Fluor et autres moyens de Prévention Bucco-dentaire Première partie : le Fluor 1- Généralités : Le fluor est un élément chimique de symbole F et de numéro atomique 9. Il s'agit du premier élément de la famille des halogènes, de masse atomique 19. L'apatite est un nom générique désignant des phosphates hexagonaux de composition assez variable, Ca5(PO4)3(OH,Cl,F). Trois espèces sont reconnues, nommées selon l'anion prévalent : Le Fluorure est le composé binaire du fluor avec un autre élément Chlorapatite Ca5(PO4)3Cl Fluorapatite Ca5(PO4)3F HydroxyapatiteCa5(PO4)3(OH) L'hydroxyapatite est le membre hydroxylé du groupe apatite . L'ion OH- peut être remplacé par le fluor, le chlore ou le carbonate. Les fluorures représentent un moyen efficace de prévention des caries, de limitation de leur développement et de reminéralisation des lésions carieuses dans les stades initiaux. Selon l’état actuel des connaissances, leur administration, à des doses et dans des conditions adaptées à chaque enfant, est considérée comme sans risque au ni niveau bucco-dentaire et pour l’état général de l’enfant. (Soc i é t é F r a n ç a i s e d’Odontologie Pédiatrique (SFOP)) Il existe des sources naturelles de fluorures (eau, viandes animales, végétaux…) et des sources anthropiques (eau du robinet, sels de table, dentifrices, bains de bouche…) Tableau I Réaction chimique de conversion de l’Hydroxyapatite en Fluoroapatite 1 2- Mode d’action du fluor avant et après éruption de la dent : a- Effet du fluor pendant la phase de formation et de maturation pré-éruptive: • Les fluorures agissent essentiellement sur le métabolisme cellulaire des améloblastes sécréteurs. Cette activité est dose-dépendante. Ils agissent sur le métabolisme cellulaire (réticulum endoplasmique, croissance cellulaire, fragmentation de l’ADN) • Les fluorures ont également un effet sur le métabolisme cellulaire des odontoblastes, cellules impliquées dans la formation de la dentine • L’incorporation de fluorures dans la maille apatitique réduit la solubilité du minéral, d’où l’effet protecteur anti-cariogène temporaire. b- Effet du fluor après éruption de la dent • L’émail post-éruptif est exposé au milieu buccal, et les aliments et liquides qui contiennent des glucides sont métabolisés par les bactéries cariogènes par un processus de fermentation. Les acides libérés à la surface de la dent font chuter le pH local et dissolvent les cristaux d’hydroxyapatite, en fonction du pH, du potentiel de chélation et du temps d’attaque. Des remaniements à la surface de l’émail se produisent toujours dans un contexte de phases alternées de déminéralisations brèves et de reminéralisation prolongées (imprégnations salivaires, apports d’ions minéraux, dont les fluorures). Ces formations sont instables dans le temps et l’apport en fluor doit être renouvelé pour apporter des effets bénéfiques en termes de résistance à la carie. 2 • Normalement, le couple déminéralisation-reminéralisation forme une balance équilibrée. • En revanche, chez un patient présentant une activité carieuse élevée (milieux défavorisés, hygiène déficiente et des erreurs alimentaires (grignotages, boissons sucrées), et parents polycariés), la balance penche vers la déminéralisation et les lésions carieuses se développent. • Lorsque les apports topiques fluorés sont réguliers, la salive d’une part, la plaque dentaire et les muqueuses buccales d’autre part se chargent en ions fluorures. Ils constituent alors un véritable réservoir d’ions fluorures à proximité des surfaces amélaires. En résumé : Les fluorures exercent deux types d’effets sur les dents • Ils limitent la déminéralisation et favorisent la reminéralisation: Il a été montré in vitro que de très faibles concentrations de fluor (inférieures à 0,1 ppm) avaient la capacité d’inhiber la progression de lésions carieuses. • Ils inhibent le métabolisme des bactéries cariogènes: Lors de diminutions de pH au sein de la plaque, la sensibilité des bactéries aux fluorures est accrue. Plus le pH extracellulaire est bas, plus les ions fluorures