Leçon 5 Le système de classes (suite) : la paire de classes 5/6. La conjugaison des verbes : présent, passé, futur; le résultatif en -meLa paire de classes 5/6 La classe 5 (singulier) a ceci de particulier, par rapport aux autres classes que nous avons examinées jusqu'à présent, qu'elle a un préfixe zéro, alors que la classe 6 (pluriel) a un préfixe ma-. Pour cette raison, il est préférable de considérer ensemble les couples singulier / pluriel. Exemples : tunda : fruit, pl. ma-tunda nanasi : ananas, pl. ma-nanasi embe : mangue, pl. ma-embe shoka : hache, pl. ma-shoka neno : mot, parole, pl. ma-neno jina : nom, pl. ma-jina chungwa : orange, pl. ma-chungwa pera : goyave, pl. ma-pera yai : oeuf, pl. ma-yai wingu : nuage, pl. ma-wingu jani : feuille, pl. ma-jani ini : foie, pl. ma-ini Comme on peut le constater, il y a de nombreux noms de fruits dans cette paire de classes, mais bien d'autres choses encore... Il existe un petit nombre de noms dont le thème [rappel : le thème est ce qui reste après qu'on ait enlevé le préfixe] est monosyllabique; dans ce cas le préfixe de la classe 5 est ji-. Exemples : cl. 6 ma-we : pierres; le thème est monosyllabique et donc le singulier classe 5 est ji-we : pierre. cl. 6 ma-cho : yeux, singulier classe 5 : ji-cho : oeil Le nombre de noms concernés est assez restreint. Il en va de même de quelques rares noms dont le thème commence par une voyelle et pour lesquels le préfixe de cl. 5 est j- : cl. 5 j-ambo : affaire, chose non-matérielle, pl. cl. 6 m-ambo. En cl. 6 la voyelle du préfixe ma- tombe devant le -a du thème - nous avons déjà vu une situation similaire avec le préfixe wa- de la classe 2. cl. 5 j-ino : dent, pl. cl. 6 meno. En cl. 6 nous trouvons meno venant de *ma-ino, comme nous l'avions déjà vu dans le cas de mwizi : voleur, pl. wezi de *wa-izi en 1/2. Accord des adjectifs : en cl. 5 le préfixe est zéro devant consonne, mais j- devant voyelle, et ji- devant l'unique thème d'adjectif monosyllabique -pya "neuf, nouveau". En classe 6 le préfixe est ma- devant consonne et m- devant voyelle. 5 tunda zuri : un bon fruit 5 shoka baya : une mauvaise hache 5 yai moja : un (seul) oeuf 5 wingu j-eupe : un nuage blanc 5 ji-we zito : une pierre lourde 5 neno ji-pya : un mot nouveau 5 embe j-ekundu : une mangue rouge pl. 6 ma-tunda ma-zuri pl. 6 ma-shoka ma-baya pl. 6 ma-yai ma-wili : deux oeufs pl. 6 ma-wingu m-eupe pl. 6 ma-we ma-zito pl. 6 ma-neno ma-pya pl. 6 ma-embe m-ekundu Accord des démonstratifs et sujet du verbe : classe 5 li-, classe 6 ya-. Exemples : tunda li-le li-na-tosha : ce fruit-là suffit yai li-le kubwa li-na-tosha : ce gros oeuf-là suffit pl. ma-yai ya-le ma-kubwa ya-na-tosha pl. ma-tunda ya-le ya-na-tosha N.B. : on trouve en classe 6 exclusivement plusieurs noms de liquide et des abstractions. Ces noms n'ont pas de singulier et ne s'emploient qu'en classe 6, mais leurs accords sont parfaitement réguliers. On peut citer : maji "eau", maziwa "lait", mafuta "huile, graisse", maisha "vie", mapenzi "amour", maendeleo "progrès", etc. maji yale mazuri yanatosha : cette bonne eau-là suffit. ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------Eléments de conjugaison . La structure de base d'un verbe swahili est essentiellement la suivante : PS-TAM-Base- VF PS désigne le préfixe sujet obligatoire (sauf à l'impératif) qui doit s'accorder en classe avec le sujet ,exprimé ou sous-entendu. TAM désigne la marque de Temps/Aspect/Mode La Base comprend le Radical du verbe suivi éventuellement d'une ou plusieurs Extensions; celles-ci seront examinées plus tard dans le cours. VF désigne la voyelle finale qui est le plus fréquemment (mais pas toujours) -a Par exemple avec les formes que nous avons déjà vues : ki- na- tosh- a : il/elle suffit PS-TAM-Base-VF wa-na- imb- a : ils / elles chantent PS-TAM-Base-VF Présent : la marque est -na- comme nous l'avons déjà vu. Exemples : mtoto a-na-chez-a mtini : l'enfant joue dans l'arbre tunda lile li-na-oza : ce fruit-là est en train de pourrir kiti kile ki-na-anguka : cette chaise-là tombe pl. watoto wa-na-chez-a mtini pl. matunda yale ya-na-oza pl. viti vile vi-na-anguka Passé, remplacer -na- par -li- : mtoto a-li-chez-a mtini : l'enfant a joué dans l'arbre tunda lile li-li-oza : ce fruit-là a pourri kiti kile ki-li-anguka : cette chaise-là est tombée pl. watoto wa-li-chez-a mtini pl. matunda yale ya-li-oza pl. viti vile vi-li-anguka Futur : la marque est -ta- : mtoto a-ta-chez-a mtini : l'enfant jouera dans l'arbre tunda lile li-ta-oza : ce fruit-là pourrira kiti kile ki-ta-anguka : cette chaise-là tombera pl. watoto wa-ta-chez-a mtini pl. matunda yale ya-ta-oza pl. viti vile vi-ta-anguka Voici maintenant un exemple de conjugaison complète à toutes les personnes et toutes les classes (que nous avons vues jusqu'ici): ninaanguka : je tombe unaanguka : tu tombes anaanguka : il/elle tombe (cl.1) unaanguka ; il/elle tombe (cl.3) linaanguka : il/elle tombe (cl. 5) kinaanguka : il/elle tombe (cl.7) tunaanguka : nous tombons mnaanguka : vous tombez wanaanguka : ils / elles tombent (cl.2) inaanguka : ils/elles tombent (cl. 4) yanaanguka : ils/elles tombent (cl. 6) vinaanguka : ils/elles tombent (cl; 8) nilianguka : je suis tombé(e) ulianguka : tu es tombé(e) alianguka : il/elle est tombé(e) (cl.1) ulianguka ; il/elle est tombé(e ) (cl.3) lilianguka : il/elle est tombé(e ) (cl. 5) kilianguka : il/elle est tombé(e) (cl.7) tulianguka : nous sommes tombé(e)s mlianguka : vous êtes tombé(e)s walianguka : ils/elles sont tombé(e)s (cl.2) ilianguka : ils/elles sont tombé(e)s (cl. 4) yalianguka : ils/elles sont tombé(e)s (cl. 6) vilianguka : ils/elles sont tombé(e)s (cl; 8) nitaanguka : je tomberai utaanguka : tu tomberas ataanguka : il/elle tombera (cl.1) utaanguka ; il/elle tombera (cl.3) litaanguka : il/elle tombera (cl. 5) kitaanguka : il/elle tombera (cl.7) tutaanguka : nous tomberons mtaanguka : vous tomberez wataanguka : ils / elles tomberont (cl.2) itaanguka : ils/elles tomberont (cl. 4) yataanguka : ils/elles tomberont (cl. 6) vitaanguka : ils/elles tomberont (cl; 8) Comme vous le voyez le système est asez simple (il est vrai que nous n'avons encore vu ni les négatifs, ni les formes relatives). Deux remarques sont à faire : 1) il existe un nombre assez important de verbes, généralemenr d'origine arabe, qui se terminent par une autre voyelle que -a. Pour les trois formes que nous venons d'étudier (passé, présent et futur) ce fait n'a aucune conséquence et ils se conjuguent exactement comme les autres. Exemples : ku-rudi : revenir ku-hukumu : juger ku-samehe : pardonner anarudi, nilirudi, utarudi, etc. anahukumu, nilihukumu, utahukumu, etc anasamehe, nilisamehe, utasamehe, etc. 2) Plus important, il existe en swahili quelques verbes monosyllabiques dont voici une liste des plus usuels : ku-ja : venir ku-nywa : boire ku-nya : faire caca ku-la : manger ku-fa : mourir (ku-pa : donner ) (Pour des raisons évidentes, il est recommandé de na pas confondre kunywa et kunya !) Ces verbes présentent la particularité de conserver le préfixe ku- de l'infinitif à certaines formes conjuguées (mais pas toutes). Ils le conservent en tous cas aux trois temps que nous venons de voir. Exemples : a-li-ku-la : il a mangé u-ta-ku-la jioni : tu mangeras dans la soirée tu-na-ku-ja : nous venons (Le verbe ku-pa offre certaines difficultés de construction que nous verrons plus tard). ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------Le résultatif -me-/ Il existe une autre forme verbale dont l'emploi présente quelques difficultés aux apprenants francophones. Il s'agit du résultatif (marque -me-) qui décrit le résultat présent d'une action accomplie antérieurement, contrairement au passé en -li- qui indique simplement que l'action a eu lieu dans le passé, même si son résultat ne se fait plus sentir. Il s'agit à peu près de la même opposition existant en anglais entre le prétérit (he came) et le present perfect (he has come) et qui existait également en français classique entre le passé simple (il vint) et le passé composé (il est venu). Malheureusement, en français moderne, le passé simple a disparu et le passé composé sert à rendre les deux notions indifféremment, ce qui fait qu'un locuteur francophone a parfois du mal à saisir la différence. Dans un ou deux cas cependant, celle-ci est frappante : alilala vizuri : il a bien dormi [par ex. la nuit dernière, mais il est réveillé maintenant] amelala : il s'est endormi [et donc il dort en ce moment] (Noter que la forme *analala, employée par certains swahiliphones pour dire "il dort" est fautive et due à l'influence de l'anglais "he is sleeping". En swahili correct analala signifierait "il est en train de s'endormir" [et donc ne dort pas encore] - une phrase somme toute peu vraisemblable. walikufa mwaka jana : ils sont morts l'année dernière [c'est à dire l'événement de leur mort a eu lieu à ce moment là} wamekufa : ils sont morts [et donc, par exemple, vous n'avez aucune chance de les rencontrer ! - c'est le résultat qui est important ici, pas le moment où la mort a eu lieu] tulikula mayai mazuri : nous avons mangé de bons oeufs [c'est une constatation] tumekula mayai : nous avons mangé des oeufs [et donc nous n'avons pas faim - c'est le résultat qui importe] alikuja jana : il est venu hier [c'est à ce moment-là que cela s'est passé, mais il n'est peut-être plus là] amekuja : il est venu [et donc il est-là au moment où je parle - résultat présent d'une action passée] jana, tulichoka sana : hier nous nous sommes beaucoup fatigués / nous étions très fatigués [mais probablement, nous nous sommes reposés depuis] tumechoka sana : nous sommes très fatigués [encore au moment où je parle] Note : pour ceux d'entre vous qui s'intéresseraient à ces questions d'un point de vue linguistique, je recommande l'excellent ouvrage de D. COHEN (1989) L'aspect verbal, Paris: PUF