Frédéric Jiguet Benoît Fontaine 100 animaux des montagnes Introduction Introduction La montagne Le bouquetin est une espèce uniquement montagnarde, même si on le trouve en France dès les Préalpes, comme ici dans le Vercors. 8 S’il est aisé de définir ce qu’est une plaine, il peut être plus difficile de caractériser une montagne, ses écosystèmes, la faune et la flore qui l’occupent. Le plus simple est sans doute de se référer à l’altitude, et de considérer que les montagnes s’élèvent au-dessus de 1 000 m, audessus des monts et des piémonts. En fait, en nomenclature géographique, l’étage montagnard commence avec la dominance des conifères dans les forêts, et la présence du sapin notamment. On peut aussi faire référence aux conditions environnementales, et en particulier climatiques. La montagne sera ainsi caractérisée par des reliefs – pentes ensoleillées ou ombragées – et des températures, froides en hiver et 100 animaux des montagnes plus contrastées entre les saisons, des précipitations souvent importantes, avec de la neige en hiver. Si ce type de climat se rencontre en altitude chez nous, on le retrouve jusqu’au bord de la mer à plus haute latitude, dans la taïga et la toundra arctiques et sibériennes. Ainsi, le lagopède alpin vit au-dessus de 2 000 m dans les montagnes françaises, mais il fréquente les bords de mer au Groenland ou en Islande. Ce guide vous propose de découvrir 100 espèces animales typiques de nos montagnes françaises. Nous avons choisi de présenter aussi bien des espèces dont la distribution se limite aux montagnes, voire à une zone géographique précise, que des espèces que l’on peut observer en dehors des montagnes, parfois même dans les zones urbanisées, mais qui sont plus abondantes, donc plus visibles en montagne. Ainsi, les vautours sont typiques des reliefs, alors que le faucon crécerelle est présent sur tout le territoire, mais sera particulièrement remarqué quand il fait le vol en Saint-Esprit au-dessus des alpages. Si la plupart des ouvrages naturalistes de découverte de la montagne se limitent aux animaux les plus connus et les plus grands, notamment les ongulés et les oiseaux, nous avons délibérément choisi d’étendre notre sélection à des espèces plus méconnues, parfois ingrates, que la plupart des randonneurs ne remarquent qu’à peine, et qui pourtant vont se révéler caractéristiques de la montagne. Les mammifères et les oiseaux plus classiques sont complétés par d’autres vertébrés, batraciens, reptiles et poissons, mais aussi par des invertébrés. Au-delà des célèbres papillons et libellules, vous découvrirez des orthoptères (criquets et sauterelles), coléoptères (scarabées et proches), dermaptères (perceoreilles), des araignées, mais aussi des escargots et des limaces que Les escargots représentent une grande part de la biodiversité patrimoniale de nos montagnes, à l’instar de ce maillot sud-alpin Pagodulina austeniana. Plaisir de guetter l’apparition du chamois, de la niverolle ou du gypaète en dominant une nature grandiose ! Introduction 9 vous n’auriez pas soupçonnés… En ouvrant l’œil, en scrutant le ciel ou les pentes du sommet de la montagne jusqu’aux brins d’herbe sous vos pieds, vous pourrez ainsi découvrir un ensemble d’espèces qui forment la communauté animale typique de nos montagnes. Des forêts jusqu’aux altitudes où la neige subsiste en été, chaque étage de la montagne abrite une faune et une flore spécifiques. 10 Les habitats de montagne Dans les montagnes, les principaux habitats caractéristiques sont les forêts froides, les prairies de fauche, les alpages et les neiges éternelles. Ces habitats sont aussi attribués à ce que l’on appelle des étages, qui s’étendent sur une plage altitudinale toujours plus élevée sur les versants ensoleillés – les adrets – que sur les versants ombragés – les ubacs. L’étage montagnard est celui des forêts mixtes, typiquement composées de hêtres, mélangés ou non à différents conifères comme le sapin. La limite inférieure de l’étage montagnard correspond à l’apparition importante de conifères dans les forêts, la limite supérieure correspond à la disparition du hêtre. Les forêts de l’étage suivant, appelé subalpin, sont donc composées d’arbres résineux. L’étage subalpin boisé typique est une sapinière-pessière (sapins et épicéas), mais peut aussi être couvert de pins, le pin à crochets par exemple. Dans le Sud, on trouvera aussi des forêts de mélèzes, un 100 animaux des montagnes résineux qui perd ses aiguilles