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Sommaire
mars - avril 2013 - Commission paritaire en cours - N° ISSN en cours
Bureau de la SOFOP
Président : J. Le c h e v a L L i e r - 1er Vice-Président : c. Ka r g e r - 2e Vice Président : P. La s c o m b e s - Futur 2e Vice Président : c. gL o r i o n
Ancienne Présidente : c. ro m a n a - Secrétaire Général : P. Wi c a r t - Trésorier : F. ac c a d b L e d - Représentant SOFCOT : J. co t t a L o r d a
Membres du Bureau : t. ha u m o n t , F. c h o t e L , r. go u r o n , F. La u n a y , PL. do c q u i e r
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Fondateur
J.C. POULIQUEN †
Editorialiste
H. CARLIOZ Paris)
Rédacteur en chef
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P CHRESTIAN (Marseille
G FINIDORI (Paris)
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R KOHLER (Lyon)
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J SALES DE GAUZY (Toulouse)
R VIALLE (Paris)
et le GROUPE OMBREDANNE”
Correspondants étrangers
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R JAWISH (Beyrouth)
I. GHANEM (Beyrouth)
Editeur
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La Gazette
de la SOciété Française d’Orthopédie Pédiatrique
N°38
Editorial SO.F.O.P.
Mon maître Jacques Lefort (1941-1986)
par J. Lechevallier .................................................................................2
Les dessins de Jacques Lefort ..........................................................4
Charles Nicolle, Prix Nobel de Médecine (1866-1936)
par E. Bailly .............................................................................................8
Histoire des hôpitaux de Rouen
par C. Durand ...................................................................................... 10
Un «tour» pour les enfants abandonnés
par C. Durand ...................................................................................... 12
Flaubert et la médecine : l’écriture au scalpel
par A. Dubois.......................................................................................13
«Mais c’était peut-être un valgus !»
Charles Bovary, Vincent Duval et le pied bot d’Hyppolite
par S. Abu Amara ............................................................................... 15
Un enseignement de la relation médecin patient
Une «spécialité rouennaise»...
par M. Guigot ......................................................................................17
Correction chirurgicale
des scolioses neuromusculaires par tige unitaire
par S. Le Pape, J. Leroux, R. Gouron,
S. Abu Amara, J. Lechevallier ......................................................... 20
Analyse du livre : «Urgences chirurgicales de l’enfant»
de JL Jouve et PY Mure
par R. Kohler ........................................................................................ 23
Retour d’un Séminaire du
GEOP, celui d’Etretat je crois, nous roulions sous la
pluie normande en médisant de tel et tel de nos
collègues, mon thème favori.
Jacques Lefort conduisait. Il me proposa une halte
imprévue, chez lui, à Rouen, et j’acceptai. J’avais
fait aux internes un très mauvais topo sur le pied
paralytique et j’avais besoin d’en parler pour m’en
débarrasser. Chez lui, avec sa femme, nous parlâmes
de tout, ou presque, sauf d’orthopédie pédiatrique
et de ma prestation car il était bienveillant. Il me
t connaître ses petites passions (je me mée de
ceux qui nen ont aucune), ses soldats miniatures
qu’il peignait avec précision, et ses tableaux. Je
me rappelle surtout ses marines. L’une d’elle, naïve
comme un Douanier Rousseau, me plaisait bien.
Elle montrait deux vapeurs sur une mer anonyme.
La fumée des cheminées allait, pour l’un vers la
droite, pour l’autre vers la gauche. Je lui demandai
l’explication de cette divergence mais, étonné, il
ne put me satisfaire car il n’avait pas jusqu’alors
remarqué son erreur. En était-ce une, d’ailleurs ? A-t-
il, par la suite retouché son œuvre ? Je ne le saurai
sans doute jamais mais je comprends aujourd’hui
le symbole de ces fumées contrariées. Celle qui, de
Rouen, de Charles Nicolle, était poussée par un vent
d’ouest vers Paris rappelait à Jacques Lefort son
externat, ses fréquents allers et retours et séjours
dans la capitale.
