Formation et pratique médicale en ORL pédiatrique

N
ous savons tous d’expérience que la formation
médicale est très longue et qu’elle se veut au départ
généraliste. Cependant, il est également évident
qu’elle ne peut recouvrir tous les domaines des sciences fonda-
mentales et de l’art médical. Tout au long de notre carrière, cer-
taines choses nous sont imposées et des choix sont nécessaires ;
de ce fait, notre pratique se doit d’être limitée à nos domaines
d’excellence. Cela est vrai, que nous soyons médecin généraliste
ou encore médecin ou chirurgien spécialisé ou hyperspécialisé.
Il nous est en effet impossible de maintenir un niveau de connais-
sances dans tous les domaines, et nous n’avons pas toujours les
capacités ou les talents adaptés à tous les aspects de la pratique
médicochirurgicale. Or, voilà des contraintes qui ne sont pas tou-
jours reconnues. Combien de fois ai-je entendu, sous diverses
formes : “Nous sommes spécialisés en ORL. Nous pouvons tout
faire, et je peux donc tout faire si cela entre dans la sphère ORL ;
je me dois même de tout faire” ? Certes, en théorie, c’est peut-
être incontestable, mais, dans la réalité, sommes-nous sûrs d’assu-
rer les meilleurs soins possibles à nos malades dans ces condi-
tions ? Je pense que nous pouvons très sérieusement en douter.
La pratique médicale ou chirurgicale en pédiatrie, par exemple,
justifie une formation, des talents et une adaptabilité très spéci-
fiques. Tout cela tient à des prédispositions et, surtout, à une for-
mation spécialisée indispensable. L’ORL pédiatrique n’échappe
pas à cette particularité. En effet, la logique voudrait que tout le
monde s’accorde sur le fait que l’exercice médicochirurgical
pédiatrique dans notre spécialité cessite bien une formation
adaptée ; car les nouveau-nés ne sont pas des enfants plus petits,
pas plus que les enfants ne sont de petits adolescents, ni ces der-
niers simplement de jeunes adultes. Chacun sait qu’il n’en est
rien. Or, dans cette hyperspécialité qu’est l’ORL pédiatrique, le
nombre de médecins et de chirurgiens ayant réellement une for-
mation spécifique est assez duit. Cela n’aurait que fort peu
d’importance si, tous, nous savions toujours bien situer nos
l i m i t e s, ce qui est loin d’être le cas... D’autant que s’y ajoute,
pour beaucoup, de façon erronée, la peur de paraître incompé-
tents, s’ils orientaient un malade vers un spécialiste pour une
pathologie courante, ce qui donne des résultats pour le moins
aberrants, voire erronés et coûteux.
Pourtant, nous nous devons d’être, face à nos jeunes malades,
certes efficaces et au fait des connaissances actuelles, mais avec
des gestes médicaux ou chirurgicaux se déroulant dans le calme
et la douceur, et en jouant si besoin est. Il nous faut nous adap-
ter à l’enfant ou à l’adolescent, à sa psychologie, et bannir toute
forme de violence, ce qui n’exclut pas la fermequand elle
s’avère nécessaire. Il faut aussi tenir compte des parents, tout un
art fait de pédagogie, de diplomatie et d’une certaine patience.
Incontestablement, nous ne sommes pas tous prêts ni formés à
cela, alors passons la main si nécessaire.
Maintenant, détaillons un peu cette pratique ORL pédiatrique.
Tout est spécifique. Commençons par l’endoscopie. Celle du tout-
petit nécessite vraiment une formation, tant pour la technique du
geste que pour les pathologies rencontrées ; mais, chez l’enfant
plus grand, il faut aussi une certaine habitude, et surtout une façon
d’aborder le jeune patient, pour lui faire accepter une explora-
tion qui doit se dérouler de la manière la moins traumatisante
possible et avec efficacité. Il en est de même pour l’audiométrie
pédiatrique, qui demande une grande habitude, de la technique
et de la patience pour arriver à une conclusion fiable. Mais que
dire de la chirurgie, qu’elle soit cervicale ou otologique ? Nous
pouvons espérer que personne ne se lance dans des abords laryn-
s ou dans la chirurgie d’un lymphangiome kystique, par
exemple, sans en avoir les compétences, mais, pour d’autres
gestes réputés plus simples ou classiques, qu’en est-il ? La pra-
tique médicale elle-même, telle une banale otoscopie chez un
nouveau-né, peut poser quelques problèmes plus complexes qu’il
n’y paraît et, là encore, une certaine habitude n’est pas inutile.
L’état actuel de la science et de l’art médical et chirurgical impose
de plus en plus une pratique en équipe, évolution difficile pour
des praticiens qui, dans leur grande majorité, sont individualistes ;
or, spécifiquement en ORL pédiatrique, ce travail en équipe est
indispensable et, incontestablement, les pédiatres préfèrent que
leurs jeunes malades rencontrent des ORL formés à cette dimen-
sion pédiatrique.
Voici un exemple qui illustre bien cette cessité d’une formation
spécifique et du travail en équipe. Je me souviens d’un enfant de
9 ans traité – c’était il y a près de 20 a n s depuis 9 à 10 mois pour
a s t h m e ; régulièrement, la mère disait : “Mon fils n’a pas d’asthme,
sa gêne respiratoire ne ressemble pas à celle de son cousin, qui, lui,
est connu pour avoir de l’asthme.” Cet enfant avait vu plusieurs
ÉD I T O R I A L
Formation et pratique médicale en ORL pédiatrique
Pediatric ENT training and practice
J.N. Margo
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La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - n
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292 - mai-juin 2004
* ORL, Valognes.
confrères médecin néraliste, pneumologue et ORL mais aucun
formé à la pédiatrie. Quand la mère décida enfin, par elle-même,
de consulter une pédiatre, celle-ci confirma l’impression de la
mère quant à l’absence d’asthme face à une dyspnée inspiratoire,
et adressa le jeune malade à un ORL spécialisé en pédiatrie pour
une laryngoscopie : le diagnostic de tumeur sous-glottique (tumeur
d’Abrikossof) fut porté. L’enfant fut alors adressé à un “hyper-
spécialiste”. Il fut opéré et, aux dernières nouvelles, qui datent
d’il y a trois ans, il va très bien. Peut-être aurait-il été sage d’écou-
ter la mère dès le départ et de ne pas craindre de passer la main ?
En conclusion, soyons humbles ! Nous faisons tous des erreurs :
le tout est de ne pas persister. Prenons conscience de nos limites,
m a i n t e n o n s au mieux nos connaissances par une formation conti-
nue adaptée et variée, n’hésitons pas à demander avis et à travailler
en équipes formelles ou informelles. Les cancérologues médicaux
et chirurgicaux, les équipes oto-neurochirurgicales, pédopsychia-
triques, audiophonologiques, et bien d’autres, ont su montrer la
v o i e : ne soyons pas en reste pour des pathologies qui ne sont plus
simples qu’en apparence. Tout cela pour une meilleure pratique
médico-chirurgicale et pour le bien de nos jeunes patients.
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La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - n
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