Re vu e Flas h N e urol og i e . com 20 1 0 ; 2(9-10) : 255- 8 La maladie de Wilson Wilson disease France Woimant Jean-Marc Trocello Pascal Chaine Pascal Rémy Philippe Chappuis Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. Centre National de Référence Maladie de Wilson, Hôpital Lariboisière, 2 rue Ambroise Paré, 75010 Paris <[email protected]> Pour la pratique on retiendra : La maladie de Wilson est initialement une affection hépatique ; en l’absence de traitement elle devient une affection multi­ systémique, Les formes neurologiques sont toujours associées à une hépatopathie. Typiquement, la céruloplasminémie et la cuprémie sont basses, la cuprurie élevée. La biologie moléculaire confirme le diagnostic dans environ 90 % des cas. Le traitement par chélateurs du cuivre ou sels de zinc est décidé au cas par cas après avis du centre de référence. Sous chélateurs, la cupru­ rie des 24 heures est élevée, sous zinc elle est basse. Le traitement doit être poursuivi à vie. Toute interruption du traitement entraîne une aggravation parfois fulminante de la maladie. Le suivi multidisciplinaire est indispensable afin de dépister une mauvaise observance thérapeutique, des complications (telles un hépatocarcinome) ou des effets secondaires du traitement. L’inclusion dans le registre national pour la maladie de Wilson doit être proposée à tous les patients wilsoniens. Abstract: Mo ts c l é s maladie de Wilson, cuivre, diagnostic, traitement Ke y w o r d s Wilson disease, copper, diagnostic, treatment Wilson disease (WD) is initially an hepatic affection ; in the absence of treatment, it becomes a multisystematic disease. Neuro­ logical forms are always associated with an hepatopathy. Typically, WD is characterised by low serum ceruloplasmin and copper concentrations and increased urinary copper excretion. Molecular biology allows confirming the diagnosis of WD in 90 % of the cases. Treatment with copper chelators or zinc salts is individually decided with the opinion of the Wilson national reference centre. It is monitored by measuring 24 hours urinary copper excretion: high during D-Penicillamine and Trientine therapy, and low during zinc therapy. Treatment must be followed all day life. Any interruption of the treatment will lead to an aggravation, sometimes fulminant t of the disease. Multidisciplinary follow-up is essential to make sure of the observance, the efficiency and the tolerance of the treatment and to detect complications (as hepatocarcinoma). The inclusion in the national register for the Wilson Disease must be proposed to all the patients. Physiopathologie La maladie de Wilson (MW) est liée à une mutation du gène Wilson localisé sur le chromosome 13, gène qui code l’ATPase7B. Cette protéine, transporteuse du cuivre : – favorise l’excrétion du cuivre de l’hépatocyte vers la bile ; – incorpore le cuivre dans plusieurs cuproenzymes dont l’apocéruloplasmine formant la céruloplasmine fonctionnelle (ou holocérulo­plasmine). Au cours de la maladie de Wilson, le déficit fonctionnel en ATP7B ne permet plus l’excrétion du cuivre dans la bile ; celui-ci s’accumule dans le foie, lié aux métallothionéines (protéines de stockage), et sous forme libre. Il n’est plus incorporé dans l’apocéruloplasmine ce qui entraîne une diminution de la concentration de l’holocéruloplasmine sérique et la libération de cuivre sous forme libre et potentiellement toxique dans La maladie de Wilson La maladie de Wilson est une maladie génétique, entraînant une accumulation de cuivre essentiellement dans le foie, le cerveau et l’œil. Cette maladie touche environ 1 000 personnes en France. Autrefois mortelle, elle a DOI : 10.1684/nro.2010.0235 la circulation [2]. La MW est initialement une affection hépatique ; en l’absence de traitement, elle devient une maladie multisystémique, avec une accumulation de cuivre dans de nombreux organes dont le cerveau, l’œil et le rein. Quand évoquer la maladie de Wilson ? Le diagnostic de la maladie de Wilson est souvent difficile, entraînant un retard à la mise en route du traitement [3]. La maladie doit être évoquée devant des