Peut-on encore choisir l`avenir? Prospective du changement

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PEUt-On EnCORE ChOiSiR l'AvEniR ?
Peut-on encore
choisir l'avenir?
Prospective du
changement climatique
Table ronde animée par des membres du GREP-Midi-Pyrénées :
Alain Moultson,
Jean-Marie Pillot,
Jean-Pierre Rouzière président du GREP
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Introduction :Jean-PierreRouzière
Quitte à décevoir certains d'entre vous et en rassurer d'autres, nous ne
sommes pas des experts en prospective et en climatologie… d'ailleurs je crois
que je peux dire que nous ne sommes experts en rien.
Nous sommes devant vous ce soir parce que nous sommes des citoyens. Des
citoyens qui pensent qu'il est urgent de construire une nouvelle citoyenneté qui
prenne vraiment en compte la situation actuelle de l'homme dans ses rapports
avec l'espace et le temps, avec l'organisation du monde, avec la connaissance.
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AlAin MOUltSOn, JEAn-MARiE PillOt, JEAn-PiERRE ROUzièRE
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Pour l'homme contemporain, penser le futur c'est en même temps penser
l'universel. L'universel ne se réduit pas à l'espace mondialisé de l'économie, de la
finance et de la communication, l'universel c'est aussi et avant tout la planète
vivante, notre espace vital…
Au sein de ces deux universels nous sommes donc inscrits dans une double
interdépendance :
- ce que j'appellerai l'interdépendance mécanique de la mondialisation qui
existe maintenant entre tous les hommes, qu'ils le veuillent ou non, embrigadement dans un vaste réseau de communication, d'échanges économiques et culturels, qui est aussi un immense et insidieux réseau de télésurveillance.
- interdépendance mécanique qui a tendance à occulter notre interdépendance
organique avec les êtres et les choses qui, avec nous les hommes, constituent ce
monde. C'est un lien vital qui prend aujourd'hui une dimension nouvelle car les
activités humaines et l'évolution de la planète sont maintenant intimement imbriquées. En effet on parle d'influence « anthropique » sur la planète (d'anthropos
= l'homme et non pas d'entropia qui a donné l'entropie thermodynamique) et Paul
Joseph Crutzen, prix Nobel de chimie en 1995, va même jusqu'à déclarer que
nous sommes entrés dans l'ère de l' « anthropocène », c'est-à-dire une nouvelle
ère géologique où l'homme a maintenant la capacité de modifier la biosphère et
la géologie.
Faut-il nous réjouir de cette puissance « anthropique » ? Je n'en suis pas si
sûr, car le problème est que nous ne savons pas très bien évaluer les conséquences futures de nos actes présents. Ce qui rend difficiles nos rapports avec
l'avenir. Ainsi, comme l'écrit Günther Anders (dans son ouvrage l'obsolescence
de l'homme), nous serions devenus des hommes « qui avancent comme des aveugles tirés par des chiens dont ils ne connaissent pas le nom pour leur donner des
ordres ».
C'est de ce rapport difficile que nous entretenons avec l'avenir que nous aimerions débattre avec vous ce soir.
Mais auparavant nous vous proposons de faire, ou peut-être de refaire pour
certains d'entre vous, un bref parcours du rapport sur le réchauffement climatique, car il illustre bien la situation spatio-temporelle de l'homme contemporain
et met en évidence les conséquences des activités humaines, l'influence anthropique.
Alain Moultson fera un rappel historique, décrira l'organisation du GIEC
(Groupe d'experts intergouvernemental sur l'Évolution du Climat), et nous présentera la méthodologie utilisée pour construire le rapport.
Jean-Marie Pillot nous montrera les résultats, c'est-à-dire les futurs possibles
en termes de climat, à partir de données socioéconomiques, selon les scénarios
sélectionnés par le GIEC, et nous parlera des débats et des controverses entre
scientifiques, mais aussi entre scientifiques et politiques.
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Et pour conclure, je lancerai quelques idées dans le but de faire émerger la
nature des problèmes que devront affronter les nouveaux citoyens, et je ferai la
promotion de la démarche prospective comme moyen d'éclairer notre réflexion
en éclairant l'avenir.
1-PrésentationduGIEC :AlainMoultson
Historiqueetorganisation
Le problème n'est pas nouveau. Depuis 20 ans la question est: Y-a-t-il
réchauffement climatique ? Et si oui, quelle sera son ampleur et quelles en seront
les conséquences ? Le problème est complexe. Nous ne savons pas très bien prévoir le temps de la semaine prochaine, comment connaître le climat dans 50 ou
100 ans ?
Pour nous éclairer l'ONU a décidé de faire appel à des scientifiques. C'est le
Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat. (GIEC). Le
GIEC fut créé en 1988, à la demande du G7, par 2 organismes de l'ONU : l'organisation météorologique mondiale et le Programme des Nations Unies pour l'environnement
LeGIECaobtenuen2007leprixNobeldelapaix.
LeGIECapourmission d'évaluer, sans parti pris et de façon méthodique,
claire et objective, les informations d'ordre scientifique, technique et socio-économique qui nous sont nécessaires pour mieux comprendre les fondements scientifiques des risques liés au changement climatique d'origine humaine, cerner
plus précisément les conséquences possibles de ce changement et envisager
d'éventuelles stratégies d'adaptation et d'atténuation. il n'a pas pour mandat
d'entreprendre des travaux de recherche ni de suivre l'évolution des variables
climatologiques ou d'autres paramètres pertinents
Le GIEC est donc une association de pays. Ses membres sont des nations.
Chaque pays dispose d'une voix. Les 3 000 personnes qui y siègent sont accréditées par leur gouvernement et ont pour mandat « d'expertiser l'information scientifique, technique et socioéconomique qui concerne le risque de changement
climatique »
Le GIEC est organisé en trois groupes de travail (le phénomène du changement climatique ; les conséquences de ce changement et ce qu'on peut faire pour
s'y adapter ; les possibilités de maîtriser les émissions de gaz à effet de serre)
avec en plus une équipe spéciale chargée de l'inventaire de l'émission de gaz à
effet de serre pays par pays.
La désignation des personnes de chaque groupe se fait suivant une procédure
complexe. Ainsi pour chaque groupe le bureau comprend deux co-présidents,
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(l'un d'un pays développé, l'autre d'un pays en développement) et six membres
représentant les diverses régions du monde.
L'assemblée plénière est composée de représentants des Etats, mais ce sont
les deux scientifiques co-présidents du groupe concerné qui orientent les débats
en assurant la présidence des sessions, et recueillent l'aval des responsables d'un
chapitre, avant toute modification.
Parmi les membres qui représentent la France on trouve des astronomes du
Pic du Midi, des météorologues de Météo France, des aérologues du laboratoire
d'aérologie de Toulouse, des biologistes et des agronomes de l'Inra, des dendrochronologues, … mais aussi des ONG qui représentent les Ecologistes, et aussi
les entreprises pétrolières, les fournisseurs d'énergies, etc.
Le GIEC n'est pas un organisme de recherche, mais un lieu d'expertise qui
synthétise les travaux menés dans les laboratoires du monde entier.
Laprospective
Jusqu'en 1996 on utilise des modèles de "prédiction" qui permettent de définir le futur le plus probable. Mais ces modèles probabilistes conduisent à de
grandes incertitudes. Par exemple pour 2008 on prévoyait une émission de gaz à
effet de serre comprise entre 4 et 28 Gt de Carbone.
C'est lors du lancement du troisième rapport du GIEC, en 1998, qu'on ouvre
la voie de la modélisation qui n'est plus fondée sur les probabilités.
