DOSSIER Les pertes fœtales précoces Étude de la fragmentation de l’ADN spermatique et des aneuploïdies spermatiques en cas de fausses couches à répétition Sperm DNA damage and aneuploidy studies in recurrent pregnancy loss P. Clément*, I. Hammoud**, D. Molina Gomes**, M. Albert**, J. Selva**, F. Vialard** E * Laboratoire Clément, 8, avenue HenriBarbusse, 93110 Le Blanc-Mesnil et 17, avenue d’Eylau, 75116 Paris. ** Laboratoire de biologie de la reproduction, cytogénétique et génétique médicale, CHI Poissy-Saint-Germain, 10, rue du Champ-Gaillard, 78303 Poissy Cedex. EA2343, université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, 78000 Versailles. n cas de fausses couches (FC) à répétition, les causes génétiques féminines d’infertilité sont plus fréquentes en raison principalement des aneuploïdies ovocytaires. Or, il existe également des causes génétiques masculines qui peuvent être regroupés en deux grands types d’anomalies. ➤➤ Les aneuploïdies spermatiques, avec les anomalies de nombre des chromosomes et les anomalies de structure des chromosomes. Si les premières sont souvent de novo, les secondes peuvent être soit de novo, soit, le plus souvent, due à une anomalie cytogénétique constitutionnelle de l’individu. Il est aujourd’hui admis qu’environ 10 % des spermatozoïdes de sujets normaux sont porteurs d’anomalies chromosomiques (réparties en 3 % d’anomalies numériques et 7 % d’anomalies de structure) et la répartition des aneuploïdies reste homogène parmi tous les chromosomes (1). ➤➤ Les altérations de la structure de l’ADN, avec un ADN fragmenté ou mal “empaqueté” conduisant à une absence d’expression dans les premiers stades de développement ou à des fausses couches spontanées (FCS) à plus long terme. L’objectif de cette revue est de faire le point sur les connaissances actuelles, et des résultats préliminaires obtenus par le GEMA (Groupe d’étude des maladies abortives) pour connaître les étiologies des FCS à répétition. 28 | La Lettre du Gynécologue • n° 347 - décembre 2009 Aneuploïdies spermatiques Les taux d’aneuploïdies spermatiques restent bien inférieurs à ceux observés lors de l’ovogenèse. Néanmoins, il existe différentes catégories de patients où ces taux augmentent : les patients ayant une altération de la spermatogenèse et un caryotype normal et les patients porteurs d’un remaniement chromosomique. Patients à caryotype normal Les patients à caryotype normal et ayant une altération de la spermatogenèse sont connus comme étant des patients à risque d’aneuploïdie fœtale augmenté (2). Cette augmentation est due à une incidence des aneuploïdies spermatiques plus élevée chez les patients infertiles que chez les sujets fertiles. Selon les études, le taux d’aneuploïdie varie chez les patients infertiles de 33 à 74 % contre une variation de 4 à 8 % chez des patients témoins fertiles et normospermiques (3). De plus, certaines anomalies morphologiques spermatiques, comme la macrocéphalie, sont reconnues comme étant associées à un haut risque d’anomalies chromosomiques, y compris pour les spermatozoïdes non macrocéphales (4). Résumé Mots-clés L’étude génétique des spermatozoïdes des patients dont le couple présente des fausses couches à répétition consiste en l’étude des aneuploïdies et de la fragmentation de l’ADN. À coté des patients porteurs d’une anomalie chromosomique et dont l’étude de la ségrégation des spermatozoïdes doit être évaluée, on observe une légère augmentation des taux d’aneuploïdies des spermatozoïdes et de la fragmentation de l’ADN. Ces augmentations sont particulièrement importantes pour certains patients qui doivent être identifiés. Enfin, l’augmentation de la fragmentation de l’ADN pourrait être corrélée à des anomalies morphologiques identifiables en observant les spermatozoïdes à un très fort grossissement. Sperm-FISH Fragmentation de l’ADN Translocation Ségrégation MSOME Dans le protocole GEMA, il a été décidé d’étudier systématiquement les caractéristiques spermatiques mais aussi les taux d’aneuploïdies pour savoir si les patients de couple ayant des FCS à répétition et un caryotype normal n’étaient pas une population à