eu pipi, etoffe parfumée - Service de la culture et du patrimoine

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‘A’eu pipi, étoffe végétale parfumée
’A’eu pipi, réceptacle végétal parfumé
La fabrication du ‘ahu ‘enata ou de l’étoffe se fait à partir du liber, tissu végétal
constitué de vaisseaux accompagnés de tissu cellulaire spongieux et mou de l’écorce des
racines, des jeunes branches, par lequel circule la sève élaborée du aoà 1, du mei 2, du
Ute 3, du Hihea4 ou du Mati 5. La récolte des écorces est une étape importante pendant
laquelle la phase lunaire est rigoureusement observée afin d’obtenir une étoffe de
qualité. Le troisième jour de la nouvelle lune ou mahina hou a été retenue pour la
cueillette de la racine aérienne de l’aoa et de sa fabrication.
L’étoffe de l’aoà, plus près du tissu de coton par sa souplesse, sera toute indiquée pour
être imprégnée du parfum de plantes odoriférantes, elle devient alors ‘a’eu pipi.
Remplie de fragrances et des influences naturelles réparties dans ses fibres, le tissu
ayant subit ces phénomènes énergisants favorisera un lien harmonieux entre la Plante et
l’Homme. Les femmes de Fatuiva (Marquises) utilisent cette étoffe parfumée comme un
moyen de communication et d’échange, qu’elles portent enroulée autour de leur taille, et
sera utilisée comme réceptacle afin de recueillir la semence fertilisante après l’acte sacré
de la procréation pour assurer leur descendance. Mon amieTahiauuhei Kohueinui m’a
transmise cette connaissance qu’elle a elle-même reçue de ses tantes paternelles, née
dans la vallée de Hanahoua, faisant parti du clan des Evaeva sur le plateau de Manaö.
Les plantes sont de véritables usines végétales qui fabriquent grâce à l’énergie solaire
toutes les molécules organiques qu’elles ont besoin et dont ont besoin tous les autres
êtres vivants. Elles produisent ainsi des essences, des huiles, des résines, des vitamines,
des éléments minéraux …Afin de procéder à l’imrégnation et à l’infiltration de l’étoffe
1
Āoa, tah ‘orā, fr banian, sc ficus prolixa, P. Pétard, Plantes utiles de Polynésie, Edition Haere po no
Tahiti, 1986 p 151 à 153
2
Mei, tah ‘uru, fr arbre à pain, sc artocarpus altilis, P. Pétard, Plantes utiles de Polynésie, Edition Haere
po no Tahiti, 1986 p 141 à 149
3
Ute, tah aute, fr murier à papier, sc broussonetia papyrifera, P. Pétard, Plantes utiles de Polynésie,
Edition Haere po no Tahiti, 1986, p 211
4
Hihea (Fatuiva, marquises), katea, (Nuku hiva, Marquises)
5
tah mati, fr figue des teinturiers, sc ficus tinctoria, P. Pétard, Plantes utiles de Polynésie, Edition Haere
po no Tahiti, 1986 p. 150
Pü nö te Ta’ere e te Faufa’a Tumu
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‘A’eu pipi, étoffe végétale parfumée
par les senteurs, une connaissance des plantes est utile, celles citées ci-dessous sont
celles que l’on peut cultiver dans les jardins, récolter dans les vallées ou près du littoral.
Outils :
- Râpe à bois pour râper le bois de santal
- Râpe à légumes pour râper les rhizomes du safran d’océanie
- Plat en bois pour recueillir le jus de safran
- Panier en niau (feuille de cocotier) tressé pour ramasser les plantes odorantes
- Couteau pour la confection du panier en feuilles de cocotiers tressées
- Ecorces sèches du tronc de bananier
- Fils de fau 6
Récolte des ingrédients :
Avant chaque récolte de plantes, ayons une attitude de respect à leur égard, observons et
protégeons le milieu naturel dans lequel elles poussent
- cueillir la fleur de mine au début de sa floraison
- le hinano est encore au stade ‘opu, il n’est pas complètement ouvert, les bractées
sont alors détachées une à une, essuyées, l’eau de pluie ou de la rosée risque de
les noicir ou de faire virer le parfum, les envelopper dans des feuilles de noni
- Les boutons de tia’e seront cueillis la veille et enveloppés dans des feuilles de
noni afin de mieux concentrer leur parfum avant leur utilisation
- Les jeunes bourgeons (feuilles) de mei’e
- Les jeunes bourgeons (fleurs) de va’ova’o
- Les feuilles de taretare avant la floraison
- Les jeunes feuilles de pa’ahei
- Poudre de bois de santal
- ‘Ena rapé, recueil du liquide colorant
La liste des plantes citée ci après a été consultée dans : Paul Pétard, Plantes utiles de
Polynésie, Edition Haere po no Tahiti, 1986 – Académie Tahitienne, Dictionnaire
Tahitien/Français, Fare Väna’a 1999.
