notion de progrès pour permettre un développement soutenable

Correspondance : Marcel Laurent 64, bd Saint Germain 75005 Paris - FRANCE
+336 71 11 82 96 - Marcel.l.lauren[email protected]
« COMMENT REVOIR LA NOTION DE PROGRÈS POUR
PERMETTRE UN DÉVELOPPEMENT SOUTENABLE, SOCIAL ET
SOLIDAIRE
Contribution de la G :.L :C :.S :. pour le rapport ECOSOC
Conformément aux décisions de l’A.G. du CLIPSAS du 31 mai 2014
«Quelques siècles de révolutions industrielles ont suffi à l’humanité pour atteindre
la possibilité de se saborder elle-même, entrainant dans le naufrage une fraction
importante de la faune et de la flore» Hubert Reeves, astrophysicien français
Serions-nous partis, dès le départ, sur une fausse route ?
Au début du XVIIème siècle la notion de progrès fait surface, et le philosophe anglais Francis
Bacon, dans son livre Du progrès et de la promotion des savoirs, ouvre le chemin de notre
conception dite « moderne » du progrès la définissant comme un accroissement sans fin du savoir et
surtout comme une augmentation du pouvoir de l’homme sur la nature impliquant une marche vers
le bonheur.
En France, à la même période, et comme en écho, le physicien et philosophe René Descartes, dans
son Discours de la méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences
écrit : « […] au lieu de cette philosophie spéculative, qu’on enseigne dans les écoles, on en peut
trouver une pratique, par laquelle connaissant la force et les actions du feu, de l’eau, de l’air, des
astres, des cieux et de tous les autres corps qui nous environnent, […] nous les pourrions employer
[…] à tous les usages auxquels ils sont propres, et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs
de la nature. »
Depuis, un ensemble de philosophes et d’économistes n’a cessé de renouveler le sens qu’il nous
faut entendre dans la notion de progrès, et toujours avec cette appréciation de base qu’est le pouvoir
de l’homme sur la nature.
Et même au XIIIème siècle, pour les philosophes des Lumières, ce but poursuivi était la liberté
individuelle, obtenu par et pour une œuvre collective.
Il faut arriver au XIXème siècle, avec l’économiste Pierre-Joseph Proudhon, dans Philosophie du
Progrès, pour lire que : « La notion de Progrès, portée par toutes les sphères de la conscience et de
l’entendement, devenue la base de la raison pratique et de la raison spéculative, doit renouveler le
système entier des connaissances humaines, purger l’esprit de ses derniers préjugés, remplacer
dans les relations sociales les constitutions et les catéchismes, apprendre à l’homme tout ce qu’il
peut légitimement croire, faire, espérer et craindre : la valeur de ses idées, la définition de ses
droits, la règle de ses actions, le but de son existence. »
Dans cette période naissante de l’ère industrielle, Emile Zola, écrivain et journaliste français, écrit
en 1860 à son ami et scientifique français Jean-Baptiste Baille que ce qui est caractéristique de leur
temps, « c’est cette fougue, cette activité dévorante ; activité dans les sciences, activité dans le
commerce, dans les arts, partout : les chemins de fer, l’électricité appliquée à la télégraphie, la
vapeur faisant mouvoir les navires, l’aérostat s’élevant dans les airs. […] Le monde se précipite
donc dans un sentier de l’avenir, courant et pressé de voir ce qui l’attend au bout de sa course. »
Maintenant, nous savons ce qu’il y a au bout de la conjugaison de tous ces facteurs !
Et le notamment poète français Jean Cocteau (1889-1963) l’avait, à sa manière, pressenti et évoqué,
en écrivant « Il est possible que ce que nous appelons le progrès soit le développement d'une
erreur ! »
Le produit de l’industrie est omniprésent dans notre vie quotidienne. Il participe à des rituels
culturels, il conditionne notre vie et notre rapport au monde. La société de consommation est
devenue notre quotidien, une culture de masse. Le XIXe siècle vit donc l’émergence de la
mécanisation, de nouvelles énergies comme la vapeur, l’électricité et l’énergie fossile : ce fut le
début de la révolution industrielle. Puis, le monde du travail changea par la spécialisation des
tâches, de nouvelles infrastructures, tels les réseaux ferroviaires, se mirent en place, et l'activité de
production, dans les usines, accéléra, la distribution se concentra avec les grands magasins au
détriment des commerces de proximité. De nouvelles classes sociales comme la bourgeoisie
d'affaires, la classe ouvrière et les classes moyennes émergèrent, et de ces faits les modes de vie,
devenus urbains, se transformèrent. La révolution industrielle devint le modèle du bonheur, basé sur
la consommation, voire la surconsommation. La notion de confort fut liée à cette capacité d’acheter,
d’amasser, de posséder, concepts qui perdurent encore aujourd’hui.