risque d’une augmentation du taux d’aneuploïdie spermatique. Pour cela, nous avons utilisé la technique d’hybridation fluorescente in situ sur sperme (sperm-FISH), avec l’utilisation de sondes fluorescentes, méthode de choix pour l’étude et l’évaluation des aneuploïdies dans le sperme humain. Actuellement, nous avons pu analyser le sperme de plus de 80 patients. Les premiers résultats, en analysant les chromosomes X, Y et 18, semblent montrer une augmentation du taux d’aneuploïdie des spermatozoïdes (p < 0,0005) chez ces patients avec un taux d’anomalies spermatiques pour les chromosomes analysés à 0,9 % par rapport à une population de patients témoins normospermiques (n = 11) ayant eu au moins une grossesse évolutive et où ce taux est de 0,6 %. En revanche, si l’on considère que le taux de 1 % (en analysant les X, Y et 18) constitue la limite au-delà de laquelle un patient présente une augmentation du risque d’aneuploïdie spermatique, la proportion d’individus ayant plus de 1 % de spermatozoïdes aneuploïdes est de 18 % chez les témoins et de 26 % chez les patients ayant des FCS (différence non significative). On observe par ailleurs 5 % de patients ayant plus de 2 % de spermatozoïdes aneuploïdes, situation jamais retrouvée pour les patients témoins. L’étude de la ségrégation des chromosomes réalisée sur les spermatozoïdes permet d’apprécier l’incidence des déséquilibres chromosomiques et, en fonction de la taille des fragments impliqués dans le remaniement chromosomique, d’évaluer les risques d’échec d’implantation, de FC précoce ou de naissance d’un enfant présentant un déséquilibre chromosomique, en sachant que plus le remaniement concerne des fragments de petite taille, plus le risque augmente. Classiquement, on distingue trois grands types de remaniements chromosomiques : – les translocations réciproques ; – les translocations robertsoniennes ; – les inversions péri- ou paracentriques. ◆◆ Translocations réciproques L’étude de la ségrégation des spermatozoïdes humains est désormais réalisée par la technique sperm-FISH, à l’aide de trois sondes : une ou deux sondes centromériques et une ou deux sondes télomériques (figures 2 et 3). Le taux de déséquilibre varie, selon le type de translocations, entre 18,6 % (14) et 93,4 % (3,48), avec, en moyenne sur l’ensemble des translocations analysées, un taux proche de 50 %. Actuellement, dans notre population de patients GEMA, les taux d’aneuploïdies sont comparables avec une moyenne également proche de 50 %. Au total, la technique Key messages Spermatozoa genetic study for patient with recurrent miscarriage consists to aneuploidy screening and DNA fragmentation evaluation. For patient heterozygote for a chromosome rearrangement, spermatozoa segregation must be evaluated for genetic counselling. For patient, with normal karyotype, we observe a slight increase of spermatozoa aneuploidy and DNA fragmentation rates, particularly increase for few patients who must be identified. Furthermore, DNA fragmentation rate increase could be correlated to morphological abnormalities identified using the motile sperm organelle morphology examination. Keywords sperm-FISH, DNA fragmentation, translocation, segregation, MSOME. Patients porteurs d’un remaniement chromosomique équilibré (figure 1) Parallèlement, nous avons évalué, chez les patients porteurs d’un remaniement chromosomique (caryotype constitutionnel anormal) dont la conjointe a eu des FCS, le risque de malségrégation chromosomique dans les spermatozoïdes. Ce risque est associé à une augmentation de la probabilité d’avoir un enfant porteur d’un syndrome malformatif avec retard mental et/ou de FCS précoces et/ou d’un arrêt du développement embryonnaire précoce, aboutissant in fine à un certain degré d’hypofertilité pour les couples concernés. Figure 1. Caryotype masculin montrant une translocation équilibrée 46,XY,t(11;22 ; q12;q12). Les dérivés du chromosome 11 (der11) et du chromosome 22 (der22) sont pointés par les flèches. La Lettre du Gynécologue • n° 347 - décembre 2009 | 29 DOSSIER Les pertes fœtales précoces l’incapacité des généticiens à définir actuellement un