Laméthodedesscénarios
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La méthode des scénarios permet d'explorer les futurs possibles en vue
d'éclairer l'action présente.
Déjà pour Jean Baptiste Say le temps est un des paramètres des sciences économiques. Mais c'est en 1972 avec le rapport du Club de Rome "Halte à la
Croissance" que l'on situe le début de cette réflexion pour la période actuelle. On
distingue, en théorie, deux types de scénarios : soit « je souhaite obtenir un résultat futur : alors que dois-je faire dans le présent ? » ; soit « je connais le présent :
que peut-il se passer dans l'avenir ? » C'est la deuxième méthode qui est choisie
par le GIEC
La construction des scénarios doit combiner l'évolution des variables de
manière cohérente, pertinente, et vraisemblable. Les scénarios ne peuvent donc
pas être totalement arbitraires. Mais aucun argument ne permet de trancher définitivement sur la probabilité de chaque scénario. Aucun scénario ne peut envisager de catastrophe (guerre, épidémie, météore, accident nucléaire, dégel des
plaines sibériennes…)
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L'enjeu est de définir au mieux les conditions économiques et techniques de
plusieurs avenirs possibles, d'en déduire les conséquences pour les décisions d'aujourd'hui et de comprendre comment le court terme conditionne le long terme.
Ce qu'il convient de retenir c'est que ces modèles sont plus des outils de compréhension des mécanismes en jeu que des outils de prédiction. Ce qui permet de
se focaliser sur la question centrale, celle des liaisons entre les changements
techniques, les changements des modes développement et les mécanismes économiques.
Lesscénarios
(Figure provaenant du rapport GIEC)
Le GIEC a ainsi retenu 6 scénarios SRES (Special Report on Emission
Scénario). Ce sont des "expériences numériques" qui combinent des hypothèses
sur la globalisation économique, les styles de vie, la technologie, l'inertie des tendances en cours etc.
Les scénarios retenus par le GIEC se construisent autour de 4 tendances
lourdes qui s'opposent deux à deux (globalisation de l'économie mondiale ou
maintien d'une régionalisation, par exemple) et l'accent est mis sur le développement économique ou sur un souci environnemental.
Autour des tendances lourdes on a organisé les variablesclés : le développement économique et social, le progrès technologique, la démographie, la
consommation énergétique, l'utilisation des sols.
En une première approche le GIEC n'a retenu que 6 scénarios.
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Voici classifiés et résumés les 6 scénarios finalisés pour le rapport du GIEC
de 2001.
Les scénariosA1 : il y en a 3, avec des Hypothèses communes : Un seul
monde, (les différences régionales s'estompent), une croissance économique
rapide, une augmentation de la population jusqu'en 2050 et l'Introduction rapide
de technologies efficaces
Mais on a considéré qu'il était utile de conserver des hypothèses divergentes
quant aux 'énergies utilisées. On a ainsi les scénarios :
A1-FI:le charbon, le pétrole et le gaz restent les sources principales d'énergie.
A1-T: développement de nouvelles technologies fondées sur les énergies
renouvelables.
A1-B: équilibre entre les énergies fossiles et les autres sources d'énergies
renouvelables.
Le scénarioA2 : Le monderestetrèsdiversifié en grandes régions : Asie,
Afrique centrale, Europe…
Les identités locales restent fortes, la population continue de croître jusqu'en
2100, la croissance par habitant est plus faible que dans A1
LescénarioB1 :Uneconvergencemondialeavecuneattentionsoutenue
pourl'environnement.
Une augmentation de la population jusqu'en 2050, les structures économiques
changent rapidement vers une économie globale de services et d'information, une
réduction de la consommation des matières premières et introduction de techno-
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logies propres et efficaces, l'accent est mis sur des solutions économiques,
sociales et environnementales y compris une amélioration de l'équité, pas d'initiatives climatiques.
LescénarioB2 :L'accentestmissurundéveloppementrégional.
Une augmentation continue mais faible de la population, une grande diversité
de solutions technologiques, une amélioration de l'équité et de la protection de
l'environnement.
Lamodélisation
C'est le domaine des mathématiciens et des informaticiens. Modéliser, c'est
représenter par des équations mathématiques les principales lois qui régissent le
scénario, et créer des logiciels permettant de faire évoluer les divers paramètres
en fonction du temps.
Ce qui pose des problèmes difficiles parce que des processus qui ont une
importance significative doivent être représentés de manière simplifiée, ou paramétrée, comme la démographie ou la technologie. Ces simplifications sont la
première source d'erreur dans la construction des modèles eux-mêmes. Ces simulations posent le problème des incertitudes qui y sont associées.
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Ces scénarios servent de base aux « modèles mathématiques » qui permettent
de chiffrer en termes socio-économiques chacune des hypothèses. Concrètement
les 6 scénarios retenus ont été soumis à 40 modèles différents (ce qui a nécessité
ensuite un tri des résultats pour éliminer les valeurs trop discordantes), et résumés en 6 scénarios économiques chiffrés.
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Pour des raisons de lourdeur des calculs, dans le rapport de 2007, on n'a
retenu que 3 scénarios qui ont été traités par 23 modèles mathématiques climatiques. Avec autant d'incertitudes qu'à l'étape précédente. Ce sont les résultats de
calculs qui servent de base aux cartes, aux graphiques, aux rapports.
Lesrapports.
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L'élaboration des rapports se déroule en quatre temps :
1. Elaboration d'un rapport interne diffusé aux membres de chaque groupe.
2. Relecture par les spécialistes de ce premier projet. Les commentaires reçus
sont regroupés ligne à ligne.
3. Rédaction de la deuxième version
4. Examen par les gouvernements et les spécialistes du deuxième projet de
rapport : ici l'influence politique reprend un certain poids, limitée par le caractère
scientifique obligatoire des commentaires.
Cette deuxième série de critiques est traitée exactement comme la première.
C'est le résultat de cet exercice qui sera soumis à l'approbation de l'assemblée
générale.
Lesquatrerapports
1990 - Le premier rapport confirmait les informations scientifiques à l'origine
des préoccupations sur le changement climatique. L'ONU propose une
Convention-cadre sur les changements climatiques adoptée en 1992 et entrée en
vigueur en mars 1994.
1995 - Second rapport « Changements climatiques 1995 » : il a fourni les
bases de négociation du protocole de Kyoto
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2001 - Troisième rapport « Bilan 2001 des changements climatiques » : il
comprend les trois rapports des groupes de travail et un rapport de synthèse sur
les questions scientifiques directement liées avec les politiques à suivre
2007 - le quatrième rapport, 2007, qui fut précédé de trois rapports échelonnés (le 1er février (Paris), le 5 avril (Bruxelles), le 3 mai (Bangkok), du 12 au
17 novembre à Valence
2-ScénariosSocio-Economico-Technologiques :Jean-MariePillot
Je vais maintenant entrer dans le détail du rapport 2007. Pour cela je vais
commencer par préciser la partie Socio-économique qui correspond à la première
partie de la méthode.
Pour des raisons de simplification, seuls 3 scénarios ont été utilisés en 2007
par le GIEC.
Ce sont maintenant ces scénarios que je vais vous décrire.
D'abordlaPopulation
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C'est la 1ère variable clé.
-2 scénarios sont proches, fondés sur une convergence des économies mondiales. Dans ces 2 cas la population arrive à un maximum d'environ 9 Milliards
d'humains en 2050 pour décroître ensuite vers 7 Milliards en 2100 du fait de la
convergence des modèles familiaux.