Nous y avons travaillé ensemble, beaucoup et
avec son acharnement, sur les malformations de
jambe. L’autre fumée qui de Rouen, de Charles
Nicolle, le vers l’ouest, vers l’océan et son au-delà,
témoigne de la direction privilégiée vers laquelle
se portaient les regards, l’intérêt de Jacques Lefort :
à l’ouest, toujours à l’ouest, (comme pour un autre
« personnage » moins sérieux que lui). Et il avait
raison ; cest à l’ouest, sur place, à Rouen qu’il fallait
construire une nouvelle cathédrale de lorthopédie
pédiatrique.
Les bateaux ivres
Comme je descendais sur la Seine impassible,
De Paris à Rouen, fuyant les mandarins,
Soit Carlioz soit Rigault ; ils m’avaient cru possible !
Mais je ne l’étais pas, ils l’auraient dans les reins.
(attribué sans certitude à Arthur Rimbaud)
Nous nous entendions bien ; il avait toutes les qua-
lités exigées par Michèle Guigot, d’expression et de
communication, pour établir de bonnes relations
et je n’ai pas eu à sourir, n’ayant pas été son élève,
de son souci de perfection minimale évoqué par
Joël Lechevallier.
Dans son beau livre récent « Peste et choléra », Pa-
trick Deville évoque à propos de Yersin l’école
pasteurienne, les élèves du grand maître et donc
Charles Nicolle ce qui ramène encore à Rouen et à
ses hôpitaux ; et donc à l’équipe de Lefort/Leche-
vallier.
Les lectures croisées de la Gazette et des parutions
récentes conseillées par « la grande librairie » me
sont, vous le voyez, fort utiles ! Pour parler savam-
ment d’elle l’équipe -, et d’eux - Jacques/Joël « et
coll. » - , je me reporte à la liste de leurs travaux pour
les analyser. Folie! Rien ne manque ! Ils ont parlé et
écrit sur toute la pathologie pédiatrique et sur tou-
tes les techniques opératoires. Comme je ne puis
douter de la qualité ni de l’ensemble de ces textes
ni de chacun en particulier, il me faudrait faire un
choix impossible pour ne donner d’eux qu’une opi-
nion discutable. La paresse me pousse à approuver
a priori tout ce qui vient de l’orthopédie pédiatri-
que rouennaise, Ouf !
Henri CARLIOZ
Rouen, bien cher objet de mon assentiment,
Rouen qui a vu naître et Flaubert et Corneille,
Rouen qui a chéri Lefort comme un amant,
Rouen que vous aimez jusque dans son sommeil.
(attribué sans certitude à Pierre Corneille)
2
Mon maître Jacques Lefort (1941-1986)
par J. Lechevallier
Mon maître Jacques LEFORT est mal connu des plus jeu-
nes d’entre nous. Il a développé à force de travail, rigoureux
et intransigeant, l’école de chirurgie orthopédique pédiatri-
que rouennaise.
Jacques LEFORT est né le 26 janvier 1941 à Blida (Algérie)
est basé son père, militaire, pilote de l’armée de l’air françai-
se. Il ne le connaîtra nalement jamais car celui-ci fut victime
d’une opération de sabotage menée contre la otte aérien-
ne française en septembre 1941. Agé de 8 mois, il est déjà
orphelin d’un père mort pour la France. Ces dramatiques
circonstances dans lesquelles il aronta la vie le marqueront
de façon indélébile, et chaque étape de son parcours en a
gardé la trace. À la n de la guerre, sa mère vient s’installer à
Paris où il peut suivre ses études primaires puis secondaires.
L’insusante qualité de sa vue lui interdit l’accès aux écoles
d’aviation dont il avait toujours rêvé pour suivre les traces
de son père. C’est ainsi quil se tourne vers les études de -
decine. En 1963 il devient externe des hôpitaux de Paris : un
premier contact avec la chirurgie pédiatrique dans le service
du professeur FEVRE aux Enfants Malades contribue à -
terminer une vocation qui, après qu’il fut nommé interne
des hôpitaux de Rouen en 1967, est renforcée par ses stages
dans le service du professeur BORDE. Passionné par la prise
en charge chirurgicale globale de l’enfant porteur de spina
bida dont il fait son sujet de thèse de médecine, il fait un
séjour à Sheeld dans le service du professeur SHARRARD.