risque théorique sans avoir recours à la FISH, les résultats entre translocations variant en fonction des segments impliqués. Figure 2. Étude de la ségrégation d’une translocation réciproque par sperm-FISH. sperm-FISH permet d’apprécier les taux de déséquilibre et d’évaluer le risque des grossesses conduisant à un arrêt méiotique. La problématique repose sur ◆◆ Translocations robertsoniennes (figures 4 et 5) Ces translocations, les plus fréquentes dans la population générale (2 ‰), sont dues à un processus de fusion centromérique entre chromosomes acrocentriques (13, 14, 15, 21, 22). À l’inverse des patients porteurs de translocation réciproque, les résultats d’analyse gamétique sont plus homogènes, avec environ 15 % de spermatozoïdes porteurs d’un remaniement chromosomique déséquilibré (5, 6). Ces analyses ont principalement été réalisées chez des patients infertiles (oligospermiques) porteurs de translocations rob(13 ;14) et rob(14 ;21). Le diagnostic de translocation robertsonienne est parfois réalisé de façon fortuite, suite à une étude familiale lors de la découverte de l’anomalie en diagnostic prénatal. Dans ce cas, les patients sont souvent normospermiques et il est possible que les taux de ségrégation varient en fonction de la numération spermatique ou du contexte clinique. De plus, il n’est pas certain que les taux soient identiques pour les autres types de translocations robertsoniennes différentes des rob(13 ;14) et rob(14 ;21). Figure 3. Analyse par FISH des métaphases avec les sondes spécifiques (a) décrites en (h) et avec la sonde de peinture du chromosome 11 (b). Analyse de la ségrégation chromosomique dans les spermatozoïdes par sperm-FISH, avec une ségrégation normale (c : 11/22 ou der11/der22), une ségrégation adjacente 1 (d : der11/22 et e :11/der22), une ségrégation adjacente 2 (f : 11/der11) et une ségrégation 3 : 1 (g : 22). h : schéma montrant la translocation et les sondes spécifiques utilisées pour l’analyse des spermatozoïdes avec en bleu, le centromère du chromosome 11, en rouge, la sonde Tuple1 en 22q11.2 et en vert, la sonde ARSA en 22q13.3 ; en mauve, les fragments transloqués. 30 | La Lettre du Gynécologue • n° 347 - décembre 2009 DOSSIER ◆◆ Inversions Il existe deux types d’inversions, les péricentriques et les paracentriques, selon que les points de cassures sont de part et d’autres du centromères (péricentrique) ou sur un même bras chromosomique (paracentrique). ➤➤ Inversions péricentriques (figures 6 et 7) Les études réalisées sur le sperme de porteurs d’inversions péricentriques font apparaître une grande hétérogénéité dans les pourcentages de déséquilibres méiotiques (de 0 à 37 %). Il semblerait cependant que l’incidence de spermatozoïdes déséquilibrés soit liée à la proportion du segment inversé et de sa taille. Ainsi, le risque devient important si le segment représente plus de 50 % de la taille du chromosome et s’il fait plus de 100 Mb (7, 8). Nous avons montré que l’inversion péricentrique dite classique du chromosomes 2 : inv(2)(p11q13), fréquemment retrouvée dans la population générale, n’était pas associée à un risque accru de FCS et que, dans ce cas, le recours au diagnostic prénatal en cas de grossesse devait être discuté avec les patients de façon des plus rassurante quant au risque de transmission d’un anomalie chromosomique déséquilibrée (9). Figure 4. Étude de la ségrégation d’une translocation robertsonienne par sperm-FISH. Références bibliographiques Figure 5. Analyse par FISH de la ségrégation chromosomique dans les spermatozoïdes d’un patient porteur d’une translocation robertsonienne 45,XY,rob(13 ;14)(q10 ;q10) avec une sonde spécifique pour le chromosome 13 (vert) et une pour le chromosome 14 (rouge). a : spermatozoïde normal ; b : spermatozoïde avec une disomie du chromosome 13 ; c : spermatozoïde avec une nullosomie du chromosome 14 ; d : spermatozoïde avec une nullosomie du chromosome 13 ; e : spermatozoïde avec une disomie du chromosome 14. Figure 6. Schéma des inversions péri- et paracentriques. 1. Pellestor, F. Differential distribution of aneuploidy in human gametes according to their sex. Hum Reprod 1991;6(9):1252-8. 