en hiver. À la limite supérieure de ces forêts, les conifères deviennent plus petits, tordus, rachitiques, et laissent la place à des arbustes, dans un milieu de transition où les aulnes et les saules alternent avec des myrtilles, des rhododendrons et des genévriers. C’est le domaine des tétras forestiers, du pic noir, de la musaraigne alpine. Au-dessus, entre 2 300-2 500 m et 3 000 m, c’est l’étage alpin. Plus de forêt, mais des pelouses plus ou moins rases selon la composition et l’épaisseur du sol, l’exposition au soleil. Ce sont les alpages, sans arbres mais avec quelques arbustes. C’est l’habitat typique du chamois en été, de la marmotte et de la plupart des papillons présentés dans cet ouvrage. À plus basse altitude, dans les zones ouvertes de l’étage subalpin, les prairies en général fauchées ou pâturées près des habitations accueillent aussi une entomofaune de montagne. Enfin, à près de 3 000 m d’altitude, les pelouses des alpages laissent la place aux pierriers et à une végétation rase et éparse, un milieu plus minéral que l’on appelle l’étage nival, là où la neige ne fond pas entièrement en été. La période d’enneigement est plus longue que celle de déneigement. C’est le début de l’étage que l’on appelle aussi celui des neiges éternelles, où vivent des espèces originales adaptées à la neige et au grand froid, comme le campagnol des neiges, le lagopède alpin ou les semi-limaces. Les prairies de montagne sont souvent très fleuries et se révèlent riches en insectes : un paradis pour les naturalistes confirmés… ou en herbe. Vivre en haute montagne Face à la forte saisonnalité du climat en montagne, les animaux se sont adaptés pour se reproduire rapidement durant le court été chaud, et ont développé des stratégies variées pour passer l’hiver. Les batraciens et les reptiles vont hiberner au fond d’un terrier, comme le font les célèbres marmottes. Les ours vont aussi entrer en léthargie, mais se réveilleront plusieurs fois dans l’hiver, sortant même pour s’alimenter. La plupart des insectes passent l’hiver sous forme d’œuf, de larve ou de chrysalide, qui donneront naissance à des adultes au printemps. Parfois, des adultes hibernent à l’abri dans un terrier, un chalet, dans un trou d’arbre. Introduction 11 Les mammifères Chamois Mammifères Rupicapra rupicapra Identification Pelage brun-roux en été, noir en hiver ; tête blanche avec un large bandeau noir latéral. Cornes courtes, fines et avec un crochet terminal, pointe vers l’arrière chez la femelle, vers le bas chez le mâle. Apeuré, émet un chuintement sifflé traînant, qu’il pousse par intermittence entre des courses de fuite. Le chamois est un caprin (famille des chèvres), il mesure environ 1,30 m de long pour 30 à 45 kg, et peut Le pelage hivernal du chamois est noir. 18 100 animaux des montagnes vivre une quinzaine d’années. En été, les femelles forment des hardes avec leurs jeunes de l’année et ceux de l’année précédente, appelés « éterles » (femelle) ou « éterlou » (mâle). Les mâles sont plus solitaires. En automne (octobre), les mâles se rapprochent des troupeaux de femelles, et sont alors très peu farouches. Si, habillé en noir, vous approchez lentement un mâle en rut, il viendra peut-être même vérifier que vous n’êtes pas un concurrent. En été, la robe devient ocre. Habitat et distribution On le rencontre dans toutes les Alpes et jusque dans les Balkans, les Carpates, le Caucase. Il habite les forêts, même en moyenne montagne, et grimpe en altitude jusque dans les alpages, les pierriers, surtout s’il y a des arbustes. En hiver, il peut descendre à plus basse altitude et sort volontiers en dehors de la forêt là où des coulées de neige ont découvert des herbes sèches. Brouteur, il mange de l’herbe, des jeunes pousses d’arbustes, mais aussi des écorces en hiver. Le saviez-vous ? Le chamois est parfois victime d’une maladie contagieuse, la kératoconjonctivite, surtout quand ses densités sont fortes. C’est une infection des yeux qui guérit dans la majorité des cas, mais peut aboutir au percement du globe oculaire. Cette affection rend les individus malades particulièrement vulnérables à la prédation par les chiens errants, le loup, l’aigle royal. L’Isard Rupicapra pyrenaica remplace le chamois dans les Pyrénées et les Cantabriques. Espèce très proche, son plumage est plus roux en été, plus clair en hiver avec une collerette noire, des épaules et une croupe dorées, et des cornes à crochets plus ouverts. Les mammifères 19