Un modèle à bout de souffle
Pour de nombreux économistes, le modèle de développement industriel n'est pas viable ou
soutenable sur le plan environnemental, car il ne permet pas un «développement» qui puisse durer.
L’impact écologique des activités des pays les plus développés (États-Unis, Europe occidentale,
Chine …) dépasse largement la capacité biologique de la Terre à renouveler les ressources. Il est
dès lors évident que le modèle occidental de développement, hérité de la révolution industrielle,
n'est pas généralisable tel quel à l'ensemble de la planète.
Cet état de fait doit amener une révision nécessaire des modèles utilisés jusqu'à présent,
notamment en Occident, dans un certain nombre de domaines.
En 1972, le rapport Meadows, produit par le Club de Rome, prévoyait une chute brutale des
populations causée par la pollution, l'appauvrissement des sols cultivables et la raréfaction des
énergies fossiles. Or, la démographie n’a cessé de croître.
La croissance de la population mondiale combinée à la généralisation du modèle
consumériste occidental et l'urbanisation galopante semblent incompatibles avec un
développement soutenable. Plus nous stimulons la demande par la publicité, plus nous produisons
pour répondre à cette demande en perpétuelle augmentation et plus nous négligeons la qualité au
profit de la quantité, ce qui n’est un bienfait ni pour le bien-être individuel ni pour le progrès de
manière générale. Le passage à l’automatisation et à la mécanisation s’est accompli au détriment de
l’humain. L’ère industrielle doit être repensée. La croissance économique apparaît ainsi dans
certains cas comme déconnectée, voire opposée aux objectifs du développement durable. Le progrès
ne serait cependant pas de la stopper mais de développer d’autres facteurs de croissance comme
celui lié à l’économie verte.
Face à l’ampleur des défis à relever, il est tentant de s’en remettre aux progrès
technologiques pour nous sortir de l’ornière. Or, le paradoxe de Jevons (dû à l’économiste
britannique du même nom), nous explique qu'à mesure que la technologie améliore l'efficacité avec
laquelle une ressource est employée, la consommation totale de cette ressource tend à augmenter
plutôt qu’à diminuer, via la baisse des coûts. Ainsi, l'introduction de technologies plus efficaces en
matière de consommation d’énergie pourrait paradoxalement augmenter la consommation
énergétique globale.
Le progrès technique sera donc probablement incapable à lui seul de résoudre la crise systémique à
laquelle nous devons faire face. C’est un véritable changement de civilisation qui s’impose.
Vers la troisième révolution industrielle et l’économie de l’immatériel
Le progrès n’est donc plus dans la production et uniquement la production - nous avons
atteint les limites de ce système productiviste. Il consiste à produire bien, plus sainement, plus
écologiquement. Le progrès technique n’est pas nuisible en soi à partir du moment il permettra
un développement plus intelligent, plus respectueux de l’environnement, des équilibres et de la
biodiversité. Cela requiert des techniques nouvelles. Développer les systèmes d’exploitation des
énergies renouvelables tels par exemple que les énergies solaire, éolienne, photovoltaïque,
géothermique, hydraulique, marémotrice et maréthermique… permettrait, par ailleurs, d’apporter un
certain confort là où il n’existe pas encore. De son côté, Paul Romer, économiste américain,
démontre comment la recherche et développement permet l'apparition de nouvelles catégories. Le
recyclage est susceptible d’être créateur de nouvelles filières commerciales, mais c’est un domaine
qui reste encore trop marginal.
Retrouver un lien fort avec notre environnement, avec ce qui nous fait vivre, ce qui n’est pas
consommable et n’a pas de limite dans le temps, doit devenir le nouvel objectif à atteindre. Les pays
développés ont pris conscience depuis les chocs pétroliers de 1973 et 1979 que leur prospérité
matérielle était basée sur l'utilisation intensive de ressources naturelles finies, et que par conséquent,
outre l'économique et le social, un troisième aspect avait été négligé : l’environnement !
Il nous faut tenir compte de ce que les écosystèmes peuvent supporter, notamment en termes
de ponction annuelle de ressources naturelles par rapport au capital naturel disponible, et de
déchets. L'Union européenne, par exemple, doit pour cela promouvoir les marchés publics
écologiques, définir avec les parties concernées des objectifs de performance environnementale et
sociale des produits, accroître la diffusion des innovations environnementales et des techniques
écologiques… De plus, le nucléaire est trop centralisé, inutilement coûteux et dangereux, alors que
les technologies modernes de stockage d'énergie et de commutation intelligente permettent déjà la
réalisation d'une production distribuée d'énergies renouvelables, même avec des sources
intermittentes. Les grandes centrales centralisées, éoliennes et solaires incluses, sont nécessaires
dans la phase de transition, mais pourront, selon J. Rifkin, ensuite être remplacée par les bâtiments
et infrastructures qui produiront l'énergie au plus près de son lieu de consommation. Exception,
faite cependant, du réacteur à fusion nucléaire français du site de Cadarache, appelé ITER (énergie
propre et presque infinie), extrêmement coûteux mais offrant une alternative aux centrales
nucléaires actuelles.