2. Hens L, Bonduelle M, Liebaers I, Devroey P, Van Steirteghem AC. Chromosome aberrations in 500 couples referred for in-vitro fertilization or related fertility treatment. Hum Reprod 1988;3(4):451-7. 3. Pang MG, Hoegerman SF, Cuticchia AJ et al. Detection of aneuploidy for chromosomes 4, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 17, 18, 21, X and Y by fluorescence in-situ hybridization in spermatozoa from Figure 7. Analyse par FISH de la ségrégation chromosomique dans les spermatozoïdes d’un patient porteur d’une inversion péricentrique du chromosome 10 en utilisant les sondes spécifiques du centromère du chromosome 10 (bleu), des extrémités du bras court (vert) et long (rouge) du chromosome 10. a : spermatozoïde normal avec un spot pour chaque sonde ; b : spermatozoïde anormal avec 2 spots verts et sans spot rouge ; c : spermatozoïde anormal avec 2 spots rouges et sans spot vert. La Lettre du Gynécologue • n° 347 - décembre 2009 | 31 DOSSIER Les pertes fœtales précoces Références bibliographiques nine patients with oligoasthenoteratozoospermia undergoing intracytoplasmic sperm injection. Hum Reprod 1999;14(5):1266-73. 4. G u t h a u s e r B , V i a l a rd F, Dakouane M, Izard V, Albert M, Selva J. Chromosomal analysis of spermatozoa with normal-sized heads in two infertile patients w i t h m a c ro c e p h a l i c s p e r m head syndrome. Fertil Steril 2006;85(3):750e5-750e7. 5. Roux C, Tripogney C, Morel F et al. Segregation of chromosomes in sperm of Robertsonian translocation carriers. Cytogenet Genome Res 2005;111(3-4):291-6. 6. Ogur G, Van Assche E, Vegetti W et al. Chromosomal segregation in spermatozoa of 14 Robertsonian translocation carriers. Mol Hum Reprod 2006;12(3):209-15. 7. Anton E, Blanco J, Egozcue J, Vidal F. Sperm studies in heterozygote inversion carriers: a review. Cytogenet Genome Res 2005;111(3-4): 297-304. 8. Morel F, Laudier B, Guérif F et al. Meiotic segregation analysis in spermatozoa of pericentric inversion carriers using fluorescence in-situ hybridization. Hum Reprod 2007;22(1):136-41. 9. Ferfouri F, Clement P, Gomes DM et al. Is classic pericentric inversion of chromosome 2 inv(2)(p11q13) associated with an increased risk of unbalanced chromosomes? Fertil Steril 2009;92(4):1497.e1-4. 10. Bhatt S, Moradkhani K, Mrasek K et al. Breakpoint characterization: a new approach for segregation analysis of paracentric inversion in human sperm. Mol Hum Reprod 2007;13(10):751-6. 11. Lefort G, Blanchet P, Belgrade N et al. Stable dicentric duplicationdeficiency chromosome 14 resulting from crossing-over within a maternal paracentric inversion.” Am J Med Genet 2002;113(4):333-8. 12. Machev N, Gosset P, Warter S, Treger M, Schillinger M, Viville S. Fluorescence in situ hybridization sperm analysis of six translocation carriers provides evidence of an interchromosomal effect. Fertil Steril 2005;84(2):365-73. 13. Pellestor F, Imbert I, Andréo B, Lefort G.Study of the occurrence of interchromosomal effect in spermatozoa of chromosomal rearrangement carriers by fluorescence in-situ hybridization and primed in-situ labelling techniques. Hum Reprod 2001;16(6): 1155-64. 14. Kékesi A, Erdei E, Török M, Drávucz S, Tóth A. Segregation of chromosomes in spermatozoa of four Hungarian translocation ➤➤ Inversions paracentriques Très peu de cas ont été rapportés dans la littérature, mais tous montrent un risque de malségrégation faible, inférieur à 1 % (4, 10). Ces résultats semblent confirmer le caractère anodin de ces remaniements qui pourraient être assimilés à des variants chromosomiques sans risque génétique associé, à l’exception des chromosomes 9, 18 et 14 pour lesquels des chromosomes dicentriques issus d’inversions paracentriques ont été observés à terme (11). Remaniement chromosomique et effet interchromosomique Parallèlement, le potentiel effet interchromosomique (augmentation du risque de malségrégation des chromosomes non impliqués dans la translocation comme le chromosome 21 et les chromosomes sexuels X et Y) a été évalué. Les études sont encore très contradictoires à ce sujet, puisque certains auteurs rapportent