anomalies biologiques (cytolyse anémie hémolytique, thrombopénie, baisse du taux de prothrombine), devant une hépatomégalie ou une splénomégalie et devant toute hépatite, insuffisance hépatocellulaire ou cirrhose. Il est classique de rechercher une MW devant des mouvements anormaux, tel un tremblement, un syndrome extrapyramidal ou une dystonie du sujet jeune [4]. Mais il faut savoir que les premiers symptômes sont très souvent une dysarthrie associée à de discrets troubles de la déglutition et à une hypersalivation. Les troubles neuro-psychologiques peuvent précéder l’apparition de mouvements anormaux. Ils associent irritabilité, obsession, désinhibition, troubles mnésiques, attentionnels, de la planification mettant le patient en échec scolaire ou professionnel. La frontière entre ces formes révélées par des troubles cognitivo-comportementaux et les formes neurologie.com | vol. 2 n°9-10 | novembre-décembre 2010 255 psychiatriques reste très imprécise. La maladie peut également comporter de nombreuses autres manifestations : oculaires (anneau de Kayser Fleischer), hématologiques (anémie hémolytique), rénales (lithiase, tubulopathies), ostéo-articulaires, cardiaques et endocriniennes. L’âge des premiers symptômes est très variable, allant de 4 ans pour les formes hépatiques jusqu’à 74 ans pour une forme récemment révélée par un anneau de Kayser Fleischer [5]. Figure 1. IRM cérébrale : séquences FLAIR : hypersignaux Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. Lorsque la maladie de Wilson est évoquée, quels examens demander ? Le bilan cuprique doit associer céruloplasminémie, cuprémie et cuprurie des 24 heures [6]. Typiquement dans la MW, il existe une hypocéruloplasminémie, une hypocuprémie, et une hypercuprurie. Mais : – 5 à 10 % des patients atteints de MW ont une céruloplasminémie normale ou une cuprémie normale voire haute ; – d’autres pathologies que la maladie de Wilson entraînent une baisse de la céruloplasminémie et de la cuprémie [5]. Aussi, la cuprurie des 24 heures est certainement l’examen le plus pertinent ; la majorité des patients ont une cuprurie supérieure à 100 µg/24 heures. Les formes neurologiques sont toujours associées à une hépatopathie ; il s’agit souvent d’une cirrhose compensée, aussi le bilan biologique hépatique peut être normal. Mais les signes d’hypertension portale sont à rechercher : thrombopénie, splénomégalie, varices œsophagiennes. La recherche d’un anneau de Kayser Fleischer nécessite un examen à la lampe à fente : il est dans notre expérience quasi-constamment retrouvé dans les formes neurologiques, avant traitement. L’IRM cérébrale est anormale chez les patients présentant des symptômes neurologiques (figure 1). Elle montre des hypersignaux en flair des noyaux lenticulaires, du mésencéphale, des noyaux dentelés du cervelet et plus rarement de la substance blanche. Le corps calleux est atteint dans presque 25 % des cas [7]. Plus de 400 mutations du gène Wilson sont décrites. D’autres restent à découvrir ; aussi la recherche de mutation par séquençage de l’intégralité de la séquence codante et des jonctions intron-exon du gène permet de confirmer le diagnostic de MW dans environ 90 % des cas. des noyaux gris centraux et du corps calleux du mésencéphale Quelle enquête familiale ? L’enquête familiale est indispensable dans cette maladie autosomique récessive. Il est indispensable de diagnostiquer la maladie dans la fratrie (risque : 25 %) et chez les enfants du patient (risque 0,5 % en l’absence de consanguinité), pour débuter précocement le traitement. Ce dépistage associe examens clinique et biologique. Le bilan cuprique peut être d’interprétation difficile, ne permettant pas toujours de différencier les sujets malades des sujets hétérozygotes. La biologie moléculaire permet rapidement de déterminer le statut de la fratrie : recherche des mutations si celles-ci sont connues chez le probant ou étude des haplotypes. Mais la biologie moléculaire ne permet pas toujours de conclure chez les enfants du probant : la mutation du parent atteint est retrouvée, mais, en cas de seconde mutation transmise par le parent 256 neurologie.com | vol. 2 n°9-10 | novembre-décembre 2010 des noyaux dentelés sain (portage hétérozygote : 1/100), celle-ci peut ne pas être identifiée. Quels traitements instituer ? Le traitement associe [6] : – régime pauvre en cuivre (en évitant le chocolat noir, les fruits secs, les abats, les coquillages et crustacés) ; la prise d’alcool est déconseillée du fait de son hépato-toxicité. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. – et chélateurs du cuivre (D pénicillamine ou Trolovol®, et le triethylénetétramine, TETA, ou Trientine®) ou sels de zinc (Wilzin®). Aucune étude prospective n’a comparé ces traitements entre eux. Il est décidé au cas par cas. L’HAS recommande de prendre l’avis du centre de référence avant de débuter un traitement [1]. Il est conseillé de commencer par une posologie faible et d’augmenter lentement sur quelques semaines les doses. L’amélioration clinique est en général lente, débutant après 3 à 6 mois de traitement. Pour suivre l’évolution des symptômes neurologiques, une échelle neuro­ logique spécifique à la maladie de Wilson est proposée [8]. Les traitements symptomatiques sont associés en cas de décompensation œdémato-ascitique (diurétiques), de varices œsophagiennes (propranolol), d’hypersalivation (anticholinergique), de tremblements (propranolol, anticholinergique) ou de dystonie invalidante (toxine botulique). La prise en charge rééducative est importante et nécessite une approche interdisciplinaire associant neurologue, phoniatre, kinésithérapeute, orthophoniste, neuropsychologue et psychologue pour décider des objectifs de la rééducation et de leurs mises en œuvre. Quelle prise en charge en cas d’aggravation sous traitement ? La prise en charge des patients s’aggravant sous traitement est particulièrement difficile. En début de traitement, on peut observer une aggravation neurologique quel que soit le traitement, mais plus fréquemment sous D-penicillamine (13,9 %) que sous triethylénetétramine (8 %) ou sels de zinc (4,3 %) [9]. Son mécanisme n’est pas parfaitement élucidé ; il s’agirait d’une mobilisation trop rapide et trop importante du cuivre hépatique vers le plasma avec une redistribution préférentielle du cuivre vers le système nerveux. Elle peut, en partie, être prévenue par une institution très progressive du traitement. Elle s’observe également dans les formes rapidement évolutives. La décision de changer de traitement ou d’associer chélateurs et sel de zinc est prise au cas par cas. Dans de rares cas, cette aggravation n’est pas réversible, la maladie continuant à évoluer sous traitement. Après des années de traitement, toute aggravation de la symptomatologie, qu'elle soit neurologique ou hépatique, doit faire évoquer en premier lieu une mauvaise observance du traitement. Ces rechutes peuvent être brutales et gravissimes, la réponse à la reprise du traitement étant parfois médiocre. La transplantation hépatique est le traitement des hépatites aiguës fulminantes et des cirrhoses décompensées ne répondant pas au traitement. Dans les formes neurologiques échappant au traitement médical, elle doit être discutée. L’expérience du centre national Wilson concerne 6 patients dont les symptômes neurologiques s’aggravaient sous traitement médical bien conduit (pour 4 : aggravation initiale et pour 2 : inefficacité de la reprise du traitement médical après interruption) : trois se sont très nettement améliorés après la greffe et sont à nouveau autonomes, 3 sont décédés. La décision de greffe hépatique sur les symptômes neurologiques doit donc être discutée au cas par cas par les experts des centres de référence. Quel suivi ? Le suivi clinique et biologique des patients atteints de maladie de Wilson est particulièrement important, le traitement devant être poursuivi toute la vie. Ce suivi est réalisé, pour les formes neurologiques, par les neurologues libéraux, avec l’appui des équipes multidisciplinaires des centres de référence et/ou de compétences composées de pédiatres, hépatologues et neurologues. Il permet de dépister précocement une mauvaise observance thérapeutique, des