Avantages de l`utilisation du laser Er:YAG chez les patients ayant

Ilaser _ dentisterie laser pour patients avec des besoins spéciaux
_Introduction
Une évaluation sys-
tématique récente de
la carie dentaire chez
des adultes en situation
de handicap a fait état
d’un taux de prévalence
égal ou inférieur à celui
de la population gé -
nérale.1Les différences
majeures relevées dans
le groupe des per-
sonnes handicapées
étaient le nombre plus
important de lésions
carieuses non traitées,
le manque de soins bucco-dentaires et l’utilisation
peu fréquente de stratégies préventives.2Les auteurs
d’une autre étude menée dernièrement chez des ado -
lescents et des adultes ont observé que les patients
atteints d’une déficience mentale présentaient da-
vantage de caries et d’édentement plural, un nombre
moindre de restaurations et un besoin plus impor-
tant d’extraction dentaire que leurs frères et sœurs.3
La dentisterie adaptée aux patients ayant des
besoins spéciaux (DPS) a pour but de fournir et de
permettre la mise en œuvre des traitements bucco-
dentaires aux personnes en situation de handicap,
ce terme étant défini au sens le plus large. La DPS
s’efforce ainsi d’améliorer la santé bucco-dentaire
de personnes isolées et de communautés qui, au
sein de la société, sont touchées par un handicap
physique ou sensoriel, une déficience mentale, un
trouble médical ou psychosocial, ou, le plus souvent,
plusieurs de ces pathologies réunies.
Le développement d’un handicap peut être dû
à de multiples causes qui incluent la paralysie
cérébrale, le syndrome de Down, le déficit intel -
lectuel, l’autisme, l’épilepsie, les troubles visuels
et auditifs, les anomalies congénitales et même
la carence psychosociale.4Pour ces personnes en
situation de handicap, l’accès aux soins bucco-
dentaires est entravé par de nombreuses barrières
environnementales. Même si ces obstacles sont
surmontés et si le patient est en mesure de trouver
une équipe dentaire prête et apte à le traiter, le
problème est toujours présent. L’obtention d’une
restauration de haute qualité dépend de la capa-
cité du patient à faire face à l'anxiété engendrée
par le traitement, et à coopérer pleinement aux
exigences de la situation clinique. Selon les esti-
mations, un quart à un tiers des adultes atteints
de déficience mentale souffrent d’un trouble
anxieux à la perspective du traitement den-
taire.5–7
Les stimuli désagréables, tels que l’injection d’un
anesthésique local ou le bruit et les vibrations des
instruments rotatifs, peuvent entraîner une anxiété
démesurée et un manque inévitable de coopération,
susceptible de se traduire par un refus du traite-
ment. De plus, une mauvaise coordination muscu-
laire, la fatigabilité ou un dysfonctionnement oral,
notamment une salivation excessive et une dysto-
nie linguale, peuvent compromettre les procédures
de restauration. Une sédation ou une anesthésie
générale peut améliorer la situation clinique dans
le cadre d’un traitement de restauration, mais ces
solutions soulèvent elles-mêmes des problèmes
intrinsèques en termes de coût et de morbidité des
patients.8L’utilisation du laser Er:YAG en dentisterie
conservatrice a été proposée en 19909et ce disposi-
tif a connu une remarquable évolution au cours de
ces dernières années, grâce à la venue sur le marché
de nouvelles technologies de pointe. Il offre égale-
ment des avantages par rapport aux instruments
classiques.
Fig. 1_Carie sur la dent 46 d’une
enfant de 12 ans présentant un
déficit intellectuel (a). Effet du laser
Er:YAG après exposition en mode SSP
(Super Short Pulse), énergie
de 250 mJ, fréquence de 10 Hz,
au moyen d’une pièce à main à miroir
utilisée en mode sans contact
(fluence: 39,3 J/cm2) et pulvérisation
eau/air (b). Aspect final de la
restauration en composite avant (c),
et après le retrait de la digue en
caoutchouc (d).