l’existence d’un effet interchromosomique pour divers chromosomes (12), alors que pour d’autres il reste purement anecdotique (13, 14). Fragmentation nucléaire spermatique et morphologie spermatique chez les patientes ayant des fausses couches spontanées à répétition Fragmentation de l’ADN Il est certain que la qualité du génome paternel intervient aux différentes étapes de la fécondation et surtout du développement embryonnaire précoce, notamment à partir de l’activation du génome embryonnaire (stade de 8 cellules chez l’être humain correspondant au troisième jour après la fécondation). À ce titre, la qualité de l’ADN du spermatozoïde peut être étudiée et une mesure de la fragmentation de l’ADN, réalisée. Les origines de la fragmentation de l’ADN peuvent être nombreuses. Les origines génétiques sont liées à certaines insuffisances des enzymes de réparation de l’ADN au moment de la spermiogenèse, processus d’augmentation des substances oxydantes liés à l’âge (15), à des processus infectieux et inflammatoires, ou à des facteurs environnementaux (toxiques, hydrocarbures, insecticides, chaleur) 32 | La Lettre du Gynécologue • n° 347 - décembre 2009 [16]. Plusieurs techniques (SCSASperm Chromatin Structure Assay, COMET, TUNEL) sont utilisées pour mesurer la fragmentation de l’ADN spermatique, et il est encore actuellement difficile de fixer réellement une valeur seuil pathologique. Cette valeur est d’autant plus difficile à fixer dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation (AMP) que l’ovocyte contient des enzymes de réparation de l’ADN qui peuvent compenser une fragmentation augmentée. Ces enzymes sont d’autant plus efficaces que les ovocytes sont de bonne qualité et proviennent de femmes plus jeunes. Les résultats de ce test doivent donc être interprétés avec précaution, car il est possible d’obtenir une grossesse évolutive même en cas de fragmentation augmentée de l’ADN spermatique. Ces anomalies d’ADN spermatiques ont probablement aussi des effets à long terme durant la grossesse, à l’origine de FCS. Cela a été confirmé par une métaanalyse (17), incluant 11 études précédentes concernant 1 549 cycles d’AMP, 640 grossesses et 122 FCS. Cette étude conclut à une augmentation des taux de FCS en fécondation in vitro (FIV) avec ou sans microinjection (ICSI), en fonction du taux de fragmentation nucléaire, et à une valeur prédictive de ce test. Dans le cadre de protocole GEMA, nous avons étudié la fragmentation de l’ADN spermatique (technique TUNEL) et les résultats préliminaires semblent montrer, chez ces patients, que les taux de fragmentation sont augmentés par rapport à ceux d’une population témoin. Dans 9 % des cas, le taux est supérieur à 13 % (valeur seuil), alors que dans la population témoin aucun patient n’a un taux supérieur à 10 %. Morphologie spermatique La morphologie spermatique est également un élément à prendre en compte dans le cadre des infertilités et des risques de FCS chez les couples. L’étude généralement réalisée est le spermocytogramme au grossissement 1 000. Différentes études montrent une corrélation entre la morphologie spermatique et la fertilité naturelle (18) ainsi que pour la fertilité en insémination intra-utérine ou en FIV (19). En ce qui concerne la technique de FIV avec ICSI, le choix du spermatozoïde est effectué au grossissement 300, voire 400, et la corrélation avec les taux de FCS est plus contradictoire. En effet, certaines études montrent une corrélation entre les deux (20), en particulier pour les anomalies de l’acrosome, de la chromatine et de la pièce intermédiaire. À l’inverse, d’autres études n’ont pas montré de corrélation (21). m (Lettre) DOSSIER IMSI et FCS Afin d’essayer d’améliorer le choix du spermatozoïde au moment de l’ISCI, il a été mis au point une nouvelle technique d’analyse des spermatozoïdes à un plus fort grossissement (x 6 000 à x 12 000) [22] avec une observation en temps réel (Motile Sperm Organelle Morphology Examination [MSOME]). L’observation des spermatozoïdes à ce grossissement permet de voir des anomalies qui ne pouvaient pas l’être au grossissement 400. La problématique est alors