dossier
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Agents pathogènes
DES BACTÉRIES ET DES GÈNES
«
LA PAROLE À
«
Olivier Pruvost
et Philippe Prior
Bactériologistes
(Cirad/Inra) à la Réunion *
« Des progrès fulgurants
en séquençage
de génome »
Votre équipe a organisé
l’an passé un congrès
international sur les bactéries
pathogènes des plantes. Quel
bilan dressez-vous du congrès ?
Très positif. C’était un véritable challenge
de faire venir à la Réunion nos collègues
scientifiques de 43 pays différents, en par-
ticulier des Etats-Unis, mais aussi et surtout
de pays vivant sous le seuil de pauvreté.
Cette réussite est due en grande partie aux
soutiens que nous avons reçus**. D’un point
de vue humain autant que scientifique, le
congrès a été très enrichissant. Les avan-
cées, qui nous ont été présentées, dans le
domaine de la génomique des bactéries,
mais aussi de la prévision du risque d’émer-
gence des maladies bactériennes sont re-
marquables. Certains génomes de bactéries
ont été entièrement séquencés, assemblés
et annotés, comme celui de Pantoea ana-
natis par une équipe sud-africaine***: c’est
la première bactérie phytopathogène afri-
caine séquencée et une première publication
mondiale pour le genre Pantoea. Les progrès
en matière de séquençage de génome sont
fulgurants ces dernières années et l’exploi-
tation des données qui en découlent s’amé-
liore. Ces résultats s’appliquent désormais
en épidémiologie, en écologie, en matière
d’interaction plante-bactérie et de lutte.
Ils permettent de répondre à des questions
scientifiques fondamentales.
Sur quels sujets travaillez-vous ?
Notre équipe s’intéresse aux facteurs et mé-
canismes impliqués dans l’émergence des
bactéries et virus phytopathogènes. Nous
analysons l’évolution de leurs génomes et des
dynamiques épidémiologiques des maladies
qu’ils provoquent sur les plantes. Nous tra-
vaillons essentiellement sur trois modèles de
pathogènes : deux modèles bactériens : Rals-
tonia solanacearum et Xanthomonas citri et
un modèle viral : les bégomovirus transmis
par un insecte vecteur (Bemisia tabaci), c’est
la principale famille de virus émergents dans
la région du sud-ouest de l’océan Indien.
Quelles collaborations scienti-
fiques envisagez-vous à l’avenir ?
A la suite du congrès ICPPB, des scienti-
fiques français et américains ont prolongé
leur séjour au sein de notre équipe pour
achever la mise au point de méthodes in-
novantes de diagnostic moléculaire. Nous
envisageons de renforcer nos liens avec les
équipes de recherche sud-africaines et in-
diennes, sur l’annotation de génome d’une
part, et le chancre citrique d’autre part.
* UMR PVBMT, plate-forme de protection des plantes.
** Cirad, Inra, Université de la Réunion, Europe, Etat,
Conseil régional, Conseil général.
*** Forestry and Agricultural Biotechnology Institute,
Université de Pretoria.
L’Inra, le Cirad et le laboratoire
de la santé des végétaux (Anses)
développent à la Réunion
une puce à ADN pour détecter
plusieurs bactéries pathogènes
de cultures.
Le génome de la bactérie
Ralstonia solanacearum
décrypté
© R.Carayol /Région
alstonia solana-
cearum est une
bactérie capable
d’infecter plus
de 250 espèces végétales en
zone tropicale, subtropicale
et tempérée chaude. Présente
sur tous les continents, elle
s’attaque à des cultures d’im-
portance mondiale, comme la
pomme de terre, la banane, le
tabac, le manioc, l’arachide, la
tomate ou encore l’aubergine.
Des chercheurs du Cirad et de
l’Inra, basés à la Réunion, en
partenariat avec le Génoscope
d’Evry, ont séquencé et anno-
té cinq génomes complets de
cette bactérie, correspondant
à ses quatre grandes lignées
phylogéniques mondiales
(asiatique, américaine, afri-
caine, indonésienne) et repré-
sentant ainsi une grande part
de sa diversité génétique. Ils
ont découvert des structures
jusque-là inconnues chez
cette bactérie : un opéron im-
pliqué dans la synthèse d’une
toxine empêchant la division
cellulaire et deux plasmides,
dont l’un pourrait jouer un
rôle important sur le pouvoir
pathogène de la bactérie. Ces
résultats sont publiés et les
séquences sont ouvertes à la
communauté scientifique sur
le site internet du Génoscope.
Les chercheurs se consacrent
désormais au développement
d’une puce à ADN pour pro-
poser un test de diagnostic
sensible et universel de cette
bactérie, mais aussi d’autres
bactéries pathogènes de
grandes cultures (pomme de
terre, tomate, bananier).
R
PRÉVENIR
OU GUÉRIR ?
«
AGENTS
PATHOGÈNES
«
ÉVOLUTION
«
Mieux prédire
les maladies émergentes :
du mildiou à la peste…
Si l’apparition du mildiou de la pomme de terre au 19e siècle
est sans doute le cas le plus célèbre d’émergence en santé végétale, c’est
durant la seconde moitié du 20e siècle que le nombre de maladies s’est
accru, avec l’internationalisation des échanges et l’évolution des pra-
tiques agricoles. Les études sur ces maladies, que ce soit chez les plantes,
les hommes ou les animaux, visent à mieux comprendre les mécanismes
de leur émergence pour mieux les prédire. Récemment, l’histoire
évolutive de la peste, retracée grâce aux outils génétiques, a permis
de mettre à jour les routes et modes de transmission de l’agent infectieux.
Plus d’infos sur : http://www.cirad.fr/actualites/toutes-les-actualites/
articles/2010/science/l-histoire-evolutive-de-la-peste
Génome ensemble
du matériel génétique
d’un individu ou d’une espèce.
Opéron groupe de gènes
régulés ensemble.
Plasmide molécule d’ADN
circulaire chez la bactérie,
capable de se répliquer
de manière autonome
et de se transmettre
à d’autres bactéries.
Puce à ADN lame
de verre sur laquelle sont fixées
plusieurs dizaines de milliers
de fragments d’ADN pouvant
s’hybrider avec des fragments
complémentaires.
HISTOIRES DE MOTS
- 05 / 2011
Photos : © Cirad