites/
articles/2010/science/l-histoire-evolutive-de-la-peste
nome ensemble
du matériel génétique
d’un individu ou d’une espèce.
Opéron groupe de gènes
régulés ensemble.
Plasmide mocule d’ADN
circulaire chez la bacrie,
capable de se répliquer
de manre autonome
et de se transmettre
à d’autres bactéries.
Puce à ADN lame
de verre sur laquelle sont fixées
plusieurs dizaines de milliers
de fragments d’ADN pouvant
s’hybrider avec des fragments
compmentaires.
HISTOIRES DE MOTS
- 05 / 2011
Photos : © Cirad
. AUBERGINE, TU NE FLÉTRIRAS PLUS !
Les scientifiques du Cirad ont
récemment mis à jour une
source de sistance au flétris-
sement cau par la bactérie
Ralstonia solanacearum dans
le nome de l’aubergine. Cette découverte
devrait permettre aux sélectionneurs
de proposer, dans les prochaines anes,
une varté d’aubergine sistant à la maladie.
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Prévenir ou guérir ?
La prévention, à travers le diagnostic
et la diffusion de variétés adaptées, reste lun des meilleurs moyens de lutte contre
les agents pathogènes des plantes.
Des vars
adaptées
. HARO SUR LES VIRUS !
Des méthodes d’assainissement
de variétés d’ail, de passiflore
et de vanillier sont mises
au point par le Cirad, pour
promouvoir deslres de
production de semences et de plants indemnes
de maladies. Deux vartés d’ail - Ti Rouge,
Vacoa - et une variété de passiflore - Gaas -
débarrassées de leurs virus, seront bient
diffues par la société Flhorys.
© R.Carayol - Région Réunion
© R.Carayol - Région Réunion
© P. Lefeuvre, Cirad
Contacts : [email protected], michel.
[email protected] et ignace.hoarau@armeflhor.fr
Plus d’infos sur : http://reunion-mayotte.cirad.fr/
actualites/ail
Plus d’infos sur : http://reunion-mayotte.cirad.fr/
actualites/soutenances_de_these
Un aleurode vecteur de virus HLB ou greening des agrumes
C’est une petite mouche blanche,
de seulement un millimètre et demi,
qui transmet des virus émergents,
comme les bégomovirus et les crini-
virus, à de nombreuses cultures, dont
la tomate, l’aubergine, le tabac, etc.
Cet aleurode, nommé Bemisia tabaci, est présent
à la Réunion sous trois formes ou « types » géné-
tiques : un type indigène des Mascareignes et deux
exotiques, l’un arrivé fin des années 90 et l’autre
détecté en 2010. Ce dernier, déjà répandu ailleurs
dans le monde, transmet à la tomate deux sortes
de virus, l’un provoquant la maladie des feuilles
jaunes en cuillère et l’autre la chlorose.
Le Huanglongbing (HLB), appelé
aussi greening, est une maladie
des agrumes, due à une bactérie
transmise par des insectes
psyllidés. Cette maladie menace
la production d’agrumes brésilienne
et américaine. A la Réunion, c’est une méthode
de lutte biologique, associée à la diffusion
de plants indemnes de maladies, qui a sauvé
la filière agrumes dans les années 80. Aujourd’hui,
les recherches s’orientent vers une stratégie
de lutte modifiant la capacité des psylles
à transmettre la bactérie.
LE SAVIEZ-VOUS?
a bactérie Xanthomonas axonopodis
pv. allii provoque chez les alliaes,
comme l’oignon (ou encore l’ail, le
poireau, la ciboulette et l’échalotte),
des lésions sur les tissus riens de la plante qui
se met à dépérir. Les bulbes s’amoindrissent, ce
qui entrne des pertes de rendement allant de
10 à 50 %. Un test de tection de la bactérie dans
les semences a été élaboré et vient d’être pu-
blié. « Ce test est capable de détecter toutes les
souches de la bacrie de manière plus sensible
(seuil de 1 semence sur 30 000) que les thodes
classiques », explique Isabelle Robène, phyto-
pathologiste au Cirad à la Réunion. Il est désor-
mais utilisable à la Réunion, et dans le monde,
pour contrôler létat sanitaire des semences im-
pores et produites localement. Cette thode
est propoe comme méthode de rence eu-
ropéenne aups de l’Organisation européenne
de protection des plantes (OEPP) qui a inscrit la
bacrie sur ses listes de quarantaine en 2009.
© R.Carayol - Région Réunion
L
DES VIRUS ÉMERGENTS
«
D’où viennent les redoutables capacis
d’adaptation des gomovirus ?
- 05 / 2011
DIAGNOSTIC
«
La bactérie du
dépérissement
de loignon
détectable dans
les semences
Plus d’infos sur : http://reunion-mayotte.cirad.fr/actualites/diagnostic_bacteriose_oignon
Plus d’infos sur : http://reunion-mayotte.cirad.fr/actualites/begomovirus et contact : [email protected]
Plus d’infos sur : http://www.prpv.org/index.php
/fr/actualites/alertes/une_nouvelle_espece_d_
aleurode_a_la_reunion
Plus d’infos sur : http://www.cirad.fr/publica-
tions-ressources/science-pour-tous/rapports-
annuels/rapport-annuel-le-cirad-en-2006/
anticiper/risques-phytosanitaires-emergents-
le-huanglongbing-des-agrumes
© A. Franck, Cirad
Maladie des feuilles jaunes
en cuillère de la tomate.
De la maladie
à l’épimie
Il suffit de 4 semences infeces d’oignon
(sur 10 000) pour que plus de la moitié
des plants d’oignon déclarent la maladie.
Dissémination
à courte distance
via la pluie,
le vent etc. Jusque 60 %
de plants
malades
4 graines
infectées
sur 10 000
Plantes
relais
et résidus
de culture
2 à 16 %
de plants malades
Dissémination à longue
distance via les échanges
commerciaux de semences
2e année
de culture
1ère ane
de culture
Illustration : F. Dolambi /
L. Gagnevin © Cirad
Les semences d’oignon peuvent
être porteuses d’une bactérie
provoquant un dérissement.
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