pénètrent facilement dans la cellule. Une fois internalisés, les principales cibles intracellulaires des fluorures sont l’énolase, une enzyme de la glycolyse, et la « pompe à protons ». La tolérance à un environnement acide des bactéries cariogènes est ainsi diminuée. Données actuelles sur les effets du Fluor : • les fluorures auraient une efficacité supérieure lorsqu’ils sont administrés en période post-éruptive (action par voie topique essentiellement) en comparaison avec leurs effets en période pré-éruptive (action par voie systémique essentiellement). • L’efficacité carioprotectrice maximale est obtenue grâce à des apports faibles mais réguliers de fluorures dans la cavité buccale assurant la présence continue d’ions fluorures à la surface de l’émail • Toute forme topique avalée possède un effet systémique et inversement, toute forme systémique possède un effet topique lors de son passage par la cavité buccale et par effet de rémanence via la salive et le fluide gingival. • L’effet protecteur le plus important par voie topique est obtenu sur les dents en stade post-éruptif précoce (pendant l’émergence sur l’arcade et dans les 24 mois suivants). • La dose prophylactique optimale par voie systémique serait de 0,05 mg/kg/24 h, dans les limites de toxicité (Tableau I), sans dépasser 1 mg/24 heures. • Les fluorures administrés par voie systémique sont essentiellement incorporés à l’os. 3 • Les fluorures administrés par voie systémique sont incorporés à l’émail et la dentine en cours de minéralisation. • L’effet protecteur directement lié à l’incorporation de fluorures au stade pré-éruptif est limité. L’UFSBD recommande d’éviter la prescription prénatale de fluor médicamenteux chez la femme enceinte et de ne pas utiliser un dentifrice fluoré avant 3 ans, puis d’utiliser un dentifrice faiblement fluoré pour les enfants de 3 à 6 ans. 3- La supplémentation : Elle est systématique pour les écoliers dans les pays en voie de développement, mais réservée aux enfants présentant un risque carieux élevé dans les pays développés où elle est considérée comme inutile pour les enfants à faible risque carieux. a- Par voie orale (générale ou systèmatique) En comprimés (Fluorure de calcium, fluorure de sodium seul ou associé à de la vitamine D) : 0,25 mg, 0,50 mg, 0,75 mg, 1 mg : Une boîte contient 200 comprimés, soit environ six mois de traitement (pour un comprimé/jour). En gouttes (Fluorure de sodium seul ou associé à de la vitamine D) : 0,0625 mg/ goutte : Un flacon correspond à 360 gouttes » ***La prescription prénatale de fluor médicamenteux chez la femme enceinte est à éviter. 4 b- Par voie topique : • Les topiques Applicables par le patient ou son entourage : - Dentifrices : 250 à 1500 ppm en vente libre/ plus de 1500 ppm sur prescription, - Bains de bouche : concentrations variables, proches de 250 ppm, - Gels : 1 000 à 10 000 ppm. • Les topiques Applicables par des professionnels de santé : - Gels : 20 000 ppm, - Pâtes prophylactiques fluorurées, - Vernis : 1 000 à 22 600 ppm, - Matériaux de dentisterie restauratrice. 4- La Fluorose dentaire La fluorose dentaire est une hypominéralisation de l’émail liée à une incorporation trop importante de fluorures lors de la formation de la couronne. 5 Elle apparaît, classiquement, à partir d’apports journaliers de fluorures de 0,1 mg/kg/24h. Son expression dépend essentiellement de la susceptibilité individuelle, de la dose ingérée, de la durée et de la période d’exposition aux fluorures. Il existe, pour chaque groupe de dents, une période à risque maximal: Pour les incisives centrales maxillaires permanentes, elle est située entre 15 et 30 mois. Les formes cliniques varient de la simple hypominéralisation (taches blanchâtres) à des hypoplasies secondaires. Les dents présentant une fluorose seraient moins susceptibles à la carie, mais cette notion est actuellement discutée 5- Conclusion Place du fluor dans la prévention de la carie dentaire • Quel que soit le niveau de risque carieux de l’enfant, la mesure la plus efficace de prévention des lésions