Le progrès passe donc par l'émergence d'une troisième révolution industrielle et
économique, fondée sur les énergies vertes et l’immatériel… Elle se distinguerait des secteurs
d'activité classiques de la production et aurait démarré au milieu du XXe siècle avec la convergence
des nouvelles technologies de l'information et de la communication (Internet/satellitaires,
notamment) et des énergies renouvelables.
Elle n’est plus fondée sur la surconsommation mais renoue avec ce qui est essentiel, plus
pérenne et serait susceptible d’apporter le bonheur à plus long terme, d’autant que le bonheur
factice apporté par la consommation exige un renouvellement incessant.
Cette troisième révolution repose, pour J. Rifkin, sur la création conjointe :
d'un système distribué de production et distribution d’énergies renouvelables. Cette énergie
serait produite non plus par de grandes centrales toujours sources de vulnérabilités, de
risques et associées à d’importantes pertes en ligne, mais de manière décentralisée,
distribuée partout un besoin d'usage est géographiquement proche, directement sur les
constructions (toitures, terrasses, murs, vitrages photovoltaïques, murs anti-bruit…) ou via
les fondations (géothermie, puits canadien). Il s’agit donc de produire davantage localement,
selon la formule « agir local, penser global », employée par René Dubos, agronome,
biologiste et écologue français, au sommet sur l'environnement de 1972, et souvent
invoquée dans les problématiques de développement durable ;
d’une capacité à stocker une partie de cette énergie et à la redistribuer de manière
«décentralisée», par l'intermédiaire d’un réseau intelligent de type «smart grid», sans
émissions de gaz à effet de serre.
Si l’intervention des pouvoirs publics sera nécessaire pour mettre en place le système désirable
d’incitations (taxe carbone, subventions aux énergies renouvelables etc.) et investir dans les grandes
infrastructures de l’économie verte de demain (transports en commun écologiques, habitat,
urbanisme etc.), la transition écologique se fera sur un mode essentiellement décentralisé.
La Troisième Révolution Industrielle devrait susciter, toujours selon J. Rifkin, une ère
économique nouvelle qu’il qualifie d'ère du « capitalisme distribué » des millions d'entreprises
existantes et nouvelles ainsi que des propriétaires de logements et véhicules deviendront
collaborativement des acteurs de l'énergie. Cette transition énergétique devrait être source de
millions d’emplois dits « emplois verts », accompagnant une nouvelle révolution technologique, et
augmenter considérablement la productivité, sans les inconvénients qu'elle a générés au XXe siècle,
tout en atténuant la contribution de l'humanité au dérèglement climatique.
L’économiste Jérémy Rifkin constate que certains industriels et économistes se passionnent
pour cette troisième révolution industrielle, car elle leur ouvre aussi de nouveaux marchés, mais que
d'autres la refusent, la freinent ou n'ont pas encore le réflexe de considérer les vrais coûts du
nucléaire et du pétrole. En fait sont-ils prêts à basculer dans la « transition énergétique »? Rifkin
craint que cette transition soit trop lente, par rapport aux risques de crise pétrolière, écologique,
sociale et climatique.
D’après certaines études, les entreprises ont pourtant tout intérêt à créer des produits et des
services responsables, parce qu’il existe une forte demande pour ces produits et parce ce que c'est
rentable. Ces études donnent des pistes pour revoir les modes de production et de communication.
L'entreprise peut dans certains cas y gagner en productivité et fidéliser ses équipes de salariés et ses
clients. Michael Porter, professeur de stratégie d'entreprise à l'Université Harvard et consultant
d'entreprises, affirme aussi que les investissements des entreprises pour la protection de
l’environnement, loin d'être une contrainte et un coût, peuvent apporter des bénéfices par un
changement des modes de production et une meilleure productivité. Cette hypothèse est encore
discutée par les experts. Il est pourtant urgent de demander aux grandes entreprises de s’impliquer
davantage, de faire des propositions concrètes notamment, par exemple, en ce qui concerne des
méthodes de recyclage ou d’économies d’énergie, voire d’économies sur les matières premières,
dans le but de limiter les déchets. Car, en effet, paradoxalement, la surproduction, la surabondance,
nous mènent au gaspillage. Le biomimétisme pourrait permettre de passer d’une économie linéaire
(produire, consommer, jeter) à une économie circulaire (fonctionnant en boucle : tout déchet est
transformé en ressources naturelles recyclées et recyclables à l’infini).
Ce nouveau mode de développement, facteur de croissance économique et d'emplois, serait
une véritable « économie verte », fondée sur l'économie sociale et solidaire, l’écoconception, le
biodégradable, le bio, la dématérialisation, le réemploi-réparation-recyclage, les énergies
renouvelables, le commerce équitable ou la relocalisation.
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