- Mine, tah miri, fr basilic, sc ocimum basilicum, p 267
- Hinano, tah hinano, sc inflorescence mâle du pandanus, sc pandanus tectorius p
81/87
- Tia’e, tah tiare mā’ohi, fr fleur tahitienne, sc gardenia taitensis, p 32
- Puahi, tah ahi, fr santal, sc santalum insulare, p 156/157
- ‘Ena, tah re’a tahiti, fr safran d’océanie, sc curcuma longa, p 120/121
- Mei’e, tah maire vaihi, fr agérate bleue, sc ageratum conyzoides, p 303
- Pa’ahei, tah nahe, sc angiopteris evecta, p 73
- Va’ova’o, tah ’avaro, sc premma tahitensis, p 29
- Taretare, tah taretare, fr fenouil doux, sc foeniculum dulce, Académie
Tahitienne, dictionnaire Tahitien - Français, Fare Vana’a 1999, p 464
- ’Au ’ape, tah rau ‘ape, fr feuille de aracée, sc alocacia macrorrhiza, p 100
- ‘Au a’ehi, tah ni’au, fr feuille de cocotier, sc cocos nucifera, p 89/98
6
Fau, tah pūrau, sc hibiscus tilliaceus, P Pétard, Plantes utiles de Polynésie, Edition Haere po no Tahiti,
1986, p 214
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‘A’eu pipi, étoffe végétale parfumée
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‘Au noni, tah rau noni, sc morinda citrifolia, p 30 et 280
Séchage des ingrédients :
Une fois récoltées, les plantes sont étalées sur un pareu et séchées en un lieu ventilé, en
évitant de les exposer directement au soleil car elles perdraient leur parfum et sentiraient
le roussi.
L’imprégnation des senteurs se déroule en quatre étapes :
a) - Première étape :
- Râper les rhizomes de ‘ena et filtrer le jus dans le plat en bois
- Tremper l’étoffe dans le jus de ‘ena pendant une heure et essorer légèrement
- Sécher l’étoffe sur un fil en un lieu ventilé et à l’ombre
- Râper le bois de santal afin d’obtenir de la poudre
b) - Deuxième étape :
Tressage du puru kokeo, panier de feuilles de cocotier tressées en pointe ou réceptacle
de senteurs :
- Séparer la palme en deux avec un couteau
- Amincir le rachis des deux moitiés de feuilles(une moitié gauche et une moitié
droite)
- Couper quatre fois trois folioles (deux du coté gauche et deux du coté droit) et
les séparer en deux
- Assembler et tresser par le centre les folioles qui dépassent
- Former une pointe avec les folioles et les entrelacer vers le rachis
- Terminer par une tresse de trois
- Lier ensemble les tresses devenues des anses
c) - Troisième étape :
Cette phase est très importante quand à l’imprégnation de l’étoffe avec les parfums
- Etaler un pareu et poser dessus l’étoffe
- Saupoudrer de santal toute la surface de l’étoffe
- Couvrir entièrement l’étoffe de plantes odoriférantes
- Rouler l’étoffe avec les senteurs
- Etaler une feuille de ‘ape
- Poser l’étoffe au centre de la feuille
- Ramener les bords de la feuilles vers le centre
- Ramener la pointe vers le bas
- Epingler avec un koniu, nervure de foliole de cocotier
- Poser le paquet de senteurs dans le puru kokeo
Enfermée dans ce réceptacle, l’étoffe sera imprégnée et inondée du parfum des plantes
odoriférantes pendant trois jours, au bout de ce laps de temps, elles seront renouvellées
autant de fois afin d’obtenir la fragrance souhaitée, désirée et convoitée.
d) - Quatrième étape :
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‘A’eu pipi, étoffe végétale parfumée
Une fois la fragrance souhaitée obtenue, le ‘a’eu pipi est plié et enveloppé avec l’écorce
sèche de tronc de bananier et attaché avec de la ficelle de fau torsadée afin de le
conserver pendant quelques jours.
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Plier l’étoffe parfumée en quatre dans le sens de la largeur
Rouler l’étoffe sur elle-même
Poser l’étoffe roulée au centre de l’écorce de bananier en ayant soin de laisser
quelques centimètres de chaque coté, (ajouter si nécessaire une autre écorce pour
envelopper entièrement l’étoffe roulée)
Ramener vers le centre le dépassement de l’écorce de bananier
Lier le tout avec la ficelle de fau
Cette connaissance ancestrale ayant traversé les générations nous est parvenue jusqu’à
ajourd’hui grâce à la persévérance des femmes de Fatuiva qui continuent de transmettre
cet art du monde végétal, à nos héritiers de demain.
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