carieuses repose sur un brossage au minimum biquotidien des dents avec un dentifrice fluoré ayant une teneur en fluor adaptée à l’âge. • Chez l’enfant à risque carieux élevé, des thérapeutiques fluorées complémentaires aux mesures d’hygiène bucco-dentaire peuvent être prescrites et/ou appliquées : 6 Deuxième partie :Techniques et matériels d’hygiène bucco-dentaire 1- Motivation à l’hygiène bucco-dentaire : Il faut renseigner le patient sur les maladies parodontales et les caries dentaires provoquées par le manque d’hygiène bucco-dentaire et le motiver quand au contrôle de la plaque bactérienne (biofilm). Il faut lui enseigner l’hygiène buccale, comportant l’utilisation de la brosse à dent et d’autres moyens utiles à l’hygiène interdentaire. 2- Enseignement des méthodes d’hygiène bucco-dentaire : Il est recommandé de modeler une instruction personnelle adaptée aux besoins du patient et à ses capacités. Elle peut-être complétée par des supports visuels variés, mais en comprenant bien que l’impact personnel est plus important que les différents moyens d’enseignement. L’hygiène bucco-dentaire peut commencer par une démonstration de la technique de brossage sur un model coulé en résine avec une brosse à dent ainsi que les différents adjuvants. Ici, c’est le nettoyage des dents qu’on vise, plutôt que l’enseignement d’une quelconque méthode de brossage. Il est à signaler que les nettoyages fréquents des dents au cabinet sont une précieuse approche en dentisterie préventive. 3- Les moyens mécaniques de l’hygiène buccale : a- Le brossage : a-1 Choix d’une bonne brosse à dents : Différentes sortes de brosses à dents, aussi bien manuelles que mécaniques sont proposées sur le marché. Bien qu’il n’existe pas de brosse à dent idéale, l’expérience a montré l’efficacité d’une brosse à dent ayant une tête courte, des poils synthétiques souples à bout arrondi, en touffes relativement denses. Le diamètre des poils ayant entre 0,18 et 0,25mm de diamètre, pour une longueur de10 à 12mm (dépendant de la dureté de la brosse). La force à appliquer aux poils ne doit pas dépasser 300 à 400Grammes. Concernant les brosses à dent électriques, l’expérience a démontré qu’elles ne se sont pas plus efficaces que les manuelles, cependant, pour les handicapés et les personnes dépourvues d’habileté manuelle, elles présentent un certain intérêt. a-2 Enseignement et choix d’une bonne méthode de brossage : En général, la méthode pratiquée par le patient consiste en un mouvement de va et vient horizontal entrainant dans certains cas d’utilisation intempestive, des récessions gingivales et des lésions des collets, d’où l’intérêt d’enseigner une bonne technique de brossage. 7 a -2-1 Le brossage transversal : C’est la méthode plus simple (spontanée), mais nocive et inefficace qu’elle elle n’atteint pas les espaces inter proximaux. Elle est enseignée aux très jeunes enfants pour les habituer à se brosser. a -2-2 Le brossage circulaire : Décrit des cercles du plus grand diamètre possible, les soies étant perpendiculaires aux surfaces gingivo-dentaires. Cette méthode présente les mêmes inconvénients que la précédente. a-2-3 Technique du rouleau ou de rotation : Technique simple et efficace, qui doit être enseignée aux enfants. Placer la brosse parallèlement au plan occlusal, les soies de la brosse sont placés sur la gencive fibreuse aussi loin que possible des surfaces occlusales, en exerçant une pression suffisante pour obtenir un blanchissement de la gencive. Les soies sont dirigées apicalement, et forment un angle de 45° avec l’axe des dents. Avec un mouvement de semi-rotation, en exerçant une pression ferme, la brosse est descendue en direction du plan occlusal. Lorsque les soies passent sur la couronne clinique, elles forment un angle droit avec la surface de l’émail. Ce mouvement est répété huit à douze fois sur chaque segment de l’arcade. Pour le brossage des faces vestibulaires des molaires supérieures, si on est gêné par la sangle jugale pour le passage de la brosse, il est recommandé de déplacer la mandibule du côté