-Le scénario A2 intègre lui une poursuite de la croissance globale de la population humaine pour atteindre un chiffre de 15 Milliards en 2100. Dans un monde
qui se referme sur des blocs régionaux (l'Asie, l'Afrique, l'Occident…) les
modèles coutumiers persistent avec un nombre d'enfants élevés.
LeMixénergétiqueglobal
Je vais m'attarder davantage sur cette courbe assez complexe et qui décrit la
répartition de l'usage entre les différents modes énergétiques.
Ce diagramme a été animé avec mon fils Rémy et j'espère pouvoir clarifier
pour vous sa signification.
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D'abord chaque point à l'intérieur du triangle représente un mix énergétique
utilisé par l'homme à un instant T. Il y a 3 points singuliers:
-Tout en haut 100 % de notre énergie viendrait de l'énergie fossile liquide,
pétrole et gaz.
-Tout en bas à gauche, 100 % de notre énergie viendrait du charbon, du
lignite et plus généralement des énergies fossiles solides.
-Enfin en bas à droite, le point correspondrait à 100 % d'énergie propre du
point de vue « Gaz à effet de serre ». Ce sont les énergies renouvelables, solaire,
éolien, hydraulique, … et l'énergie nucléaire qui n'émet pas de « Gaz à effet de
serre ». C'est également en ce point que se situe l'énergie humaine et animale qui
est renouvelable et n'émet pas de « Gaz à effet de serre ». L'humanité est partie
de ce point, en ne faisant appel qu'à sa propre force physique.
Sur ce triangle, on va voir maintenant l'histoire de l'énergie : c'est la courbe en
noir. Entre 1850 et 1900, l'humanité est passée d'un mix énergétique à base de
moulins à eau et à vent pour aller vers une utilisation de plus en plus importante
du charbon pour le chauffage et les machines à vapeur.
Entre 1900 et 1990, on est passé dans l'époque du pétrole et du gaz qui se
sont progressivement substitués au charbon et ont amené la croissance économique que l'on connaît.
C'est à partir de 1990 que l'on va faire diverger les 3 scénarios.
-D'abord le scénario A1B. C'est un scénario dans lequel les nouvelles technologies renouvelables se développent avec des voitures hybrides, piles à combustibles, économie hydrogène. On revient donc progressivement vers le point en bas
à droite
-Le scénario A2 correspond à un retour progressif au charbon. On sait que
nous ne sommes pas loin du « peak oil », Nicholas Sarkis est venu nous en parler. 2010 ou 2030 ? La date est imprécise mais on sait qu'elle est proche de nous.
A contrario on sait aussi que le charbon reste disponible au-delà de 2100. Le scénario A2 privilégie un développement économique local. La Chine, par exemple,
riche en charbon, utilisera à plein cette énergie bon marché.
-Le scénario B1 intègre une forte propension à la préoccupation écologique,
et le mix évolue également vers le renouvelable, mais les innovations sont plus
lentes que dans le A1B.
Cette figure complexe me semble bien illustrer les « canevas » qui sont derrière chaque scénario, et la complexité des variables socio-économiques à prendre en compte pour aboutir à des données chiffrées pour 2100. La figure est
extraite de documents de travail des experts du GIEC, vous aurez remarqué qu'il
y a des éléments que je n'ai pas commentés et qui correspondent à des zones d'incertitude ou à des scénarios non pris en compte en 2007par le GIEC.
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Leschiffressocio-économiquesdes3scénarios
Voila la synthèse des données chiffrées socio-économiques.
Dans les 3 scénarios qui ont été utilisés en 2007.
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-Le scénario A1B est celui qui conduit à la richesse globale la plus importante. Il correspond dans la littérature prospectiviste à l'approche entrepreneuriale, incluant un progrès technologique fort. Les Technologies de la
communication y jouent un rôle important. Dans les scénarios de Shell, il est
nommé « Nouvelles frontières » Grâce à la globalisation, les Pays du Sud se
développent et le ratio d'inégalité avec le Nord se réduit à 1,6 alors qu'il est de 16
actuellement.
-A2 correspond à un monde plus différencié, avec moins d'échanges et donc
moins de diffusion technologique. La richesse est moindre et moins bien répartie.
Le ratio d'inégalité Nord/Sud reste à 4,2. Dans la littérature prospectiviste, c'est
le scénario de Shell qui s'appelle « Barricade », et il reflète le choc des civilisations de Huntington.
-Enfin B1 est le scénario dit le plus utopique. Dans la littérature prospectiviste, il correspond à « Ecotopie » de Wilkerson. Chez Shell, c'est « Monde durable ». Il comprend une redistribution massive des revenus au niveau mondial et
une orientation vers les technologies propres et les services orientés vers la
Qualité plutôt que la Quantité. On s'intéresse plus au « Bonheur National Brut ».
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Résultatsdessimulationsclimatiques
Maintenant que nous avons les données socio-économiques et leurs conséquences sur les émissions de « Gaz à effet de serre », nous faisons appel aux climatologues.
C'est la suite de la méthode (la partie basse de la figure représentant « la
méthode ») qui va nous permettre d'obtenir les chiffres climatiques à l'horizon
2100.
Températuresmoyennes.
Sur cette courbe on voit les résultats des prévisions de la température
moyenne à l'horizon 2100
-Pour A1B on arrive à 2.8° de plus. C'est la courbe verte. On voit tracée
autour d'elle une zone verdâtre correspondant aux incertitudes des modèles.
-Pour A2, on arrive à 3.6° de plus.
-Pour B1, 1.8° de plus.
Cette courbe est intéressante également à d'autres titres :
D'abord la courbe en noir entourée de sa zone d'incertitude correspond à l'utilisation rétroactive des modèles sur les données depuis 1900. On voit qu'ils sont
proches de ce qui s'est réellement passé.
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Ensuite la courbe en Orange présente les résultats des modèles si la concentration en CO2 restait inchangée. L'écart avec les scénarios correspond au caractère anthropique du changement climatique.
Le GIEC en 2007 est très affirmatif sur l'origine anthropique de l'augmentationdetempératuremoyenneen2100 !
Prévisiondetempératuresmoyennesdesdifférentes
régionsdumonde
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Je ne vais pas commenter cette vue, si ce n'est pour dire que l'augmentation
de température ne sera pas homogène. Vous voyez en particulier que le pôle
Nord voit sa température augmenter de 7° environ. Et nous sommes là dans le
scénario A1B qui n'est pas le pire !
Autres impacts
Le GIEC ne s'est pas contenté de prévoir la variation de température.
Intégrant des biologistes et des écologistes il a exprimé sous forme de probabilités les impacts sur l'environnement des variations du climat.
C'est assez abscons à lire, du fait de la prudence de la méthode scientifique.
Surl'eaudouce
● Forte Probabilité :
■ Variations régionales fortes de -30% à +40%
■ Augmentation des risques d'inondations
■ Réduction des glaciers
● Très Forte Probabilité: mise en place de politiques d'adaptation
Ecosystèmes
● Forte Probabilité :
■ Le seuil de résilience sera dépassé
■ Conséquences négatives sur la biodiversité
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ForêtsetAgriculture
● Forte Probabilité :
■ Sécheresses et inondations affecteront les productions locales
de façon négative
■ Conséquences négatives sur l'aquaculture et la pêche
Santé
● Très Forte Probabilité
■ Les impacts varieront fortement d'une région à l'autre
Débatetincertitudesscientifiques
Alain Moultson vous a expliqué que les résultats du GIEC correspondent à un
consensus établi entre les scientifiques et les représentants des états. Nous voulons évoquer ici les nombreux débats qui restent ouverts.
