Ode à l'arbre,
Patient, présent, il parait écouter le temps passer. Se transformerait-il en messager des
secrets d'antan? On reconnaît égoïstement son importance, bien souvent, quand il nous rend un
fier service. Un jour d'été, sur une place, sans arbre, personne ne bavarderait assis en
terrasse...Ceci est clairement perceptible, mais ce n'est pas là le seul don qu'il prodigue à
l'homme et à la terre.
Par la transpiration et ses retombées, l'arbre est garant de l'humidité atmosphérique, de
fraîcheur, garant d'un climat local et donc le bienvenu au potager. Serait-ce utile d'insister sur ce
premier fournisseur d'oxygène, sur le fait que ses racines stabilisent le sol, évitant le
ravinement? L'arbre, barrière contre le vent prévient de l'érosion, limite la sécheresse. Il façonne
le paysage et protège l'environnement. Il nourrit la terre et renouvelle l'humus. Mésanges,
écureuils, chouettes, musaraignes, insectes, champignons, fourmilières, lichens l'ont élu
demeure de prédilection. L'arbre est le garant de l'équilibre écologique.
Il est une ressource renouvelable mais destructible.
Il produit des aliments pour les hommes et les animaux, grâce au concours de l'air, de la
terre et du soleil : fruits, graines, boissons, drogues, médicaments. «Par les émois de la
gastronomie sylvestre l'arbre communique, par le biais de sa sève, de ses bourgeons ou de ses fruits, un
peu de ses qualités, de sa patience, de son endurance et de sa force.» (Rémi Caritey, Les vertiges de la forêt)
La cellulose est utilisée et se transforme sous la main de l'homme en vannerie, fibres, cordes,
instruments de musique, papier sur lequel nous lisons ces lignes, matériau de construction...
Le bois est une ressource première d'énergie.
Qui ne se laisse pas aller au réconfort en regardant la danse des flammes, et en savourant la
chaleur d'un feu de bois ?
Et puis, il incarne les valeurs sur lesquelles la plupart des civilisations ont fondé leur
spiritualité. Il nous ramène à ce qu'il y a d'originel. Ceci peut-être parce que « la forêt invite au
silence, à la profondeur, à l'espace et nous offre le privilège de la lenteur.» L'homme y trouve la
quiétude, la protection, un refuge et, c'est dans l'imaginaire, une planète à elle seule. Il suffit d'y
pénétrer pour être coupé du monde et s'adapter à de nouveaux codes. L'arbre rassure, il est là
quand on naît et il sera là le jour de notre départ. Un compagnon qui nous accompagne une vie
entière ! Autour de lui la vie bourdonne. Arbre de vie. Premier fournisseur d'humus, il n'y a pas
de sol équilibré sans lui.
Compagnon jusque dans la langue. Le mot silva, en latin, désigne indifféremment la
forêt ou la montagne. Les japonais pour parler de la forêt utilisent souvent le mot montagne.
Dans la même idée, l'idéogramme chinois qui signifie repos est représenté par celui de
l'« arbre », accolé à celui de l'« homme ». Le langage n'est-il pas la retranscription du regard
que l'on pose sur ce qui nous entoure?
Les souvenirs que l'on prête à la forêt remontent à des temps anciens. L'arbre fait partie
de ces premiers êtres qui ont colonisé les terres émergées. « L'arbre reste dans notre inconscient, il
relie le naturel et le spirituel, le visible et l'occulte, l'ombre et la lumière, il est une passerelle entre le
minéral et l'animal, le tellurique et l'atmosphérique, le terrestre et le cosmique, le matériel et le
symbolique, la réalité et l'imaginaire.» (Bruno Sirven)
Dans notre société, toute entière tournée vers le minéral, l'arbre inspire encore une
énergie créatrice. Poètes, musiciens, sculpteurs..., les mots, les notes, les sons sont emplis de la
voix des arbres. Il est associé à ce qui est beau, on le cite pour évoquer l'harmonie.
«J'ai dans le cœur un arbre et les grands airs de Mozart font luire ses feuilles comme sous le sacre d'une pluie
d'été.» (C.Bobin, Mozart et la pluie)
En leçon de sagesse, retenons « qu' une civilisation se développe lorsque les anciens plantent des
arbres, en sachant qu'ils ne se reposeront jamais à leur ombre.» (Andrew Kötting)
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