14 I Le magazine 4_2015
Avantages de l’utilisation du laser
Er:YAG chez les patients ayant
des besoins spéciaux. Dentisterie
conservatrice: étude clinique
Auteurs _ Pr Dr Carlo Fornaini, Pr Dr Elisabetta Merigo, Dr Fabio Clini, Dr Matteo Fontana, Dr Luigi Cella et Dr Aldo Oppici, Italie
Fig. 1
laser _ dentisterie laser pour patients avec des besoins spéciaux I
L’affinité de la longueur d'onde du laser Er:YAG
pour l’eau et l’hydroxyapatite permet l’ablation
efficace des tissus dentaires durs sans risque de
microfractures ni de macrofractures, comme on
peut l’observer lors de l'utilisation d’instruments
rotatifs.10–12 La surface de la dentine traitée par laser
apparaît propre, exempte de boue dentinaire et les
canalicules sont ouverts et très nets.13 L’élévation
thermique de la pulpe notée au cours de l’exposi-
tion au rayonnement laser Er:YAG, est moins forte
que lors de l’utilisation d’une turbine et d’un
micro moteur dans les mêmes conditions de spray
air/eau.14, 15 Cette longueur d'onde produit égale-
ment un effet microbicide qui décontamine le tissu
traité et détruit tant les bactéries aérobies que les
bactéries anaérobies.16 Les aspects les plus inté -
ressants de cette nouvelle technologie s’alignent
sur les objectifs de la dentisterie conservatrice
moderne, à savoir les traitements minimalement
invasifs et les techniques adhésives dentaires. Le
laser Er:YAG peut atteindre des dimensions de tache
inférieures à 1 mm, ce qui permet une ablation
sélective de la dentine atteinte avec préservation du
tissu environnant, et la réalisation de restaurations
très efficaces.17 Plusieurs études in vitro ont dé -
montré que la préparation de l'émail et de la dentine
par le laser Er:YAG, suivie d’un mordançage à l'acide
orthophosphorique, améliore l’efficacité en termes
de réduction de la micropercolation et augmen -
tation de la force de liaison.1
Selon une étude fondée sur l’évaluation de
questionnaires de patients,9particulièrement la
satisfaction, le traitement dentaire par laser Er:YAG
est une technique efficace, susceptible d’améliorer
la coopération du patient et de diminuer les craintes
associées au cabinet dentaire, surtout chez les
patients pédiatriques. L’objectif de cette étude cli-
nique, basée sur l’expérience acquise sur 5 années
de traitements conservateurs assistés par laser, au
sein de notre service de chirurgie dentaire pour
besoins spéciaux et soins maxillo-faciaux, était
de démontrer les avantages du laser Er:YAG dans
le traitement conservateur de patients ayant des
besoins spéciaux.
_Matériel et méthodes
Cas 1
Sorin est un enfant de 9 ans souffrant d’un
trouble autistique : il ignore ce que sont les traite-
ments dentaires sous anesthésie locale car les caries
de ses dents temporaires ont été traitées sous anes-
thésie générale, en raison de l’impossibilité de réa -
liser les soins au fauteuil. Une visite de contrôle du
patient a révélé des caries sur les dents 35 et 36 et
nous avons décidé d’une approche par laser Er:YAG
pour traiter la carie la plus superficielle (dent 35),
en appliquant la méthode dite du « Tell-Show-Do »
(expliquer, montrer, faire). Nous avons obtenu
une excellente coopé-
ration du patient et la
possibilité de réaliser
une restauration de
qualité (même sans la
mise en place d’une
digue en caoutchouc,
refusée par le patient).
Nous avons utilisé
le laser Er:YAG en
mode MSP (Medium
Short Pulse), énergie
de 150 mJ, fréquence
de 30 Hz, pièce à
main à miroir, pour
une intervention sans
con tact (fluence : 23,6 J/cm2) et spray eau/air.