-Lecatastrophismejournalistique
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Comme vous le voyez, les journalistes ne se privent pas d'images catastrophistes.
Cette photo est issue de Paris-Match d'Avril 2007. On y voit Nantes, Lille,
Bordeaux, Paris sous les eaux. Cela ne correspond en rien aux prévisions du
GIEC !
Attention donc à ces images catastrophistes dont on nous rebat les oreilles.
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Ledoutescientifiqueexonère-t-ildelalutte ?
Il y a des scientifiques comme Claude Allègre qui considèrent que le GIEC
est trop consensuel. J'ai lu son livre « Ma Vérité sur la planète », et quand on
creuse, on se rend compte qu'il s'oppose surtout aux écolo-intégristes et en particulier à Nicolas Hulot. Pour lui l'ordre des priorités est autre : l'eau, les déchets,
l'énergie et ensuite seulement le changement climatique. Je classerais Allègre
dans un scénario A1T ++ Techno-optimiste. « La technologie résoudra tous nos
problèmes ! »
Il y a bien sûr d'autres opposants. On les trouve en particulier sur le Web à
www.climat-sceptique.com
Pour conclure ma partie, je dirai que le travail du GIEC est impressionnant
par sa méthode. C'est la première fois qu'une telle approche multidisciplinaire est
utilisée dans une tentative de gouvernance mondiale. Il nous appartient d'en comprendre les enjeux, et je laisse la parole à Jean-Pierre Rouzière pour positionner
le débat.
3-L'éclairagepardesétudesprospectives :
Jean-PierreRouzière
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Ce rapport du GIEC met en évidence les questions essentielles que nous
devons nous poser. Je vais en évoquer succinctement quelques unes qui m'ont
paru particulièrement signifiantes et qui permettront d'ouvrir le débat : la place
importante sinon prépondérante qu'occupe la technologie ; les tensions entre le
local et le mondial, et entre le présent et le futur ; l'impression de démesure et de
complexité des enjeux qui se présentent à nous ; le rôle grandissant des experts ;
la difficulté à saisir la réalité.
Dans nos sociétés dites avancées la technologie est devenue le moteur de
l'avenir. On pourrait presque dire que notre destin est technologique. D'ailleurs
certains le pensent vraiment : les tenants du tout technologique, auxquels appartient sans doute monsieur Allègre, nous déclarent sans ambages que la technologie peut tout résoudre… même l'impossible. Prétention démesurée à la mesure de
leur démesure ! Mais pour nous citoyens, la question qui se pose est la suivante :
« Comment se décident les orientations technologiques ? » C'est une question
cruciale parce que les choix technologiques pèsent lourdement sur l'avenir de
l'humanité.
Que savons-nous exactement, nous les citoyens, des options qui s'offrent, des
avantages, des risques, des enjeux économiques et sociaux, des conditions de
mise en œuvre ? Si nous ne savons pas, alors il faudra chercher à savoir, pour
pouvoir exprimer une opinion, sinon c'est une partie importante du choix de
« notre » avenir qui nous échappera. Et dans le « notre » de « notre avenir », j'inclue l'humanité entière et les générations futures.
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L'humanité est une communauté de destins dans l'espace et dans le temps.
Mais au sein de cette communauté surgissent des tensions entre les intérêts
locaux et les intérêts mondiaux ou plutôt l'intérêt universel, entre les intérêts présents et l'intérêt futur, c'est-à-dire entre les générations. Ces tensions existent tant
au niveau des pays, des collectivités diverses qu'au niveau des individus. Cette
question est bien connue, je ne la développerai donc pas.
Je voudrais quand même dire que nous, qui vivons ici et maintenant, devrons
apprendre à penser l'entièreté du monde et à nous projeter dans un futur qui nous
paraît lointain. En quelque sorte élargir notre solidarité horizontale dans l'espace
et allonger notre solidarité verticale dans le temps jusqu'à un siècle et plus. Bref
apprendre à aimer plus de gens y compris certains que nous ne connaîtrons
jamais !
Ces nouvelles dimensions de notre existence dépassent-elles nos capacités
d'appréhension et de compréhension ?
Il est vrai que parfois on peut avoir l'impression de vivre dans un monde de
démesure et de complexité où l'homme n'est plus la mesure de toute chose. Car il
est dépassé, surpassé par les performances de ses propres produits et par la complexité des organisations qu'il a mises en place. C'est pourquoi la dimension cognitive - c'est-à-dire notre capacité à comprendre le monde dans lequel nous
vivons - est à mon sens un enjeu citoyen de la première importance.
Si nous ne parvenons pas à inscrire nos pensées et nos actes, comme nous
devons le faire pour l'espace et le temps, dans les dimensions des organisations
qui interviennent dans la gouvernance de notre avenir, dans les dimensions
ouvertes par les savoirs nouveaux, dans les dimensions parfois incertaines des
conséquences possibles de ces savoirs, alors nous laisserons notre destin, et celui
de nos enfants, entre les mains des experts et autres contre-experts qui sont directement ou indirectement entretenus par les puissants de ce monde.
Je ne suis pas vraiment préoccupé par nos capacités cognitives. Ce qui m'inquiète le plus c'est la difficulté que nous avons à saisir la réalité et à prendre vraiment conscience des enjeux de l'avenir.
Ainsi avec la télévision et internet, et toute la panoplie numérique dont nous
disposons maintenant, nous recevons et nous consommons à domicile la réalité
du monde comme nous recevons et consommons l'eau courante ou l'électricité.
Mais c'est une réalité fantôme qui nous rend aveugles à la vraie réalité. Les
images télévisuelles sont un aveuglement. Et une nouvelle fois je fais appel à
Günther Anders qui, déjà en 1956, expliquait que, non seulement nous sommes
aveugles à la réalité du monde mais que nous sommes aussi aveugles à notre propre aveuglement, parce que, recevant des images en permanence, nous ne pouvons nous rendre compte que nous sommes devenus aveugles à la réalité
essentielle du monde et de la vie.
En outre cette permanente surabondance d'images nous empêche de prendre
du recul et nous fait perdre la notion du temps. Nous sommes entraînés dans une
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« normalité rampante » comme le souligne Jared Diamond. On ne voit plus le
monde évoluer puisque le présent c'est déjà l'histoire. On nous parle de tout, tout
le temps. Tout est banalisé, même l'essentiel. Tout est mélangé donc tout est
confus.
A cause de cette difficulté à voir la réalité et son évolution, je crains un glissement éthique, c'est-à-dire une adaptation progressive et subreptice de nos idées
et de nos comportements à cette normalité rampante, en particulier à nos capacités technologiques, où petit à petit ce qui est possible devient ce qui est permis…
et avec la caution de comités d'experts en éthique !
Et nous savons bien que les choix éthiques sont fondamentaux pour la détermination de notre avenir car ils orienteront la plupart de nos autres choix.
Il est évident que nous avons besoin d'un éclairage qui nous rende plus visibles, plus lisibles, les enjeux de l'avenir. Et pour que cet éclairage soit le plus
impartial possible, c'est aux citoyens à le mettre en œuvre.
Au GREP, nous voudrions tenter une démarche dans ce sens en nous
appuyant sur l'approche prospective car nous pensons qu'elle constitue un exercice instructif et fécond, notamment au cours du travail de préparation des scénarios qui nous pousse à penser l'avenir, car penser l'avenir c'est déjà le choisir.
Il ne s'agit évidemment pas de devenir des experts en prospective. Il s'agit de
faire ressortir des futurs possibles. Ce que nous pouvons donc faire, c'est :
- nous réunir - avec ou sans experts en prospective - pour discuter des choix
citoyens qui devraient servir de base à la construction des scénarios du futur.