de savoir quelles structures doivent être considérées comme pathogènes et avoir une influence sur le développement embryonnaire. Plusieurs classifications de ces anomalies se mettent actuellement en place dans le but de donner au biologiste des arguments pour choisir le spermatozoïde qui doit être injecté. Parmi les différentes anomalies observées à ce grossissement sur les spermatozoïdes, il semble que la présence de vacuoles au niveau de la tête soit un des éléments les plus péjoratifs, à la fois en termes de nombre de vacuoles et de surfaces occupées par celles-ci (23). Cette technique de choix du “meilleur” spermatozoïde, appelée Intracytoplasmic Morphologically Selected sperm Injection (IMSI) [24], devrait permettre d’améliorer les résultats de l’ICSI, que ce soit pour le développement embryonnaire précoce, pour augmenter les taux de grossesses et diminuer les taux de FCS. Initialement, il a été montré (25) que l’utilisation de l’IMSI permettait une augmentation des taux de grossesse associée à une diminution des taux de FCS, puisque l’utilisation de spermatozoïdes, dits de deuxième choix, affectait les résultats de l’IMSI et augmentait le taux de FCS. Nous avons voulu savoir s’il y a une relation entre la morphologie au fort grossissement du spermatozoïde (notamment la présence de vacuoles) et la fragmentation de son ADN, et voir si les spermatozoïdes présentant le moins d’anomalies au fort grossissement ont un ADN moins fragmenté que les autres. Les résultats préliminaires semblent montrer : – que les “top” spermatozoïdes ont un ADN moins fragmenté ; – que les vacuoles au niveau de la tête spermatique sont associées à une augmentation du taux d’ADN fragmenté ; – que la localisation de la vacuole n’influence pas les taux de fragmentation. Au total, des études complémentaires seront probablement nécessaires afin de confirmer l’intérêt du MSOME pour choisir les spermatozoïdes dont le taux de fragmentation nucléaire est le plus faible. L’IMSI pourrait donc être un apport pour les patients qui présentent un taux augmenté de fragmentation de l’ADN de leurs spermatozoïdes. Il est souhaitable que l’utilisation de l’IMSI soit évaluée chez les patients GEMA ayant un taux élevé de fragmentation d’ADN spermatique dès lors qu’ils ont recours à l’AMP. Conclusion L’examen des caractéristiques spermatiques ne doit plus se résumer au spermocytogramme, même s’il reste l’examen de base de l’exploration. L’étude de la fragmentation de l’ADN spermatique et des aneuploïdies des spermatozoïdes semblent permettre d’individualiser des populations ayant des risques accrus d’anomalies, comme cela a été montré pour les patients en échec d’implantation, échec reproductif situé au moment du développement embryonnaire précoce, ou comme cela semble être le cas pour les patients ayant des FCS à répétition. ■ 2010 Recevez tous nos vœux étoilés pour une excellente année 2010 Claudie Damour -Terrasson et toute son équipe Références bibliographiques carriers. Fertil Steril 2007;88(1): 212.e5-11. 15. Cohen-Bacrie P, Belloc , Ménézo YJ, Clement P, Hamidi J, Benkhalifa M. Correlation between DNA damage and sperm parameters: a prospective study of 1,633 patients. Fertil Steril 2009;91(5):1801-5. 16. Hsu PC, Chen IY, Pan CH et al. Sperm DNA damage correlates with polycyclic aromatic hydrocarbons biomarker in coke-oven workers.” Int Arch Occup Environ Health 2006;79(5):349-56. 17. Zini A, Boman JM , Belzile E, Ciampi A. Sperm DNA damage is associated with an increased risk of pregnancy loss after IVF and ICSI: systematic review and meta-analysis . Hum Reprod 2008;23(12):2663-8. 18. Bartoov B, Eltes F, Pansky M, Lederman H, Caspi E, Soffer Y. Estimating fertility potential via semen analysis data. Hum Reprod 1993;8(1):65-70. 19. Coetzee K, Kruge TF, Lombard CJ. Predictive value of normal sperm morphology: a structured literature review. Hum Reprod Update 1998;4(1):73-82. 20. Chemes EH, Rawe YV. Sperm pathology: a step beyond descriptive morphology. Origin, characterization and fertility potential of abnormal sperm phenotypes in infertile men. 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