Cas 2
Patrizia est une enfant de 12 ans présentant un
déficit intellectuel : elle acceptait très mal l’anesthé-
sie locale, ce qui limitait la possibilité de la traiter.
Une visite de contrôle de la patiente a révélé une
carie sur la dent 46 et nous avons pris le risque
d’une approche par laser Er:YAG pour traiter cette
carie profonde, en appliquant la méthode dite du
« Tell-Show-Do » (expliquer, montrer, faire) sans
anesthésie locale. Nous avons obtenu une excel-
lente coopération de la patiente et la possibilité de
réaliser une restauration de qualité. Grâce aussi à
l’excellente coopération, nous avons pu mettre en
place une digue en caoutchouc. Nous avons utilisé
le laser Er:YAG en mode SSP (Super Short Pulse),
énergie de 250 mJ, fréquence de 10 Hz, pièce à main
à miroir pour une intervention sans contact (fluence :
39,3 J/cm2) et spray eau/air (Fig. 1).
Cas 3
Alessia est une jeune adolescente de 15 ans pré-
sentant un déficit intellectuel : elle n’avait jamais eu
besoin de traitements dentaires et elle était effrayée
à cette idée. La dent 16, cariée, devait être traitée
et nous avons pris le risque d’une approche par
laser Er:YAG pour traiter cette carie profonde, en
appliquant la méthode dite du « Tell-Show-Do »
(expliquer, montrer, faire) sans anesthésie locale.
Nous avons obtenu une excellente coopération de la
patiente et la possibilité de réaliser une restauration
de qualité. Nous avons utilisé le laser Er:YAG en
mode SSP (Super Short Pulse), énergie de 250 mJ,
fréquence de 10 Hz, pièce à main à miroir pour une
intervention sans contact (fluence : 39,3 J/cm2) et
spray eau/air.
Fig. 2_Fracture de la dent 11
chez un enfant de 7 ans présentant
un déficit intellectuel (a–b).
Effet du laser Er:YAG après exposition
de la dent (c) et du fragment (d)
à une énergie de 250 mJ,
une fréquence de 10 Hz, au moyen
d’une pièce à main à miroir utilisée
en mode sans contact (fluence :
39,3 J/cm2) avec pulvérisation
eau/air et une pièce à main
sur la dent (c) et le fragment (d).
Le magazine 4_2015 I 15
Fig. 2
Ilaser _ dentisterie laser pour patients avec des besoins spéciaux
Cas 4
Andrea est un enfant de 7 ans présentant un dé-
ficit intellectuel : il présentait un traumatisme de la
dent 11 avec fracture. Nous avons pris le risque d’une
approche par laser Er:YAG sans anesthésie locale
pour recoller le fragment : un mordançage a été réa-
lisé à l’aide du laser Er:YAG (Fidelis Plus III, Fotona,
Slovénie), énergie de 250 mJ,
fréquence de 10 Hz, pièce à
main à miroir pour une inter-
vention sans contact (fluence :
39,3 J/cm2) et pulvérisation
eau/air. La procédure a été réa-
lisée sur le fragment et la dent,
qui ont été séchés pendant
15 secondes par pulvérisation
d’air, puis mordancés avec un
gel à base d'acide orthophos-
phorique à une concentration
de 37 % pendant 30 secondes
(dent et fragment) (Figs. 2 et 3).
_Discussion
Même si les estimations comptent environ
500 millions de personnes en situation de handi-
cap dans le monde,20 la littérature sur la prise en
charge de la santé bucco-dentaire des patients
handicapés est peu fournie, par rapport à la docu-
mentation relative aux personnes en bonne santé.
Jusqu’à ces dernières années, la prise en charge des
patients handicapés n’était même pas évoquée dans
les programmes d'étude de premier cycle, proposés
par la plupart des écoles de médecine dentaire
internationales.