- inviter les prospectivistes à venir travailler avec nous et leur demander de
faire des efforts pour être intelligibles.
- décliner des scénarios que nous aurons sélectionnés en termes d'actions
citoyennes à mettre en œuvre pour rendre concret ce qu'il faudrait promouvoir.
Une telle entreprise ne peut réussir que si certains d'entre vous, adhérents et
public du GREP, venez travailler avec nous, chacun selon ses disponibilités. Il
nous faudra sans doute inventer des moyens de travailler suffisamment souples et
ouverts pour rassembler le maximum de gens et accueillir le maximum d'idées.
C'est au cours de la réunion d'ouverture que seront définies les modalités de
travail. Venez vous inscrire à la fin de la réunion. Et maintenant que le débat
s'instaure.
Débat
PARCOURS 2007-2008
PEUt-On EnCORE ChOiSiR l'AvEniR ?
Unparticipant - Une remarque sur les projections démographiques : l'ONU
fait chaque année des projections, jusqu'à 2050, plus rarement jusqu'à 2100, qui
ne donnent pas tout fait les mêmes résultats que ceux que vous avez utilisés :
c'est 8.5 milliards habitants en 2050 et pas 12 ou 14. A2 ne repose pas sur des
valeurs généralement acceptées. L'autre remarque est que le GIEC est obligé de
conserver le même scénario pour tester tous les modèles, or les scénarios deviennent obsolètes, mais il est délicat d'en changer entre 2 rapports, parce que si l'on
change on ne sait plus où l'on va.
Jean-MariePillot- La méthode prospective est une méthode qui ne dit pas
que l'avenir soit conforme aux scénarios. Les scénarios présentent des extrêmes.
On part sur des variables que l'on considère comme fondamentales, et sur cette
base là on a une gamme de futurs possibles, mais à aucun moment la méthode ne
prétend que l'avenir sera comme ça. Le futur devrait être entre ces deux courbes.
Le GIEC est relativement cohérent avec l'ONU, mais il est clair qu'il ya des scénarios extrêmes comme le A2. Je pense que dans cette salle personne ne souhaite
qu'A2 se réalise. A2 est un monde dans lequel on a des régions qui se recroquevillent sur elles-mêmes, où l'on a le plus fort accroissement des températures,
mais c'est un scénario possible. Et donc le GIEC intègre cet élément là dans les
calculs climatologiques.
Par rapport à votre question il est vrai qu'en 2007 on a remis à jour les scénarios de 2001. Vous admettrez que par rapport à 2100, entre 2001 et 2007 çà fait
peu de choses.
Unparticipant- Comme vous l'avez si bien dit, le GIEC est un organisme
de l'ONU. Il y a quelque chose de gênant si on regarde les scénarios d'une
manière simpliste et rapide, c'est la globalisation qui est favorisée. Pourquoi dans
le scénario A2 la population ne pourrait-elle se limiter à 7 milliards d'habitants
sur la planète ? Quand la globalisation est retenue la population n'augmente pas
de façon extraordinaire, mais si on reste dans une certaine régionalisation (qu'on
peut considérer comme plus humaine)… Je ne suis pas pour une globalisation, je
suis au GREP et dans d'autres associations qui ne recherchent pas la globalisation. Je vois qu'elle est favorisée par certains paramètres, comme l'augmentation
de la population.
Jean-Pierre Rouzière - Les scénarios sont les résultats d'hypothèses. On
pourrait avoir cinquante scénarios. Comme il a été dit précédemment : « un scénario n'est pas une prévision ». Selon les choix qui sont faits émergent des tendances qui nous aident à mieux évaluer les conséquences de certaines actions.
AlainMoultson- Nous pouvons passer la soirée à dire « si les glaciers fondent… », ce n'est pas ce qui est important, même si c'est ce que la presse diffuse,
comme Jean- Marie l'a montré. Ce qui est intéressant dans le travail du GIEC, et
nous sommes loin d'en avoir fait le tour, ce sont les mécanismes : en clair, si on
suppose une amélioration du niveau de vie dans le monde, cela aura pour conséquence une moindre croissance de la population, c'est comme cela que l'on a un
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AlAin MOUltSOn, JEAn-MARiE PillOt, JEAn-PiERRE ROUzièRE
pic de population en 2050. Et pas parce que des gens ont dit « supposons que la
population décroisse en 2050 ».L'intérêt du travail du GIEC est de sortir du calcul strictement linéaire du type « la population mondiale double chaque 50 ans ».
En fait le GIEC démonte un peu la mécanique.
Jean-Pierre Rouzière - Le débat montre qu'il semble difficile de situer la
réalité. Ce que l'on sait c'est qu'il va se passer quelque chose si nous ne réagissons pas. Ne nous laissons pas trop embarquer dans les débats et les controverses
qui mobilisent nos esprits. C'est pourquoi je propose que l'on s'empare tout simplement de la chose. Cela peut paraître énorme comme proposition mais on
pourra toujours mettre en doute certaines hypothèses. Car il y aura toujours des
controverses entre les politiques et les scientifiques, entre les scientifiques entre
eux. La réalité risque de nous échapper alors que les enjeux sont monumentaux.
Unparticipant - Je veux faire une remarque sur la difficulté qu'ont les scientifiques à définir les paramètres sur lesquels travaillent les gens du GIEC.
Aujourd'hui il y a une parcellisation des savoirs qui rend difficile le choix des
paramètres. Vous avez cité Allègre, c'est un exemple typique parce qu'il a une
grande gueule, mais il faut savoir que c'est l'Institut de physique du globe de
Paris qui pose problème. L'Institut de physique du globe, ce n'est pas rien. Il y a
eu récemment dans « Le Monde » un débat entre Vincent Courtillot et d'autres
personnes, qui montre bien que poser les hypothèses de travail pour des gens
comme le GIEC est très difficile à faire. Il faut savoir que déjà au départ il y a
des difficultés. Comment agir et revenir vers ce que disait Jean-Pierre : qu'il faut
une intervention du citoyen ; mais comment ? A quel niveau ? Et quand intervenir ? C'est cela le point le plus important pour nous.
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Un participant - Je voudrais prolonger l'interrogation précédente. J'ai lu
une version plus courte (de 150 pages : c'est complexe mais c'est lisible).
Effectivement dans le rapport il y une manière de favoriser la globalisation au
sens de la « mondialisation heureuse » d'Alain Minc qui serait le paradigme
indépassable et notre objectif nécessaire. Le rejet de monde multipolaire considéré comme dangereux. Est-ce que le monde multipolaire c'est forcément la
terreur et seulement ça ? Bien sûr, du point de vue de ceux qui voudraient amener l'ensemble de la planète sous la coupe de la globalisation sous dominance
occidentale, c'est diabolisé parce que c'est la perte de marché des trois quarts
de la planète. Mais l'histoire que nous vivons depuis quelque temps nous montre que ce n'est pas inéluctablement ça. Par exemple en Amérique du sud sept
pays sont en train de s'autonomiser pour rembourser leurs dettes au Fonds
Monétaire International et créer une banque du Sud pour couper le cordon
ombilical avec la dominance économique du Nord, est ce pour arriver à un avenir apocalyptique où les Brésiliennes se mettraient à faire douze enfants et
tomberaient dans la misère ? Je ne crois pas. C'est une pensée raisonnable de
leur avenir. Je dirai la même chose de la Chine qui est en pleine émergence, qui
PARCOURS 2007-2008
PEUt-On EnCORE ChOiSiR l'AvEniR ?
est perçue comme une menace parce qu'elle refuserait de s'allier à l'Occident.