brossé, la place sera ainsi faite. Les faces linguales et palatines des incisives et canines seront nettoyées avec le talon de la tête de la brosse tenue dans le plan sagittal. a-2-4 Autres techniques : - Technique de Bass : - Technique de Bass modifiée : - Technique de Stillman : - Technique de Stillman modifiée : - Technique de Charters : a-2-5 Le brossage électrique : Il existe différentes brosses à dents électriques fonctionnant au secteur ou avec batteries, exécutant en général des mouvements oscillants ou vibratoires en tenant fermement le manche 4- Les autres moyens mécaniques : a- Le fil dentaire (soie floche) : 8 Peut-être en soie, en nylon, en polyéthylène ou en téflon, permet le nettoyage des espaces interdentaires étroits, en éliminant les débris alimentaires retenus entre les dents, et dont l’élimination est difficile ou impossible par la brosse à dents. On utilise une longueur d’environ 25 à 40cm dont on enroule chaque extrémité autour de l’index ou du majeur de chaque main. On guide le fil avec les pouces (et les index), et la longueur tendue ne devra pas excéder 2cm. On effectue alors des mouvements de va et vient en raclant les surfaces dentaire tout en veillant à ne pas léser les papilles interdentaires. Le fil dentaire ciré glisse plus facilement dans les espaces inter-dentaires étroits, le fil dentaire non ciré serait plus efficace. Le menthol laisse un goût frais en bouche, le fluor aide à lutter contre les caries en renforçant l'émail. Il faut proscrire l’utilisation de fil de couture ou de pêche qui lèse les papilles. b- Les brossettes interdentaires : Egalement appelées nettoie-pipes, sont utilisées pour les espaces interdentaires largement ouverts. Elles sont essentiellement de forme spirale, souvent à têtes interchangeables. c- Les cure-dents et stimulateurs : Le cure-dent en bois idéal doit avoir une section triangulaire qui épouse la forme de l’espace interdentaire. Ils sont en bois de duretés divers (balsa, bouleau, ébène, tilleul…etc.) D’autres matières existent également, comme le plastic et la plume d’oie. Et lors du nettoyage, il faut éviter le point de contact. d-Les pointes mousses en caoutchouc : Sont de formes variées, et sont utilisées pour stimuler la gencive. e- Les hydropulseurs : Bien qu’il ne peut se substituer au brossage, l’hydropulseur nettoie les espaces interdentaires, massent la gencive, développent la vasodilatation périphérique, et a un effet psychosomatique favorable. 4-2-3- Les moyens chimiques d’hygiène bucco-dentaire : a- Les dentifrices : Les pâtes dentifrices qui contiennent des composants abrasifs améliorent le nettoyage mécanique des dents par la brosse, mais ces abrasifs peuvent aussi rayer la surface dentaire. Certains dentifrices contenant des médicaments et des additifs ont la réputation d’être bénéfiques pour le parodonte. 9 En général, un dentifrice contient une substance abrasive et ou polissante, un humectant, de l’eau, un agent épaississant, un agent moussant et un excipient aromatisé. b- Le sel : Le sel marin est doté de propriétés hygroscopiques. Il stimule la sécrétion des glandes salivaires, il est un agent anti-fermentaire, hémostatique, tonifiant et désodorisant. c- Les bains de bouche et solutions de rinçage : Les bains de bouche peuvent être utilisés en complément du brossage dentaire, surtout, ceux contenant du sel, du fluor ou des agents antibactériens, mais en évitant une utilisation prolongée. d- Le chewing-gum : Il s’agit en fait des pâtes contenant des substances médicamenteuses (sorbitol, déxtranase…) e- Les antibiotiques : L’antibiothérapie peut aider dans la thérapeutique de base, surtout dans le traitement de certaines parodontites, ainsi que chez certains patients présentant des tares générales et risquant une surinfection. f- Les révélateurs de plaque : Afin de permettre au patient de savoir si son brossage est efficace, la plaque adhérente aux dents et à la gencive peut-être électivement colorée avec des colorants vitaux ou des colorants visibles sous certaines lumières (ultra-violets). 10 11