
RECHERCHE ET PROSPECTIVE EN ÉDUCATION • RÉFLEXIONS THÉMATIQUES
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commencé à être dénis du point de vue des marchés, si bien que certains économistes comme Stiglitz (2002) en sont venus
à parler de «fondamentalisme de marché». À diérents égards, les postulats sur lesquels s’appuie ce fondamentalisme ont
légitimé les idées du libre-échange, favorisé de nouvelles façon de penser et d’organiser le travail et les relations de travail, et
privatisé des biens et des services autrefois considérés comme publics. Ils ont également validé les grands principes sur lesquels
les organisations internationales fondent leur action, permettant ainsi à ces dernières de promouvoir les idéologies de marché
plus largement et avec plus de conviction. Ils ont aussi encouragé de manière croissante des pays se considérant comme
socialistes, tels la Chine et le Vietnam, à adopter de nombreuses idées et pratiques du marché.
Les idéologies de marché se sont, semble-t-il, profondément enracinées dans notre conscience collective. Cela a conduit
un certain nombre de théoriciens à armer que la mondialisation est un phénomène largement économique, englobant
également un ensemble de processus sociaux qui suppose «l’inexorable intégration des marchés, des États-Nations et des
technologies à un degré jamais atteint auparavant, qui permet aux individus, aux entreprises et aux États-Nations d’étendre
leur portée tout autour du monde, plus loin, plus vite, plus résolument et à un moindre coût» (Friedman, 1999). L’expression
d’intégration mondiale est devenue universelle. Elle évoque un monde dans lequel les frontières nationales sont poreuses
et ne doivent pas faire obstacle à l’extension à l’échelle mondiale de l’accumulation de capital. L’activité économique doit
être débarrassée des barrières commerciales et des contraintes bureaucratiques imposées à l’échelon national. Même si cet
état d’esprit ne jouit plus d’une popularité aussi élevée qu’auparavant, l’idée d’échanges sans entrave à travers les frontières
nationales demeure le principe fondamental à partir duquel de nombreux responsables politiques cherchent à dénir les
formes appropriées des congurations économiques mondiales. L’«économie globale», un concept désormais largement
répandu dans notre lexique, se dénit comme fondée sur l’information et le savoir, post-industrielle et axée sur les services, et
bien entendu organisée en réseau à l’échelle mondiale (Castells, 2000).
L’idée d’économie globale appelle une nouvelle conception de la gouvernance, qui reconsidèrerait totalement les rôles et
les responsabilités des gouvernements nationaux, réduirait au minimum la nécessité de l’intervention des pouvoirs publics
et reposerait davantage sur les marchés. Elle suggère que les anciennes structures publiques bureaucratiques centralisées
sont trop lentes, inecaces et ne savent plus répondre aux nouveaux besoins du capital transnational, et que les formes
décentralisées de gouvernance sont plus compatibles avec les demandes de l’économie globale. Les discours en vogue
autour de l’économie globale tendent à montrer que celle-ci a également changé la nature de l’emploi, le rendant précaire,
temporaire et «exible», et nécessitant de nouvelles compétences et attitudes. Les rigidités du fordisme, qui privilégiaient
la standardisation, la production de masse et la prévisibilité des chaînes d’approvisionnement, ont été remplacées par
un nouveau modèle d’organisation post-fordiste reposant sur des formes d’administration verticalement intégrées et
des systèmes de livraison à ux tendus en vue de répondre aux besoins d’un marché mondial extrêmement sélectif.
Lesprocessus de production de plus en plus globaux laissent penser qu’il est désormais possible de travailler au sein d’équipes
transnationales, en mettant à prot le décalage horaire et les modes de consommation mondiaux liés à la diversité des goûts
et des préférences culturelles.
Tout cela a créé les conditions favorables à des interactions culturelles de plus en plus nombreuses entre les communautés
nationales et ethniques. Sans surprise, la mondialisation s’accompagne désormais de niveaux de mobilité de plus en plus élevés,
non seulement des capitaux, des nances, des biens et des services, mais aussi des personnes. Ces personnes traversent les
frontières nationales pour une multitude de raisons parmi lesquelles les migrations, l’accueil en tant que réfugié, le commerce
et les aaires, les perspectives d’emploi, le tourisme, la présence à des conventions et des conférences internationales, et
l’éducation. Ces niveaux de mobilité sans précédent sont à la fois la manifestation et le résultat des modes de fonctionnement
des systèmes économiques et politiques mondiaux (Urry, 2007). Ils reposent largement sur l’apparition de nouveaux goûts
culturels et modes de consommation, qui donnent lieu à des ux nanciers plus importants. La mobilité mondiale pour l’emploi
est aujourd’hui extrêmement valorisée par les capitaux mondiaux pour sa capacité à assurer une plus grande productivité
économique en faisant circuler les compétences les plus demandées et des ressources humaines abordables.
Autour de ces idées, de ces pratiques et de ces retombées de la mondialisation, il existe un discours populaire, qui englobe
toute une série d’idées relativement éloignées concernant de nouvelles formes de gouvernance politico-économique fondées
sur le développement des relations de marché. Le néolibéralisme ache une préférence pour une puissance étatique minimale,
s’attache à promouvoir les valeurs fondamentales de la concurrence, de la rentabilité économique et du choix, à déréguler
et à privatiser les fonctions de l’État. Comme l’arment Peck et Tickle (2002), le néolibéralisme favorise, et dans une certaine
mesure normalise, une approche des politiques fondée sur la croissance avant tout, faisant passer la protection sociale au
second plan. Il repose sur une adhésion généralisée à la logique du marché, souvent justiée en invoquant la rentabilité, voire la
«liberté», la «justice» et «l’équité». Il défend une idéologie du choix et privilégie le désengagement de l’État, la privatisation, la