complications ou des effets secondaires du traitement. En effet : – les complications du traitement doivent être dépistées précocement. La D pénicillamine peut induire des complications précoces allergiques (rashs cutanés, adénopathies), une protéinurie, une leucopénie, une thrombopénie et plus tardivement des affections auto-immunes (lupus érythémateux disséminé) régressives à l’arrêt du traitement, voire une élastopathie ; – toute interruption du traitement entraîne une aggravation parfois fulminante de la maladie. Le soutien des professionnels et/ou de l’association de patients (B Pépin pour la maladie de Wilson) est souvent nécessaire pour aider à la compliance au traitement ; – la surveillance biologique permet de dépister les problèmes d’observance. La cuprurie des 24 heures est un élément important de la surveillance biologique du patient wilsonien. Sous chélateurs du cuivre, favorisant l’élimination de cuivre dans les urines, la cuprurie augmente. Sous zinc, qui favorise l’élimination de cuivre dans les selles, la cuprurie diminue ; – à plus long terme, ces patients semblent prédisposer à développer des hépatomes ou des cholangiocarcinomes ; ces néoplasies pourraient concerner jusqu’à 15 % des patients suivis plus de 30 ans [10], d’où l’importance du suivi pluridisciplinaire de ces patients. Les particularités de la maladie de Wilson chez la femme Chez la femme, les premiers symptômes de la MW sont fréquemment aménorrhée, dysménorrhée et/ou avortements spontanés [5]. Sous traitement, les grossesses sont possibles. Les traitements par chélateur ou sels de zinc ne doivent pas être arrêtés, mais la posologie est le plus souvent réduite et adaptée à la cuprurie. Il n’y a pas de données dans la littérature sur les risques de l’allaitement sous traitement. Pour mieux connaitre la maladie de Wilson : le registre La constitution de base de données est essentielle pour mieux connaitre les maladies rares et leur évolution. La maladie de Wilson est complexe, avec une importante hétérogénéité phénotypique et génotypique et de grandes variations cliniques au sein d’une même famille. Beaucoup d’interrogations persistent, en particulier sur le plan thérapeutique : – peut-on éviter l’aggravation de début de traitement ? – quel traitement et à quel moment de l’évolution de la maladie ? – peut-on allaiter sous traitement ? – jusqu’où dépléter ? neurologie.com | vol. 2 n°9-10 | novembre-décembre 2010 257 Le registre Wilson France inclut tous les patients suivis en France pour cette pathologie. La participation de l’ensemble des professionnels est indispensable pour obtenir la meilleure exhaustivité possible à ce registre. Les attachés de recherche clinique du CNR Wilson sont à la disposition de tous les professionnels pour inclure les patients (contact : [email protected]). 4. Machado A, Chien H, Deguti MM, Cancado E, Azevedo RS, Scaff M, Barbosa ER. Neurological manifestations in Wilson’s disease: report of 119 cases. Mov Disord 2006 ; 21 : 2192-6. conflits d’intérêts 6. Ala A, Walker AP, Ashkan K, Dooley JS, Schilsky ML. Wilson’s disease. Lancet 2007 ; 369 : 397-408. Aucun Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. Références 1. Trocello JM, Corbillon E, Bourdain F, Xie J, Sobesky R, Woimant F. Maladie de Wilson. Protocole national de diagnostic et de soins. Les points importants pour le neurologue. Pratique Neurologique – FMC 2010 ; 1 : 208-16. 2. Lutsenko S, Barnes NL, Bartee MY, Dmitriev OY. Function and regulation of human copper-transporting ATPases. Physiol Rev 2007 ; 87 : 1011-46. 3. Woimant F, Chaine P, Favrole P, Mikol J, Chappuis P. La maladie de Wilson. Rev Neurol (Paris) 2006 ; 162 : 773-81. 258 neurologie.com | vol. 2 n°9-10 | novembre-décembre 2010 5. Trocello JM, Chappuis P, Chaine P, Rémy P, Debray D, Duclos-Vallée JC, Woimant F. Actualités sur la maladie de Wilson. Presse Med 2009 ; 38 : 1089-98. 7. Trocello JM, Guichard JP, Leyendecker A, Pernon M, Chaine P, El Balkhi S, Poupon J, Chappuis P, Woimant F. Corpus callosum abnormalities in Wilson’s disease. 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