À partir de 1972 doté, d’une solide formation de chirurgien
pédiatre, il choisit de focaliser son travail sur l’orthopédie
pédiatrique et va passer un semestre à l’hôpital Saint-Vin-
cent-de-Paul dans le service du professeur Pierre PETIT où il
fait la connaissance d’Henri CARLIOZ avec lequel il mène ses
premiers travaux sur les aplasies bulaires.
De son mariage avec Françoise, pédiatre dont il fait la
connaissance au cours de son internat, naissent 3 lles,
Anne, Juliette et Marie.
Nommé Professeur Agrégé en 1978 (Fig. 1) il prend la respon-
sabilité au sein de la Clinique Chirurgicale Infantile du CHU
de Rouen d’une unité d’orthopédie pédiatrique. Ces travaux
portent sur la luxation congénitale de la hanche, sur l’apla-
sie du péroné et sur le pronostic d’inégalité de longueur des
membres inférieurs. Il dénit notamment le coecient de
croissance résiduelle « c’ » malheureusement publié unique-
ment en français [1] et qui a été réinventé 20 ans plus tard par
D. PALEY. Ses travaux en traumatologie pédiatrique, stimulés
par un très important recrutement du service en urgences,
lui ont permis de développer une meilleure connaissance
des spécicités des fractures de l’enfant prises en charge
avec plus ou moins de bonheur par les non-spécialistes, fort
nombreux à cette époque.
Il participe au premier séminaire d’orthopédie pédiatrique
organisé en avril 1977 à Montpellier et, rapidement après
son agrégation, est chargé de l’organisation du 4ème séminai-
re sur le thème de la pathologie chirurgicale du pied chez
l’enfant (Fig. 2).
Fig. 1 : Jacques Lefort 1984
Fig. 2 : Ache du séminaire 1980 du CREPO,
organisé à Etretat par Jacques Lefort
3
Mon maître Jacques Lefort (1941-1986)
par J. Lechevallier
Il ne rate ensuite aucun des autres séminaires annuels
il emmène ses élèves avec conviction. Harassé de travail
et fatigué par les stress que générait en lui son exigence, il
décide de ne pas participer au 10ème séminaire organisé par
Alain DIMEGLIO à Montpellier le 25 mars 1986. Quelques
jours après, le 31 mars, il décède d’un infarctus massif à l’âge
de 45 ans.
La personnalité de Jacques LEFORT séduisait assurément
ceux qui le connaissaient bien. Son humour caustique a pu
en rebuter quelques-uns. Pourtant il savait en faire usage
toujours à bon escient en particulier au prot de ses brillan-
tes qualités pédagogiques. À une époque où la communica-
tion s’enrichissait de l’usage de la diapositive il a su exploi-
ter les moyens à disposition pour développer un style très
caractéristique dans lequel chacun le reconnaissait. Chaque
diapositive était réalisée à partir de planches de papier Can-
son ® et constituée de textes, de tableaux ou de dessins, tous
réalisés à la main avec un stylo feutre. Il refusait l’usage des
histogrammes ou des camemberts informatisés qui don-
naient une caution scientique à des travaux qui létaient
insusamment à son goût…
Le plus souvent il réalisait ses planches en noir et blanc, puis
les tirait en négatif blanc sur fond noir. Puis il passait quel-
ques heures supplémentaires avec une loupe à repasser au
feutre de couleur chacun de ces dessins ou de ses textes
pour en améliorer l’esthétique ou la clarté. Parfois il réalisait
de véritables petites aquarelles qu’il photographiait en po-
sitif.