Une tendance forte imagine que dans quelques années on reviendra à un monde
multipolaire, et la globalisation sera perçue comme une tentative qui s'est avérée être un échec. Echec du point de vue de ceux qui la défendaient, mais estce un échec pour l'humanité ? Je ne dirais pas ça. On ne peut pas faire le procès
aux peuples de l'Asie du Sud-est ou d'Afrique, d'avoir l'inintelligence de ne pas
maitriser eux même leur problème démographique. La Chine l'a déjà fait. Je ne
suis pas sûr que les scénarios catastrophe ne soient pas fabriqués par un prérequis idéologique. Les onusiens, sont tous dans la pensée Alain Minc et diabolisent ce scénario A2 qu'on a même mis en rouge pour qu'il fasse plus peur. Il y
a un métalangage dans la manière de le montrer qui a un sens, et je crains qu'il
y ait un vice dans le concept même de ce processus (qui est par ailleurs remarquable par tout ce qu'il apporte de données recueillies et analysées). Je n'attaque pas le GIEC, son travail est intéressant et certainement indispensable. Par
contre dans l'interprétation qui en est faite on n'échappe pas à l'emprise idéologique. Je pense à ça pour deux raisons. Par exemple vous avez dit à propos de
certains indicateurs qu'on avait testé les modèles du GIEC sur le rétrospectif
qui était vérifiable, et qu'on a appliqué les modèles du GIEC aux données qu'on
avait en 1900 pour voir si entre 1900 et 1960 ces modèles arrivaient à ce qu'on
a effectivement constaté. C'est une démarche scientifiquement intéressante qui
permet de valider une méthode avant de l'appliquer. Mais si on fait la même
chose sur des indicateurs sociaux on verra que ces modèles se sont plantés. Du
temps de la colonisation la durée de vie d'un colon par rapport à un colonisé
était d'une fois et demie. La durée de vie du colonisé était de l'ordre de 40 ans
et celle du colon de l'ordre de 55 ans. Depuis la fin de la colonisation la durée
de vie du Nord est plus de deux fois celle du Sud et dans certaines zones on
arrive à quatre fois plus. Il y a une extension de l'écart sur les indicateurs
sociaux que ne montre pas le schéma. On a choisi les critères qui allaient dans
le sens de ce que l'on voulait montrer et quand on dit que les inégalités NordSud seraient réduites dans le scénario A1 on est dans le déni de ce qu'on
constate parce que les inégalités économiques Nord-Sud en termes économiques, en termes de durée de vie et en termes de nuisances potentielles ne se
réduisent pas, elles sont en train de s'accroître dans le processus de globalisation. Et certaines régions du monde qui choisiront de sortir de ce processus
sous-tendu par une idéologie et un modèle économique unique s'en sortiront
mieux que d'autres. Sans être trop long sur les facteurs d'impact, on a voulu
dépolitiser le GIEC au point d'exclure tous les facteurs d'impact géopolitiques
et géostratégiques. On sait maintenant que le climat va créer des migrations climatiques, par centaines de millions d'individus. On sait qu'il y aura des tensions géostratégiques pour l'eau et pareil pour un tas de trucs. Et ça, c'est mis à
l'écart parce qu'on ne veut pas le gérer.
Jean-Pierre Rouzière - C'est une raison de plus pour ne pas laisser les
experts prendre en charge l'avenir. C'est exactement ce que j'ai dit. Et la construcPARCOURS 2007-2008
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tion des scénarios c'est très intéressant parce qu'on peut s'emparer d'un scénario
et en faire un projet de société. C'est pour cela qu'il ne faut pas laisser les autres
faire les projets à la place des citoyens. A mon avis c'est là-dessus que doit porter
le débat.
Uneparticipante - Si vous le permettez je voudrais resituer le GIEC où il y à
des experts climatologues. Pour définir des scénarios socio-économiques ils ont
fait appel à des spécialistes en dehors du GIEC. Ils ont demandé à ces spécialistes des données socio-économiques qui conduisent à des données sur les émissions de gaz à effet de serre et en tant que spécialistes du climat ils ont mis ces
données de production de gaz à effet de serre dans leurs modèles mathématiques
climatiques pour en déduire différents scénarios d'évolution de climat. Avec les
résultats attendus ils en ont tirés des conclusions, fait des synthèses. Et c'est à
d'autres personnes d'en tirer les conséquences. Ils se sont contentés de l'aspect
climatique.
Jean-Pierre Rouzière - Le GIEC est bien un ensemble : on y trouve des
socio-économistes qui fournissent des canevas avec des présupposés idéologiques que nous ne nions pas. Ces canevas ont été construits par des socio-économistes et non par des climatologues. Les climatologues ne sont pas là. Les
climatologues interviennent en bas. Nous avons eu des réunions avec des gens de
Météo-France de Toulouse qui disent : on nous donne des scénarios chiffrés et
nous faisons tourner nos modèles climatiques. Ils nous disent, et je me mets là
dedans, nous sommes des « bêtes scientifiques » neutres du point de vue idéologique. Mais le GIEC c'est l'ensemble, c'est des économistes, des sociologues, des
météorologues, des biologistes, des écologistes, les 3 000 scientifiques dont on
parle ne sont pas tous des climatologues. Le rapport du GIEC c'est l'ensemble de
tout ça. C'est bien un rapport global.
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Unparticipant - Ce qui me frappe c'est que ces scénarios sont dans la probabilité. Cela se comprend bien puisque les facteurs sur lesquels les scientifiques
travaillent sont des paramètres sur lesquels on n'a pas de prise. On n'a aucune
certitude sur l'évolution des ressources énergétiques, les inventions sont un effet
de surprise constant, même le développement démographique. Du point de vue
climatique on entend des thèses contradictoires ; pour certains il y aura des phénomènes de régulation automatique de la nature et le réchauffement actuel peut
provoquer au contraire un refroidissement. Je crois que l'on peut émettre des
hypothèses non catastrophiques malgré toutes ces prévisions. On est toujours
surpris par l'évolution des choses. Et puis il y a la marge de liberté de l'homme
qui intervient dans ce rapport sous la forme de politiques d'adaptation, ça c'est la
liberté de l'homme. Et là- dessus aussi nous avons des surprises. Dans les années
50, qui pensait à la prise de conscience écologique ? Ça n'existait pas ! Ça a été
une révolution, ça a tout bouleversé. Je voudrais revenir sur cette notion qui me
parait ambiguë, comme « s'approprier l'avenir » ou la « normalité rampante ».
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PEUt-On EnCORE ChOiSiR l'AvEniR ?
Mais il y a une chose qui me parait évidente. On a dit « il ne faut pas laisser les
experts décider de notre destin », s'il s'agit de défendre l'homme, s'il s'agit de
défendre un certain nombre de valeurs, c'est le rôle de tous les citoyens de veiller
à l'intérêt général et à la défense d'un certain nombre de principes. Ça ne dépend
pas des experts, les principes et l'humanisme sont fixés aujourd'hui et ce seront
les mêmes demain. Ce qui va changer ce sont les moyens pratiques de les adapter. Les problèmes de bioéthique, on ne les connaissait pas, ça a éclaté parce qu'il
y a des techniques biologiques qui ont émergé et ont mis en question les problèmes de conscience, les problèmes d'éthique. Les experts et ceux qui fabriquent les scénarios nous donnent des possibles mais la situation politique,
l'évolution des circonstances économiques et autres nous ouvrent d'autres possibles, nous avons à faire des choix et ça c'est le travail du citoyen, c'est le travail
de la politique et cela ne variera pas.