Aujourd’hui heureusement, les professionnels
du monde entier reconnaissent petit à petit la den-
tisterie adaptée aux patients ayant des besoins
spéciaux comme une spécialisation en tant que telle,
mais les données probantes font toujours défaut
pour l’adaptation de certaines techniques cli-
niques, aux besoins de cette population particulière
de patients.21 En fait, pour élever le niveau de
santé bucco-dentaire d’enfants ayant des besoins
spéciaux, il est indispensable d’approfondir les
con naissances de tous les médecins, chirurgiens-
dentistes et parents, sur les possibilités d’améliorer
la coopération, en vue de rehausser la qualité de vie
des enfants.22 À cet égard, le recours aux instru-
ments les plus modernes et les plus perfectionnés
peut jouer un rôle important dans la prise en charge
de ce type de patients. En particulier, le laser Er:YAG
permet d’éviter le contact avec la dent et par con -
séquent la génération de vibrations car il peut être
utilisé en mode dit « sans contact », ce qui accroît le
confort du patient.23 La sensation moindre et même
parfois l’absence totale de sensation de douleur,
qui peut être liée à la durée d’impulsion très courte,
aux faibles effets de la thérapie laser de basse puis-
sance (LLLT) dans les zones périphériques de la pré-
paration ou aux effets thermiques réduits dans la
cavité pulpaire, accroît la coopération du patient et
son appréciation du traitement.24 Le bruit du laser,
que l’on nomme « effet pop-corn », dû à l’explosion
des molécules d’eau à l'intérieur des cellules, à l’ori-
gine de l’ablation des tissus, est également moins
dérangeant que le bruit de la turbine dentaire, selon
l’avis des patients.
_Conclusion
Selon l’expérience acquise durant cinq ans dans
les traitements conservateurs de patients ayant des
besoins spéciaux, nous pouvons confirmer que le
laser Er:YAG peut être considéré comme un moyen
très valable d’accroître la coopération, de réduire
l’anxiété liée aux instruments rotatifs et de parvenir
à de meilleurs résultats avec des durées d'inter -
vention similaires ou plus courtes._
Note de la rédaction : une liste de références est disponible
auprès de l’éditeur.
Fig. 3_Application d’un gel à base
d'acide orthophosphorique
à une concentration de 37 % pendant
30 secondes sur la dent (a) et le
fragment (b). Régularisation des
contours de la dent par laser Er:YAG
après le recollement. Aspect final
de la dent après le recollement (d).
16 I Le magazine 4_2015
Pr Dr Carlo Fornaini, Faculté de chirurgie dentaire,
université de Nice Sophia Antipolis, Nice, France.
Service de chirurgie dentaire pour besoins spéciaux
et chirurgie maxillo-faciale, hôpital Guglielmo
da Saliceto, Piacenza, Italie.
Pr Dr Elisabetta Merigo, Faculté de chirurgie dentaire,
université de Nice Sophia Antipolis, Nice, France.
Service de chirurgie dentaire pour besoins spéciaux
et chirurgie maxillo-faciale, hôpital Guglielmo
da Saliceto, Piacenza, Italie.
Dr Fabio Clini, Service de chirurgie dentaire pour
besoins spéciaux et chirurgie maxillo-faciale,
hôpital Guglielmo da Saliceto, Piacenza, Italie.
Dr Matteo Fontana, Service de chirurgie dentaire
pour besoins spéciaux et chirurgie maxillo-faciale,
hôpital Guglielmo da Saliceto, Piacenza, Italie.
Dr Luigi Cella, Service de chirurgie dentaire pour
besoins spéciaux et chirurgie maxillo-faciale,
hôpital Guglielmo da Saliceto, Piacenza, Italie.
Dr Aldo Oppici, Service de chirurgie dentaire pour
besoins spéciaux et chirurgie maxillo-faciale,
hôpital Guglielmo da Saliceto, Piacenza, Italie.
Le magazine
_les auteurs
Fig. 3
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