Sa collection de diapositives était enrichie de milliers de
photos de petits patients qu’il prenait en consultation et de
radios qu’il photographiait sur le négatoscope, après y avoir
indiqué au feutre la date et les initiales de l’enfant. J’ai eu
ainsi la chance de recevoir de Françoise LEFORT l’héritage
d’une collection de plus de 15 000 diapositives dont je n’ai à
ce jour pas terminé le recensement…
Cette exigence qu’il s’imposait dans son travail, ses élèves
en payaient le prix : « la perfection est un minimum » nous
disait-il. Les internes savaient avant de venir en orthopédie
pédiatrique qu’ils seraient beaucoup sollicités et ils pou-
vaient passer de très mauvais moments s’ils manquaient de
motivation… Je me rappelle la demande qu’il m’avait faite
de présenter dans une réunion régionale de pédiatrie une
communication sur le canal omphalo-mésentérique qui
nétait clairement pas dans mes préoccupations du moment.
Pensant me libérer de cette charge en soulignant que nous
étions le jeudi en n d’après-midi et que l’intervention était
programmée le vendredi à 9 heures, je mentendis opposer :
«c’est parfait, puisque vous nêtes pas de garde, vous avez toute
la nuit devant vous »
Il travaillait lui-même sans répit et adorait répondre à ceux
qui le questionnaient sur ses loisirs : « je passe mes vacances
à l’hôpital ». Cétait eectivement le nom du lieu-dit, (Fig. 3)
proche du village de Planguenoual dans les Côtes d’Armor
où sa belle-famille possédait une maison.
Au bloc opératoire, son tempérament l’amenait à des
excès que l’on ne comprendrait plus maintenant. En parti-
culier, après avoir expliqué que la longueur des cicatrices
augmentait avec la croissance, il nous imposait des ostéo-
synthèses minimalistes avec une plaque de 4 cm que l’on
devait apposer par une incision cutanée de 3 cm à la face
externe du fémur
Si ces travers pouvaient rebuter, son goût pour l’orthopédie
pédiatrique et pour son enseignement était inniment sti-
mulant et il était capable d’une grande générosité à l’inten-
tion de ceux qui le suivaient dans sa passion. Nous étions
régulièrement invités à venir travailler avec lui dans son bu-
reau , dans sa maison de la rue Bouctot. De là il surplombait
la ville de Rouen, et particulièrement le CHU Charles Nicolle
et le pavillon de pédiatrie dans lequel il prétendait pouvoir
faire sa visite avec une bonne paire de jumelles sans avoir
à quitter son domicile. Un verre de whisky à la main, il se
livrait plus qu’il ne le faisait à l’hôpital. Il nous parlait de son
père qu’il n’avait pas connu mais qu’il admirait tant et dont
il aurait voulu faire le métier, de la peinture qui occupait les
rares moments de loisirs qu’il s’octroyait et des maquettes
d’avion de combat qui décoraient les murs de son bureau.
À l’heure nous aurions le laisser en famille pour re-
joindre la nôtre nous commencions tout juste notre sujet de
travail… sans limite de temps.
Références
1- LEFORT J. Utilisation du coecient de croissance résiduelle dans le calcul
prévisionnel des inégalités de longueur des membres inférieurs. Revue de
Chirurgie Orthopédique 1981, 67, 753-6.
Article consultable sur http://www.orthopedagogierouen.fr
Fig. 3 : Lieu-dit « L’Hôpital » sur la commune de Planguenoual (22400)
où Jacques Lefort passait ses vacances.
4
Les dessins de Jacques Lefort
Fig.1a : Traumatismes des cartilages de croissance.
Classication de Salter et Harris (planche originale en couleur) et épiphysiodèses post-traumatique
Fig.1b : Traumatismes iatrogènes du cartilage de croissance : classication
5
Les dessins de Jacques Lefort
Fig. 1c : Fractures supra-condyliennes(classication de Lagrange et Rigault) et chronologie d’apparition des points d’ossication de l’humérus
(planches originales en couleur)
Fig. 1d : Fractures du col du radius (classication de Judet)
et vascularisation de l’extrémité proximale du radius
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