Jean-PierreRouzière - C'est en amont qu'il faut agir : si nous attendons que
les experts nous proposent des futurs possibles on revient à la question du participant précédent, à savoir « ils vont choisir pour nous un certain nombre de
choses » (Interruption inaudible). Dans les choix socio-économiques il y a un
certain nombre de valeurs qui ont été choisies. On peut ne pas en être satisfait,
débattre à l'infini pour savoir si ce que l'on nous propose est douteux ou pas, dans
la mesure où il y aura toujours des catastrophistes et des non-catastrophistes.
Hans Jonas a inventé « l'heuristique de la peur ». Il dit carrément que, puisque
nous ne sommes pas capables de dire le bien et le mal à cause d'un relativisme
rampant, il faut inventer une heuristique de la peur, c'est-à-dire quelque chose qui
fasse fonctionner la réflexion des hommes pour construire leur vie à partir de la
peur. Il a inventé non seulement l'heuristique de la peur mais aussi la peur rationnelle c'est-à-dire qu'il faut qu'on imagine la peur. On voit que depuis longtemps
des philosophes se sont posé une question fondamentale : Qu'est-ce qui va décider de notre avenir ? Si on attend, cela signifie que ce sont d'autres qui vont choisir les futurs possibles. On va donc s'adapter aux futurs possibles, c'est ce que
vous dites. La politique d'adaptation ça veut dire qu'avec nos valeurs on va
s'adapter a des futurs possibles qu'on nous aura offerts. Je veux que l'on travaille
en amont.
Un participant - Je voulais ajouter une précision sur les modèles et parler
ensuite des technologies. D'abord un modèle ne représente pas la réalité, le
modèle représente la meilleure connaissance de celui qui a fait le modèle au
moment où il l'a fait. Cette connaissance évolue avec le temps. Les hypothèses
peuvent être teintées soit par de l'idéalisme soit par des méconnaissances. Il se
passe une chose très intéressante, la référence prise est 1990. Depuis il s'est
écoulé quelques années ce qui nous permet d'évaluer le delta de chaque hypothèse par rapport à la réalité d'aujourd'hui, donc il faut identifier les hypothèses
les plus représentatives d'une évolution entre 1990 et aujourd'hui. C'est ce qui
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permettrait de dire que le scénario A1b est plus réaliste que le scénario A2 ou
l'inverse.
Au niveau des technologies, l'évolution des technologies peut engendrer des
changements. Mais cette évolution ne peut être que lente. On voit que les technologies font de très grands progrès au début et convergent de façon asymptotique
pour faire les derniers progrès. Cependant les évolutions technologiques ont un
coût énorme et donc elles ne pourront avoir lieu que si elles ont des drivers économiques forts, donc des législations associées parce les entreprises ne vont pas
investir dans des recherches qui ne rapportent rien. Il faut donc des législations
adaptées pour que les drivers soient là et aient un intérêt à développer les technologies.
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Unparticipant- Vous parlez de modèles comme s'il s'agissait de réalités : je
me rappelle des premiers modèles pour la météo et en 2000 il y a eu la tempête
du siècle qui est passée à travers des modèles, donc le modèle il faut s'en méfier
parce que c'est une projection. C'est pourquoi les modèles sont parfois défaillants. Vous avez dit : l'homme n'est plus la mesure de chaque chose ; mais il n'y à
que Dieu qui peut dire ça. Je me trompe peut-être mais l'homme est toujours la
mesure de chaque chose. Etre la mesure de chaque chose cela veut dire juger
d'après ce que l'on peut juger. Il a été dit que nous sommes surpris par l'évolution
des choses, la personne qui a dit cela supposait que parfois on fait du catastrophisme et que l'évolution des choses est mieux que prévue. Mais elles peuvent
aussi être pire que prévues. Ça me semble un projet démentiel de vouloir penser
mieux que les experts. Pourquoi y a-t-il des experts ? Parce qu'il n'y a pas
quelqu'un qui peut connaître tout ou connaître beaucoup de choses. Plus les
connaissances s'étendent plus il y a d'experts chacun ayant un domaine restreint.
Et que nous, simples citoyens, puissions porter un jugement sur les experts ça me
semble difficile. Pour moi, le danger des experts c'est vrai. Les experts c'est un
peu comme des boites les unes à coté des autres, la bonne solution serait la multidisciplinarité.
Jean-Marie Pillot - Les deux questions sont assez cohérentes mais je voudrais y revenir. Les modèles ne sont pas la réalité, nous sommes d'accord.
Distinguons dans le travail du GIEC les deux aspects qui sont l'aspect climatologique et l'aspect socio-économique. Je vais vous montrer l'évolution, entre les
quatre rapports, de la complexité des modèles climatiques et de ceux là seulement. Les premiers modèles des années 70 étaient très simples, le soleil, la pluie,
le CO2. En 80 on a intégré la réaction de la surface de la terre, on a intégré la
glace. Dans le troisième rapport on intégré les aérosols, le cycle du carbone, etc.
Dans le quatrième rapport de 2007 on a intégré la réaction de la végétation, on a
intégré de la chimie. Au point de vue climatologique on a des choses de plus en
plus précises. Les premiers modèles du GIEC étaient sur des mailles climatiques
de 500 km, le dernier est sur des mailles de 100 km. La partie climato d'un rapport à l'autre s'est améliorée, les modèles se sont précisés, les variations prévues
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pour 2100 sont réduites, le GIEC est de plus en plus affirmatif sur le caractère
anthropique des évolutions climatiques. Par contre, avant ces modèles climatiques, il y a les modèles socio-économiques, les valeurs, les présupposés, globalisation, régionalisation etc. c'est là dedans qu'ils sont. Ils n'ont pas été faits par
un individu mais par des écoles de pensée : il y a six écoles de pensée qui ont
créé ces modèles socio-économiques qui ont été muris, qui s'améliorent. Parmi
les 6 écoles de pensée, deux sont américaines, deux sont japonaises, une est
autrichienne, et la dernière des Pays-Bas. La partie climato s'améliore, même si
on peut toujours la critiquer, ça s'améliore parce que les machines sont plus puissantes, parce que l'on prend des éléments de plus en plus précis.
Jean-Pierre Rouzière - Je voudrais faire un rapprochement entre les deux.
Vous dites : pour qu'il y ait une évolution technologique il faut une volonté politique parce que ça se fait par la législation. Mais s'il y a un dialogue direct entre
les experts et les politiques, les décisions finales nous échapperont. Il ne s'agit
pas de devenir des experts, il s'agit d'utiliser les experts autrement. Que ce soit
les citoyens qui écoutent les experts, qui les invitent à s'expliquer et que cela ne
passe pas par média interposés ou par politiques interposés. Il faut nous approprier la parole des experts et ne pas la laisser à la merci des politiques et des
influences politico-financières
Un participant - Je voudrais dire au sujet du rapport sur le GIEC qu'en ce
qui concerne le désir de prospective qui est l'âme du GREP le sujet est bien
choisi. Parce ce que aussi bien les gens qui sont pour les trois orateurs que ceux
qui contestent d'une certaine manière le rapport à la globalisation ne peuvent
faire l'économie de se poser des questions. Par exemple, quels sont les paradigmes qui fondent la modélisation scientifique ? Il y a des commissions, et le
citoyen peut s'emparer de ça. Deuxièmement quels sont les rapports entre l'expertise, la science, et la politique ? Le citoyen peut s'emparer de ça. Et pourquoi
faut-il que le citoyen s'en empare ? Parce qu'on peut critiquer cet énorme rapport
tissé par 3 000 scientifiques et économistes, c'est autre chose que les visions
réductrices de certains techno-prophètes, par exemple « l'homme symbiotique »
de Joël de Rosnay : voilà une vision prophétique au sens religieux du terme et
c'est quelque chose de grave. Ou des visions qui sont bio-catastrophiques en
disant : tout est foutu, il n'y a rien à faire, le citoyen est parti. Moi j'adhère à la
démarche du trio qui a travaillé, j'espère que l'on pourra prolonger ces demandes
de prospective. Je voudrais dire qu'en ce qui concerne le climat, puisqu'on utilise
beaucoup la métaphore de la pluie, l'expérience prospective ou l'expérience politique c'est un peu comme la pluie ; on est tous également mouillés, mais on n'est
pas tous également instruits de la pluie qui tombe.
Jean-PierreRouzière - C'est vrai qu'il y a un courant nihiliste disant « après
moi le déluge ». Il ne faut pas le négliger.
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Unparticipant- Je rejoins ce que vient de dire le monsieur mais je voudrais
revenir sur les deux flèches opposées de la globalisation et de la régionalisation.
Ce qui me gène le plus c'est le rôle du citoyen. Vous avez dit que la régionalisation est un regroupement sur soi, un renfermement. Et cela ne m'étonne pas, ce
qu'a dit monsieur, par rapport à l'intégrisme musulman ou autre qui en retour
accepte ce renfermement. Je ne dis pas que la globalisation va résoudre, non,
mais qu'il n'y ait pas ce partage. Qu'il y ait des hypothèses de travail ou de scénarios intéressants, mais le citoyen a sa place pour ne pas rester dans ce modèle et
comment combattre ce modèle.
AlainMoultson - Je ne suis pas sûr qu'il n'y ait pas ambiguïté sur le terme
globalisation : aujourd'hui nous sommes clairement dans le A2 parce que la globalisation dont on parle reste très régionalisée. Donc nous ne sommes pas dans la
partie gauche, nous sommes à droite. Le sort des populations africaines ne nous
préoccupe pas beaucoup.
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Un participant - Je vais évoquer cela de manière métaphorique. Avec une
phrase Edmund Hillary qui parlant de l'Everest disait « nous y sommes allés
pour la montagne, nous y sommes restés pour les gens ». Vous nous présentez
une montagne impressionnante et je ferai trois remarques qui sont autant de
voies d'escalade à méditer : la première c'est la notion de solidarité qui se
construit à partir d'intérêts communs, donc il y a une question qui est d'ouvrir
les cadres de nos intérêts communs. La deuxième porte sur le débat que l'on
trouve en sociologie sur le savant, et le politique pourrait nourrir des lectures de
ces scénarios là. Le troisième point c'est une analyse que développait JeanMichel Berthelot qui distingue trois langages dans une recherche, le premier est
l'univers de données qui sont relatives, ensuite les langages d'analyse où il y a
un travail par le milieu des experts et enfin un langage d'exposition qui est une
nouvelle traduction. Cette montagne abrupte, on peut la voir différemment si on
aborde ces différents aspects, et au- dessus de ces trois langages qui passent de
l'un à l'autre il ya des paradigmes ou des interprétations qui peuvent donner des
éléments de critiques. Ce sont peut-être des éléments pour avoir prise pour escalader la montagne.
Jean-Pierre Rouzière - Le terme globalisation n'est pas forcement diabolique. Si c'est une globalisation solidaire, c'est bien ! Et on pourrait aller plus loin,
en ce qui me concerne je parle souvent de « solidarité totale », c'est-à-dire une
solidarité non seulement entre les hommes mais avec les autres vivants.
Unparticipant - je suis candidat pour participer à ce travail. Je ne suis pas
dupe des questions qui ont été posées en ce qui concerne les présupposés idéologiques. Mais c'est la première fois qu'au GREP on commence par un travail de
formation. Pour amorcer ce travail des liaisons entre prospective et citoyenneté il
a fallu faire un travail d'explication préalable. Je trouve cette démarche très positive parce qu'il s'agit d'une nouvelle façon de penser notre programmation.
PARCOURS 2007-2008
PEUt-On EnCORE ChOiSiR l'AvEniR ?
Unparticipant- Au-delà du débat sur le GIEC, je reviens à la question : que
faire en tant que citoyen ? Je suis pour mettre mon nom sur la liste proposée par
Jean-Pierre Rouzière. Tout à l'heure j'étais à la librairie Ombres Blanches qui
recevait Paola Bassani. Bassani était un romancier et Paola nous a expliqué que
Bassani et Antonioni ont monté un groupe d'écolos pour défendre les banlieues
de Ferrare, de Bologne, de Rome, de manière à pouvoir s'opposer à des constructions délibérément affreuses et à l'installation de grands supermarchés. C'est un
exemple de comportement citoyen dont on pourrait s'inspirer. Deuxième exemple
on parle beaucoup d'Edgar Morin, vous savez qu'Edgar Morin parle d'une « politique de civilisation », c'est une idée très intéressante ; il est regrettable que
Sarkozy ait adopté ce truc là et parle d'Edgar Morin come si c'était sa politique
alors que c'est totalement différent. C'est une démarche pour du mieux être et pas
pour une consommation maximale et donc en tant que citoyen nous devons nous
inspirer de ces choses. Il ne s'agit pas de porter un jugement sur le travail du
GIEC, c'est bien que ce travail soit fait, le problème est comment nous pouvons
apporter quelque chose.
Unparticipant - Je rappelle que le caractère anthropique du réchauffement
climatique est démontré. La méthode des scénarios est manipulable puisqu'elle
s'appuie sur une vision du monde qui n'est pas dite. Ce qui me gène c'est que les
grandes forces qui sont à la source de ces scénarios ne sont pas évoquées. On ne
parle pas du monde de la finance, on ne dit pas non plus que ces grandes forces
ne sont pas stables. Donc l'essentiel est politique. Ce qui est démontré c'est que
l'homme a une influence sur le réchauffement climatique, maintenant que faire ?
La méthode des scénarios ne nous aide pas beaucoup. Donc on revient à la question : comment réagir en tant que citoyen ? Politiquement.
Jean-PierreRouzière - Nous avons tenté une expérience, vous n'avez pas eu
devant vous des experts ni des conférenciers de renom, mais je pense que le
débat a été intéressant. S'il y a des gens intéressés pour travailler avec nous pour
mettre en place une structure de réflexion, ils seront les bienvenus.
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le 17 janvier 2008
Quelquesréférences
PARCOURS 2007-2008
AlAin MOUltSOn, JEAn-MARiE PillOt, JEAn-PiERRE ROUzièRE
ANDERS Günther - l'obsolescence de l'homme (1956)
JONAS Hans - le principe responsabilité (1979)
DIAMOND Jared - l'effondrement (2006)
DAHAN DALMEDICO Amy - les modèles du futur (2007)
DUPUY Jean-Pierre - Pour un catastrophisme éclairé (2002)
Objectif Terre 2050 (Janv 2008) (La Recherche)
Climat, le dossier vérité (2007) (Science & Vie, Hors-Série)
DUPONT Yves - le dictionnaire des risques (2004)
ALLEGRE Claude - Ma vérité sur la planète (2007)
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Glossaire : http://www.ipcc.ch/pub/syrglossfrench.pdf
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http://www.effet-de-serre.gouv.fr:80/la_synthese_des_rapports_du__giec
Débat : http://www.climat-sceptique.com/
PARCOURS 2007-2008
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